Intervention de Claude Revel

Réunion du jeudi 8 février 2018 à 9h30
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Claude Revel, ancienne déléguée interministérielle à l'intelligence économique (D2IE) :

Les normes internationales sont de deux types : les normes professionnelles, discutées à l'ISO et dans les organisations de standardisation, et les règles, par exemple les règles de négociation internationales. Les normes comme les règles déterminent le cadre des marchés futurs. Si vous faites passer des normes qui correspondent à votre manière de faire, aux savoir-faire que vous êtes les seuls à posséder, vous bloquez les marchés pour les concurrents, vous vous en ouvrez à vous-mêmes et vous avez toujours un cran d'avance. C'est ultra-stratégique. Les Allemands l'ont compris : ils conduisent un travail normatif entre les entreprises et l'État fédéral ou les Länder, par exemple en Chine, depuis vingt-cinq ans, notamment sur les normes automobiles. C'est quelque chose d'essentiel dans les domaines de l'électronique et du numérique aujourd'hui. Derrière le standard PDF, par exemple, on trouve deux ou trois entreprises qui dominaient cette technique et l'ont imposée au monde entier. Il faudra beaucoup de temps pour qu'elles soient détrônées. La France devrait beaucoup plus attentive à cette problématique. Dans la mesure où cela détermine les emplois futurs et relève donc de l'intérêt général, il est normal que l'État y travaille, avec les entreprises, et ait lui-même son propre système d'information. Sous des aspects très techniques se cachent des arrière-pensées très politiques et des stratégies particulièrement tordues.

Les commissaires au redressement productif étaient davantage, me semble-t-il, dans le curatif que dans l'anticipation, mais je me trompe peut-être. Il existait également en région un poste qui a été moqué par certains mais qui n'était pas inutile à mon avis : les ambassadeurs en région. Venus du Quai d'Orsay, ils apportaient leur expertise internationale quand des étrangers, par exemple des Chinois, intervenaient dans des secteurs économiques locaux. Nous avons pu travailler avec eux pour analyser les intentions de ces nouveaux arrivants.

Si certaines entreprises sont opposées au RGPD, car elles y voient des contraintes, sur le fond, ce dispositif est une très bonne chose. La question du chiffrement de bout en bout et de la sécurité technique est à faire comprendre. Elle exige aussi des moyens, des outils, des fournisseurs et prestataires sûrs. Nous travaillions beaucoup avec l'ANSSI sur la cybersécurité. Nous avons ainsi pu constater que, dans près de deux tiers des cas, les failles sont d'origine humaine. Je ne dis pas du tout que le chiffrement n'est pas important – il faut le faire –, mais si les gens ne sont pas formés, ils travaillent par exemple sur des ordinateurs personnels sans les avoir sécurisés, etc. Cela relève surtout de la négligence ; les actes volontairement malveillants sont assez peu nombreux.

Je ne suis pas une spécialiste des dossiers de défense, mais il est clair qu'il faut des ponts entre la cybersécurité et la cyberdéfense, car la défense reposera de plus en plus sur des moyens « cyber ». Dans la défense, vous avez la cybersécurité, mais aussi la cyber-attaque. De même, pour en revenir à l'intelligence économique, qu'il faut connaître les liens entre les stratégies des entreprises privées étrangères qui interviennent dans le secteur de la défense et ce que font leurs gouvernements, dont elles sont souvent les bras armés. Mais comme je ne travaille plus sur ces dossiers, je ne peux vous donner d'éléments plus précis.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.