Intervention de Bénédicte Taurine

Séance en hémicycle du mardi 20 février 2018 à 15h00
Débat sur la couverture numérique du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBénédicte Taurine :

Monsieur le président, messieurs les membres du Gouvernement, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, le rapport d'information sur la couverture numérique du territoire part d'un constat que nous partageons : nous devons assurer l'égalité d'accès au numérique en tout point de notre pays. Cependant cet accès ne doit pas se faire à n'importe quel prix. Le rapport préconise de renforcer le plan France très haut débit, lancé en 2013, qui a pour objectif un accès au très haut débit pour tous en 2022 ; il propose un accès à la fibre optique pour tous en 2025 et 100 % de couverture en 2G et en 4G en 2020. La suite du rapport pose question par ce qu'il suggère tout autant que par ce qu'il ne mentionne pas.

La question de la santé des usagers et de l'ensemble de la population est ainsi absente de cette étude. S'agissant de la couverture numérique mobile, l'idée est d'accélérer le déploiement d'antennes-relais dont l'impact sur la santé des populations locales fait débat. Le collectif Robin des Toits – qui par ailleurs reconnaît l'importance de la lutte contre la fracture numérique – affirme que ces objectifs en matière de 4G risquent d'augmenter fortement l'exposition au point que celle-ci dépasse le seuil de précaution sanitaire fixé par des scientifiques indépendants. Je pense par exemple aux personnes électrosensibles : certains estiment que c'est une maladie imaginaire, d'autres y voient un argument utilisé pour freiner le développement technologique ; les électrosensibles, eux, témoignent du fait que leur quotidien est profondément perturbé. Nous proposons qu'une mission complémentaire évalue l'impact d'une augmentation du nombre des antennes-relais sur la santé des usagers et des populations exposées. Elle permettrait d'actualiser le travail déjà fourni dans le cadre du rapport de 2009, qui souligne que le numérique doit être accessible à tous, mais non au détriment de la santé.

Ensuite, se pose la question du droit de recours des collectivités et des populations exposées à ces antennes. Le rapport s'intéresse aux relations entre les autorités publiques et les opérateurs privés, mais n'évoque pas les possibilités de défense des principaux concernés. Il propose en revanche d'alléger la réglementation pour faciliter la construction et réduire les recours. Cette vision, qui prévoit une réduction des capacités de recours des communes et des habitants, est inacceptable. Ici encore, nous devons affirmer ce principe : oui au numérique, mais pas à n'importe quel prix !

Troisièmement, ce rapport invite à octroyer d'importants cadeaux aux opérateurs privés en échange de nouveaux engagements, avec un plafonnement de l'imposition forfaitaire, une éventuelle baisse du tarif d'accès aux réseaux ou encore un recul de la réglementation en matière d'urbanisme. Le prix du numérique doit répondre à l'intérêt général et non à celui de quelques opérateurs privés. Le rapport souligne les nombreux avantages des réseaux d'initiative publique qui permettent aux collectivités d'adapter le déploiement du numérique à la spécificité du territoire ; nous pourrions évoquer la possibilité d'un service public du numérique. L'investissement public ne serait pas réduit au secteur le moins rentable – les zones rurales, montagneuses et insulaires – , mais concernerait l'ensemble du territoire. Il s'agirait d'un système de péréquation où les zones très rentables aujourd'hui pour le privé – les zones denses – participeraient au financement des zones plus difficiles d'accès. N'oublions pas non plus le non-dit du numérique : l'idée que la dématérialisation pourrait compenser le recul des services publics dans nos territoires. Aucun ordinateur ne remplacera une administration locale, un enseignant ou un médecin ! Le numérique doit accompagner le service public, non en justifier le démantèlement.

Enfin, si le rapport s'attache à la couverture numérique du territoire, ne perdons pas de vue toute l'ampleur du phénomène. En effet, l'accès à un point de connexion ne résout pas toutes les difficultés : à la fracture territoriale de l'accès au numérique s'ajoutent les fractures générationnelles et sociales. Nous devons assurer la formation et l'information de toutes et tous, pour une véritable démocratisation du numérique, et en assurer l'accès par des maisons du numérique. Cette démocratisation est un enjeu essentiel pour notre époque ; pour qu'elle soit pleine et entière, nous devons nous assurer du respect de l'avis et des besoins de tous.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.