Monsieur le ministre d'État, l'Alsace se situe dans l'espace très industrialisé du Rhin supérieur qui, avec ses 6 millions d'habitants, consomme en pointe 22 000 mégawatts. Ce territoire produisait jusqu'à présent 15 000 mégawatts, principalement au moyen de centrales nucléaires et à charbon. La donne change, puisque les centrales nucléaires allemandes seront toutes arrêtées en 2022, et que la plupart des centrales suisses, plus âgées que la centrale de Fessenheim, le seront également, ce qui limitera la production à 4 000 mégawatts dans le Rhin supérieur après 2023. Dans ces circonstances, nos voisins envisagent même sérieusement des possibilités de black-out.
Face au réalisme de nos voisins, le document que vient de nous transmettre, à votre demande, RTE, loin de nous rassurer, ne fait que renforcer notre inquiétude. Du point de vue de la méthode, RTE nous a adressé un schéma au mode de calcul alambiqué, dont les hypothèses sont masquées : surprenant manque de transparence pour bâtir une relation de confiance ! Sur le fond, la pointe historique de consommation alsacienne est supérieure à 3 000 mégawatts. Or, avec les chiffres de l'alimentation électrique fournis par le modèle de RTE, on arrive à une puissance de 1 500 mégawatts. D'où viennent les quelque 1 500 mégawatts manquants ?
Faut-il rappeler que 50 % de la consommation électrique alsacienne est destinée à l'industrie ? C'est une situation atypique, qu'il convient d'avoir à l'esprit. Comment compenser la baisse de la capacité de production, équivalente à la moitié de la consommation alsacienne, si nos voisins suisses et allemands ne sont plus en capacité de nous alimenter ? Considérez-vous que l'Alsace est vouée à un déclin industriel et humain justifiant une division par deux de sa consommation de pointe ? En résumé, nos amis allemands et suisses travaillent sur des modèles intégrant une augmentation de la consommation d'électricité de près de 2 % par an, alors que vous pariez sur une division par deux de la consommation électrique alsacienne pour nous rassurer quant à l'impact de la fermeture de Fessenheim sur la tenue du réseau alsacien. Comment justifier, monsieur le ministre d'État, cet inquiétant décalage ? Et dans ce contexte, pourquoi s'obstiner, encore une fois, à faire de Fessenheim la cible de la politique nucléaire gouvernementale ?