Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, beaucoup d'entre vous ont fait le même constat très juste : la fracture territoriale se matérialise également par la fracture numérique, et la différence d'accès au numérique est certainement l'une des principales fractures territoriales ; ce n'est certes pas la seule, mais cette fracture aggrave les difficultés.
En effet, au moment même où l'Assemblée nationale vote des dispositions pour favoriser le télétravail, un Français sur cinq seulement a accès au très haut débit. Pour cette raison, il est également privé de la télémédecine. Mme de La Raudière a cité un autre exemple : un agriculteur qui doit établir sa télédéclaration pour bénéficier d'une aide de la PAC – la politique agricole commune – met parfois énormément de temps à envoyer son fichier et à le recevoir complété, ce qui est source de perte de temps, de complexité voire de désespérance.
M. Bothorel l'a rappelé : le Président de la République a pris des engagements très forts, dès la campagne présidentielle, afin de résorber cette fracture territoriale. Son objectif est clair et net : il faut apporter à tous les Français du bon débit en 2020, du très haut débit en 2022 et d'améliorer significativement la couverture mobile.
À mon tour, je tiens à saluer le travail mené par Mme de La Raudière et M. Bothorel dans le cadre de la mission d'information. Nombre des vingt propositions formulées dans leur rapport sont reprises dans les mesures mises en oeuvre par le Gouvernement.
La principale consiste à changer de paradigme, à nous demander comment on peut agir différemment. Si nous ne sommes pas les premiers à tenter d'apporter du numérique à tous les Français et de réduire la fracture territoriale, nous sommes peut-être les premiers, pour mener cet ouvrage, à décider de prendre les choses différemment, c'est-à-dire à changer de paradigme, en particulier en modifiant le système d'octroi des fréquences pour l'ensemble des opérateurs de téléphonie, en affirmant qu'aujourd'hui, l'aménagement du territoire importe plus que l'enchère budgétaire.
Le changement de paradigme présente un avantage essentiel : il nous permettra de nous assurer du caractère contraignant de l'accord signé avec les opérateurs, car il s'agit non de s'entendre sur un objectif partagé par tous, mais de mettre en oeuvre un accord contraignant, prévoyant des clauses et des jalons, sous la surveillance de l'ARCEP, le gendarme des télécommunications.
Concrètement, l'accord comporte deux volets.
Le premier, j'y reviendrai, concerne l'installation des infrastructures du numérique fixe, c'est-à-dire l'accès à internet. Le 14 décembre, le Premier ministre a détaillé la feuille de route dont nous sommes convenus avec l'ensemble des opérateurs, qu'il s'agisse des quatre grands opérateurs de téléphonie et du numérique, ou des opérateurs dits « neutres », qui interviennent dans les réseaux d'initiative publique.
Trois engagements ont été pris.
Le premier est d'apporter beaucoup plus de transparence. Vous êtes nombreux à le demander. L'ARCEP et l'Agence du numérique, dont je salue le travail, publieront au cours des prochains mois des cartes très actualisées, partant véritablement du ressenti sur le territoire.
Le deuxième engagement est de signer des engagements contraignants. Aujourd'hui, il existe un cadre grâce à l'article L. 33-13 du code des postes et des communications électroniques – je salue au passage les travaux menés par Mme Battistel, présidente de l'Association nationale des élus de la montagne, au titre de la loi montagne. Cet article nous permet effectivement de demander aux opérateurs de prendre des engagements contraignants, ce qu'ils font, comme vous l'avez indiqué, madame la rapporteure, dans le cadre de l'AMEL, l'appel à manifestation d'engagements locaux.
Le troisième et dernier engagement, pris lui aussi dans l'optique d'accélérer le passage au numérique, concerne les financements, qui doivent absolument être là. Comme vous l'avez tous constaté sur votre territoire, de plus en plus de financements privés sont intéressés par l'aménagement numérique. Cependant, l'État doit lui aussi être au rendez-vous. C'est pourquoi, au titre du grand plan d'investissement et de la dernière loi de finances, les 3,3 milliards du plan France très haut débit ont été pérennisés.
S'agissant de la téléphonie mobile, l'accord historique que nous avons signé présente une première caractéristique, que j'ai déjà soulignée : il est contraignant. Cette caractéristique est tellement significative et tellement nouvelle qu'elle mérite d'être soulignée. Trois éléments doivent également être retenus.
Le premier axe de l'accord, c'est que plus de 5 000 nouvelles installations seront effectuées par chaque opérateur, parfois en mutualisation, le plus souvent dans les zones les moins peuplées, c'est-à-dire les zones rurales. Sur ces territoires, on fera par conséquent, au cours des trois prochaines années, l'équivalent de ce qui a été fait au cours des quinze dernières.
Le deuxième axe est un déploiement massif de la 4G, qui est essentielle car elle permet d'accéder à internet sur son téléphone. Avant la fin de 2020, plus de 10 000 communes connaîtront le passage de la 3G à la 4G.
Troisièmement enfin, au cours des prochaines années, les axes routiers et ferroviaires seront très largement dotés d'installations de téléphonie.
Au final, cet accord représente un investissement supplémentaire, j'insiste, de l'ordre de 3 milliards d'euros pour les différents opérateurs.
Mesdames et messieurs les députés, puisque vous avez abordé un grand nombre de sujets, j'essaierai d'être très concis.
Premièrement, comment les collectivités sont-elles associées au projet ? Celles-ci sont d'abord les donneurs d'ordres dans le déploiement du numérique. Il ne faut jamais l'oublier : ce sont elles qui passent les contrats. Ensuite, pour la téléphonie mobile, c'étaient le plus souvent elles qui payaient les pylônes. Aux termes du nouvel accord, toutes les installations, notamment les pylônes, installées au titre de l'accord seront assumées financièrement par les opérateurs et non plus par les collectivités. Enfin, celles-ci doivent être au centre de l'identification des sites sur lesquels portera l'accord. Je tiens à être très précis devant vous : comme je l'ai indiqué, les trois volets de l'accord portent sur 5 000 nouveaux sites réalisés par les opérateurs, parfois en mutualisation, qui se décomposent en 600 à 800 sites par an et par opérateur au cours des prochaines années. Mais la spécificité de l'accord, c'est qu'il y est bien prévu que les sites ne seront pas définis par les opérateurs mais par les collectivités et l'État. Nos services sont en train de finaliser un modus operandi, qui sera bien évidemment soumis à la consultation de l'ensemble des associations représentant les collectivités ainsi que les parlementaires, pour déterminer comment et sur quels critères nous devrons, dans les prochains mois et les prochaines années, mettre la priorité sur ces 600 à 800 pylônes par an et par opérateur. Encore une fois, j'insiste sur le fait que l'identification des sites sera le fait des collectivités et de l'État, et non pas selon les desiderata des opérateurs.
Deuxièmement, j'ai souligné que cet accord était contraignant. Plusieurs d'entre vous ont abordé ce point. C'est justement parce qu'il l'est que nous sommes en position de pouvoir montrer que ce qui est fait là diffère des actions menées par le passé. Mais il faut toujours demeurer vigilant, et c'est pourquoi cet accord a été signé avec et sous le sceau de l'ARCEP, le gendarme des télécoms.
Troisièmement, il faut absolument que cet accord soit totalement transparent, tant dans sa mise en oeuvre que dans ses déploiements, à la fois sur le numérique et sur la téléphonie mobile.
Madame la rapporteure, vous avez évoqué un point fondamental : le mix technologique. Là encore, je m'efforcerai d'être très clair. Notre engagement, fixé et rappelé par le Président de la République et le Premier ministre, c'est du bon débit pour tous en 2020 et du très haut débit pour tous en 2022, mais cela n'occulte en rien la société du gigabit que nous appelons de nos voeux d'ici à 2025. Celle-ci repose aujourd'hui sur du fibrage. On voit bien d'ailleurs à cet égard un point d'inflexion puisque les opérateurs eux-mêmes proposent beaucoup plus de fibre sur le territoire.
Vous avez évoqué également, de même que M. Dufrègne, le financement de la société du gigabit, et vous avez raison de noter qu'il n'est pas pris en compte dans le cadre du Grand plan d'investissement, qui ne vise que le très haut débit en 2022. En revanche, il ouvre la voie aux financements futurs de la société du gigabit ; plus précisément, il pose le constat qu'on ne traite encore que du très haut débit, ce qui veut dire qu'il faudra traiter le sujet en parallèle.
Quant au réseau de téléphonie permettant un service universel, madame la rapporteure, c'est un sujet auquel le Gouvernement est très attaché, madame la rapporteure. L'opérateur historique, aujourd'hui en charge de ce réseau universel, doit, là aussi, être au rendez-vous des obligations qui lui incombent au titre des contrats en cours.
Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué, ainsi que Mme Hennion et Mme Battistel, l'enjeu de simplification. Il s'avère que j'ai eu l'honneur de faire mon premier déplacement avec Mme Battistel dans le pays de l'Oisans, et je me rappelle du maire de Besse nous expliquer qu'il avait mis dix ans – je dis bien dix ans – pour faire construire le pylône de téléphonie mobile, et nous indiquant que, pendant cette période, tous les jeunes du village partaient au fur et à mesure parce qu'un acteur, que vous reconnaîtrez, avait procédé à des tests, montagne par montagne, pour savoir depuis laquelle le pylône serait le moins visible. Dans le futur projet de loi que Jacques Mézard et moi vous présenterons, il y aura la possibilité de passer outre un avis non conforme des architectes des Bâtiments de France dès lors qu'il s'agira d'une installation d'accès au numérique ou à la téléphonie mobile. Il faut simplifier, simplifier, simplifier ! Sur d'autres territoires – je me suis récemment rendu en Ariège – , il n'a fallu que deux ans pour mettre en place un tel pylône. Si c'est possible à tel endroit, ce doit être possible partout. Certes, les territoires ont leur spécificité mais, en tout état de cause, le projet de loi visera à simplifier autant que faire se peut l'ensemble des dispositifs.
M. Demilly a évoqué un point fondamental : la qualité de service. Il est vrai qu'elle est aujourd'hui mal définie, on le sait tous. Officiellement, 98,8 % de la population a accès à une téléphonie mobile de bonne qualité, mais ce n'est pas réellement le cas. C'est pourquoi l'État est conduit à redéfinir, avec l'ensemble des opérateurs, la qualité de service. Je salue les discussions menées avec l'ARCEP et l'Agence du numérique sur le sujet. Il y a aujourd'hui environ 500 zones blanches, mais beaucoup de zones grises devraient être considérées comme blanches.