… sinon pour ouvrir de nouvelles places.
De même, s'agissant du second argument, vous vous arc-boutez sur le chiffre de 60 % d'échec en première année. Mais ce chiffre, loin de marquer un échec, cache des situations très diverses, et vous le savez bien. Des étudiants se réorientent après leur première année ; d'autres redoublent en raison d'un engagement associatif ou parce qu'ils sont obligés de travailler pour financer leurs études ; d'autres encore s'inscrivent à l'université pour préparer un concours. Cette diversité de parcours n'est donc pas caractéristique d'un échec mais bel et bien le reflet d'une liberté de choix dans son parcours d'études.
En outre, je le rappelle une dernière fois, 80 % des étudiants français sortent de l'université avec un diplôme. Ce taux, qui n'a pas évolué ces trente dernières années, est supérieur de 10 points à la moyenne de l'OCDE.
Que l'on soit bien d'accord : il ne s'agit pas de dire que tout est parfait dans le système actuel, tant s'en faut. Nous disons simplement haut et fort que ces arguments technocratiques servent un choix politique que vous masquez par ailleurs. Quel est ce choix ? Vous supprimez, dans le code de l'éducation, la phrase qui gravait dans le marbre le principe républicain déjà évoqué de liberté d'inscription dans le supérieur, plutôt que de lancer un plan de construction massif de sites universitaires. Sous prétexte de cadre budgétaire contraint, il vous est impensable d'engager un tel plan alors que la jeunesse devrait être notre priorité. Mais d'où viennent ce cadre budgétaire et cette contrainte ?
Je n'évoquerai pas les cadeaux divers et variés faits aux ultra-riches dans le dernier projet de loi de finances. Je ne relèverai pas non plus l'inaction de l'exécutif en matière de lutte contre l'évasion et la fraude fiscales. Je note toutefois que le Gouvernement s'apprête à engager 300 milliards d'euros sur sept ans pour notre armée alors que l'ensemble des syndicats du supérieur – je dis bien l'ensemble de ces syndicats – s'accordent pour demander une augmentation du budget de l'enseignement supérieur et de la recherche de 1 milliard d'euros par an pendant dix ans pour atteindre 2 % du PIB, comme c'est le cas chez nombre de nos voisins européens.
Entendons-nous bien : personne ici ne remet en cause le financement nécessaire de notre armée. Nous pensons simplement que nous avons besoin que tous les jeunes qui le souhaitent, dans toute leur diversité, accèdent à l'enseignement supérieur pour répondre aux grands défis environnementaux et sociétaux à venir. Cela nécessite des investissements stratégiques en conséquence.
Nous condamnons votre projet politique qui répond non pas à ces enjeux, mais à une logique économique qui se traduit par la marchandisation mondialisée de l'enseignement supérieur. Le classement de Shanghai, les investissements d'excellence et les programmes d'investissements d'avenir sont autant d'instruments permettant de mener une véritable politique de la carotte et du bâton qui nous conduira inexorablement à une université à deux vitesses. Une université à deux vitesses, entre les établissements d'excellence et ceux dits « de proximité ». Une université à deux vitesses, entre les étudiants sélectionnés pour préparer leur licence en deux ou trois ans et ceux qui seront obligés de suivre des parcours spécifiques en quatre ans. Une université à deux vitesses, entre les étudiants admis en master et ceux qui sortiront du système à bac plus trois. Une université à deux vitesses pour, finalement, une société à deux vitesses.
Nous ne sommes pas opposés aux dispositifs d'accompagnement proposés par la loi, mais au fait qu'ils conditionnent l'entrée en premier cycle. Nous estimons en effet que, lorsqu'on est en âge de voter, de travailler et de payer ses impôts, on est capable de choisir ce qui est le plus adapté à sa situation familiale, professionnelle ou associative, sans que cela nous soit imposé.
Plutôt que de tenter d'effacer les déterminismes sociaux, votre réforme les aggrave en organisant une véritable sélection sociale.