Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, permettez-moi avant tout de remercier la commission des affaires étrangères d'avoir choisi l'une des membres de la délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, l'APCE, délégation que je préside, en l'occurrence notre collègue Bérengère Poletti, comme rapporteure sur ce projet de loi important et attendu. Je me réjouis par ailleurs, comme M. Lecoq, que l'examen de ce texte échappe à la procédure simplifiée, car cela nous permet d'avoir des échanges approfondis à son sujet dans l'hémicycle ce matin.
Le protocole no 16 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales vise à instaurer un mécanisme optionnel de consultation de la Cour européenne des droits de l'homme par les plus hautes juridictions nationales de notre pays, à savoir le Conseil constitutionnel, le Conseil d'État et la Cour de cassation. L'idée est de permettre à ces juridictions nationales de solliciter, si elles le souhaitent, l'éclairage de la CEDH sur des questions de principe d'une certaine gravité touchant à l'interprétation des dispositions de la convention du 4 novembre 1950, dans le but d'éviter des recours ultérieurs à Strasbourg.
Ce mécanisme issu des réflexions engagées après les conférences d'Interlaken, en 2010, et de Brighton, en 2012, vise une meilleure prise en considération par nos juridictions des orientations de cette convention européenne, dans l'intérêt même des justiciables français, afin d'éviter autant que possible les condamnations de la France pour manquements aux droits ouverts par ladite convention.
Notre pays est d'ores et déjà exemplaire en matière de contentieux devant la Cour européenne des droits de l'homme. La délégation française a eu l'occasion de se pencher sur cette question avec les responsables de la direction des affaires juridiques et de la sous-direction des droits de l'homme du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, lors d'une audition à l'Assemblée nationale, le 20 décembre dernier. Plus récemment, lors de la dernière session de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, le 23 janvier, nous en avons discuté au siège de la CEDH, avec son Président, M. Guido Raimondi, et le juge français, M. André Potocki.
En 2017, quelque 360 requêtes ont été examinées concernant notre pays, et la Cour n'a conclu à des manquements de la France à la convention que dans six affaires seulement. À titre de comparaison, le nombre de violations par la Russie a avoisiné les 200 condamnations.
Cette vigilance quant au respect de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme constitue, je crois pouvoir le dire, une certaine nouveauté. Dès son élection, le Président de la République a reçu le secrétaire général du Conseil de l'Europe ainsi que le président de la Cour à l'Élysée. Le 31 octobre dernier, il s'est rendu à Strasbourg, où il a prononcé un discours clair sur son soutien et celui de la France au travail de la Cour, sur la portée des décisions de celle-ci et les valeurs qui lient les États membres du Conseil de l'Europe.
Le fait que le présent texte soit inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée constitue un signal supplémentaire de l'attachement de la France à l'oeuvre de la Cour de Strasbourg, l'une des plus anciennes juridictions internationales existantes et la seule présente sur notre territoire. Le protocole no 16, une fois ratifié par la France, permettra d'améliorer encore le respect dans notre pays de tous les droits prévus par la convention européenne, pour le plus grand profit de l'ensemble de nos concitoyens. Cette ratification, souhaitée par les plus hautes juridictions françaises, leur permettra d'être plus efficaces et de résoudre plus rapidement bien des litiges.
Je suis heureuse, pour ma part, de contribuer à cette avancée concrète pour les Français, à cette construction de ce que le Président de la République, dans son discours du 31 octobre dernier devant la Cour, qualifiait de « cercle vertueux qu'au fil des décennies, nous avons construit ensemble » et qui « fait de l'Europe un havre unique pour les droits de l'homme ».
Ainsi, c'est avec conviction mais aussi avec une grande fierté que je voterai en faveur de ce projet de loi, car – je cite encore le Président – « ce serait [… ] une erreur de ne pas parachever cette construction ».