Intervention de Christophe Di Pompeo

Séance en hémicycle du jeudi 15 février 2018 à 9h30
Protocole no 16 à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Di Pompeo :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, la Cour européenne des droits de l'homme a été instituée le 4 novembre 1950. Elle est chargée de veiller au respect des droits garantis par la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, contrôle qu'elle exerce dans les quarante-sept États membres du Conseil de l'Europe. Force est de constater qu'elle est victime de son succès, ce dont nous pouvons, je le pense, nous féliciter collectivement. Depuis dix ans, nous assistons à une augmentation de 10 % par an en moyenne du nombre des saisines, lequel dépasse aujourd'hui les 60 000. Étant donné le contexte juridique, nous pouvons estimer que ce phénomène, loin de se tarir, va connaître une forte croissance.

Pour garantir une efficacité optimale de la mise en oeuvre pratique des principes de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans l'ensemble des pays concernés, une conférence sur l'avenir de la CEDH s'est tenue. Elle a proposé d'attribuer une fonction consultative à la Cour, en optant, de façon raisonnable, pour le caractère non contraignant de ses avis, conformément au principe de subsidiarité européen.

C'est donc fort logiquement que nous examinons aujourd'hui la ratification du protocole no 16 à la convention, qui a été adopté le 10 juillet 2013 par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe. Ce protocole institue un nouveau mécanisme, qui interviendra en amont de la saisine proprement dite par des particuliers ou des associations et qui permettra à la Cour de rendre des avis non contraignants à destination des plus hautes juridictions nationales et des gouvernements concernés.

Au-delà d'une amélioration réelle dans l'harmonisation des règles et du droit au sein des États membres, il faut voir ici une volonté manifeste d'instaurer un dialogue permanent entre juges nationaux et européens et de clarifier le droit par la création d'une jurisprudence européenne harmonieuse. S'il est vrai que la convention européenne des droits de l'homme ne constitue pas aujourd'hui un outil juridique formellement intégré à l'ordre juridique de l'Union européenne, il n'en demeure pas moins que les droits fondamentaux reconnus par la convention font partie intégrante du droit de l'Union européenne en tant que principes généraux.

Concernant le nouveau mécanisme proposé, ce sont les juridictions nationales qui jugeront de l'opportunité de la saisine. Une fois saisie, et après instruction, la CEDH décidera de rendre ou non un avis. Si elle décide de le faire, les juges de la CEDH pourront dûment se prononcer et transmettre leur avis à la fois à la haute juridiction qui le demande et à l'État concerné. Il ne s'agit pas, nous le voyons, d'instaurer une primauté de la CEDH sur nos hautes juridictions nationales, car les avis rendus ne seront que consultatifs et n'auront pas à être suivis ipso facto. En revanche, les consultations a priori par les hautes juridictions nationales permettront, à n'en point douter, une affirmation plus forte des principes contenus dans la convention et un dialogue constructif pour le droit national ; le sentiment d'intégration européen en sera plus prégnant au sein de la justice française.

Pour la France, ce sont le Conseil constitutionnel, le Conseil d'État et la Cour de cassation qui seront habilités à saisir la CEDH pour avis, en français, lorsqu'ils le jugeront utile, et cela, bien entendu, sur des faits ayant trait aux principes de la convention. Ces trois juridictions et elles seules auront le pouvoir d'apprécier l'opportunité de la saisine ; les parties au litige ne l'auront en aucun cas. Néanmoins, dans le cas où l'avis rendu par la CEDH ne serait pas suivi par une juridiction nationale, les parties au litige auront toujours la possibilité, en vertu de l'article 34 de la convention, d'exercer leur droit de recours individuel, ce qui leur permettra alors, de manière inédite, de se prévaloir devant la CEDH de l'avis rendu a priori dans une affaire nationale.

L'objectif est donc de prévenir autant que faire se peut, en anticipant les violations de la convention et en évitant que de nombreuses requêtes ne viennent alourdir le fonctionnement de la CEDH, tout en renforçant, nous l'avons dit, le dialogue des juges. Ce protocole est non contraignant ; il n'aura que peu d'impact sur le fonctionnement et le travail de nos administrations et de nos juridictions, mais il améliorera, à n'en point douter, les outils juridiques de nos hautes juridictions nationales et, surtout, de tous les justiciables français.

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