Je vous remercie de cette précision, Monsieur le président. C'est pour Mmes Delphine Batho et Marie-Noëlle Battistel, M. Serge Letchimy et moi-même une fierté que notre groupe ait utilisé son droit de tirage annuel pour enquêter sur ce sujet et se soit prononcé unanimement pour la tenue de ce débat. Et je me réjouis que les groupes de tous horizons saluent cette initiative.
Elle appelle trois niveaux de réflexion. L'aspect sociétal a déjà été souligné par Mme Célia de Lavergne : on ne peut pas parler d'économie sans évoquer les questions sociétales. Les liens entre alimentation et santé, alimentation et sécurité sanitaire ou contribution à la santé publique ont été au coeur des débats des États généraux de l'alimentation. Ils sont trop peu présents dans le projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable qui nous est présenté par le Gouvernement. Le débat parlementaire pourra donc se nourrir de l'expérience dramatique et grave de Lactalis, que vous avez rappelée. Je m'associe à la compassion exprimée pour toutes les familles dans l'inquiétude et pour les victimes de ces malversations – même s'il faut rester prudent dans l'utilisation de ces termes.
En deuxième lieu, nous devons soulever la question des rapports économiques : Lactalis, Bigard et d'autres entreprises ont été au coeur de polémiques récentes concernant la transparence de la chaîne des valeurs et celle de leurs propres bénéfices, alors que les bénéfices agricoles de nos producteurs sont un champ de ruines… Cela ne peut nous laisser indifférents.
La loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, portée par M. Stéphane Le Foll, avait imposé cette obligation de transparence et des sanctions financières, que notre majorité avait défendues. Elles n'ont jamais été mises en oeuvre. Cette forme d'incurie publique devra être analysée. Notre collègue Richard Ramos a présenté une proposition de loi tout à fait bienvenue, mais elle ne fait que compenser la non-mise en oeuvre de dispositions votées par le Parlement. Nous devrons donc nous interroger sur la rédaction de la loi et son application face à des groupes comme Lactalis et autres. L'épisode Bigard nous a laissé un souvenir cuisant…
Il conviendra enfin de se poser la question des multinationales et du droit en général. Alors que cette affaire s'est déroulée dans la cinquième puissance mondiale, et au sein de l'Europe, je voudrais que nous pensions un instant à ses conséquences sur les chaînes de production au bout du monde. Il y a un an était adoptée la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre ; cette vigilance doit s'exercer sur les chaînes de sous-traitants mais aussi à l'égard des consommateurs les moins protégés.
Avec cette commission d'enquête, nous devons trouver les voies d'un rééquilibrage entre la puissance publique, le droit et la puissance privée.