Commission des affaires sociales

Réunion du mardi 18 juillet 2017 à 16h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Mardi 18 juillet 2017

La séance est ouverte à seize heures trente.

(Présidence de Mme Brigitte Bourguignon, présidente)

La commission des affaires sociales procède à l'audition de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.

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Nous auditionnons cet après-midi Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la ministre, je vous souhaite la bienvenue au nom de tous les commissaires des affaires sociales ici réunis. Nous vous remercions d'avoir accepté de revenir aussi rapidement devant nous. Nous étions quelque peu frustrés, vous et nous, de votre première audition la semaine dernière, contrainte dans le temps et dans son objet.

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Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Je vous remercie, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, de me donner l'occasion de présenter devant vous la feuille de route de mon ministère qui s'est vu confier des responsabilités importantes en matière de cohésion sociale et de protection de nos concitoyens. Je présenterai d'abord les objectifs du ministère puis les méthodes que nous entendons appliquer pour les atteindre. Enfin, j'évoquerai plus précisément les différents points de la feuille de route.

Mon objectif majeur, je vous l'ai dit, est de redonner à nos concitoyens confiance en notre système de protection sociale, souvent considérée comme « le patrimoine de ceux qui n'en ont pas ». Il est impératif de convaincre les Français de la pérennité et de l'équité d'un système qui suscite parfois chez eux colère et frustration.

Sur le plan méthodologique, je souhaite partir des besoins individuels et territoriaux des personnes auxquelles s'adressent les politiques qui seront menées et co-construire avec elles les solutions qui leur seront proposées. On parle beaucoup de démocratie sanitaire : il me semble nécessaire d'aller au-delà et d'étendre cette méthode au social et à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion.

Notre système étant souvent perçu comme illisible et rigide, il nous faut non seulement le simplifier mais aussi procéder à des expérimentations locales et les évaluer.

Nous devons pour cela nous appuyer sur l'ensemble des professionnels qui conduisent ces politiques de protection sociale, que ce soient les médecins ou les travailleurs sociaux : ils sont notre bras armé au contact de nos concitoyens. Il nous faut aider ces professionnels à dépasser les cloisonnements institutionnels : non seulement le carcan administratif du système gêne les expérimentations mais il empêche parfois la collaboration entre institutions, en particulier dans le champ de la santé. Ce soutien actif ira de pair avec une responsabilisation accrue des professionnels dont les actions seront régulièrement évaluées au regard des résultats obtenus.

J'en viens aux différents thèmes de ma feuille de route, en commençant par les politiques de solidarité et de lutte contre les exclusions et la pauvreté.

Ces deux derniers phénomènes sont, à juste titre, durement vécus par la population. Les Français, y compris lorsqu'ils appartiennent aux classes moyennes, ressentent une véritable angoisse à l'idée de subir un déclassement. Il nous faut donc impérativement renforcer la prévention de ce fléau et éviter que les personnes pauvres ne tombent dans l'exclusion, mission qui, bien entendu, n'est pas du seul ressort de mon ministère.

Mes priorités sont les suivantes : tout d'abord, permettre aux personnes d'accéder à leurs droits sociaux. Aujourd'hui, le taux de non-recours aux droits et aux minima sociaux est énorme – de 30 % pour certains droits : nous devons le faire baisser significativement. Pour cela, il nous faut simplifier les démarches administratives car le système est souvent incompréhensible pour les personnes qui en ont le plus besoin. Nous proposerons l'expérimentation d'un versement social unique et d'un guichet unique, ce qui nécessitera un gros travail de concertation avec les territoires puisque le versement des allocations de solidarité est assuré par les départements. Nous avons d'ailleurs évoqué ce sujet lors de la Conférence des territoires qui s'est tenue hier au Sénat. Le Président de la République a par ailleurs annoncé une augmentation ciblée de plusieurs minima sociaux, notamment de l'allocation adulte handicapé à 900 euros dès 2018, de la prime d'activité, dès l'an prochain également, et, par la suite, du minimum vieillesse. Nous sommes à cette fin en train de travailler aux arbitrages avec le ministère du budget.

S'agissant des personnes les plus éloignées du marché du travail, il faudra relancer les politiques d'insertion sociale et professionnelle. Le versement de minima sociaux ne saurait être l'alpha et l'oméga de la politique de lutte contre l'exclusion. Il faut y adjoindre une politique d'accès au logement – thème qui fera l'objet d'une réunion samedi à Matignon – et une action en faveur de l'insertion dans le travail. C'est sur ce trépied que nous devons nous appuyer, raison pour laquelle les différents ministères ne doivent plus travailler « en silo », mais de manière plus coordonnée qu'ils ne le font aujourd'hui, pour aller vers une approche globale des personnes en situation de grande exclusion.

Nous souhaitons aussi renforcer la formation et moderniser l'action des 1,2 million de travailleurs sociaux que compte notre pays, qui sont au contact des populations les plus exclues. Ils ont besoin de formations, notamment dans le domaine juridique de l'accès aux droits mais aussi dans celui de l'insertion. Il faut les aider à moderniser leurs pratiques professionnelles et rénover la gouvernance de ce secteur dans le cadre du Haut conseil du travail social.

Enfin, nous souhaitons travailler – même si rien n'est arbitré pour l'instant – à une recentralisation du revenu de solidarité active (RSA). Aujourd'hui versée par les départements, cette prestation sociale présente une forte hétérogénéité selon les territoires, ce qui pose un problème à notre ministère, garant de l'équité d'accès aux droits sur l'ensemble du territoire national.

J'en viens à la famille, qui est pour moi un sujet d'inquiétude car on assiste, pour la première fois en France depuis deux ans, à une nette inflexion du taux de natalité, désormais de 1,83 enfant par femme alors que notre pays s'était toujours targué d'un taux de natalité élevé, d'environ 2,1 dans les années 2000. On sent ainsi une grande inquiétude des Français face à l'avenir. Cette diminution aura des conséquences majeures sur la soutenabilité des retraites. Il est donc impératif de relancer la politique familiale. Cela passe, d'une part, par une aide à la garde des enfants – en crèche et par des assistantes maternelles –, d'autre part, par une politique de soutien à la parentalité, en confiant aux caisses d'allocations familiales le soin d'accompagner les parents dans leur rôle de parents, pendant la petite enfance mais aussi pendant l'adolescence de leurs enfants.

Nous porterons également une attention toute particulière aux jeunes les plus vulnérables, qui bénéficient de l'aide sociale à l'enfance et qui la perdent parfois de façon très brutale à l'âge de dix-huit ans. Il convient de mieux accompagner ces jeunes adultes : le dispositif « garantie jeunes » est l'une des façons de le faire mais non la seule. Nous proposerons des mesures particulières en ce sens, en lien avec le ministère de l'éducation nationale qui est chargé de la jeunesse.

En ce qui concerne les enfants et les jeunes en situation de handicap, je travaillerai surtout, en coordination avec la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, à assurer un repérage précoce, dans la petite enfance comme à l'école, des situations de handicap et des troubles « dys » pour pouvoir mieux prendre en charge les enfants concernés sur les plans sanitaire, médicosocial et social.

Peut-être avez-vous entendu l'annonce de ma collègue, secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes : nous souhaitons améliorer et harmoniser les congés maternité. Ce travail venant de commencer, je n'ai pas de mesures concrètes à vous présenter aujourd'hui mais notre objectif est de proposer, dès le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, une première mesure améliorant le congé maternité pour celles des femmes qui y ont peu accès.

Par ailleurs, les lois de bioéthique doivent être révisées statutairement tous les sept ans. La dernière loi datant de 2011, la prochaine sera discutée à la fin de l'année 2018. Avant de procéder à cette révision, le Conseil consultatif national d'éthique (CCNE) devra organiser dans les territoires des états généraux de la bioéthique. Nous avons aujourd'hui une réunion avec le président de ce conseil pour faire un point de méthode et évoquer les sujets qui seront discutés lors de ces états généraux. Pour l'instant, je n'ai pas non plus d'annonce à faire en ce domaine mais il est possible que soit abordée dans cette nouvelle loi de bioéthique la question de la procréation médicalement assistée (PMA), le CCNE ayant rendu un avis sur ce sujet le mois dernier.

Un autre chantier que doit mener ce ministère est celui des retraites. Le Président de la République souhaite réformer notre système de retraites car les Français craignent de ne pas toucher celle à laquelle ils ont droit et soupçonnent le système d'être inéquitable. Ils hésitent parfois à changer de métier ou de secteur d'activité ou encore à fonder une entreprise, de peur de perdre leurs droits ou de se heurter à un système trop complexe et trop opaque. Ils savent que nous menons régulièrement des négociations tendues pour la soutenabilité du système. Pour toutes ces raisons, la réforme des retraites est souhaitée par la plupart de nos concitoyens. Elle nécessite néanmoins énormément de concertations et de temps, l'objectif étant que tout le monde s'empare du sujet et prenne connaissance de la réalité des retraites aujourd'hui afin de se mettre d'accord sur les objectifs d'équité et d'égalité poursuivis.

C'est une réforme de très longue haleine qui, pour réussir, supposera que j'aie à mes côtés une délégation ministérielle à la réforme des retraites chargée de discuter avec les partenaires sociaux. Cette délégation n'a pas encore été nommée car je souhaite procéder par étapes. L'idée serait d'élaborer en 2018 avec les partenaires sociaux un accord de méthode qui fixerait le calendrier d'une réforme qui s'étalera sur toute la durée du quinquennat et sera probablement mise en application au cours du quinquennat suivant. Notre objectif est de disposer, dès la mi-2018, de cet accord qui pourrait prendre la forme d'une loi-cadre. Cette organisation spécifique me paraît indispensable car je ne pense pas être capable de mener de front les affaires courantes de ce ministère et une réforme d'une telle ampleur.

S'ajoute à cette nécessité de mener une réforme globale des retraites une difficulté supplémentaire : dans les rapports qu'ils viennent de publier, le Conseil d'orientation des retraites (COR) et le Comité de suivi des retraites nous alertent du fait que le système, que nous croyions soutenable, s'est dégradé en raison de la conjoncture économique et démographique, insuffisamment prise en compte l'année dernière.

Les retraites sont donc un sujet éminemment complexe sur lequel je souhaiterais travailler de façon dépassionnée, en allant vers plus d'équité, plus de justice et moins d'opacité.

J'évoquerai à présent brièvement la question des personnes âgées.

Notre objectif est d'aider au maintien à domicile des personnes âgées le plus longtemps possible. Plusieurs mesures existent d'ores et déjà : nous veillerons à ce qu'elles soient bien appliquées dans les territoires. Nous renforcerons parallèlement les mesures bénéficiant aux aidants des personnes âgées, qui, alors qu'ils sont extrêmement mis à contribution, ne voient pas leurs droits à la retraite suffisamment valorisés. Nous souhaitons assurer un suivi spécifique de leur santé et mieux prendre en compte la charge que représente l'accompagnement d'un proche en perte d'autonomie. Nous étudierons également la question du reste à charge de la dépendance et celle de la lutte contre la maltraitance. Enfin, des mesures d'aide aux tuteurs familiaux seront proposées, de même que le pilotage national et local du dispositif de protection juridique des majeurs – qui nous a été demandé par le Haut conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge.

Je souhaite par ailleurs moderniser notre système de sécurité sociale, notamment dans sa relation avec l'usager. Il s'agit de tirer les bénéfices de la transition numérique pour améliorer l'accès dématérialisé aux droits. L'idée n'est pas de supprimer le lien avec les usagers mais d'en faire bénéficier prioritairement ceux qui en ont le plus besoin. De très nombreux usagers savent se servir des technologies numériques, ce qui doit nous permettre de dégager des ressources humaines pour concentrer nos efforts sur les personnes les plus vulnérables et celles qui n'ont pas accès au numérique – qu'elles soient très âgées ou en situation d'exclusion.

Quant au régime social des indépendants (RSI), nous souhaitons l'adosser au régime général dès le 1er janvier 2018. Bien qu'extrêmement complexe à appliquer, cette mesure est largement souhaitée car l'image du RSI s'est dégradée ces dernières années et le régime a connu une sorte d'accident industriel – même si la situation s'est nettement améliorée depuis. La réforme prendra du temps car nous souhaitons éviter un deuxième accident de ce type. Je viens donc de nommer à cette fin une mission conjointe à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et à l'Inspection générale des finances (IGF), présidée par Dominique Giorgi. Notre objectif est de faire en sorte que l'adossement du RSI au régime général soit progressif de façon à ne pénaliser en aucun cas les travailleurs indépendants et à ne pas augmenter leurs cotisations.

Je terminerai mon intervention en évoquant les politiques de santé.

Mon objectif en la matière est de remettre la prévention au centre du jeu. On en parle depuis vingt ou trente ans et plusieurs lois ont été adoptées qui comportent des mesures en faveur de la prévention. Pourtant, cette dernière n'a jamais été réellement portée au niveau où elle se doit. Or, elle est le seul moyen d'obtenir des résultats de long terme dans le traitement des maladies chroniques et de la dépendance ainsi que dans l'application du programme « Vieillir en bonne santé ». Il est donc impératif que nous nous saisissions pleinement de tous les enjeux de la prévention.

C'est dès le plus jeune âge que nous devons promouvoir la prévention – ce à quoi j'ai d'ores et déjà commencé à travailler avec mon homologue Jean-Michel Blanquer. Nous souhaitons également renforcer la médecine scolaire, éventuellement en mobilisant des médecins généralistes qui pourraient aider les médecins scolaires dans l'exercice de leur mission. Il convient que cette prévention accompagne chaque individu tout au long de sa vie – privée comme professionnelle. Je discute donc en ce moment de ce sujet avec les organisations syndicales.

Il faut aussi que cette prévention soit intégrée au parcours de santé. On a beaucoup parlé du parcours de soins, organisé par les médecins généralistes qui coordonnent les soins avec les différents acteurs paramédicaux. Je crois qu'il faut substituer à ce concept celui de parcours de santé et intégrer dès le départ à ce dernier une prévention qui sera prise en charge par les médecins eux-mêmes. À l'heure actuelle, les praticiens sont formés aux soins et à la prescription mais pas suffisamment aux enjeux de prévention. Ils ne sont pas non plus outillés pour cela : un médecin généraliste à qui l'on demande quelles activités physiques sont adaptées à un patient atteint d'un cancer ne saura pas répondre parce qu'il n'a pas été formé en ce sens. Il convient donc de former les médecins à la prescription d'une alimentation saine et d'une activité physique, ainsi qu'à l'aide au sevrage tabagique.

Vous l'avez entendu et lu dans les journaux : je fais de la lutte contre le tabagisme une priorité absolue. Notre pays est l'un des derniers de la classe en Europe en ce domaine, avec 80 000 morts par an, soit 200 morts par jour – que ce soit à la suite d'une maladie cardiovasculaire ou d'un cancer. On l'oublie trop souvent, le tabac est cause de dix-sept types de cancers – du poumon, bien sûr, mais aussi du col de l'utérus, du sein etc. C'est un facteur de risque sur lequel nous devons impérativement travailler. Nous sommes le pays le plus mal classé au monde en termes de tabagisme des femmes de vingt à quarante ans – qui sont 30 % à fumer dans cette tranche d'âge. Quant au tabagisme des jeunes, il nous place en avant-dernière position en Europe. Alors que nous partions du même taux de tabagisme que le Royaume-Uni il y a dix ans – avec quelque 30 % de fumeurs –, les Britanniques en sont maintenant à moins de 20 %, parce qu'ils ont porté le prix du paquet de cigarettes à 12 euros. Nous restons toujours, nous, à 28 ou 29 %. Le tabagisme est d'ailleurs aussi un enjeu majeur en termes d'inégalités sociales : 50 % des chômeurs fument, ce qui entraîne chez eux des maladies et aggrave leur déclassement professionnel. Le tabac participe donc d'un cercle vicieux pour les personnes vulnérables. C'est un vecteur considérable d'inégalités sociales et sanitaires.

C'est pourquoi j'ai décidé de porter le prix du paquet de cigarettes à 10 euros. Je l'avais déjà proposé quand j'avais rédigé le plan cancer mais l'arbitrage du Gouvernement avait été défavorable à la mesure. Je n'avais alors pu obtenir que le paquet neutre qui permet uniquement de limiter l'entrée dans le tabagisme des jeunes, influencés par le marketing, mais pas de faire arrêter de fumer. L'objectif de la fixation à 10 euros du prix du paquet de cigarettes est donc de faire en sorte que la France rejoigne les grands pays en matière de tabagisme. Aujourd'hui, les États-Unis sont à moins de 20 % de fumeurs, l'Australie, à moins de 15 % et la Californie, à 12 %. Le constat est absolument sans appel.

Nous mènerons évidemment aussi des actions en ce qui concerne l'alcoolisme, l'obésité, la sédentarité, la santé au travail – dont j'ai déjà parlé – et la santé dans les lieux de privation de liberté. J'en ai discuté hier avec la garde des Sceaux, Nicole Belloubet. Une stratégie de santé en prison a été définie cette année : je veillerai à ce qu'elle soit mise en application.

Vous le savez, j'ai aussi souhaité renforcer la protection vaccinale. Je sais que cela a suscité des levées de bouclier dans la population. Je pense arriver trop tard dans un pays qui, petit à petit, a perdu confiance dans les vaccins, notamment en raison de choix politiques mal assumés. Bernard Kouchner a ainsi arrêté la vaccination contre l'hépatite B. Puis il y a eu le vaccin contre la grippe H1N1. Ensuite, des associations ont martelé qu'il y avait un lien entre sclérose en plaques et hépatite B.

Je serai ravie d'en reparler avec vous. Notre pays connaît de nouveau des épidémies de rougeole : dix enfants sont morts au cours de ces cinq dernières années de cette maladie et nous avons enregistré 23 000 cas de rougeole ces dix dernières années alors que l'Amérique du Sud l'a éradiquée grâce à des campagnes de vaccination. Il faut savoir qu'un cas de rougeole sur 1 500 entraîne une atteinte cérébrale et un handicap et qu'un cas sur 3 000 entraîne la mort. Je ne vous parle même pas des cas d'hépatites B fulminantes, des cirrhoses ni des cancers liés à l'hépatite B que contractent les jeunes non vaccinés. Le vaccin est pourtant désormais administré dès la petite enfance, sans aucun risque de maladie auto-immune. Je prends donc mes responsabilités, considérant que si l'État assume ce risque, c'est qu'il met en regard les risques théoriques des vaccins tels qu'ils sont présentés sur les réseaux sociaux – et qui sont en réalité extrêmement faibles – et les risques réels de maladie, de handicap et de décès. J'ajoute que les gens qui ne font pas vacciner leurs enfants aujourd'hui comptent en réalité sur la vaccination des autres pour éviter les épidémies. Il y a donc aussi un enjeu de solidarité. Songeons également aux enfants qui ne peuvent pas être vaccinés parce qu'ils sont sous chimiothérapie : ils ne sont pas protégés si l'ensemble de la population ne se vaccine pas.

C'est un sujet éminemment polémique. Je le sais et j'assume pleinement mes choix en tant que médecin et que garante de la santé publique. J'espère que les Français retrouveront la confiance un jour et que nous pourrons éviter de recourir à cette obligation vaccinale qui, je le comprends, peut en hérisser certains.

J'en viens à la santé mentale. Notre pays connaît un déficit démographique en psychiatres, et notamment en pédopsychiatres. C'est une véritable catastrophe s'agissant notamment de l'accès au dépistage précoce des troubles « dys ». Nous devons consentir un effort particulier pour renforcer et structurer la psychiatrie. Sachez que ce dossier fera partie de ma feuille de route, car il est éminemment lié à l'afflux de pathologies qui ne devraient pas être prises en charge par les urgences ou les généralistes qui ne savent plus comment faire pour gérer les urgences psychiatriques.

Le Président de la République avait annoncé la création d'un service sanitaire de trois mois pour les étudiants en santé. Nous allons y travailler pour 2018. Il s'agit de faire participer les étudiants à des actions de formation autour de la prévention, en milieu sanitaire ainsi qu'en milieu scolaire. Une mission va être lancée pour réfléchir à ce que pourrait être ce service sanitaire en santé.

Comme l'a annoncé le Premier ministre, je souhaite proposer un plan de lutte contre les inégalités territoriales d'accès aux soins, c'est-à-dire contre les déserts médicaux au sens large. Notre pays va connaître, au cours des dix prochaines années, la poursuite de la diminution de la démographie médicale. Le temps de former de nouveaux médecins, le rebond n'aura lieu qu'en 2025. Les maires sont actuellement extrêmement démunis, nos concitoyens sont angoissés à l'idée de ne pas trouver un médecin et d'avoir des délais d'attente trop longs pour obtenir un rendez-vous, et les médecins généralistes ne peuvent plus partir à la retraite. Je proposerai un plan qui essaiera de lever tous les blocages administratifs qui peuvent gêner parfois des exercices mixtes, des exercices en consultation avancée, des délégations de tâches en tant que professionnels, avec une expérimentation et un budget qui sera dédié dans le PLFSS. La télémédecine fera bien entendu partie de ce plan de lutte contre les déserts médicaux.

S'agissant des inégalités sociales, le Président de la République a indiqué que le tiers payant avait vocation à être généralisable, c'est-à-dire accessible à tous. Toutefois, il pose actuellement un problème technique. J'ai confié, il y a quinze jours, une mission à l'IGAS, qui fera un état des lieux des difficultés techniques rencontrées sur le terrain. Il faut rendre aux médecins du temps médical et, dans le même temps, il est impératif que nos concitoyens aient accès à des médecins et ne renoncent pas à consulter pour des raisons d'avance de frais – 15 % de la population vit aujourd'hui sous le seuil de pauvreté et ne se rend pas chez le médecin faute de pouvoir avancer le montant d'une consultation. Nous devons donc rendre aux médecins du temps et leur faciliter la vie. Je voudrais un système « gagnant-gagnant », c'est-à-dire que tout le monde y trouve son compte et que nos concitoyens n'aient plus de problème d'accès aux soins.

Il faut identifier les filières sans reste à charge pour l'optique, les soins dentaires et les prothèses auditives. Nous allons y travailler avec l'ensemble des filières et les mutuelles, dès le mois de septembre. Je n'ai pas aujourd'hui de recette magique à vous proposer. Il s'agira d'identifier un panier de soins minimal qui pourrait être sans reste à charge d'ici à la fin du quinquennat.

Sans entrer dans le détail, des mesures seront dédiées à l'innovation, à la recherche clinique. Enfin, la question des risques psychosociaux des professionnels est également dans le viseur de ce ministère.

Vous le voyez, la feuille de route est très large. C'est pourquoi je suis obligée de hiérarchiser aujourd'hui mes priorités. Tout ne se fera donc pas dès 2018, mais je veux que des mesures fortes soient prises l'année prochaine pour la prévention et l'accès aux soins. (Applaudissements.)

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Je vous remercie pour le panorama que vous avez dressé de la feuille de route d'un ministère dont le champ d'action est très vaste.

Je souhaite, pour ma part, évoquer la lutte contre la pauvreté et l'exclusion et je vous remercie d'avoir parlé des travailleurs sociaux qui sont très rarement cités.

La pérennité du fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) a été mise en danger à plusieurs reprises ces dernières années. Le précédent gouvernement avait réussi à obtenir une enveloppe globale de 587 millions d'euros pour la période 2014-2020 afin de préserver le dispositif d'aide alimentaire dans notre pays, ce qui permet d'aider environ 4,8 millions de personnes.

Les négociations autour du prochain cadre financier pluriannuel de l'Union européenne 2021-2027 débuteront à la fin de l'année. Les associations s'inquiètent légitimement du maintien de ce fonds d'aide après cette date. Pouvez-vous déjà nous donner quelques garanties quant au positionnement de la France dans la négociation qui s'annonce ?

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Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Vous le savez, la France a été la première à s'engager sur un fonds dédié et elle a soutenu ce projet au niveau européen. Ce dispositif est très important pour les associations qui sont très engagées auprès des personnes démunies. Il est évident que nous allons continuer à défendre cet engagement dans les négociations à venir. Il faut impérativement aider au maintien d'une aide alimentaire dans l'ensemble des pays, et pas seulement en France, et accompagner les autres pays pour qu'ils s'engagent dans ce dispositif. L'objectif est aussi de moderniser les modes de distribution et de faire de cette aide un vecteur d'insertion sociale. Nous allons travailler sur l'ensemble de ces leviers. Vous pouvez compter sur mon plein engagement dans les négociations qui s'annoncent.

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Ma première question concernera les déserts médicaux, problème auquel je suis confrontée puisque je suis élue d'une circonscription très rurale. Nous sommes tous impatients de voir ce plan à l'oeuvre. On sent bien que certaines choses s'engagent, mais il reste encore beaucoup à mobiliser, à reconstruire. Pouvez-vous nous indiquer quand ce plan sera annoncé ?

Ma seconde question concerne la prévention que l'on cherche à remettre au coeur de la santé, notamment au sein de l'éducation nationale, ce qui me tient particulièrement à coeur puisque j'ai été médecin scolaire. Comment les parents et les étudiants en santé seront-ils associés à cette politique de prévention, quel que soit l'endroit, mais en particulier au sein de l'éducation nationale et de l'école ? Pour que cette politique ait du sens, il faut une véritable approche globale dans laquelle chacun est partie prenante et non pas juxtaposé.

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Madame la ministre, merci pour le temps que vous consacrez à nous présenter vos objectifs.

Ma première question porte sur la mise en application du tiers payant généralisé prévu par la loi de modernisation de notre système de santé. Vous avez indiqué, à juste titre, que vous souhaitiez vous appuyer sur l'avis des professionnels. Or, je pense que cette mesure a été prise contre cet avis. Vous nous annoncez qu'une mission a été confiée à l'IGAS sur la faisabilité technique du système. Envisagez-vous de reporter, voire d'abandonner, au vu des résultats de l'étude, la mise en place du tiers payant généralisé ?

Ma deuxième question porte sur la situation des personnes âgées dépendantes. Si la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement a apporté quelques améliorations en matière de maintien à domicile et d'aide aux aidants, elle n'a pas résolu la situation des personnes âgées dépendantes en attente urgente de place en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Actuellement, dans certaines régions de notre pays, en particulier dans ma circonscription littorale de Bretagne où les personnes aiment prendre leur retraite, les listes d'attente sont assez considérables et nous ne trouvons pas de solutions du fait du moratoire sur la création de lits d'EHPAD. Avez-vous l'intention de revenir sur ce moratoire ?

Ma troisième question a trait à la politique familiale. Vous l'avez dit, nous constatons une baisse importante du taux de natalité. Une politique d'aide à la parentalité est certainement aujourd'hui nécessaire après la baisse du plafond du quotient familial et les coups de rabot dont ont été victimes ces dernières années la garde d'enfant, l'accueil des jeunes enfants, les allocations familiales. Souhaitez-vous reprendre toutes ces politiques pour faire en sorte que les familles reprennent confiance dans les aides dont elles peuvent bénéficier dans leur projet d'enfant ?

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Ma question concerne la réforme des retraites. Vous nous avez parlé des rapports du COR. Quelles sont les grandes lignes du résultat de la concertation qu'il a conduite et de ses préconisations ? On entend parler de suppression des régimes spéciaux et d'harmonisation. Quelle est votre vision des choses ?

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Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Madame Tamarelle-Verhaegue, le plan concernant les déserts médicaux sera annoncé au mois de septembre. Il s'agit de faire en sorte que certaines mesures soient déjà applicables en 2018 avec des financements dédiés dans le PLFSS pour 2018. Je ne peux pas vous en dire davantage aujourd'hui puisque nous travaillons actuellement sur l'ensemble des mesures juridiques qu'il faut prendre.

Vous avez raison, la prévention ne peut pas être faite dans les écoles sans y impliquer les parents. Aujourd'hui, il existe des parcours éducatifs en santé dans les écoles et des espaces parents dans la plupart des établissements. Il faut effectivement lier les deux, mais, à l'origine, le parcours éducatif en santé n'a pas été conçu en impliquant les parents. C'est une de ses limites puisque l'on ne peut pas éduquer des enfants seuls à bien manger. Je serai donc particulièrement vigilante sur ce point. Je pense que le ministre de l'éducation nationale l'a très bien perçu puisque nous en avons parlé dans le cadre des espaces parents.

Monsieur Lurton, je souhaite simplifier le tiers payant généralisé. J'attends que l'IGAS procède à un état des lieux, sachant que l'assurance maladie va également produire un rapport sur le tiers payant qui s'applique d'ores et déjà pour les patients en affection de longue durée (ALD), pour ceux qui bénéficient de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et ceux qui ont accès à l'aide au paiement d'une complémentaire santé (ACS). Il semblerait que le recours au tiers payant pour ces personnes d'ores et déjà identifiées comme devant y avoir accès augmente très progressivement et serait de l'ordre de 80 %. Il est clair que si nous obtenons naturellement une courbe d'adhésion des médecins au tiers payant de 90 ou 95 %, nous n'aurons pas besoin de passer par une loi. J'attends ces rapports de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salarié, la CNAMTS, et de l'IGAS pour l'année 2016 avant de prendre une décision sur la question du tiers payant. Je vous le répète, mon objectif est de ne pas perdre de vue que certains de nos concitoyens n'accèdent pas à la santé pour des raisons financières et que tous les médecins disent que le tiers payant est inapplicable aujourd'hui en l'état parce qu'ils passent trop de temps à remplir des paperasses inutiles – ils disent consacrer une journée par semaine au recouvrement de leurs frais. Il faut impérativement aboutir à un système qui permette aux médecins de retrouver du temps médical suffisant dans une période où l'on parle de déserts médicaux et d'impératif d'accès aux soins. Des décisions seront prises au mois de septembre et je les ferai savoir.

S'agissant des places en EHPAD, j'entends ce que vous me dites. Ma religion n'est pas encore faite sur le sujet parce que les acteurs de terrain me disent des choses très discordantes, notamment que la création de davantage de places en EHPAD n'est pas forcément une urgence et une nécessité – je dois regarder si la situation est ou non très différente d'un territoire à l'autre. Je travaillerai avec le Haut conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) de façon à obtenir un consensus sur les besoins. Il est encore trop tôt pour vous faire des annonces. Le problème est aussi celui du reste à charge.

Vous m'interrogez sur la politique familiale. Pour 2018, nous n'avons pas prévu de mesures en ce qui concerne les allocations familiales et le quotient familial – cela n'a pas été porté par le Président de la République lors de sa campagne. Pour l'année qui vient, la politique familiale se concentre sur l'accès à l'accueil du petit enfant en crèche et chez les assistantes maternelles, ainsi que sur l'aide à la parentalité – qui répond à une demande de terrain – en direction des familles très démunies qui ne savent pas comment alimenter leur enfant, qui laissent leurs enfants devant des écrans dès l'âge d'un an, ou qui sont totalement démunies face à l'addiction de leurs adolescents. C'est un enjeu d'éducation pour l'avenir de ces futurs adultes. Telles sont mes priorités en termes de politique familiale pour 2018 que j'ai indiquées devant le Haut conseil.

Madame Gaillot, le Président de la République a annoncé que chaque euro cotisé devait ouvrir le même droit à pension pour tous. Comme vous pouvez l'imaginer, la réforme est extrêmement complexe, notamment parce qu'elle va toucher les régimes spéciaux. Ma seule ligne de conduite aujourd'hui, c'est d'abord d'arriver à un accord sur la méthode. Je ne peux pas dévoiler des mesures alors que je ne sais pas comment y parvenir – du reste je crois que peu de gens en France savent comment faire… La délégation ministérielle sera composée de spécialistes du calcul du montant des retraites. C'est avant tout quelque chose qui doit être co-construit avec les partenaires sociaux, qui sont indispensables. Sur ce dossier que je ne peux porter seule, je n'ai pas de vision et d'ailleurs je ne souhaite pas en avoir, car pour co-construire il ne faut pas de dogmatisme, pas d'idée préconçue, l'objectif étant que chaque Français ait le sentiment de bénéficier d'une retraite juste.

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Merci, madame la ministre, de venir exposer vos objectifs et vos méthodes de travail.

La protection sociale est un bien collectif, mais un bien collectif en danger. C'est une véritable marmite dont le couvercle est en train d'exploser, vous le savez. Nous en reparlerons probablement lors de l'examen du PLFSS. C'est un chantier lourd sur lequel vous ne devez pas vous rater, nous ne devons pas nous rater. Pour siéger au Haut Conseil du financement de la protection sociale, je sais que les chiffres sont cinglants : 750 milliards d'euros par an, 34 % du PIB, une dette sociale qui dépasse les 135 milliards d'euros portée par la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) et un Fonds de solidarité vieillesse (FSV) qui est toujours sous la barre du zéro puisqu'il affiche un déficit supérieur à 4 milliards d'euros. C'est un chantier qu'il faudra prendre à deux mains.

Vous avez également parlé de la prévention, mais tant que l'on n'aura pas déterminé avec la CNAMTS un acte médical de prévention, celle-ci sera reportée d'année en année.

La télémédecine qui peut être une réponse aux déserts médicaux, avez-vous dit par ailleurs, mais, afin d'aller plus loin, il faudra définir, là aussi, un acte de téléconsultation.

S'agissant enfin du service public hospitalier, souhaitez-vous reprendre le dialogue entre établissements publics et établissements privés, car ces derniers sont restés au bord de la route ?

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Je vous remercie, madame la ministre, pour tous les éléments que vous avez exposés.

Vous avez évoqué la santé mentale dans le champ de la pédopsychiatrie. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS) une personne sur quatre aura un jour affaire à un psychiatre. En France, on évalue à 11 millions le nombre des patients pris en charge pour une pathologie chronique et l'importance des dépenses de santé afférentes aux hospitalisations ponctuelles et à l'augmentation constante du poids des maladies psychiques est absolument énorme.

Au-delà des coûts directs et indirects très élevés, il y a une véritable perte de chances pour ces patients, souvent due à dix ans d'errance diagnostique. Ainsi, il faut en moyenne douze ans pour poser un diagnostic chez un patient présentant des troubles de l'humeur.

Le libre accès aux soins n'est pas équivalent dans tous les territoires de santé. Devant certains tableaux psychiatriques aigus, on utilise encore les urgences, avec notamment des hospitalisations sous contrainte souvent abusives, le patient n'ayant pas encore le libre choix de son hospitalisation.

Pendant la campagne électorale, l'accent a été mis sur le développement des actions de prévention, mais je souhaitais vous interroger plus précisément sur la prévention des pathologies psychiques et psychiatriques.

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Vous êtes, madame, la ministre de la santé et des solidarités. Aussi je veux évoquer ici le sujet important du vieillissement de la population, de la prise en charge de celles et ceux qui avancent en âge, souffrent de multiples pathologies qui les conduisent à une perte d'autonomie grandissante. Quelles que soient les évolutions positives de ces dernières années, nombre de nos concitoyens sont confrontés à la détresse de la perte d'autonomie. Les aidants, qui sont plus de 8 millions à oeuvrer, pour une grande majorité sans rémunération, se sentent bien souvent mal soutenus par les pouvoirs publics.

Certes, la loi de 2015 relatives à l'adaptation de la société au vieillissement prévoit un certain nombre de mesures, mais elles ne sont pas financées à la hauteur des besoins.

Un récent sondage nous montre que six Français sur dix et 73 % des plus de 65 ans se sentent concernés à titre personnel par la prise en charge du grand âge et de la dépendance, et neuf Français sur dix jugent ces questions importantes, voire prioritaires, 68 % d'entre eux considérant que la prise en charge de l'accompagnement du grand âge et de la perte d'autonomie est insatisfaisante.

Quelles réformes entendez-vous conduire ?

Je pense à la tarification des EHPAD, car les établissements sont amenés à faire plus avec moins. Je pense aussi au reste à charge en EHPAD, très difficile à supporter pour les résidents et les familles. Je pense à la tarification des services d'aide à domicile, avec ce décalage entre le prix de revient et l'aide attribuée par les financeurs. Je pense encore à la reconnaissance des aidants qui est essentielle parce qu'ils sont la véritable variable d'ajustement d'un dispositif public insatisfaisant. Enfin, on connaît les difficultés que rencontrent certains départements à mettre en oeuvre l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) alors qu'elle est essentielle.

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Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Monsieur Door, vous avez rappelé le coût de la protection sociale dans notre pays. C'est vrai, ce n'est pas qu'un coût, c'est aussi ce qui fait de notre pays ce qu'il est. Il faut en prendre soin et, comme vous le dites, le travail sera très complexe dans les années qui viennent. Je considère que des économies sont possibles aujourd'hui autour de la pertinence des soins. Nous n'y travaillons pas suffisamment.

Vous me posez la question de la place du service public hospitalier versus le service privé hospitalier. Il faut cesser d'opposer ces secteurs, valoriser la bonne médecine, ceux qui font bien, et arrêter de valoriser la très mauvaise médecine, ceux qui pratiquent des actes inutiles. J'ai discuté de ce changement de paradigme avec les fédérations hospitalières et les syndicats. Je souhaite que nous travaillions collectivement sur la pertinence des actes dont l'amélioration permettrait d'éviter 30 à 40 % des dépenses de l'assurance maladie.

Sachez que nous travaillons avec la CNAMTS et les professionnels à la mise en place des actes de télémédecine. Des mesures seront prises dans le PLFSS pour accompagner tout ce qui pourrait participer à la couverture des déserts médicaux.

S'agissant des actes de prévention, en tant que médecin je pense que c'est une erreur que d'identifier la prévention comme un acte à part. On a trop longtemps cantonné la prévention à d'autres acteurs, d'autres financements, et on ne l'a pas intégrée dans le système de santé. On a l'impression que pratiquer un acte de prévention permet à chacun de se dédouaner du fait qu'il doit avoir un discours de prévention permanent auprès de sa patientèle. Certes, cela peut faciliter une consultation de prévention, mais je ne suis pas sûre que l'on rende ainsi service, sur le long terme, à la prévention qui doit être intégrée en permanence à la façon dont nous voyons le patient qui est devant nous. Nous avons un acte curatif à poser, mais nous devons aussi toujours tenir un discours de prévention, quel que soit le motif de la consultation. Je ne sais pas si c'est cela que vous appelez « acte de prévention », mais nous aurons certainement l'occasion d'y revenir lors de la discussion du PLFSS.

Madame Wonner, vous m'avez interrogée sur la santé psychique. Vous l'avez dit, 25 % de la population est confrontée à un trouble psychique, de l'humeur, une phobie, une dépression, etc. Ce chiffre est en augmentation dans l'ensemble des pays développés, pour diverses raisons. Il y a un enjeu de meilleure structuration, de façon à être dans la prévention, dans un meilleur accompagnement précoce. Vous avez raison, le problème est celui du dépistage précoce, chez l'adulte mais aussi chez l'enfant. Je vais favoriser dès cette année des filières de formation en pédopsychiatrie et de structuration des parcours psychiatriques avec un lien fort avec les médecins généralistes qui doivent être mieux intégrés à la prise en charge de façon à ne pas être démunis lorsqu'un patient atteint d'un trouble psychiatrique vient consulter. Je réunirai prochainement le comité de suivi de la santé mentale et le comité de suivi de la psychiatrie afin qu'ils travaillent à un plan d'aide et de structuration psychiatrique.

Monsieur Perrut, vous m'interrogez sur la difficile question du vieillissement de la population. Vous l'avez dit, c'est un enjeu majeur de long terme et c'est précisément pourquoi je place résolument, dès maintenant, la prévention au coeur de mon action, parce que c'est dans vingt ou trente ans que nous en verrons les bénéfices, avec des personnes âgées qui vieilliront mieux et resteront autonomes.

Un travail en cours vise à une meilleure personnalisation du financement des EHPAD en fonction du degré de perte d'autonomie ou de handicap de la personne. Certains me disent qu'il faut revoir ce financement. Je ne suis ministre que depuis deux mois et je n'ai pas encore eu le temps de me pencher sur ce sujet, ma feuille de route mettant essentiellement l'accent sur la prise en charge des aidants, dont on sait le rôle qu'ils jouent dans l'accompagnement des personnes âgées. Or, ce sont souvent des femmes, qui arrêtent pour cela de travailler sans que cela soit pris en compte dans le calcul leur retraite. Nous aurons l'occasion d'y revenir dans le cadre du PLFSS.

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Madame la ministre, vous avez abordé le sujet du service sanitaire des étudiants en santé, qui me tient particulièrement à coeur car l'idée est née à Angoulême, dans le cadre des ateliers du programme « En marche ».

Cette mesure vise autant la prévention que la formation des professionnels de santé. Comment et dans quels délais envisagez-vous son application pratique dans la médecine scolaire et la médecine du travail ?

Par ailleurs, nous recevons demain M. Dominique Martin, directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Je compte l'interroger sur le déménagement éventuel de l'Agence européenne des médicaments (EMA) en France. Je sais que vous vous impliquez particulièrement dans ce dossier important et je voulais savoir si vous envisagiez une issue positive ?

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Merci de cette présentation, Madame la ministre. Vous proposez de co-construire, d'expérimenter et de simplifier. J'ai envie de vous dire chiche car j'ai proposé moi-même, lors de ma campagne, d'expérimenter avant de légiférer, parce que je pense que cela peut parfois être utile.

Faire reculer le non-recours aux droits est un exercice difficile, qui va fortement mobiliser les travailleurs sociaux, dont je vous remercie d'avoir mis le travail en évidence. Il ne faut pas oublier que quand il y a des droits, il y a aussi des devoirs : quand on associe les deux, on arrive parfois à faire de très belles choses.

S'agissant du handicap, le diagnostic précoce est une très bonne chose, mais nous aurons besoin de l'éducation nationale et des auxiliaires de vie scolaire, les AVS. Il faudra travailler sur leur statut et leur rôle – que font-ils et que ne font-ils pas ? –, parfois mal compris par les familles.

La loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement a beaucoup fait s'agissant de la dépendance, et ses décrets d'application viennent de sortir, notamment s'agissant de la tarification des EHPAD. Un souci va rapidement apparaître, car la tarification sera plus élevée dans les EHPAD publics que dans les EHPAD privés. Je ne crois pas que cela soit le sens de la loi.

Les mesures d'aide aux aidants décidées dans cette même loi ne sont techniquement pas applicables, il faudra donc remettre l'ouvrage sur le métier.

Le modèle économique des services d'aide à domicile doit être revu : les départements ne peuvent plus en assumer le financement et le reste à charge devient trop lourd pour ceux qui ont besoin de ces services.

En tant que professionnelle de santé et pharmacienne, je juge illusoire de croire que le tiers-payant généralisé rendra du temps médical. En revanche, en insistant sur les autorisations d'avance pour les personnes souffrant d'ALD ou bénéficiant de la CMU-C, des progrès peuvent être réalisés.

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Je souhaite revenir sur la réforme du RSI. Ce régime souffre en effet d'une très mauvaise image, comme j'ai pu le constater à de nombreuses reprises dans ma circonscription. Les indépendants ont l'impression qu'il s'agit d'un système très cher, très opaque, et qui prend souvent mal en compte leurs besoins de protection sociale. Ils éprouvent un fort sentiment d'iniquité, et je suis ravie que l'on s'attache à sa réforme.

Vous avez évoqué une mise en oeuvre progressive, sur plusieurs années, à partir du début du mois de janvier. Quels en seront le calendrier et les différentes étapes ? Des expérimentations sont-elles prévues ? Quand pensez-vous que cette réforme sera achevée ? Enfin, quelles améliorations de leur protection sociale peuvent en attendre les indépendants ?

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Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Monsieur Mesnier, nous espérons disposer dans trois mois des résultats de la mission sur le service sanitaire qui sera confiée dès cette semaine à un doyen et à un professionnel spécialisé dans ces questions afin de définir le cadre réglementaire et le champ d'intervention de ces professionnels, que nous pourrons ainsi proposer dès 2018 aux établissements qui les forment – facultés de médecine et écoles d'infirmières. Je ne puis en dire plus à ce stade, mais l'idée serait de commencer dès la rentrée de septembre 2018.

L'Agence européenne des médicaments délivre la grande majorité des autorisations de mise sur le marché (AMM), les compétences nationales étant très réduites dans ce domaine. Elle compte 900 agents et elle va quitter Londres suite au Brexit. Toutes les capitales européennes se la disputent. Nous avons identifié Lille comme candidate pour recevoir l'EMA, car cette ville est assez centrale en Europe et facilement accessible par TGV, y compris, en une heure, pour les agents dont la famille resterait à Londres. La France a donc déposé cette candidature.

Nos points forts sont la centralité et l'accessibilité de Lille par rapport à d'autres villes européennes, et le fait qu'il sera très facile pour ces familles de se reloger à des tarifs corrects, à la différence d'autres pays candidats, comme la Suède ou le Danemark, où le logement est extrêmement cher. Pour notre part, nous devons faire un effort important pour offrir des écoles internationales aux 500 enfants d'agents à scolariser en langue anglaise.

Une difficulté tient au fait que, en raison de ses restructurations successives, l'ANSM traite moins de dossiers européens que les autres agences européennes. En effet, l'EMA ne traite pas directement les dossiers, elle donne des autorisations de mise sur le marché en déléguant le traitement des dossiers aux différentes agences européennes. La France ne représente plus que 10 % des dossiers traités, contre 40 % dans les années 2000. Cela affaiblit notre crédibilité et j'ai donc promis à l'EMA que, si elle s'installait à Lille, nous renforcerions l'ANSM de manière à monter en charge et reprendre les 30 à 40 % de dossiers qui étaient traités par l'agence anglaise.

Une dernière difficulté tient au système de vote européen, qui classe les villes candidates. Sans entrer dans les détails, je pense que nous pouvons obtenir l'installation de l'EMA, mais ce n'est pas gagné à ce jour. La région des Hauts-de-France et la ville de Lille mettent toute leur énergie pour que cette candidature soit plus que crédible aux yeux des agents de l'EMA.

Madame Firmin Le Bodo, vous parliez d'expérimenter avant de légiférer, et je suis bien d'accord avec vous sur ce point. Mon but n'est pas de légiférer, je ne souhaite pas qu'une loi porte mon nom. Je pense que beaucoup de choses peuvent être faites par la voie réglementaire, en libérant les énergies, et je souhaite expérimenter et ne légiférer que lorsque j'y serai vraiment contrainte.

Je suis absolument bluffée par ce que font les travailleurs sociaux. Ils sont au contact de populations très défavorisées, leurs conditions de travail sont difficiles, ils touchent un salaire de misère et font un travail remarquable. Je souhaite vraiment travailler à leur formation et à la valorisation de leur statut.

L'économie sociale et solidaire représente 40 % des personnes qui travaillent dans le champ de mon ministère, et je dois y faire attention autant qu'aux professionnels de santé parce qu'ils sont vraiment au contact des personnes les plus vulnérables.

Vous avez parlé du handicap, qui n'est pas vraiment de mon ressort, mais je sais que Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, travaille sur le statut AVS au sein de l'éducation nationale, et je ne doute pas de son succès.

En ce qui concerne la tarification des EHPAD, j'ai entendu que 70 % d'entre eux gagnaient à cette nouvelle tarification, et que 30 % y perdaient. Je n'ai jamais entendu dire qu'il s'agissait d'un problème entre privé et public, alors que j'ai visité bon nombre d'établissements depuis ma nomination à la tête de ce ministère. Je vérifierai.

J'ai reçu la semaine dernière toutes les fédérations qui portent l'aide à domicile et nous allons lancer un groupe de travail sur la modification de la tarification, qui est aujourd'hui de 25 euros par heure, ce qui est très peu dans le cas de certaines personnes extrêmement handicapées. Il faut donc travailler à la personnalisation de cette enveloppe.

Madame Fabre, vous m'avez interrogée sur le RSI. Le calendrier prévoit un adossement au 1er janvier, mais il s'agira simplement d'un guichet d'entrée, adossé à l'Assurance maladie, car nous ne pourrons pas modifier les systèmes informatiques et l'ensemble de la structure du RSI dès l'année prochaine. Mais le nom de RSI disparaîtra, car il est mal vécu par beaucoup. Si l'un d'entre vous a un nom à proposer, je suis intéressée…

L'idée est d'afficher une mesure dès le 1er janvier 2018 et que l'on travaille à la réforme de cette organisation assez complexe qui ne concerne pas que l'assurance-maladie mais aussi l'assurance-vieillesse. Une mission présidée par M. Giorgi a été confiée à l'IGAS et à l'IGF. Elle a entamé cette semaine ses premières consultations. Nous lui avons donné six mois pour nous proposer une feuille de route et je ne peux donc pas m'avancer au-delà à ce stade.

Mon angoisse est de détruire quelque chose qui commence à fonctionner à peu près. Je veux ne pas faire plus mal et, si possible, faire mieux. Mais nous devons prendre le temps de la réflexion, et dresser un état des lieux.

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Quelle est votre philosophie quant à l'évolution des groupements hospitaliers de territoire (GHT) ? Pouvez-vous nous en dire plus sur la désertification rurale ?

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Un calendrier est-il prévu pour le dossier médical partagé (DMP) sous forme informatique ? Il pourrait avoir une grande importance dans la prévention, le partage des données et le décloisonnement dont vous nous avez parlé précédemment.

Vous avez par ailleurs mentionné la délégation de tâches, il faudra vraisemblablement créer des actes spécifiques à déléguer aux pharmaciens, aux infirmiers, ou autres. Est-ce prévu dans votre feuille de route ?

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Le champ de votre intervention est extrêmement large, ce qui explique ma frustration quant à la précision des pistes que vous avez tracées. Je veux par ailleurs vous faire part de la vive inquiétude que je ressens chez mes contacts quant à l'état du service public hospitalier, qui mériterait à lui seul un débat.

S'agissant de la réforme des retraites, vous avez évoqué des problèmes de soutenabilité. Pourriez-vous nous en dire plus sur les chiffres qui vous amènent à ce diagnostic ?

Garantir une protection sociale de haut niveau pose la question du financement. Les premières mesures annoncées par le Gouvernement ne me rassurent guère quant à la philosophie qui vous animera et à sa traduction dans des actes.

La position prise par le parquet dans plusieurs affaires relatives à l'amiante risquent d'avoir des conséquences sur le déroulement des procès. Quel est votre sentiment sur cette question, révoltante à mes yeux ?

Qu'envisagez-vous pour relever le défi du cancer, particulièrement des cancers pédiatriques, et des maladies rares ? Comment comptez-vous peser sur la politique de recherche ?

Enfin, mon collègue M. Jean-Philippe Nilor souhaitait appeler l'attention sur les territoires d'outre-mer, particulièrement concernés par toutes les thématiques traitées par votre ministère. Il suggère de mener en Martinique et en Guadeloupe une expérience sur le remboursement des prescriptions liées à la pratique du sport pour lutter contre les maladies, notamment le cancer.

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Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Monsieur Chenu, les GHT se sont organisés à marche forcée, vous le savez probablement. Je pense qu'il faut leur laisser le temps de se stabiliser et d'écrire leurs projets médicaux. La philosophie des GHT était d'organiser les territoires autour de parcours de soins identifiés et de projets médicaux, par exemple autour de la maladie diabétique ou des maladies vasculaires.

Aujourd'hui, cette couverture territoriale ne peut reposer uniquement sur un GHT, sans prendre en compte les autres acteurs de terrain. Une réflexion devra être menée à l'avenir pour impliquer d'autres professionnels, éventuellement libéraux, dans ces parcours de soins. Il faut laisser aux GHT un peu de temps pour assimiler la mise en oeuvre des groupements, qui n'est pas totalement apaisée dans tous les territoires, puisque je reçois encore des demandes de certains qui ne souhaitent pas se rapprocher de tel ou tel acteur.

Ma réflexion sur les déserts médicaux considérera le maillage territorial au-delà des GHT. Il faut ouvrir le débat, et cesser d'opposer les secteurs. Nous aurons besoin de tout le monde pour offrir à nos concitoyens une couverture médicale, notamment dans les territoires les plus désertifiés.

Madame Bagarry, vous m'avez interrogée sur le DMP. Ce projet est piloté par l'Agence des systèmes d'information partagés de santé (ASIP). Il avance plus lentement que nous le souhaiterions tous, puisque ce projet est dans les tiroirs depuis une quinzaine d'années. Cela étant dit, nous avons maintenant réellement des outils qui fonctionnent.

Ce projet soulève le problème de notre capacité à accompagner l'informatisation des hôpitaux, qui est loin d'être optimale – les cabinets privés sont aujourd'hui mieux informatisés – ainsi que la question de l'interopérabilité des systèmes. Cela m'impose de penser à un plan d'investissement autour de l'informatisation, de façon à ce que tout soit interopérable entre les médecins libéraux, les différents hôpitaux d'un même GHT, etc. Un plan d'investissement est prévu, vous le savez, il tournera certainement autour de l'information et du numérique.

La délégation de tâches est prévue par l'article 51 de la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. Il s'agit en réalité d'un protocole de coopération entre professionnels de santé, et ce système fonctionne extrêmement mal. Très peu de protocoles ont vu le jour. Ils doivent être validés par l'ARS, puis par la HAS, et, de fait, ils ne se mettent pas en place.

La loi de modernisation du système de santé a acté que des infirmières de pratiques avancées pourrait exercer des surspécialités. Les formations démarrent, je pense qu'il faut aller beaucoup plus vite dans cette direction, ce qui éviterait de vraies délégations de tâches. Nous ouvrirons la voie à des expérimentations dans le cadre du plan de lutte contre les déserts médicaux, de façon à accompagner des initiatives locales.

Monsieur Dharréville, je n'ai pas de réponse particulière à vous donner s'agissant de l'amiante. Je sais que l'instruction a été arrêtée dans plusieurs enquêtes pénales, et que le dispositif d'indemnisation fonctionne globalement. Je n'ai pas plus à dire sur des enquêtes judiciaires, mais je mettrai tout en oeuvre pour que les personnes atteintes de pathologies liées à l'amiante soient correctement indemnisées. Cela impose peut-être des aménagements techniques, je verrai cela avec l'opérateur dédié.

En m'interpellant sur les cancers pédiatriques, vous touchez une corde sensible car cela a été ma spécialité, et, dans le plan cancer que j'ai rédigé pour le gouvernement précédent, j'avais fait des cancers pédiatriques une priorité. Toutes les mesures possibles et imaginables pour faire avancer les travaux sur les cancers pédiatriques ont été intégrées à ce plan, notamment le plus grand essai clinique possible sur les cancers en rechute, qui consiste en un séquençage du génome avec un accès à des molécules innovantes. J'avais réussi à obtenir de l'industrie pharmaceutique l'accès gratuit à toutes ces molécules innovantes en allant voir une par une les grandes entreprises américaines, et en les convaincant de nous donner ces molécules pour la France.

Ce protocole a maintenant été déployé dans toute l'Europe, j'en suis extrêmement fière. J'y avais consacré des financements spécifiques, et toutes les associations de parents d'enfants atteints de cancers peuvent vous dire que le plan cancer 2014-2019 a tout fait pour accélérer la recherche sur les cancers pédiatriques. J'ai notamment lancé un PAIR (Programme d'actions intégrées de recherche) sur les cancers pédiatriques en réunissant toutes les équipes travaillant sur ce sujet, doté d'un financement dédié de plusieurs millions d'euros. Je crois que j'ai fait mon travail, et en tant que ministre de la santé, vous pouvez compter sur moi pour continuer à accompagner la recherche sur les cancers pédiatriques.

Sur ce sujet, je pense n'avoir aucune leçon à recevoir, j'ai « fait le job », et je continuerai comme ministre, car je pense qu'il n'est pas possible, dans une société, que les enfants soient moins bien soignés et moins bien accompagnés que les adultes. C'est vrai pour les cancers comme pour toutes les pathologies dont j'aurai la charge, ainsi que pour la prévention et l'exclusion. Je ne supporte pas que les enfants de ce pays ne soient pas suffisamment accompagnés. S'il y a des aides spécifiques à développer pour les familles avec enfants, je le ferai car je pense que c'est l'image de la société de demain que nous travaillons en accompagnant les enfants et les familles. J'en fais une priorité de mon quinquennat – je ne sais pas si je resterai tout le quinquennat, mais j'en fais une priorité de ma feuille de route ! (Applaudissements.).

En réponse à la question sur les outre-mer, je pense que nous ne pouvons pas traiter tous ces territoires de la même façon. Mayotte, la Réunion ou la Guyane ont des problèmes différents. Mayotte est une énorme source d'angoisse, c'est un territoire tellement défavorisé ! J'irai voir ce qu'il est possible d'y faire. La Guyane pose également d'énormes difficultés. Je pense que nous pouvons traiter la Martinique et la Guadeloupe un peu différemment, et La Réunion est clairement un territoire beaucoup mieux équipé, où l'accès aux soins est plus facile. Il faut être attentif, ne pas traiter tous les territoires d'outre-mer de la même façon, et garder une vision différenciée. Des assises ou des états généraux des outre-mer vont se tenir dans peu de temps. Ce ministère y participera, car le sujet de la couverture et de l'accès aux soins est majeur.

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Merci, madame la ministre, d'avoir commencé votre propos par la lutte contre l'exclusion, qui doit être une de nos priorités pour les cinq années à venir. Vous êtes revenue sur le calendrier d'augmentation d'un certain nombre de minima sociaux : allocation adulte handicapé, minimum vieillesse, et la hausse de 50 % de la prime d'activité qui, cumulée à la suppression de la taxe d'habitation, équivaudra à un treizième mois pour les salariés payés au SMIC. Ce sont des avancées très concrètes pour nos concitoyens les plus fragiles.

Cependant, les personnes en situation de grande exclusion ne perçoivent pas ces minima. Elles peuvent prétendre au RSA, dans la majorité des cas, mais toutes ne le touchent pas. Près d'un tiers des bénéficiaires potentiels du RSA en sont aujourd'hui privés. Nous sommes donc bien loin des fantasmes sur la fraude sociale généralisée que certains agitent parfois.

J'aimerais revenir avec vous sur le versement unique et automatique. C'est une façon d'améliorer l'effectivité des minima sociaux. Nous avons progressé avec la prime d'activité : en fusionnant la prime pour l'emploi et le RSA activité, elle a fait chuter le taux de non-recours de 60 % à 30 %. Cette réforme permettrait d'aller encore plus loin. Vous l'avez évoquée dans votre propos, je voudrais savoir si vous pouvez nous en dire un peu plus sur son périmètre : concernera-t-elle le RSA, la prime d'activité, les APL, voire d'autres aides ? Quelles pistes envisage-t-on à ce stade ? Vous avez fait mention d'un guichet unique, disposons-nous déjà d'hypothèses ? La CAF ou une instance ad hoc, plusieurs pistes peuvent être envisagées.

Comment cette réforme peut-elle être corrélée à la question de l'accompagnement social global auquel vous avez aussi fait référence ? Accès au droit, à l'emploi, au logement, tous ces sujets sont aujourd'hui morcelés entre différents acteurs et financeurs, il serait intéressant de savoir comment nous pourrions avoir un pendant au versement social unique automatique, avec un référent unique ou un guichet unique.

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Madame la ministre, vous avez manifesté votre volonté d'axer votre action sur la prévention, je le note avec satisfaction. Nous avons aussi beaucoup parlé des personnes âgées. Depuis 2014, le programme PAERPA (Personnes âgées en risque de perte d'autonomie) organise un parcours de santé afin que chaque personne âgée de plus de 75 ans reçoive les bons soins au bon moment par les bons professionnels, afin de conserver son autonomie le plus longtemps possible, dans son cadre de vie habituel. Il s'articule autour d'un renforcement de la coordination centrée sur les professionnels de santé de premier recours et les travailleurs sociaux, pour assurer une coordination clinique de proximité, sécuriser les sorties d'hôpitaux, faciliter l'accès aux droits, éviter les hospitalisations inutiles et lutter contre l'iatrogénie médicamenteuse.

Déployé à titre expérimental, ce dispositif est progressivement étendu. Avez-vous l'intention de le pérenniser et de le généraliser ?

Ma deuxième question porte sur la maladie de Lyme. Nous enregistrons 30 000 nouveaux cas par an, pouvez-vous nous faire un plan d'étape sur les avancées du plan Lyme suite à la réunion du 3 juillet dernier avec la DGS et les représentants des patients ? Pourquoi avez-vous repoussé à la rentrée la sortie, initialement prévue pour juillet, du protocole national de diagnostic et de soins par la Haute Autorité de Santé ? Quelle est votre position au sujet de la révision du consensus de 2006 sur le traitement de la borréliose ?

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Madame la ministre, nous avons toutes et tous ici conscience de l'ampleur de vos missions ainsi que de l'importance qu'elles revêtent pour les Français. Nous sommes avec vous dans les combats courageux que vous menez ; je pense notamment aux combats pour la vaccination, la réduction des inégalités ou encore contre le tabagisme.

À ce propos, je souhaiterais connaître votre position personnelle sur la place du « vapotage » comme outil de lutte contre le tabagisme. Car la transposition en France des dernières directives européennes a causé de l'émoi dans la communauté très active des « vapoteurs » qui craignent un retour en force de l'industrie du tabac dans ce secteur, qui concerne un moyen de sevrage tabagique efficace.

Dans la perspective du prochain PLFSS, ma question sera la suivante : pour en finir avec la politique du rabot annuel, engagerez-vous des réformes structurelles et profondes ? Ceci nécessite du temps et des moyens. Lors de sa campagne, le Président de la République avait annoncé un Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) pluriannuel de 2,3 % en moyenne, permettant de donner de la visibilité et de la lisibilité aux acteurs.

Je souhaite vous interroger sur le sujet qui me préoccupe particulièrement de la mise en place du financement au parcours de soins. Il faut casser le silo de la ville et celui de l'hôpital qui ne communiquent pas, comme celui que vous avez évoqué au sujet des ministères ; la même chose doit être faite entre les secteurs médical et médico-social.

Il faut financer les soins à l'épisode de soins ou au parcours de soins, ce qui permettra de réduire la part de la T2A. C'est la méthode du choix de la confiance donnée aux professionnels de santé – qui dans les territoires regorgent d'idées et d'initiatives, trop souvent bridées par une politique très jacobine, que certains qualifieraient d'étatique.

Quand pourrons-nous démarrer les expérimentations dans les territoires à partir des initiatives des professionnels, afin de soigner différemment les patients avant de payer les différentes structures intervenant dans les divers types de soins ? Pensez-vous que nous serons prêts pour lancer quelques expérimentations dès l'année à venir ; car il faut privilégier une méthode pragmatique ? À cet égard, je rappelle, qu'en 2012, nous avions voté l'expérimentation « parcours insuffisance rénale chronique terminale » qui constituait un dispositif tellement rigide et national que, cinq ans après, il n'y a toujours pas de malades inclus.

Une vraie volonté de changement existe, ainsi que beaucoup d'attentes et d'enthousiasme dans les territoires.

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Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Monsieur Taquet, vous avez évoqué le travail que je souhaite conduire en faveur de l'accès aux droits, de la simplification et de la lisibilité. J'ai entendu la critique de M. Dharréville, qui, avec raison, se disait frustré par le manque de précisions : je concède que, par moments, je souhaiterais moi-même être plus précise.

Mais il faut comprendre que, si ces sujets n'ont pas encore été traités, c'est qu'ils sont souvent techniquement complexes. Avant d'annoncer, au terme de deux mois, la façon dont nous allons procéder, nous avons besoin de travailler en concertation ; cela d'autant plus que je prône la co-construction.

La question des minima sociaux concerne la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), dans les territoires et les départements ; et je ne me vois pas exposer la façon dont je souhaite m'y prendre aujourd'hui, avant la concertation. Je dois rencontrer l'Assemblée des départements de France au mois de septembre afin de discuter de ces sujets. De son côté, la Conférences des territoires a été lancée hier, et le sujet y a été largement abordé. Je travaillerai donc cette question de septembre à décembre, à la fois avec la CNAF, car nous allons négocier la future convention d'objectifs et de gestion (Cog), ainsi qu'avec les départements. Au minimum, il nous faut un « Cloud » dans lequel les personnes pourront déposer les informations les concernant afin de ne pas avoir à répéter à chaque guichet leurs coordonnées, leur domicile – que d'ailleurs elles n'ont souvent pas, ce qui oblige à fixer un domicile administratif à des gens qui en sont dépourvus.

Ainsi, il existe un travail de simplification que je peux réaliser ; mais le versement social unique ou la fusion d'un certain nombre de minima doivent être débattus notamment dans le cadre de la discussion que nous aurons avec les départements sur la recentralisation du RSA, qui constitue un énorme budget de 500 millions d'euros pour le ministère.

Vous aurez donc plutôt la réponse au mois de décembre qu'aujourd'hui.

Madame Dubié, vous avez évoqué le PAERPA. Je vous livrerai à ce sujet un sentiment personnel : pour l'avoir connu au sein de la Haute Autorité de santé (HAS), j'ai été amenée à procéder à une forme d'évaluation ainsi qu'à produire beaucoup de documents d'accompagnement. Je pense que, dans ce pays, nous avons trop tendance à plaquer des dispositifs provenant de ministères sur des territoires qui sont tous différents.

Ainsi, les PAERPA fonctionnent très bien dans les Pays de la Loire, par exemple, où quelques aménagements ont été apportés, et où d'autres professionnels que ceux initialement prévus ont pu participer, parce que l'ARS a fait des efforts particuliers d'accompagnement. En revanche, dans certains territoires, aucune progression n'est constatée, et cet accompagnement personnalisé ne voit pas le jour.

Je pense que nous devons procéder autrement. C'est la raison pour laquelle je souhaite travailler en fixant des objectifs aux territoires, en proposant des financements permettant d'accompagner des expérimentations et des initiatives locales, et en demandant aux acteurs de rendre compte de leurs résultats, sans obligatoirement caler des organisations issues d'un bureau du ministère. Car je pense que cela ne marche plus.

À mes yeux, le PAERPA est un dispositif en cours d'évaluation, j'attends donc le résultat de cette évaluation nationale ; mais j'ai des doutes quant à son efficacité, et je ne pense pas qu'il ait atteint ses cibles. Faut-il le déployer en l'état, le simplifier, ou plutôt le rendre plus agile ? C'est peut-être cette question que nous devons nous poser de façon à ce que des acteurs différents puissent y participer afin de mieux accompagner nos personnes âgées.

Un plan est en cours d'élaboration pour lutter contre la maladie de Lyme, il est dirigé par le directeur général de la santé. Au sein de l'AHS nous avions constitué des groupes de travail. Un protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) était prévu ; un référentiel de prise en charge des patients atteints de la maladie de Lyme devait être rédigé, mais les acteurs associatifs se sont présentés avec leurs avocats. Cette situation a singulièrement compliqué la tâche, car un groupe de travail médical est avant tout destiné à écrire un référentiel fondé sur l'analyse de la littérature scientifique.

C'est pourquoi les travaux ont pris du retard : nous voulons bien travailler, mais dans un contexte scientifique rationnel ; en tout état de cause, ce PNDS devrait voir le jour à l'automne prochain.

Monsieur Véran, vous m'avez demandé mon avis sur le vapotage. Mon appréciation a évolué au fil du temps. Étant comme vous médecin hospitalier, je suis rarement dogmatique, j'ai plutôt tendance à consulter les analyses et la littérature. Il fut un temps où des études montraient que le vapotage réduisait le nombre de cigarettes fumées, mais ne permettait pas l'arrêt du tabac, or, en cancérologie, ce qui compte c'est d'arrêter de fumer, car la durée du tabagisme importe beaucoup plus que le nombre de cigarettes fumées.

Ainsi le vapotage n'apportait absolument pas le bénéfice qu'on en attendait en termes d'arrêt du tabac ; je ne me suis donc pas du tout battue pour que le vapotage soit favorisé ; nous avions par ailleurs de sérieux doutes quant à la qualité des produits utilisés. Je suis la littérature scientifique, et si l'on me montre que le vapotage est utile, je changerai éventuellement la façon dont il est encadré en France ; en fait, je n'ai pas d'avis personnel sur ce sujet.

Ainsi que vous l'avez dit, il est prévu que l'ONDAM soit de 2,3 % en moyenne lors du quinquennat, ce qui donnera un peu de visibilité aux acteurs. Aussi allons-nous essayer de maintenir cette proportion, ce qui implique impérativement des restructurations. Notre système de santé ne pourra pas survivre si nous ne restructurons pas l'offre hospitalière notamment, ce qui emporte la modification du mode de tarification. Tant que les hôpitaux ne seront pas tarifés à l'activité, nous aurons tendance à conserver des lits au sein de ces établissements, sans pouvoir les supprimer au profit de la médecine ambulatoire.

Monsieur le député, vous avez rendu un très bon rapport, dont je vais m'inspirer, dans lequel vous proposez des expérimentations de tarification au parcours. Là encore, pour avoir suivi cette question dès 2014 dans le cadre du Plan cancer, je puis affirmer que, si nous n'y parvenons pas, c'est que c'est extrêmement compliqué sur le plan juridique ainsi que sur celui de la modélisation de ce que peut être une tarification au parcours.

Ainsi, la transition d'un modèle à l'autre est techniquement très complexe. Aujourd'hui, et je suis d'accord avec vous, il faut passer par des expérimentations de terrain, et favoriser des initiatives locales avec des propositions afin de voir ce qui fonctionne dans les territoires, avant de faire le grand soir de la tarification, que nous ne savons pas faire actuellement, et qui est cependant indispensable.

Dès cette année, je vais continuer à travailler sur cette tarification hospitalière et j'espère pouvoir revenir vers vous avec des propositions dès l'année prochaine.

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Merci, madame la ministre pour votre disponibilité, mais aussi pour votre discours de la méthode. Vous permettrez à l'avocat que je suis de prendre la parole, malgré ce que vous venez de dire, en espérant ne rien complexifier.

Au sujet de la désertification médicale, j'aimerais entendre de la bouche de la ministre de la santé que l'État va enfin se saisir de cette question, qui ne peut plus être laissée aux seuls communes, établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), départements et régions. Cela d'abord pour une raison financière, mais aussi pour une raison d'équilibre sur le territoire national, car les initiatives locales sont très nombreuses aujourd'hui, mais elles sont aussi très disparates. Et l'accès aux soins n'est plus parfaitement égal sur l'ensemble du territoire.

J'aimerais également recueillir votre avis sur la prise en charge des personnes âgées, notamment des personnes âgées dépendantes. Il me semble – mais cela n'est peut-être que mon point de vue – que nous sommes au bout d'un système. Pour être élu départemental, je vois que les finances des départements arrivent au maximum de ce que la solidarité publique sera en mesure de prendre en charge, et je constate aussi, avec les restes à charge, que la solidarité familiale arrive également au maximum de ses capacités.

Il me semble que dès maintenant nous devons envisager la création d'un modèle nouveau, qui, peut-être, reposera sur une forme différente de famille. Peut-être faudra-t-il en revenir, à un moment ou un autre, à la famille polynucléaire avec l'aide ou le soutien de l'État, je l'ignore. Mais il me semble que nous sommes confrontés à la fin d'un système, et qu'il nous appartient, avant qu'il soit trop tard, d'imaginer un système nouveau.

Enfin, dans l'esprit de la Conférence des territoires et des propos du Président de la République d'hier, envisagez-vous de délocaliser les agences régionales de santé, et de redonner un peu de pouvoir aux délégations départementales, qui en sont – c'est en tout cas ce que j'observe dans mon département – très sérieusement privées, ce qui ne favorise pas le dialogue avec les élus dans les territoires ?

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Vous avez indiqué, madame la ministre, que la prévention était l'une de vos priorités. La santé publique, qui constitue une action d'ensemble, peut être considérée en France comme le parent pauvre des politiques publiques. Lors de sa campagne, le Président de la République avait annoncé que son action en matière de prévention permettrait à chacun d'assurer le contrôle de sa santé et de l'améliorer.

Nous savons que les inégalités existant en matière de santé et d'accès aux soins sont susceptibles d'avoir une incidence réelle et discriminatoire sur la durée de vie en fonction du statut social des intéressés. Or, dans le domaine de la santé, la prévention se situe au carrefour du médical et du social. Nous savons donc que la prévention ne relève pas du ressort du seul ministère de la santé, et que, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, les équipes pluridisciplinaires sont indispensables.

Je souhaite donc vous interroger sur un problème de méthode : pensez-vous devoir légiférer une nouvelle fois sur la santé publique ? Je crois connaître la réponse… Par ailleurs, comment envisagez-vous d'associer, par-delà les personnels médicaux et sociaux, les citoyens, ce que personnellement je juge indispensable ?

Autre question souvent posée : avez-vous l'intention de modifier le numerus clausus pour les études de médecine ?

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Madame la ministre, vous avez évoqué l'aide à l'enfance ainsi que les politiques d'insertion sociale et professionnelle. J'ai été interpellée par des associations de prévention spécialisée qui s'inquiètent de la fusion de leur mission dans des missions d'accompagnement plus générales, qui ne respectent pas les principes fondateurs de l'éducation spécialisée, notamment le respect de l'anonymat et de la libre adhésion. Portez-vous un regard particulier sur ce sujet ?

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Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

J'avoue, Madame de Vaucouleurs, que le sujet de l'éducation spécialisée et des éducateurs spécialisés ne m'est pas encore remonté. Je me trouve donc dans l'incapacité de vous répondre aujourd'hui et j'espère être en mesure de le faire une prochaine fois.

Avec raison, M. Grelier m'a posé la question des déserts médicaux. Les régions et les territoires ne peuvent pas être les seuls à fournir un effort d'attractivité ; il faut responsabiliser les acteurs. J'ai engagé des discussions avec les grands syndicats médicaux, et les médecins pourraient avoir une responsabilité dans les territoires ainsi qu'au regard de la densité de population.

Aujourd'hui, un médecin a une responsabilité vis-à-vis de sa patientèle, mais nous constatons que cela est insuffisant à couvrir les besoins de soins de la population. Certains d'entre eux se sentent investis de cette responsabilité populationnelle et de santé publique au sens large ; singulièrement les jeunes médecins qui adhèrent beaucoup à cette démarche. C'est la raison pour laquelle, dans les maisons de santé publique, les professionnels – qui comptent souvent des jeunes – se considèrent responsables d'un territoire de santé, et sont prêts à aller dans des maisons pour personnes handicapées.

Je pense que nous pouvons travailler avec les acteurs de terrain, les professionnels de santé et les ARS de façon à s'engager sous la forme de contrats de territoires que j'accompagnerai financièrement ; c'est ce que j'explore aujourd'hui dans le plan sur les déserts médicaux. Là encore, je souhaite co-construire avec les intéressés, car on ne peut jamais contraindre quelqu'un, notamment un médecin, à se livrer à un exercice qu'il ne veut pas faire. Je ne crois pas en l'obligation dans le domaine de la médecine : on n'obligera jamais les médecins à s'installer dans un territoire s'ils ne le veulent pas, ils iront faire autre chose.

Il faut donc être très incitatif, accompagner, être volontariste dans la levée des blocages administratifs, favoriser et responsabiliser les intéressés. C'est cette concertation que je mène avec les acteurs de terrain, de façon à ce qu'ils s'engagent, par exemple à consacrer une journée par semaine au cabinet d'un professionnel partant à la retraite. Beaucoup de choses peuvent être imaginées ; pour cela il faut lever les blocages, ce que nous sommes en train de faire.

Au sujet des personnes âgées, l'expression « fin de système » m'est déjà revenue ; vous avez eu raison de l'évoquer, le dispositif est lourd, la population croît, et les restes à charge pèsent ; il y a donc certainement lieu de mener une réflexion globale sur le système.

Si aujourd'hui la question ne figure pas dans la feuille de route, c'est que le sujet n'est pas mûr, nous l'aborderons avec le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge. Nous pouvons accompagner les progrès apportés par la loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement, et s'il faut aller plus loin dans les années à venir, nous le ferons. Je conserve en tout cas à l'esprit que ce dossier peut être ouvert.

C'est avec raison que vous avez considéré que les délégations départementales des ARS avaient besoin de moyens. J'ignore aujourd'hui si ces moyens seront disponibles, même si je le souhaite, car, comme vous le savez, il va falloir faire des choix et hiérarchiser des dépenses afin de privilégier celles qui servent le public. Je ne suis pas sûre que renforcer l'échelon territorial constitue mon premier choix, même si j'estime que c'est nécessaire. Je cherche avant tout à être utile aux personnes : il faut bien fixer une ligne de conduite dans les choix budgétaires qui sont inévitables.

Madame Iborra, vous avez évoqué l'association des citoyens aux problèmes de prévention ; comme vous l'avez présumé, je ne souhaite pas faire une nouvelle loi de santé, et ne le ferai que si cela devait être absolument nécessaire. La stratégie nationale de santé est inscrite dans la loi ; nous ne la réécrirons pas tous les quatre ans, mais nous allons maintenant écrire une stratégie ambitieuse, consacrée à la prévention, qui fixera le cadre des politiques publiques et dont je considère qu'elle constituera un vecteur suffisant.

Associer les citoyens est très compliqué. Cela doit se préparer dès la plus petite enfance, et l'éducation à la santé doit être un enjeu à l'école, ce que Jean-Michel Blanquer a bien perçu. Je ne connais pas de recette miracle pour favoriser l'appropriation des mesures de prévention, notamment dans les publics vulnérables ; car lorsque l'on est chômeur et que l'on cherche quelques euros pour terminer le mois, je comprends que la priorité n'est pas dans la projection de sa santé à trente ans.

Aussi, lutter pour une meilleure prévention c'est aussi lutter contre l'exclusion et la pauvreté. Tout cela se tient : une meilleure santé, c'est une façon de lutter contre l'exclusion et le déclassement. C'est l'ensemble des politiques que je mène qui favorisera une appropriation des enjeux de santé publique par les citoyens. Je ne voudrais pas culpabiliser les populations les plus éloignées du système de santé et de la prévention, alors que je comprends les raisons pour lesquelles elles ne se sentent pas engagées dans les politiques publiques de prévention qui nécessitent de se projeter à l'horizon de vingt ou trente ans. Il faut donc être attentif à la façon dont on porte les sujets.

Enfin, je précise qu'une mission vient de commencer ses travaux au sujet du numerus clausus.

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Conformément à ce qu'avait annoncé le Président de la République lors de sa campagne, vous souhaitez réformer le RSI qui, pour reprendre vos propres termes, a une mauvaise image. J'ai cru comprendre dans votre réponse qu'avant de prendre une décision définitive sur une fusion avec le régime général, vous avez commandé une mission à l'IGAS et que, pour le moment, seul un adossement était prévu. Pourriez-vous préciser cette information ?

Vous avez par ailleurs évoqué l'insertion professionnelle et l'accès à l'emploi pour ceux qui sont éloignés du monde du travail. Il s'agit pour moi d'un sujet essentiel, car un trop grand nombre de Français en sont durablement éloignés et sont sur le chemin de l'exclusion, lorsqu'ils ne sont pas déjà exclus. J'ai bien entendu que vous alliez fixer vos priorités dans les mois à venir : les entreprises intermédiaires et les associations d'insertion en feront-elles partie.

L'insertion professionnelle est à mes yeux un enjeu fondamental de ce quinquennat. Allez-vous laisser aux forces vives et acteurs locaux la possibilité de mener des expérimentations afin de vous proposer des solutions nouvelles ?

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Je salue, madame la ministre, votre approche pluridisciplinaire ainsi que cette volonté de co-construction d'un partenariat pour créer un parcours de santé, voire un parcours de vie afin de mettre la santé plutôt que la maladie au coeur de la vie.

Ainsi que vous l'avez dit, nous aurons besoin de tous pour donner à ce fleuron de la République qu'est la fonction publique les moyens de ses missions, qui sont immenses et essentielles, car c'est ce qui fonde notre société de solidarité humaine.

Vous savez que la question de l'autisme est particulièrement sensible, et peut-être symptomatique de notre système social et sanitaire actuel. Il existe aujourd'hui un certain nombre de parcours dits « éclatés », terme utilisé dans de nombreux rapports, des familles heurtées, ce que l'IGAS a encore récemment souligné. Dans ma circonscription, faute de réponse institutionnelle, une maman a proposé d'être l'AVS de son enfant. Les urgences sont nombreuses dans ce domaine et j'aimerais que vous nous précisiez les priorités que vous avez retenues comme axes structurants de ce énième plan autisme.

En second lieu…

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Je vous rappelle, monsieur Hammouche, que, comme vos collègues, vous ne disposez que de deux minutes pour poser vos questions.

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Je souhaitais encore évoquer la redistribution du temps de travail, notamment chez les psychiatres ; vous avez mentionné la crise démographique que connaît la profession. L'hospitalisation sous contrainte…

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Je vous remercie, Madame la ministre, de nous avoir exposé votre feuille de route. On mesure que les sujets que vous avez abordés sont d'une urgence bien plus criante que le code du travail qui nous a occupés jusqu'ici…

Nous savons que 8,6 millions de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté, soit un million de plus qu'en 2014. Je vous rejoins sur le non-recours. Un pays riche comme la France ne peut pas se contenter d'une politique en demi-teinte sur ces sujets, alors que le montant du RSA n'excède pas 450 euros, et qu'un tiers des personnes susceptibles d'y prétendre ne le demande pas.

Au-delà de nos propositions qui passent notamment par la revalorisation du SMIC et des minima sociaux, de façon à ce qu'aucun niveau de vie ne se situe en dessous de 1 000 euros par mois et par personne, je souhaiterais connaître votre avis sur la généralisation possible de la gratuité dans certains domaines : une tarification progressive permettrait par exemple de garantir à chacun une quantité minimale d'eau et de gaz indispensable à la vie.

Vous avez, par ailleurs, évoqué une réforme à venir de la retraite. Ces dernières années, on a justifié l'augmentation de l'âge de départ à la retraite par le fait que, comme nous vivons plus longtemps, nous devons travailler plus longtemps. C'est là ignorer que c'est précisément parce qu'on travaille moins longtemps que l'on vit plus longtemps, mais aussi que la retraite ne peut pas être indexée sur l'espérance de vie puisque l'espérance de vie en bonne santé, voire l'espérance de vie tout court, recule en France depuis 2006.

Puisque votre gouvernement est sensible à la question de l'égalité entre les femmes et les hommes, je vous soumets une proposition : rémunérer de la même façon les femmes et les hommes. Nous ferions en été d'une pierre deux coups puisque les cotisations qui en résulteraient permettraient de financer la retraite à soixante ans.

Je souhaiterais enfin connaître votre avis au sujet des dépassements d'honoraires médicaux, qui rendent la santé toujours plus inaccessible à l'heure où une personne sur dix renonce à se soigner par manque d'argent ou ne peut pas se soigner sans recourir à une assurance complémentaire coûteuse et inégalitaire.

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Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

En effet, monsieur Viry, j'ai dû mal m'exprimer concernant le RSI : il va bien intégrer le régime général. Mais la question est plutôt de savoir suivant quelle méthode, de façon à ne pas menacer le fragile équilibre de ce dernier. J'ai reçu les organisations syndicales concernées et toutes sont favorables à l'évolution envisagée.

Pour ce qui est de l'accès à l'emploi, je suis très attentive aux associations qui oeuvrent pour l'insertion professionnelle. Du reste, je souhaite maintenir en l'état le fonds de dotation départemental dédié. Les arbitrages ne sont pas encore rendus mais j'entends bien engager mon ministère en faveur de l'insertion professionnelle.

Vous m'avez interrogée, monsieur Hammouche, sur le plan « Autisme », lancé par ma collègue Sophie Cluzel il y a dix jours. Ce plan interministériel est en effet placé sous l'égide du secrétariat d'État chargé des personnes handicapées. Le ministère des solidarités et de la santé aura un rôle d'accompagnement, de stabilisation des référentiels de prise en charge – il est aujourd'hui difficile d'obtenir un consensus en la matière –, enfin de repérage précoce des enfants concernés. C'est pourquoi je souhaite renforcer les filières qui permettent un repérage, notamment pédopsychiatrique, et un diagnostic précoces. Le ministère de l'éducation nationale travaillera pour sa part plus spécifiquement à l'intégration à l'école des enfants autistes.

M. Quatennens m'a posé une question sur la gratuité de l'eau et de l'électricité pour les personnes défavorisées. On comprendra bien que ce type d'arbitrage ne me revient pas : mon travail consiste à accompagner au mieux les exclus, notamment à leur permettre de jouir de leurs droits dans les conditions les plus dignes.

Par ailleurs, le Président de la République a annoncé qu'il ne reviendrait pas sur l'âge de départ à la retraite à soixante-dix ans (Rires)… Je voulais dire soixante-deux ans bien sûr, vos tweets vont assurer le succès de mon lapsus. Je reste bel et bien dans l'épure dessinée par le chef de l'État et n'entends pas modifier l'âge de départ à la retraite qui est, j'y insiste, de soixante-deux ans.

Quant à l'allongement de l'espérance de vie, il tient à l'amélioration des conditions de travail, vous avez raison, monsieur Quatennens, mais également aux vaccins, aux traitements médicaux, au respect des règles d'hygiène, aux habitudes de vie ; et le fait que l'espérance de vie ait diminué l'année dernière en France est essentiellement lié à l'épisode grippal qui a entraîné une surmortalité. La tendance globale à la hausse demeure.

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Nous vous remercions pour vos propos qui enrichissent notre réflexion, madame la ministre. Ma question porte sur la protection vaccinale, sujet polémique, vous l'avez dit, notamment parce qu'il est anxiogène pour les parents, et sur lequel on nous interroge déjà. Nous avons pris bonne note des enjeux et mesuré votre responsabilité. Nous sommes conscients qu'il faudra faire preuve de beaucoup de pédagogie.

Quelles seront les conséquences pour les parents qui s'opposeraient à la vaccination de leurs enfants ? Qu'en sera-t-il de l'intégration de ces enfants non-vaccinés au sein des collectivités ? Enfin, avez-vous une idée de la périodicité des vaccinations ?

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Vous avez vanté les bonnes pratiques, madame la ministre, et condamné les actes inutiles. Certes, mais vous avez oublié de mentionner le manque de moyens humains et matériels qui permettraient d'aller dans le sens que vous souhaitez. Si, par exemple, le manque d'effectifs ne permet pas de changer une protection, le risque d'apparition d'une escarre s'en trouvera d'autant plus élevé, le soin de cette escarre entrant dès lors dans la catégorie des actes inutiles voire dans celle des actes de maltraitance. Tout le poids des mauvaises décisions politiques prises ces trente dernières années est supporté par les soignants, les patients en subissant les conséquences.

Combien de postes de soignants pensez-vous dès lors créer au cours des cinq prochaines années ?

Avez-vous prévu de présenter un projet de loi de surveillance des profits réalisés par de grands groupes européens sur le dos de nos retraités placés en EHPAD privés ?

Qu'avez-vous prévu contre les burn-out en constante augmentation chez les soignants ?

Enfin, le projet de loi d'habilitation du code du travail revient sur le compte personnel de prévention de la pénibilité. Quelle est votre position, en la matière, concernant le travail de nuit ?

Puisque vous avez affirmé que l'espérance de vie continuait d'augmenter, je me permets d'ajouter que l'espérance de vie en bonne santé, elle, diminue.

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La valeur travail ayant été au coeur de la campagne électorale de la République en marche, je souhaite savoir quelle est votre feuille de route en ce qui concerne l'insertion ainsi que la place et le rôle de l'économie sociale et solidaire.

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Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Il y a eu sur les vaccins une telle désinformation et l'État, les agences sanitaires, les médecins en ont fait si peu de cas, s'abstenant de rappeler les vérités scientifiques, que la population française est la plus défiante du monde. Ainsi, seuls 44 % de nos concitoyens croient en la vaccination – comme si, d'ailleurs, c'était une question de croyance : les effets de la vaccination sont scientifiquement avérés et c'est grâce à eux que nous sommes là et que la population croît dans le monde ; la vaccination a sauvé des centaines de millions de vies depuis quelque deux cents ans.

Au pays de Pasteur, cette défiance fait mal et l'on voit de nouveau, aujourd'hui, des enfants mourir faute d'être vaccinés. On a parlé de la rougeole, mais l'année dernière vingt-cinq enfants sont aussi morts de méningite. De surcroît, parmi les 255 cas de méningite diagnostiqués, au cours des trois dernières années, certains sont handicapés à vie, aveugles, sourds. Il faut donc, à un moment donné, rétablir la vérité scientifique sur les risques encourus !

C'est la vaccination de la petite enfance que je veux rendre obligatoire : ma priorité est de protéger nos enfants de moins de deux ans, ainsi que les nouveaux-nés qu'il faut protéger mais aussi les enfants malades que l'on ne peut plus vacciner. En Italie, alors qu'il était en train de guérir, sous chimiothérapie, un enfant atteint d'une leucémie est mort de la rougeole la semaine dernière ! Des parents dont les enfants sont morts d'une méningite me disent « Bravo, il faut vacciner les enfants ! ». Pour vous le dire franchement, nous assistons à une régression médicale comme je n'en ai jamais vu : la défiance constatée n'a absolument absolument pas lieu d'être. Je comprends que la désinformation constante des réseaux sociaux finisse par faire peur aux familles, mais il faut rappeler les chiffres : il faut comparer un cas de syndrome de Guillain-Barré pour un million d'enfants vaccinés avec la cécité et la surdité que peut causer une méningite aiguë faute de vaccin.

Les gens ne se rendent pas compte des risques qu'ils prennent pour eux, mais aussi pour les autres. Car c'est en effet un enjeu de solidarité : on refuse de faire vacciner ses enfants en pensant que tous les autres le sont et qu'il n'y aura par conséquent plus d'épidémies. On compte donc sur les autres, de surcroît alors que l'on pense qu'ils prennent des risques… Or, j'y insiste, il n'y a pas de risque. Tout les enfants doivent donc se faire vacciner afin d'atteindre le taux de 95 % de couverture préconisé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) – pour tous les pays du monde ! Ces critères sont internationaux, je ne les invente pas. Pourtant, le taux de couverture vaccinale de la France décroît puisqu'il n'est plus que de 80 % pour la rougeole, de moins de 70 % pour la méningite et je n'évoque même pas le vaccin contre l'hépatite B.

Comme la population ne croit plus dans les vaccins, je l'ai dit, nous allons essayer de lui redonner confiance en la convainquant que si l'État prend ses responsabilités, c'est qu'il n'y a pas de danger. Vous pouvez donc compter sur moi pour faire beaucoup de pédagogie ; à vous de résister à la désinformation. On voit sur les réseaux sociaux que la personne au monde la plus hostile aux vaccins est Donald Trump, ce qui devrait nous faire réfléchir : ce qu'il dit sur les vaccins est dingue. Examinons donc bien qui envoie ces signaux négatifs.

Pour ce qui est des profits que réaliserait l'industrie pharmaceutique en cas de vaccination obligatoire, mais ce serait peanuts, pardonnez-moi l'expression, ne serait-ce que par rapport à ce qu'elle gagne grâce à la production d'antibiotiques. Ainsi, je le répète, 80 % de la population française est vaccinée contre la rougeole. Porter ce taux à 95 % représente moins de 100 000 enfants supplémentaires à vacciner, chiffre à rapporter aux 135 millions de naissances chaque année dans le monde… Cessons donc ces fantasmes sur les gains que réaliserait l'industrie pharmaceutique qui, du reste, gagne bien plus d'argent quand nos enfants sont hospitalisés après avoir contracté une méningite et contraints dès lors de prendre des médicaments qui coûtent les yeux de la tête et qui, de plus, favorisent l'antibio-résistance.

Mon but n'est pas de punir, de définir des sanctions en cas de refus de vaccination mais bien plutôt de rendre la confiance et de rappeler les avancées de la science. Je le répète, si l'État prend ses responsabilités, c'est parce que j'ai confiance, parce que je sais que je ne fais courir aucun risque aux enfants français. Les associations m'ont demandé de prévoir une clause d'exemption que nous sommes en train d'examiner sur le plan juridique. Il reste que nous devons atteindre le taux de 95 % de vaccinés : les autres pays y parviennent, nous ne saurions rester seuls à la traîne ! La France a inventé le concept de vaccination, elle a inventé le BCG, le vaccin contre la rage et aujourd'hui seulement 44 % des Français « croient » en la vaccination.

Il faut savoir enfin qu'aux États-Unis d'Amérique, certes les vaccins ne sont que recommandés, mais qu'on ne peut entrer dans une crèche ou à l'école si l'on n'est pas vacciné… Regardons donc aussi ce que signifient réellement, ailleurs, les mots « obligatoire » et « recommandé ». Il y a eu en outre de si nombreuses épidémies de rougeole et tant de morts en Californie que les vaccins y sont désormais obligatoires.

Je le répète, l'idée n'est pas de punir mais de rappeler avec fermeté les vérités scientifiques et de convaincre. J'espère en tout cas vous avoir vous-mêmes convaincus…

Mme Fiat m'a interrogée sur les soignants. J'ai longtemps travaillé à l'hôpital public et je sais quelles sont leurs difficultés. Aussi me montrerai-je attentive à ce que d'éventuelles réformes hospitalières fassent gagner du temps aux professionnels de santé. Leur bien-être induit en effet la bien-traitance des patients. Je ne saurai vous indiquer combien de postes seront créés mais je veillerai au personnel soignant de même qu'aux professionnels du secteur social.

Voilà qui m'amène à la question de Mme Lazaar. On ne se rend pas compte à quel point l'économie sociale et solidaire rend service en France. Elle concentre un foisonnement de talents, de gens engagés, investis auprès des autres ; elle correspond à une aspiration de nos jeunes qui entendent donner du sens à leur emploi. Il convient donc d'encourager l'économie sociale et solidaire.

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Merci, madame la ministre, pour vos explications très claires et, en ce qui concerne les vaccins, convaincantes – même si je ne suis pas certain d'être totalement à jour. (Sourires.)

Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre, déplorant les inégalités de santé, a rappelé que la prévention serait le pivot de la stratégie nationale de santé qui sera discutée à l'automne. Or, dans le même temps, le Gouvernement envisage de démanteler un outil central de prévention : le compte personnel de prévention de la pénibilité. Un récent rapport indique pourtant que les inégalités de santé se forment pour l'essentiel dans le milieu professionnel et sont déterminées plus particulièrement par des expositions à des agents cancérogènes, à des facteurs de pénibilité et à des environnements agressifs. On compte en France 8 millions de travailleurs exposés à au moins l'un de ces facteurs.

À quel point avez-vous été associée à la réforme du compte personnel de prévention de la pénibilité, qui vise à passer d'un système de prévention à un système de réparation – qui peut se défendre mais qui relève d'une tout autre philosophie même si l'on essaie de nous faire croire le contraire ?

Si vous avez été associée à cette réforme, quels sont les arguments sanitaires justifiant ce changement de philosophie ?

Quelles sont les données sur les effets sur la santé des expositions aux quatre critères de pénibilité qui ont été écartés ?

Enfin, combien de salariés ne bénéficieront-ils plus de points de pénibilité du fait de la suppression de ces quatre critères ?

Je me permets de vous poser ces questions car elles relèvent à mes yeux autant du domaine de compétence de la ministre du travail que de celui de la ministre de la santé.

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L'une de vos priorités est la lutte contre le tabagisme, madame la ministre. À titre personnel je m'en réjouis quand on connaît ses conséquences désastreuses, en particulier chez les personnes vulnérables – et l'enseignante que j'étais pense aux jeunes. Porter le prix du paquet de cigarettes à 10 euros, oui ! Mais il nous faut en même temps lutter contre le marché noir. La vente illicite de cigarettes contrefaites dont on ne connaît pas toujours la composition a un impact peut-être encore plus néfaste sur la santé et représente un manque à gagner pour les caisses de l'État de plus de 2 milliards d'euros par an.

Envisagez-vous une politique volontariste en la matière même si j'ai bien conscience que la lutte contre le tabagisme est transversale ? La prévention, c'est bien, mais il faut également penser, à un certain moment, à sanctionner.

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Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Vous avez raison, monsieur Vallaud : le compte pénibilité dépendait à la fois du ministère du travail et du nôtre. Je me suis montrée très ferme sur le maintien de la philosophie de la prévention. J'ai compris des informations qui m'ont été fournies par le ministère du travail et par un certain nombre d'acteurs sociaux, que les critères du compte pénibilité, en tout cas pour les quatre qui ont été modifiés, étaient des plus arbitraires à la fois pour le salarié et pour le patron. C'est pourquoi la ministre du travail est parvenue à l'accord que vous savez et qui semble faire l'objet d'un consensus. J'ai pour ma part reçu les représentants des organisations syndicales et patronales en leur rappelant que cet accord devait impérativement s'accompagner d'actions visibles en matière de prévention, et que l'on ne pouvait renoncer aux actions de prévention d'ores et déjà menées : la branche des entreprises de travaux publics multiples, par exemple, a bénéficié de nettes améliorations en la matière, ces dernières années, et l'on doit poursuivre en ce sens.

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Vous vous êtes montrée plus convaincante sur la vaccination… (Sourires.)

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Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Les décisions ont été prises au cours de la première semaine où j'ai pris mes fonctions. J'ai néanmoins eu le temps de rappeler mon attachement à la prévention et l'on est parvenu à me convaincre que l'arbitraire que j'ai évoqué valait autant pour les salariés que pour les patrons : il était vraiment impossible, dans les cas incriminés, de remplir au cas par cas ces fichus comptes pénibilité. À ce stade, je le répète, j'ai donc rappelé aux organisations patronales le travail qu'elles devaient accomplir en matière de prévention.

J'en viens pour finir à la question de Mme Khattabi sur le tabagisme. Il y a un marché noir, et c'est d'ailleurs ce qui m'est opposé régulièrement pour m'empêcher d'augmenter le prix du tabac. Nous travaillons avec la direction générale des douanes de façon à renforcer la lutte contre la fraude. La France est très impliquée dans les discussions relatives à une directive européenne prévoyant la traçabilité des produits du tabac.

Porter le prix du paquet de cigarettes à 10 euros a également pour but de laisser le temps aux gens de s'acclimater à l'idée qu'ils devront arrêter de fumer dans l'année ou dans les deux ans qui viennent.

Informations relatives à la Commission

La commission des affaires sociales a désigné :

En application de l'article 145-7, alinéa 2 du Règlement, M. Jean-Pierre Door, rapporteur sur l'application de la loi issue du projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2017-48 du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical et l'ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé (n° 7) ;

En application de l'article 145-7 du Règlement, M. Olivier Véran, rapporteur sur l'application de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017.

La Commission a désigné les membres et les coprésidents de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) :

|Groupes politiques/
Mme Annie Vidal, coprésidenteLREM
M. Gilles Lurton, coprésidentLR
Mme Delphine BagarryLREM
M. Julien BorowczykLREM
M. Marc DelatteLREM
Mme Audrey Dufeu SchubertLREM
Mme Élisabeth Toutut-PicardLREM
M. Olivier VéranLREM
Mme Annie VidalLREM
M. Jean-Carles GrelierLR
Mme Nadia RamassamyLR
M. Stéphane ViryLR
M. Cyrille Isaac-SibilleMODEM
Mme Agnès Firmin Le BodoLC
M. Boris VallaudNG
Mme Caroline FiatLFI
M. Pierre DharrévilleGDR

La séance est levée à dix-neuf heures.

Présences en réunion

Réunion du mardi 18 juillet 2017 à 16 heures30

Présents. – M. Joël Aviragnet, Mme Delphine Bagarry, M. Belkhir Belhaddad, M. Bruno Bilde, M. Julien Borowczyk, Mme Brigitte Bourguignon, M. Sébastien Chenu, M. Guillaume Chiche, Mme Josiane Corneloup, M. Dominique Da Silva, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, M. Jean-Pierre Door, Mme Jeanine Dubié, Mme Audrey Dufeu Schubert, Mme Nathalie Elimas, Mme Catherine Fabre, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Albane Gaillot, Mme Carole Grandjean, Mme Florence Granjus, M. Jean-Carles Grelier, Mme Claire Guion-Firmin, M. Brahim Hammouche, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, M. Mustapha Laabid, Mme Fiona Lazaar, Mme Charlotte Lecocq, Mme Geneviève Levy, M. Gilles Lurton, M. Sylvain Maillard, M. Thomas Mesnier, M. Thierry Michels, M. Jean-Philippe Nilor, M. Bernard Perrut, Mme Valérie Petit, Mme Michèle Peyron, M. Laurent Pietraszewski, Mme Claire Pitollat, M. Adrien Quatennens, M. Alain Ramadier, Mme Nadia Ramassamy, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Mireille Robert, M. Aurélien Taché, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Adrien Taquet, M. Jean-Louis Touraine, Mme Élisabeth Toutut-Picard, M. Boris Vallaud, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Olivier Véran, Mme Annie Vidal, Mme Corinne Vignon, M. Stéphane Viry, Mme Martine Wonner

Excusés. – Mme Ericka Bareigts, Mme Justine Benin, Mme Marine Brenier, M. Gérard Cherpion, Mme Hélène Vainqueur-Christophe

Assistait également à la réunion. – M. Guillaume Larrivé