… alors que plusieurs décisions de justice ont remis en cause la bonne application des mécanismes qui permettent d'organiser la répartition des demandes d'asile entre pays de l'Union européenne. La question est d'autant plus importante que, comme vous le savez, mesdames et messieurs les députés, alors même que partout en Europe la demande d'asile est orientée à la baisse, la France fait face à une forte croissance avec 100 000 demandes en 2017, soit une augmentation de 17 %, après 6 % en 2016 et 23 % en 2015. Cette demande d'asile est d'abord le fait des nationalités dont le besoin de protection n'est pas très élevé, à l'instar des ressortissants de l'Albanie ou de certains pays d'Afrique francophone. Mais ce sont aussi les flux de rebond, c'est-à-dire les personnes ayant déjà demandé l'asile dans un autre pays européen et venant tenter leur chance dans l'Hexagone, qui alimentent cette hausse continue de la demande. Jusqu'à une période récente, ces flux de rebond étaient très minoritaires – en 2016, ils représentaient seulement 11 % des demandes d'asile – , mais depuis quelques mois, la donne a changé. En 2017, 41 500 demandes enregistrées en France, soit environ 36 % du total, émanaient de personnes relevant de l'application du règlement Dublin. En Île-de-France et dans les Hauts-de-France, la proportion a même atteint les 75 %.
Mesdames et messieurs les députés, cet accroissement important de la demande d'asile a conduit le Gouvernement actuel à développer de manière substantielle nos capacités d'hébergement. Je veux rappeler que les moyens budgétaires affectés à la mission « Immigration, asile et intégration » ont été augmentés de 26 % dans le cadre de la loi de finances pour 2018 : ainsi, nous porterons à 88 000 places les capacités du dispositif national d'accueil à l'horizon 2019, ce qui constituera une augmentation de près de 8 000 places en l'espace de deux ans. Malgré ces efforts, notre système d'hébergement demeure au bord de l'embolie. Pouvons-nous alors laisser perdurer une situation dans laquelle des milliers de personnes, dont la prise en charge relève pourtant d'autres États, viennent menacer l'équilibre de tout notre système ? Chacun mesure que tout cela n'est pas viable. Dans le but de remédier à ces difficultés, le ministre d'État, ministre de l'intérieur, Gérard Collomb, a demandé aux préfets d'appliquer strictement le règlement Dublin en procédant au transfert des personnes vers l'État membre responsable du traitement de leur demande d'asile – avec de vrais résultats puisqu'en 2017, le nombre de transferts « Dublin » a doublé par rapport à 2016, ce qui a permis, dans certains territoires, de soulager nos dispositifs d'hébergement et d'asile.
Or depuis quelques mois, les progrès significatifs que nous avions obtenus au prix d'une implication forte de l'administration se trouvent fragilisés par plusieurs décisions juridictionnelles. Tout d'abord, par sa décision du 15 mars 2017, la Cour de justice de l'Union européenne, CJUE, a invité les États membres de l'Union à définir dans leur loi nationale les critères objectifs fondant le risque non négligeable de fuite d'un étranger en procédure Dublin, et donc la possibilité d'un placement en rétention. Sur le fondement de cet arrêt de la CJUE, la Cour de cassation a souligné, le 27 septembre, que si notre droit interne définissait bien le risque de fuite, il devait, pour autoriser le placement en rétention des personnes sous procédure Dublin, préciser ce qu'était le risque non négligeable de fuite. Enfin, dans sa décision du 19 juillet 2017, le juge des référés du Conseil d'État a indiqué que le droit français ne permettait pas au préfet de placer en rétention un étranger soumis au règlement Dublin au cours de la phase de détermination de l'État responsable de sa demande d'asile. L'effet pratique de ces différentes décisions de justice est d'interdire le placement en rétention de personnes relevant de la procédure Dublin. Il convenait donc d'adopter de nouvelles dispositions législatives car sans placement en rétention, notre politique d'éloignement ne peut être efficace. C'est pourquoi la proposition de loi déposée par le groupe UDI-Agir nous est apparue profondément utile et urgente.
Pour répondre aux décisions de la CJUE et de la Cour de cassation, l'article 1er de la proposition de loi précise les conditions dans lesquelles un étranger faisant l'objet d'une décision de transfert ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement Dublin peut être placé en rétention. Ce placement ne pourra être décidé que pour prévenir un risque non négligeable de fuite, sur la base d'une évaluation individuelle prenant en compte l'état de vulnérabilité de l'intéressé, et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionné et si l'assignation à résidence ne peut être effectivement appliquée.