Monsieur Chenu, les GHT se sont organisés à marche forcée, vous le savez probablement. Je pense qu'il faut leur laisser le temps de se stabiliser et d'écrire leurs projets médicaux. La philosophie des GHT était d'organiser les territoires autour de parcours de soins identifiés et de projets médicaux, par exemple autour de la maladie diabétique ou des maladies vasculaires.
Aujourd'hui, cette couverture territoriale ne peut reposer uniquement sur un GHT, sans prendre en compte les autres acteurs de terrain. Une réflexion devra être menée à l'avenir pour impliquer d'autres professionnels, éventuellement libéraux, dans ces parcours de soins. Il faut laisser aux GHT un peu de temps pour assimiler la mise en oeuvre des groupements, qui n'est pas totalement apaisée dans tous les territoires, puisque je reçois encore des demandes de certains qui ne souhaitent pas se rapprocher de tel ou tel acteur.
Ma réflexion sur les déserts médicaux considérera le maillage territorial au-delà des GHT. Il faut ouvrir le débat, et cesser d'opposer les secteurs. Nous aurons besoin de tout le monde pour offrir à nos concitoyens une couverture médicale, notamment dans les territoires les plus désertifiés.
Madame Bagarry, vous m'avez interrogée sur le DMP. Ce projet est piloté par l'Agence des systèmes d'information partagés de santé (ASIP). Il avance plus lentement que nous le souhaiterions tous, puisque ce projet est dans les tiroirs depuis une quinzaine d'années. Cela étant dit, nous avons maintenant réellement des outils qui fonctionnent.
Ce projet soulève le problème de notre capacité à accompagner l'informatisation des hôpitaux, qui est loin d'être optimale – les cabinets privés sont aujourd'hui mieux informatisés – ainsi que la question de l'interopérabilité des systèmes. Cela m'impose de penser à un plan d'investissement autour de l'informatisation, de façon à ce que tout soit interopérable entre les médecins libéraux, les différents hôpitaux d'un même GHT, etc. Un plan d'investissement est prévu, vous le savez, il tournera certainement autour de l'information et du numérique.
La délégation de tâches est prévue par l'article 51 de la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. Il s'agit en réalité d'un protocole de coopération entre professionnels de santé, et ce système fonctionne extrêmement mal. Très peu de protocoles ont vu le jour. Ils doivent être validés par l'ARS, puis par la HAS, et, de fait, ils ne se mettent pas en place.
La loi de modernisation du système de santé a acté que des infirmières de pratiques avancées pourrait exercer des surspécialités. Les formations démarrent, je pense qu'il faut aller beaucoup plus vite dans cette direction, ce qui éviterait de vraies délégations de tâches. Nous ouvrirons la voie à des expérimentations dans le cadre du plan de lutte contre les déserts médicaux, de façon à accompagner des initiatives locales.
Monsieur Dharréville, je n'ai pas de réponse particulière à vous donner s'agissant de l'amiante. Je sais que l'instruction a été arrêtée dans plusieurs enquêtes pénales, et que le dispositif d'indemnisation fonctionne globalement. Je n'ai pas plus à dire sur des enquêtes judiciaires, mais je mettrai tout en oeuvre pour que les personnes atteintes de pathologies liées à l'amiante soient correctement indemnisées. Cela impose peut-être des aménagements techniques, je verrai cela avec l'opérateur dédié.
En m'interpellant sur les cancers pédiatriques, vous touchez une corde sensible car cela a été ma spécialité, et, dans le plan cancer que j'ai rédigé pour le gouvernement précédent, j'avais fait des cancers pédiatriques une priorité. Toutes les mesures possibles et imaginables pour faire avancer les travaux sur les cancers pédiatriques ont été intégrées à ce plan, notamment le plus grand essai clinique possible sur les cancers en rechute, qui consiste en un séquençage du génome avec un accès à des molécules innovantes. J'avais réussi à obtenir de l'industrie pharmaceutique l'accès gratuit à toutes ces molécules innovantes en allant voir une par une les grandes entreprises américaines, et en les convaincant de nous donner ces molécules pour la France.
Ce protocole a maintenant été déployé dans toute l'Europe, j'en suis extrêmement fière. J'y avais consacré des financements spécifiques, et toutes les associations de parents d'enfants atteints de cancers peuvent vous dire que le plan cancer 2014-2019 a tout fait pour accélérer la recherche sur les cancers pédiatriques. J'ai notamment lancé un PAIR (Programme d'actions intégrées de recherche) sur les cancers pédiatriques en réunissant toutes les équipes travaillant sur ce sujet, doté d'un financement dédié de plusieurs millions d'euros. Je crois que j'ai fait mon travail, et en tant que ministre de la santé, vous pouvez compter sur moi pour continuer à accompagner la recherche sur les cancers pédiatriques.
Sur ce sujet, je pense n'avoir aucune leçon à recevoir, j'ai « fait le job », et je continuerai comme ministre, car je pense qu'il n'est pas possible, dans une société, que les enfants soient moins bien soignés et moins bien accompagnés que les adultes. C'est vrai pour les cancers comme pour toutes les pathologies dont j'aurai la charge, ainsi que pour la prévention et l'exclusion. Je ne supporte pas que les enfants de ce pays ne soient pas suffisamment accompagnés. S'il y a des aides spécifiques à développer pour les familles avec enfants, je le ferai car je pense que c'est l'image de la société de demain que nous travaillons en accompagnant les enfants et les familles. J'en fais une priorité de mon quinquennat – je ne sais pas si je resterai tout le quinquennat, mais j'en fais une priorité de ma feuille de route ! (Applaudissements.).
En réponse à la question sur les outre-mer, je pense que nous ne pouvons pas traiter tous ces territoires de la même façon. Mayotte, la Réunion ou la Guyane ont des problèmes différents. Mayotte est une énorme source d'angoisse, c'est un territoire tellement défavorisé ! J'irai voir ce qu'il est possible d'y faire. La Guyane pose également d'énormes difficultés. Je pense que nous pouvons traiter la Martinique et la Guadeloupe un peu différemment, et La Réunion est clairement un territoire beaucoup mieux équipé, où l'accès aux soins est plus facile. Il faut être attentif, ne pas traiter tous les territoires d'outre-mer de la même façon, et garder une vision différenciée. Des assises ou des états généraux des outre-mer vont se tenir dans peu de temps. Ce ministère y participera, car le sujet de la couverture et de l'accès aux soins est majeur.