Intervention de Jean-Luc Warsmann

Séance en hémicycle du jeudi 15 février 2018 à 15h00
Bonne application du régime d'asile européen — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des lois, mes chers collègues, cette proposition de loi nous invite à répondre à une question bien particulière.

Le droit d'asile, en France, est régi par des dispositions conventionnelles et législatives. Lorsqu'une personne vient dans notre pays et demande à bénéficier de ce droit, sa demande est examinée au regard de ces dispositions. Si cet examen débouche sur un refus, quelle doit être la conséquence ? Si vous pensez que dans ce cas, le mieux est que cette personne se maintienne irrégulièrement sur le territoire national, alors il ne faut évidemment pas voter cette proposition de loi !

Pour ma part, ma conviction, c'est qu'à partir du moment où l'asile a été refusé à cette personne parce qu'elle ne remplissait pas les conditions nécessaires, et dans le cas où ce refus a été confirmé par la justice, alors le Gouvernement doit provoquer son éloignement. Or vous savez que bien souvent, les personnes risquant d'être déboutées disparaissent dans la nature. Il est donc utile que notre administration puisse, sur le fondement de dispositions législatives, soit les assigner à résidence, pour s'assurer de leur localisation, soit – dans des cas plus limités – les placer en rétention.

Pourquoi sommes-nous réunis aujourd'hui ? Pour deux raisons.

La première, c'est qu'à la différence des pays voisins, nous connaissons une augmentation du nombre de demandes d'asile – 100 000 demandes supplémentaires l'année dernière. Pourquoi cette augmentation ? Nous ne sommes pourtant pas le premier pays d'arrivée des demandeurs d'asile ! En réalité, elle est due au fait que nos voisins, notamment l'Allemagne et l'Italie, viennent de traiter un grand nombre de demandes d'asile, et d'en rejeter beaucoup. Un certain nombre de déboutés sont ensuite venus en France.

J'ai entendu beaucoup de critiques contre le règlement européen dit « Dublin III », mais sur ce point, je suis totalement d'accord avec la position de la France, exprimée par le Gouvernement dans un plan présenté le 12 juillet dernier et confirmé par un discours du Président de la République le 27 juillet : le règlement Dublin III n'est pas idéal, il faut donc essayer de négocier un nouvel accord. Mais, mes chers collègues, vous connaissez la position d'un certain nombre de gouvernements d'Europe de l'Est : la négociation d'un nouvel accord sera bien difficile ! En attendant, nous devons appliquer Dublin III.

Je me permets de rappeler que le règlement européen repose sur un relatif équilibre. Son but est d'éviter que les États membres se renvoient les demandeurs d'asile comme des balles de ping-pong : il faut donc désigner, pour chacun d'eux, un pays qui examinera sa demande d'asile. En contrepartie, si ce pays, faisant son travail correctement, lui refuse l'asile, alors le demandeur d'asile ne peut pas retenter sa chance auprès des autres pays de l'Union – sinon, l'Union européenne n'aurait aucun sens ! Ce dispositif est d'autant plus nécessaire que nous sommes très sollicités.

La deuxième raison tient à une urgence d'ordre juridique. En mars 2017, la Cour de justice de l'Union européenne a pris une position sur le règlement Dublin III – la France n'y est pour rien : il s'agissait d'une affaire impliquant la République tchèque. Nous avons tous appris, pendant nos études, qu'un règlement européen est d'application immédiate. Eh bien en l'occurrence, la Cour de justice en a décidé autrement : pour qu'un État puisse, comme l'y autorise le règlement, placer en rétention un demandeur d'asile qui présente « un risque non négligeable de fuite », il faut d'abord que le législateur national définisse la notion de « risque non négligeable de fuite ».

La Cour de Cassation en a logiquement conclu, en septembre dernier, qu'on ne peut plus placer en rétention les demandeurs d'asile présentant un risque non négligeable de fuite pour un transfert au titre du règlement Dublin III – et c'est heureux pour notre État de droit – , tout simplement parce que le législateur n'a pas fait son travail.

Il y a une semaine, le 7 février, la Cour de cassation a constaté que « le législateur français n'a [… ] pas défini les critères objectifs du risque de fuite justifiant un tel placement en rétention administrative ». Elle annule, de fait, toutes les rétentions administratives relevant du règlement Dublin III.

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