Pour transformer l'action publique, on a eu recours à de nombreuses méthodes.
Des stratégies ministérielles de réforme avaient déjà associé, à une certaine époque, des personnalités venues de l'extérieur, sur le fondement des propositions faites par les ministères eux-mêmes. Mais cela signifiait tout de même qu'on allait chercher les bonnes idées de restructuration, aussi bien en termes de productivité et de réformes structurantes, dans les administrations elles-mêmes, d'où la nomination de secrétaires généraux dans les ministères.
Puis il y a eu des temps faibles. Des audits de modernisation ont été conduits uniquement sur la base d'audits, sans chaînage avec la décision.
La RGPP a été une tentative beaucoup plus puissante, assortie d'objectifs précis : réduire les dépenses, augmenter la productivité, le plus emblématique étant le « un sur deux », c'est-à-dire le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux. Ce n'était pas « un sur deux » par ministère, par mission, mais « un sur deux » globalement, donc parfois « deux sur trois », voire des embauches. C'était le contraire du « coup de rabot ».
L'idée était que la décision devait être prise assez vite. Alors que notre système public avait été « sur étudié » pendant de longues années – rapports de l'Inspection des finances et des autres inspections, de la Cour des comptes, missions parlementaires, etc. – il s'agissait plutôt de décider, puis d'organiser la consultation, la concertation, l'explication au sein de la décision. Les résultats ont été assez spectaculaires, même si la crise a évidemment gêné le développement de cette RGPP.
Lui a succédé la MAP, qui a été davantage un temps d'attente que de décision.
Je voudrais insister sur cet aspect de la décision. Je l'ai dit, on a beaucoup étudié l'administration, sa manière de faire, et l'organisation des uns et des autres. On a maintenant besoin de productivité. Le numérique le permet, ce qui n'était pas le cas il y a dix ans. Les champs de productivité sont très importants. Mais je m'interroge sur les 700 millions d'euros. Peuvent-ils permettre de financer le surcoût en termes de masse salariale qu'entraînent toujours, au départ, les fusions d'administrations, les régulations, ou la mise en cohérence des règles de gestion ? Sont-ils destinés à financer uniquement des investissements d'ordre informatique ou d'autre nature ?
Ensuite, comptez-vous, ou pas, associer le Parlement à cette démarche essentielle ? Et si oui, comment ?
Pour ma part, je crois qu'il faut vider de sa substance politique – au mauvais sens du terme – toutes les démarches de réforme de l'État. On peut y mettre un contenu de gauche, du centre, un contenu de nulle part, un contenu de droite. Mais la méthode doit rester la même. J'aimerais donc que l'on évite, à chaque gouvernement, de changer de méthode, de réinventer la roue et de répéter ce qui a déjà été dit.
J'ai été secrétaire d'État à la réforme de l'État – assez invisible – sous Jacques Chirac. J'ai essayé de bien faire mon travail, comme chacun d'entre vous l'aurait fait. J'étais tout fier de moi, mais un vieux monsieur – je ne sais plus qui – est venu me voir. Il a sorti de sa serviette un journal des années 1930, où on lisait grosso modo ce que j'avais dit la veille en conférence de presse ! J'ai compris qu'il fallait faire preuve d'humilité. Le processus est long : on réformera l'État tant qu'il y aura un État, l'administration tant qu'il y aura une administration. Et on se posera toujours ces questions, tant qu'il y aura de la vie. La vérité, c'est que cela nécessite une permanence de méthodes qui deviennent, au fur et à mesure des gouvernements et des parlements qui se succéderont, « la » méthode.
La RGPP aurait pu être celle-là dans une version numéro 2, numéro 3, étendue à l'ensemble des dépenses publiques. Pourquoi pas ? Il aurait fallu la faire évoluer, et en sortir plusieurs versions. Mais de toutes les façons, à un certain moment, il faut décider. Le pire, c'est le manque de décision. J'incite donc tous les animateurs de cette politique, ou de cette autre politique de réforme de l'État, à être très proches de la décision.