(Interprétation de l'anglais.) Permettez-moi, madame Rabault, de vous répondre par une métaphore à caractère général. Imaginons que nous nous promenions sur la Terre avec un sac à dos bien rempli : il pèserait lourd. Sur Jupiter, en revanche, il faudrait être... « jupitérien »... pour supporter le même poids, puisque la force de gravitation de cette planète est beaucoup plus forte ; mais sur la Lune, il pèserait beaucoup moins lourd. C'est la situation dans laquelle nous nous trouvons : sur la Lune, il faut certes s'équiper de matériel pour respirer mais notre sac à dos ne pèse plus qu'un sixième du poids qu'il pèse habituellement sur Terre. Du fait de la grande faiblesse des taux d'intérêt – à quelques exceptions près comme la situation grecque dont vient de témoigner Georgios Kyrtsos –, la plupart des États membres de la zone euro se trouvent sur la Lune. Malgré la taille de notre sac à dos, c'est-à-dire du niveau d'endettement, les contraintes qui en découlent sur notre marge de manoeuvre budgétaire sont moins fortes qu'à d'autres époques. Il nous faut le reconnaître, ce que nous ne faisons pas toujours. Comme vous le savez, l'Allemagne a beaucoup profité de la faiblesse des taux d'intérêt – et la France aussi.
S'agissant du stock de dette, les principaux indicateurs – prix et taux d'intérêt – montrent qu'il ne se produira pas au cours des dix prochaines années d'augmentation rapide qui nous emmènerait sur Jupiter. L'essentiel est donc de préserver la crédibilité budgétaire pour éviter que les marchés ne deviennent nerveux. Tant qu'ils ne le sont pas, nous resterons sur la Lune plutôt que sur Jupiter. Ces situations, à quelques exceptions près comme la Grèce, sont parfaitement gérables. Il est de notre responsabilité d'y parvenir.
L'équation européenne, cependant, repose non seulement sur la responsabilité mais aussi sur la solidarité, laquelle découle avant tout d'un consensus franco-allemand et européen – qui, je l'espère, pourra être trouvé – sur les biens publics européens, comme l'a souligné à juste titre le président Macron dans son discours à la Sorbonne. J'espère qu'il s'ensuivra des éléments de stabilisation automatique, et il sera sans doute opportun de relire le rapport de Pervenche Berès et Reimer Böge sur ce sujet.
Ensuite, nous devrons procéder avec prudence. Il existe des réticences politiques, pas seulement en Allemagne, concernant les outils de dépenses discrétionnaires, car il n'est pas toujours évident de distinguer la valeur ajoutée de l'Europe. Nous devons envisager la situation sous cet angle en nous employant à rester sur la Lune et à financer au niveau européen ce qui s'y fait le mieux. Hier, Alain Lamassoure a fait une excellente proposition : peut-être pourrions-nous en effet associer la Cour des comptes et les autres institutions de même nature au calcul de la valeur ajoutée des biens publics européens ; puis viendra la stabilisation automatique, et nous nous intéresserons ensuite à la partie résiduelle du déficit, qui est tout à fait gérable.