Intervention de Valérie Boyer

Séance en hémicycle du jeudi 15 février 2018 à 9h30
Protocole no 16 à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Boyer :

Quelques exemples : je pourrais vous parler longuement des arrêts du 26 juin 2014 dans lesquels la Cour a considéré que le refus opposé par la France de transcrire les actes de naissance établis à la suite d'une gestation pour autrui à l'étranger était contraire au droit au respect de la vie privée des enfants, ce qui est faux, puisque ces enfants possèdent un état civil. Elle nous encourage ainsi à enrichir le marché des mères porteuses – je rappelle au passage que les tarifs d'une GPA atteignent 30 000 à 170 000 euros selon les pays.

La Cour de Strasbourg a également imposé la présence d'un avocat dès le début de la garde à vue. Si cette mesure constitue une avancée incontestable pour les libertés, elle complique durablement le travail des policiers, déjà surchargés. Elle fait ainsi primer la procédure sur l'efficacité policière.

La Cour favorise également le regroupement familial et empêche les expulsions des étrangers en situation irrégulière, en s'appuyant sur le respect de leur vie privée et familiale.

À l'heure où notre pays reste menacé par le terrorisme, c'est en matière de lutte contre le terrorisme que la jurisprudence de la Cour paraît la plus contestable et contraire aux mesures qui doivent être prises. Ainsi, chacun le sait, la Cour a récemment condamné la France pour avoir renvoyé vers l'Algérie, en février 2015, un de ses ressortissants condamné en 2006 à sept ans de prison et à une interdiction de territoire pour son implication dans une organisation terroriste ! La Cour reproche à la France de ne pas avoir respecté deux principes de la convention européenne des droits de l'homme : l'obligation de maintenir sur son territoire un individu dont le recours a été accepté par la Cour de Strasbourg ; mais aussi celle de ne pas renvoyer des ressortissants vers des pays dans lesquels ils s'exposent « à un risque réel et sérieux » de mauvais traitements, y compris la torture. Cette jurisprudence n'est pas isolée. La France a été condamnée à plusieurs reprises, notamment en septembre 2011 dans le cas de Djamel Beghal, considéré comme l'émir des frères Kouachi et d'Amedy Coulibaly, auteurs des tueries de Paris de janvier 2015.

Je ne remets pas en cause les principes fondamentaux de la convention européenne des droits de l'homme, qui a rassemblé les peuples européens et fait de l'Europe un havre. Mais nous laissons aujourd'hui des juges azerbaïdjanais, albanais, moldaves, géorgiens ou turcs, dont les pays, convenons-en, ont une conception très particulière des droits de l'homme, avoir une influence considérable sur notre droit ! Conçue comme un rempart contre le totalitarisme, la Cour de Strasbourg est devenue aujourd'hui, à l'image de Golem, une créature incontrôlable échappant à ses créateurs.

Ce protocole fait courir non pas le risque de limiter le nombre de recours, chers collègues, mais celui d'arriver à une autocensure, puisque l'avis consultatif se substituera aux recours actuels. Soyons donc prudents !

Gardienne intouchable des droits de l'homme, la CEDH interprète de plus en plus librement les législations nationales, devenant à la fois législateur et cour suprême. Nous avons fait de la convention européenne une Constitution bis, à l'insu des peuples européens.

Comme l'a écrit Montesquieu, un pouvoir doit être limité par un autre pouvoir. Nous abandonnons le pouvoir législatif au profit du pouvoir judiciaire. La situation actuelle est déjà complexe ; je ne comprends pas pourquoi nous devons nous précipiter. Quel est notre intérêt ? Pourquoi donner davantage de pouvoir à la CEDH au lieu de conserver une véritable marge de manoeuvre sur nombre de sujets, à l'instar de l'Allemagne ?

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