Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du mardi 18 juillet 2017 à 16h30
Commission des affaires sociales

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Il y a eu sur les vaccins une telle désinformation et l'État, les agences sanitaires, les médecins en ont fait si peu de cas, s'abstenant de rappeler les vérités scientifiques, que la population française est la plus défiante du monde. Ainsi, seuls 44 % de nos concitoyens croient en la vaccination – comme si, d'ailleurs, c'était une question de croyance : les effets de la vaccination sont scientifiquement avérés et c'est grâce à eux que nous sommes là et que la population croît dans le monde ; la vaccination a sauvé des centaines de millions de vies depuis quelque deux cents ans.

Au pays de Pasteur, cette défiance fait mal et l'on voit de nouveau, aujourd'hui, des enfants mourir faute d'être vaccinés. On a parlé de la rougeole, mais l'année dernière vingt-cinq enfants sont aussi morts de méningite. De surcroît, parmi les 255 cas de méningite diagnostiqués, au cours des trois dernières années, certains sont handicapés à vie, aveugles, sourds. Il faut donc, à un moment donné, rétablir la vérité scientifique sur les risques encourus !

C'est la vaccination de la petite enfance que je veux rendre obligatoire : ma priorité est de protéger nos enfants de moins de deux ans, ainsi que les nouveaux-nés qu'il faut protéger mais aussi les enfants malades que l'on ne peut plus vacciner. En Italie, alors qu'il était en train de guérir, sous chimiothérapie, un enfant atteint d'une leucémie est mort de la rougeole la semaine dernière ! Des parents dont les enfants sont morts d'une méningite me disent « Bravo, il faut vacciner les enfants ! ». Pour vous le dire franchement, nous assistons à une régression médicale comme je n'en ai jamais vu : la défiance constatée n'a absolument absolument pas lieu d'être. Je comprends que la désinformation constante des réseaux sociaux finisse par faire peur aux familles, mais il faut rappeler les chiffres : il faut comparer un cas de syndrome de Guillain-Barré pour un million d'enfants vaccinés avec la cécité et la surdité que peut causer une méningite aiguë faute de vaccin.

Les gens ne se rendent pas compte des risques qu'ils prennent pour eux, mais aussi pour les autres. Car c'est en effet un enjeu de solidarité : on refuse de faire vacciner ses enfants en pensant que tous les autres le sont et qu'il n'y aura par conséquent plus d'épidémies. On compte donc sur les autres, de surcroît alors que l'on pense qu'ils prennent des risques… Or, j'y insiste, il n'y a pas de risque. Tout les enfants doivent donc se faire vacciner afin d'atteindre le taux de 95 % de couverture préconisé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) – pour tous les pays du monde ! Ces critères sont internationaux, je ne les invente pas. Pourtant, le taux de couverture vaccinale de la France décroît puisqu'il n'est plus que de 80 % pour la rougeole, de moins de 70 % pour la méningite et je n'évoque même pas le vaccin contre l'hépatite B.

Comme la population ne croit plus dans les vaccins, je l'ai dit, nous allons essayer de lui redonner confiance en la convainquant que si l'État prend ses responsabilités, c'est qu'il n'y a pas de danger. Vous pouvez donc compter sur moi pour faire beaucoup de pédagogie ; à vous de résister à la désinformation. On voit sur les réseaux sociaux que la personne au monde la plus hostile aux vaccins est Donald Trump, ce qui devrait nous faire réfléchir : ce qu'il dit sur les vaccins est dingue. Examinons donc bien qui envoie ces signaux négatifs.

Pour ce qui est des profits que réaliserait l'industrie pharmaceutique en cas de vaccination obligatoire, mais ce serait peanuts, pardonnez-moi l'expression, ne serait-ce que par rapport à ce qu'elle gagne grâce à la production d'antibiotiques. Ainsi, je le répète, 80 % de la population française est vaccinée contre la rougeole. Porter ce taux à 95 % représente moins de 100 000 enfants supplémentaires à vacciner, chiffre à rapporter aux 135 millions de naissances chaque année dans le monde… Cessons donc ces fantasmes sur les gains que réaliserait l'industrie pharmaceutique qui, du reste, gagne bien plus d'argent quand nos enfants sont hospitalisés après avoir contracté une méningite et contraints dès lors de prendre des médicaments qui coûtent les yeux de la tête et qui, de plus, favorisent l'antibio-résistance.

Mon but n'est pas de punir, de définir des sanctions en cas de refus de vaccination mais bien plutôt de rendre la confiance et de rappeler les avancées de la science. Je le répète, si l'État prend ses responsabilités, c'est parce que j'ai confiance, parce que je sais que je ne fais courir aucun risque aux enfants français. Les associations m'ont demandé de prévoir une clause d'exemption que nous sommes en train d'examiner sur le plan juridique. Il reste que nous devons atteindre le taux de 95 % de vaccinés : les autres pays y parviennent, nous ne saurions rester seuls à la traîne ! La France a inventé le concept de vaccination, elle a inventé le BCG, le vaccin contre la rage et aujourd'hui seulement 44 % des Français « croient » en la vaccination.

Il faut savoir enfin qu'aux États-Unis d'Amérique, certes les vaccins ne sont que recommandés, mais qu'on ne peut entrer dans une crèche ou à l'école si l'on n'est pas vacciné… Regardons donc aussi ce que signifient réellement, ailleurs, les mots « obligatoire » et « recommandé ». Il y a eu en outre de si nombreuses épidémies de rougeole et tant de morts en Californie que les vaccins y sont désormais obligatoires.

Je le répète, l'idée n'est pas de punir mais de rappeler avec fermeté les vérités scientifiques et de convaincre. J'espère en tout cas vous avoir vous-mêmes convaincus…

Mme Fiat m'a interrogée sur les soignants. J'ai longtemps travaillé à l'hôpital public et je sais quelles sont leurs difficultés. Aussi me montrerai-je attentive à ce que d'éventuelles réformes hospitalières fassent gagner du temps aux professionnels de santé. Leur bien-être induit en effet la bien-traitance des patients. Je ne saurai vous indiquer combien de postes seront créés mais je veillerai au personnel soignant de même qu'aux professionnels du secteur social.

Voilà qui m'amène à la question de Mme Lazaar. On ne se rend pas compte à quel point l'économie sociale et solidaire rend service en France. Elle concentre un foisonnement de talents, de gens engagés, investis auprès des autres ; elle correspond à une aspiration de nos jeunes qui entendent donner du sens à leur emploi. Il convient donc d'encourager l'économie sociale et solidaire.

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