Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, madame la rapporteure de la commission des affaires étrangères, mesdames et messieurs les députés, je dois d'abord vous présenter les excuses de Jean-Yves Le Drian, retenu par d'autres engagements et que je remplace devant vous ce matin.
La Cour européenne des droits de l'homme a une mission essentielle de défense des valeurs et principes qui fondent notre démocratie. La France est particulièrement attachée au respect des principes garantis par la convention européenne des droits de l'homme, ainsi qu'au rôle indispensable que joue la CEDH à cet égard.
Or celle-ci se trouve confrontée depuis plusieurs années à un risque d'engorgement susceptible de mettre en péril l'exercice de sa mission. Plusieurs réformes sont intervenues pour faire face à ce défi. Le protocole no 16 à la convention est un nouvel instrument qui devrait permettre à la Cour de limiter l'afflux de requêtes en favorisant la mise en oeuvre effective par les juridictions nationales des droits garantis par la convention, conformément au principe de subsidiarité.
En effet, le protocole no 16 instaure un mécanisme permettant aux juridictions nationales suprêmes de saisir la Cour européenne des droits de l'homme pour avis sur des questions d'interprétation de la convention, ce qu'elles ne pouvaient pas faire jusqu'à présent. Véritable instrument du dialogue des juges, le protocole no 16 permettra aux juridictions suprêmes nationales, chargées de veiller à la mise en oeuvre effective des droits consacrés par la convention, de résoudre en amont les difficultés d'interprétation ou d'application des droits et libertés définis par la convention qui pourraient se présenter à elles. À terme, l'objectif poursuivi par l'instauration de ce mécanisme préventif est de réduire le nombre de requêtes portées devant la Cour européenne des droits de l'homme et de limiter le risque de condamnation des États parties.
La procédure consultative prévue par le protocole no 16 s'adresse aux juridictions suprêmes et non aux juridictions du fond, ce qui s'inscrit dans la logique de la convention, qui exige que les voies de recours internes aient été épuisées. Il appartient en effet aux juridictions suprêmes nationales, en application du principe de subsidiarité, de veiller à la bonne application de la convention. Il s'agit d'une simple faculté qui leur sera offerte. Ainsi cette procédure ne saurait en aucun cas être comparée à la procédure de question préjudicielle devant la Cour de justice de l'Union européenne, laquelle est obligatoire pour les juridictions suprêmes.
Ces demandes d'avis seront soumises à un filtre opéré par un collège de la grande chambre de la Cour composé de cinq juges dont le juge national, avant, le cas échéant, d'être examinées par la grande chambre elle-même, formation supérieure de dix-sept juges comprenant là encore le juge national. L'État dont relève la juridiction ayant adressé la demande d'avis pourra, s'il le souhaite, produire des observations devant la grande chambre.
Outre que la procédure d'avis sera optionnelle, le protocole préserve entièrement le pouvoir des juridictions nationales de trancher elles-mêmes le litige puisque l'avis rendu par la Cour n'a pas de caractère contraignant. Ainsi, la ratification de ce protocole par la France s'inscrit dans la continuité des excellentes relations qui lient la France et la Cour européenne des droits de l'homme, et vient consolider le dialogue permanent entre les juridictions françaises et celle-ci.
Le Gouvernement entend désigner le Conseil constitutionnel, le Conseil d'État et la Cour de cassation comme les hautes juridictions françaises habilitées à saisir la Cour. Chacune de ces trois juridictions a en effet exprimé le souhait de pouvoir disposer de cette faculté, qui viendra renforcer le dialogue qu'elles entretiennent d'ores et déjà avec la Cour européenne des droits de l'homme, notamment dans le cadre du réseau des cours suprêmes.
Il est dans l'intérêt commun de l'Europe et de la France de ratifier ce protocole.
C'est l'intérêt de l'Europe parce que la possibilité, pour la Cour européenne des droits de l'homme, de se prononcer en amont sur une affaire devrait permettre de diminuer sa charge de travail, en lui permettant de trancher des questions de principe susceptibles de se poser dans de nombreux litiges. En évitant la multiplication de requêtes portant sur une même question, la Cour pourra ainsi résorber l'arriéré des affaires encore pendantes devant elle, qui se chiffrait à 56 250 au 1er janvier 2018.
C'est aussi l'intérêt de la France car le protocole met à la disposition des plus hautes juridictions françaises un outil supplémentaire leur permettant de s'approprier la convention pour trancher elles-mêmes les litiges qui leur sont soumis. En assurant ainsi une protection encore plus effective des droits de l'homme au niveau national, ce nouvel outil contribuera au renforcement de l'autorité des décisions des juridictions nationales et au renforcement de l'État de droit, tout en assurant une mise en oeuvre plus effective du principe de subsidiarité, qui est au coeur du système conventionnel. Enfin, la mise en oeuvre de la procédure d'avis prévue par le protocole est de nature à préserver la France d'une condamnation par la Cour européenne des droits de l'homme, qui aura pu être évitée en amont.
Telles sont, madame la présidente, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, les principales observations qu'appelle le protocole no 16 à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui fait l'objet du projet de loi qu'il vous est proposé ce matin de ratifier.