Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 14 février 2018 à 9h45

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • dette
  • déficit
  • déficit structurel
  • harmonisation

La réunion

Source

La commission des finances procède à un échange de vues avec une délégation de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen sur le semestre européen et l'harmonisation fiscale.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Chers collègues, j'ai le plaisir, au nom de notre commission, d'accueillir une délégation de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, conduite par son président, M. Roberto Gualtieri.

Votre venue, chers collègues du Parlement européen, traduit la dimension européenne des travaux de notre commission.

Il y a deux semaines, nous entendions le commissaire Günther Oettinger, venu évoquer le futur cadre financier pluriannuel, et nous recevons très régulièrement son collègue commissaire Pierre Moscovici. La semaine dernière, nous examinions la transposition de la directive sur les services de paiement, dite « DSP 2 », un peu technique mais assez politique également, car elle change la vie des gens. La semaine prochaine, je serai à Bruxelles avec le rapporteur général – nous sommes déjà allés ensemble à Tallinn il y a quelques mois – et plusieurs collègues d'autres commissions de notre Assemblée pour la réunion de la conférence interparlementaire sur la stabilité, la coordination économique et la gouvernance au sein de l'Union européenne. Même si l'on ressort toujours un peu frustré de ces réunions, elles permettent un certain nombre d'échanges avec nos collègues. Dans deux mois, le Gouvernement présentera ses projets de programme de stabilité et de programme national de réforme. Ce moment constitue un temps fort de notre débat budgétaire – que nous essayons par ailleurs de faire évoluer pour consacrer un peu plus de temps à l'évaluation des politiques publiques avant d'aborder les décisions qui doivent en découler. Je mentionnerai encore la création d'un groupe de travail interne à notre commission pour assurer le suivi des négociations sur le Brexit : l'Assemblée nationale a créé une mission d'information plus large mais la commission des finances a souhaité les suivre en interne et « en direct », en s'attachant aux questions qui relèvent de sa compétence.

La commission des affaires économiques et monétaires est certainement celle des vingt commissions permanentes du Parlement européen dont les compétences recoupent le plus les compétences de notre commission, puisqu'entrent notamment dans son champ les politiques économiques et monétaires de l'Union, le fonctionnement de l'Union économique et monétaire et du système monétaire et financier européen, le système monétaire et financier international, le droit fiscal et la réglementation des services, institutions et marchés financiers – autant de domaines qu'il serait intéressant d'aborder ensemble si nous disposions de plus de temps que les deux heures qui nous sont imparties.

Nous pourrons néanmoins aborder de nombreux sujets, de la façon la plus libre possible pour que notre discussion soit intéressante. Il a été convenu que notre échange de vues se concentrerait successivement sur deux thèmes essentiels qui reviennent très régulièrement dans nos discussions à l'Assemblée nationale et au Parlement européen : d'une part, le semestre européen et, au-delà, la gouvernance de la zone euro ; d'autre part, l'harmonisation fiscale, plus particulièrement celle de l'impôt sur les sociétés – je salue à cet égard la présence des deux corapporteurs du Parlement européen, Alain Lamassoure, à qui ces lieux sont familiers, et Paul Tang.

Monsieur le président, je vous laisse présenter les membres de votre délégation et ouvrir nos échanges.

Permalien
Roberto Gualtieri, président de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen

(Interprétation de l'anglais.) Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, en tant que membre de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, c'est pour moi un grand plaisir et un honneur que d'être ici, à l'Assemblée nationale, pour échanger avec mes collègues français de la commission des finances, qui, au quotidien, traite des mêmes sujets que notre commission. Attachés à la coopération interparlementaire, nous sommes ravis de vous accueillir la semaine prochaine à Bruxelles. Les membres des différents parlements nationaux seront nombreux à cette rencontre, que j'espère propice à des échanges vivants et utiles sur l'avenir de l'Union européenne.

Ce sont vraiment des sujets cruciaux que ceux qui ont été retenus pour nos échanges de ce matin. Nous n'avons pas manqué de les aborder avec les autorités françaises et les représentants de la société civile qu'a rencontrés au cours de cette mission notre délégation.

Celle-ci est forte de nombreux représentants de groupes politiques d'importance. Sans doute connaissez-vous Pervenche Berès, coordinatrice en notre commission du groupe Socialisme et Démocratie (S&D) et rapporteure d'un certain nombre de dossiers, notamment la capacité fiscale. Elle est maintenant corapporteure, avec Burkhard Balz, sur les autorités de surveillance européennes. Paul Tang, membre néerlandais du Parlement européen, également membre du groupe S&D, a été rapporteur sur l'assiette commune consolidée d'impôts sur les sociétés (ACCIS), avec Alain Lamassoure, sur la titrisation et sur d'autres sujets. Quant à Burkhard Balz, c'est un membre éminent de notre délégation, puisqu'il est le coordinateur du groupe du Parti populaire européen (PPE) – quand Pervenche Berès et Burkhard Balz sont d'accord sur un point, ce qui arrive, nul besoin de compter les voix... Parlementaire expérimenté, Burkhard Balz s'occupe de bien des sujets. L'expertise de notre collègue allemand Jakob von Weizsäcker, économiste, universitaire, membre du groupe S&D, enrichit toujours nos débats. Il est notamment notre rapporteur sur le redressement et la résolution des chambres de compensation. Notre collègue néerlandaise Esther de Lange, vice-présidente du groupe PPE, est rapporteure sur le système européen de garantie des dépôts, cherchant à trouver le meilleur compromis sur cette question, qui figure en bonne place sur notre feuille de route pour cette fin de mandat. Nous devons finaliser ce système, mais comment y parvenir ? Il n'est pas facile de répondre à cette question. Vous connaissez déjà Alain Lamassoure, ancien ministre, ancien président de la commission des budgets du Parlement européen ; il travaille avec Paul Tang sur les questions fiscales, notamment l'ACCIS. Thierry Cornillet, membre de l'Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe (ADLE), est également très actif dans nos travaux sur tous ces dossiers ; les membres des groupes parlementaires à l'effectif plus réduit sont plus difficilement nommés rapporteurs, mais ils peuvent être shadow rapporteurs, ce qui leur donne aussi beaucoup d'influence et leur permet de contribuer utilement à nos travaux. Avec Bernard Monot, porte-parole du groupe Europe des nations et des libertés (ENL) au sein de notre commission, qui ne se situe pas dans la majorité pro-européenne, les points de désaccord ne manquent pas, mais nos échanges n'en sont pas moins très respectueux. Également française, Anne Sander a rejoint relativement récemment notre commission. Enfin, j'évoquerai la présence de notre collègue Georgios Kyrtsos, du groupe PPE, très impliqué dans le projet ACCIS et dans notre suivi attentif de tout ce qui concerne le programme d'assistance financière à la Grèce. Après des échanges avec Martin Schulz et Alexis Tsipras, nous avons constitué un groupe de travail pour assurer un contrôle politique et parlementaire du programme et de l'action de la troïka. Le dossier est très important pour nous, mais M. Kyrtsos apporte également une contribution cruciale à nos travaux sur d'autres sujets.

Qu'en est-il du semestre européen ? Qu'en est-il du passage de la France du bras correctif au bras préventif du pacte de stabilité ? Évidemment, « préventif » est plus agréable à nos oreilles, mais je ne sais où Dante aurait placé ce bras préventif, car c'est sans doute à la fois le paradis et l'enfer : paradoxalement, il impose de respecter bien des règles, complexes, sur le déficit structurel, alors que le bras correctif repose sur la seule règle des 3 %. Bien sûr, il vaut mieux être dans le bras préventif : cela signifie que le déficit est moindre. Cependant, c'est tout un nouvel environnement auquel il faut s'adapter.

Nous souscrivons à l'idée d'une convergence renforcée et de mécanismes de stabilisation. Cela requiert une capacité fiscale et un renforcement du Mécanisme européen de stabilité (MES). Ces questions sont sur la table. En ce qui concerne la transformation du MES en fonds monétaire européen, au-delà de la question du nom – nous sommes loin d'avoir trouvé une dénomination satisfaisante –, il nous paraît essentiel de ne pas rejeter la proposition de la Commission de nous fonder sur l'article 352 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui permet d'intégrer le MES dans le nouveau cadre juridique. Il ne s'agit pas simplement de permettre un meilleur contrôle au niveau européen ou national, il s'agit aussi de faire en sorte qu'il puisse jouer un rôle de back-stop pour cette capacité fiscale à construire par étapes. À cet égard, je souscris parfaitement à la position des autorités françaises : il ne doit y avoir aucune confusion entre le suivi assuré par la Commission en matière fiscale ou budgétaire et le rôle du MES, dédié à la seule gestion des crises.

En matière fiscale, des mesures spécifiques doivent permettre de prendre en compte l'économie numérique dans le cadre de l'ACCIS. Si nous n'avançons pas en ce sens, des mesures plus douloureuses, tant pour les entreprises que pour les États membres, seront prises.

Pardonnez-moi, j'ai été trop long, mais nous sommes très heureux, mesdames et messieurs les députés, d'échanger avec vous sur ces thèmes.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, monsieur le président, d'avoir ainsi lancé le débat.

Peut-être pouvons-nous commencer par évoquer, sur la forme et sur le fond, le semestre européen. Conçu pour accélérer les processus de convergence économique, commence-t-il à atteindre ses objectifs ? Et son calendrier ne se heurte-t-il pas avec celui de la préparation du cadre financier ? Le Parlement français est relativement peu concerné par ces mécanismes, mais ils sont l'objet d'une littérature abondante et complexe.

Je ne sais quel regard vous portez aujourd'hui, chers collègues membres du Parlement européen, sur le processus global de convergence. Vous avez évoqué la situation française : notre pays passe du bras correctif au bras préventif du pacte de stabilité, même si nous flirtons toujours avec les 3 %, sans jamais vraiment nous en éloigner. Le bras préventif impose de respecter d'autres contraintes, qui ne sont pas purement comptables, mais tiennent au déficit structurel et à la structure de nos propres efforts. Ces questions alimentent le débat français, mais quelles réflexions vous inspirent-elles ?

Permalien
Pervenche Berès, députée européenne

Merci, monsieur le président, pour votre invitation. Au cours de nos déplacements, les échanges que nous avons avec nos collègues parlementaires nationaux sont toujours les plus vivants. Je vous prie d'ailleurs d'excuser mon absence de Bruxelles, la semaine prochaine, lorsque vous y viendrez.

Nous n'avons pas encore évoqué le rendez-vous que nous, membres de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, avons en fin de journée, aujourd'hui, à notre retour à Bruxelles. Nous auditionnerons, de manière informelle, les deux candidats au poste de vice-président de la Banque centrale européenne (BCE), en amont de la sélection qui sera faite par l'Eurogroupe et le Conseil pour les affaires économiques et financières, dit « ECOFIN », et avant la validation formelle par le Parlement européen, selon la procédure prévue par les traités. Il nous semblait important d'entendre les deux candidats, puisqu'il y en a deux.

Le semestre européen est un vieux rêve qui ne fonctionne pas. Il n'en repose pas moins sur une idée assez cohérente : puisque nous partageons la même monnaie, il faut une coordination des politiques économiques. Permettez-moi une comparaison. Pendant très longtemps, nous avons mis en oeuvre, à l'échelle européenne, ce qu'on appelle la stratégie de Lisbonne, puis la stratégie dite « UE 2020 », grâce à un outil soft : la méthode ouverte de coordination. Nous avons fini par comprendre que cela ne marchait pas. La coordination bienveillante des politiques économiques est un exercice de bonne volonté aux résultats assez limités. Cependant, tant que nous n'avons pas inventé autre chose, nous avons besoin de ce cadre de référence, dans lequel nous disons quels objectifs les États doivent viser.

Quant à la convergence, considérez le « paquet » proposé par la Commission européenne pour la réforme de l'Union économique et monétaire : il n'est pas question de convergence à l'intérieur de la zone euro ; la seule convergence évoquée est celle qui doit advenir entre les États membres qui ne sont pas encore membres de la zone euro et cette dernière. Sans doute est-elle absolument indispensable, mais cela ne règle pas la question des risques de déstabilisation macroéconomique que nous avons connus depuis le passage à l'euro. Comment les États réagissent-ils aux crises ? Au Parlement européen, nous avons développé depuis un certain temps l'idée d'un code de convergence, mais des travaux supplémentaires sont nécessaires. Il s'agirait de retrouver la vertu des critères de Maastricht, avec l'appropriation nationale d'une trajectoire en vue d'un objectif partagé – une norme de salaire minimum, un niveau d'investissement, un certain degré d'harmonisation fiscale... À long terme, c'est quand même cette direction que nous devons suivre.

Le calendrier du semestre européen comporte deux temps nettement distincts, le premier étant celui de l'élaboration de la règle. Du point de vue des parlements nationaux, le moment critique est celui des recommandations spécifiques par pays, c'est celui de la négociation entre gouvernements et Commission européenne. L'implication des parlements nationaux est alors fonction de l'ordre juridique, politique et institutionnel de chaque État membre.

Le Parlement européen a beaucoup contribué à développer ce semestre européen. Nous en reconnaissons le caractère parfois frustrant, mais c'est mieux que rien. L'objectif philosophique, stratégique, devrait être que nous puissions être la caisse de résonance des préoccupations de chacun des États membres dans une approche européenne. C'est en tout cas celui que nous devrions tous viser.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le semestre européen a incontestablement permis de renforcer le dialogue entre les États membres et les instances européennes, un vrai dialogue, dans les deux sens. En 2015, la France était ainsi parvenue à faire changer d'avis la Commission européenne, puisque celle-ci a jugé « globalement conforme » un budget reposant sur un ajustement structurel bien moindre que celui demandé. La Commission n'en a pas moins relevé en 2018 un risque de non-conformité en raison d'un rythme insuffisant de l'ajustement structurel, à cause du programme de baisse des impôts mis en oeuvre. De bons résultats en matières de finances publiques pourraient cependant, je l'espère, la faire rapidement changer d'avis, d'autant que nous respecterons les objectifs de baisse des dépenses.

Cela dit, nous pourrions améliorer encore le contenu du dialogue pendant le semestre européen, en évoquant des objectifs sur les dépenses, plutôt que des objectifs d'ajustement structurel – cette notion me semble sujette à trop d'interprétations, celle de maîtrise de la dépense est bien plus objective. Qu'en pensez-vous donc ?

Permalien
Roberto Gualtieri, député européen

(Interprétation de l'anglais.) En effet, le concept de déficit structurel est fort complexe. Il est relativement facile de déterminer si le montant nominal des déficits publics est inférieur ou supérieur à 3 % du produit intérieur brut. En revanche, évaluer le solde structurel... La méthode actuellement retenue peut se traduire par une surévaluation de l'effort structurel nécessaire. C'est une question très technique. L'indicateur de dépenses de référence, ou expenditure benchmark, pourrait être d'un usage plus simple. Ce qui est certain, c'est que l'appréhension du seul montant nominal du déficit est insuffisante. Il n'est évidemment pas simple de trouver la bonne solution. Et avec ce que votre Cour des comptes appelle « effort structurel », en fait plus proche de l'indicateur de dépenses de référence que de l'effort structurel tel que le mesure la Commission, nous avons au moins trois outils différents ! Pour ma part, j'appelle ardemment au développement de nouveaux concepts, plus simples et plus pertinents pour mesurer l'efficacité de la dépense publique des États membres, sans nous exposer au risque de budgets procycliques ou à celui de décourager les dépenses d'investissement, essentielles à la croissance.

Nous pensons aussi que les dépenses sociales doivent être évaluées non pas seulement en termes comptables, mais aussi en tant qu'elles contribuent à la cohésion sociale, avec laquelle notre modèle social et notre compétitivité ont partie liée.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Chacun s'accorde à reconnaître que le péché originel du pacte de stabilité et des décisions prises jadis à Amsterdam tient au fait que le cycle est ignoré : l'objectif de limitation des déficits à 3 % valait sous toutes les latitudes. À l'époque, le président Romano Prodi avait même dit du pacte de stabilité qu'il était stupide, à quoi son collègue portugais António Vitorino avait répondu qu'il valait mieux dire que le pacte de stupidité était stable... Les gouvernants l'ont d'ailleurs bien compris, puisque le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance introduit la notion de cycle. Les notions de déficit structurel et d'effort structurel imposent de distinguer entre le déficit légitime – ou illégitime – tel qu'il apparaît dans la structure des différents budgets et ses aspects conjoncturels et momentanés, qui sont liés à la position de chaque État membre dans le cycle économique. La notion de cycle est donc importante. À l'époque, les Allemands, dont on dit souvent qu'ils imposent leur loi, ont en fait accepté cette nouveauté dans leur représentation des choses et ont considérablement assoupli leur position.

Je suis néanmoins préoccupé par le problème technique qui découle directement de cette évolution. Il nous est très difficile de donner une définition consensuelle à la notion de déficit structurel. Or, le seuil de 3 % a cessé d'être une valeur absolue pour devenir une étape sur la voie de la stabilisation des dépenses et d'un rééquilibrage des budgets. Le montant du déficit légitime, quant à lui, est totalement lié à la position des États dans le cycle : le seuil de 3 % est beaucoup trop laxiste en période de croissance, mais peut être insuffisant en période de stagnation. Autrement dit, l'outil qu'il est essentiel de créer est l'instrument de coordination et d'établissement d'un diagnostic commun et consensuel associant les États membres, la Commission et le Parlement. Comment nos collègues européens estiment-ils que l'on peut améliorer la situation pour aboutir à un consensus technique sur les positions économiques respectives de chaque État, qui me semble être la clef d'une véritable politique conjoncturelle commune dans la zone euro ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Si l'Europe n'avance plus en matière budgétaire, c'est parce que sept pays, dont la France, accusent une dette importante. Ce débat, que nous avons déjà eu avec plusieurs d'entre vous, ne trouve pas d'issue, car on ne sait que faire du stock de dette et les autres pays ne veulent pas payer pour nous, ce qui s'entend parfaitement. Ma question s'adresse donc sans doute à nos collègues allemands avant tout : sur ce point, le Parlement européen a-t-il obtenu une avancée ? Je constate que nous tournons autour du pot depuis quatre ou cinq ans, pour l'instant en vain. L'Europe ne trouvera pas de solution tant que nous ne nous remettrons pas à investir. Les pays très endettés ne peuvent pas augmenter leur dette pour investir. Qu'en pensez-vous ?

Ensuite, Jean-Louis Bourlanges a rappelé que l'on ne sait pas calculer le déficit structurel, puisque chacun le calcule différemment. Il y a deux ans, nous avons saisi par écrit le commissaire Moscovici afin de changer la règle de calcul en la fondant sur la croissance potentielle et sur un horizon non pas de deux ans, qui n'a pas de sens, mais de quatre ans. Depuis, rien n'a changé : les demandes d'efforts adressées aux États sont calculées à partir d'indicateurs qui ne font l'objet d'aucun accord et que personne ne sait calculer.

Enfin, tous les pays européens partagent un intérêt commun à ce que l'impôt soit payé en Europe. Or, de grandes multinationales font certains arbitrages. Il y a deux ans, monsieur von Weizsäcker, dans cette même salle, nous avions formulé une proposition, qui est restée lettre morte. Je souhaiterais qu'elle soit reprise pour que nous aboutissions à une définition commune et, surtout, que l'Europe et que nous, élus européens, montrions à nos peuples que nous reprenons la main et que nous ne laissons pas des multinationales dicter leur loi parce qu'elles font leur marché planétaire – ce qui se traduit par la montée des populismes, puisque nous sommes incapables de faire face à cette évolution.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous savons tout de même calculer le déficit structurel, même s'il y a débat.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dont acte : nous ne savons donc pas le calculer.

Permalien
Paul Tang, député européen

(Interprétation de l'anglais.) Il me semble utile d'avoir cet échange, même si nous sommes bien loin du consensus – mais tout consensus commence par un débat. Les politiques de ces dernières années ont été procycliques, en grande partie en raison de l'application des règles budgétaires – en toute bonne foi, d'ailleurs, puisque l'objectif était de conduire une politique structurelle, mais ce n'est pas ce qui s'est produit. Comme le savent les économistes, les différentes mesures adoptées concernant le déficit structurel et l'écart de production s'appuyaient sur des notions difficiles à traduire dans la pratique. Même avec de bonnes intentions, nous n'avons pas pu obtenir de résultats satisfaisants.

Autre problème : nous nous concentrons sur les déficits, et non sur la dette. Or, pour absorber les chocs, mieux vaut se préoccuper du niveau de la dette qu'un pays peut supporter afin de faire face. C'est cette notion qu'il faudrait privilégier plutôt que sur les déficits. Il ne s'agit même pas d'une politique coordonnée, mais simplement de permettre aux pays qui disposent d'une marge de manoeuvre de stabiliser leur économie et d'aider les populations dans les périodes difficiles, car c'est l'objectif sous-jacent. Ne vous concentrez pas tant sur les déficits structurels que sur le niveau de dette.

Permalien
Georgios Kyrtsos, député européen

(Interprétation de l'anglais.) Je crois comprendre que, pour estimer le déficit structurel en France, il faut traiter avec la Cour des comptes, où nous nous sommes rendus hier. La démarche de cette institution me semble beaucoup plus stricte que celle de la Commission européenne, par exemple.

Pour la Grèce, l'assainissement des finances publiques est une question de survie ; pour la France, c'est une question de leadership. Or, la Grèce a besoin du leadership de la France. Je vous remercie donc d'avoir fait preuve de compréhension à l'égard des problèmes de l'économie et du peuple grecs, quels que soient les gouvernements en place à Athènes et à Paris.

La situation financière s'est améliorée en Grèce comme dans la zone euro. Cependant, il manque encore une entente entre les deux économies les plus puissantes, l'Allemagne et la France, pour avancer et pour faire en sorte que l'Union européenne soit plus dynamique et qu'elle donne davantage de chances aux pays les moins développés, comme la Grèce. Il me semble flotter un air d'optimisme en France, qui a des répercussions positives sur l'Union européenne. Cependant, c'est une chose d'être optimiste et d'espérer changer les choses, c'en est une autre d'atteindre nos objectifs.

Permalien
Jakob von Weizsäcker, député européen

(Interprétation de l'anglais.) Permettez-moi, madame Rabault, de vous répondre par une métaphore à caractère général. Imaginons que nous nous promenions sur la Terre avec un sac à dos bien rempli : il pèserait lourd. Sur Jupiter, en revanche, il faudrait être... « jupitérien »... pour supporter le même poids, puisque la force de gravitation de cette planète est beaucoup plus forte ; mais sur la Lune, il pèserait beaucoup moins lourd. C'est la situation dans laquelle nous nous trouvons : sur la Lune, il faut certes s'équiper de matériel pour respirer mais notre sac à dos ne pèse plus qu'un sixième du poids qu'il pèse habituellement sur Terre. Du fait de la grande faiblesse des taux d'intérêt – à quelques exceptions près comme la situation grecque dont vient de témoigner Georgios Kyrtsos –, la plupart des États membres de la zone euro se trouvent sur la Lune. Malgré la taille de notre sac à dos, c'est-à-dire du niveau d'endettement, les contraintes qui en découlent sur notre marge de manoeuvre budgétaire sont moins fortes qu'à d'autres époques. Il nous faut le reconnaître, ce que nous ne faisons pas toujours. Comme vous le savez, l'Allemagne a beaucoup profité de la faiblesse des taux d'intérêt – et la France aussi.

S'agissant du stock de dette, les principaux indicateurs – prix et taux d'intérêt – montrent qu'il ne se produira pas au cours des dix prochaines années d'augmentation rapide qui nous emmènerait sur Jupiter. L'essentiel est donc de préserver la crédibilité budgétaire pour éviter que les marchés ne deviennent nerveux. Tant qu'ils ne le sont pas, nous resterons sur la Lune plutôt que sur Jupiter. Ces situations, à quelques exceptions près comme la Grèce, sont parfaitement gérables. Il est de notre responsabilité d'y parvenir.

L'équation européenne, cependant, repose non seulement sur la responsabilité mais aussi sur la solidarité, laquelle découle avant tout d'un consensus franco-allemand et européen – qui, je l'espère, pourra être trouvé – sur les biens publics européens, comme l'a souligné à juste titre le président Macron dans son discours à la Sorbonne. J'espère qu'il s'ensuivra des éléments de stabilisation automatique, et il sera sans doute opportun de relire le rapport de Pervenche Berès et Reimer Böge sur ce sujet.

Ensuite, nous devrons procéder avec prudence. Il existe des réticences politiques, pas seulement en Allemagne, concernant les outils de dépenses discrétionnaires, car il n'est pas toujours évident de distinguer la valeur ajoutée de l'Europe. Nous devons envisager la situation sous cet angle en nous employant à rester sur la Lune et à financer au niveau européen ce qui s'y fait le mieux. Hier, Alain Lamassoure a fait une excellente proposition : peut-être pourrions-nous en effet associer la Cour des comptes et les autres institutions de même nature au calcul de la valeur ajoutée des biens publics européens ; puis viendra la stabilisation automatique, et nous nous intéresserons ensuite à la partie résiduelle du déficit, qui est tout à fait gérable.

Permalien
Esther de Lange, députée européenne

(Interprétation de l'anglais.) En tant que vice-présidente du PPE chargée des relations avec les parlements nationaux, j'ai très souvent cette discussion. Notre défi consiste à rassembler les différentes pièces du puzzle. En toute franchise, ce débat prendrait une tout autre tournure en Finlande, ou encore en Grèce ou en Espagne, que celui que nous avons ici. Les points de vue diffèrent même au sein de notre propre mouvement politique, et a fortiori selon les différentes familles politiques. Il faut donc explorer des pistes de convergence susceptibles de nous faire avancer, comme celle qu'a proposée Alain Lamassoure hier.

Dans le domaine de l'imposition, nous attendons une proposition du président français. Nous reviendrons notamment sur la question numérique, sur laquelle tous les mouvements politiques de tous les États membres souhaitent agir.

Cela étant, il me semble assez choquant d'entendre dire, dans un pays moderne et tourné vers l'extérieur, que l'endettement de sept pays européens est insoluble. Qu'il existe un problème en Grèce, c'est un fait ; mais le discours que nous ont tenu hier les collaborateurs du président Macron semblait plutôt indiquer qu'ils entendaient mettre de l'ordre dans la situation française afin de mériter le soutien des autres États membres sur des questions comme l'amélioration de la gouvernance de la zone euro, sur laquelle il ne fait aucun doute qu'il faut avancer. Puis-je rappeler que la Belgique est entrée dans l'euro avec une dette publique équivalant à 120 % de son PIB, et que ce taux était retombé à 87 % avant la crise ? Une telle baisse est donc possible !

Ce que souhaitent de nombreux États membres y compris le mien, les Pays-Bas, est une manifestation de volonté et de courage politique au niveau national, afin que nous avancions ensemble au niveau européen. Oui, il y a beaucoup à faire, mais la confiance nécessaire pour y parvenir se mérite en obtenant des résultats au niveau national. Voilà notre défi ; je vous remercie donc d'avoir organisé cet échange, car il nous faut en effet dialoguer simultanément au niveau national et au niveau européen.

Permalien
Alain Lamassoure, député européen

Permettez-moi de commencer par rassurer Valérie Rabault concernant le problème de l'imposition des multinationales, qu'elle a évoqué à juste titre, et la nécessité d'y apporter une solution européenne, car c'est à ce niveau que nous serons efficaces.

D'autre part, nous Français avons été jusqu'à une période récente par tous nos partenaires, sans exception, comme le mauvais élève de la classe – c'est-à-dire de la zone euro. Aujourd'hui encore, la France a un taux de croissance inférieur à la moyenne européenne ; nous nous réjouissons qu'il augmente, mais cette hausse est faible. La France est aussi le pays dont le déficit commercial continue de s'aggraver malgré la reprise de la demande mondiale. Enfin, la France est le pays qui, jusqu'à ces derniers jours, a été incapable d'honorer ses engagements européens, et qui s'est même humilié à trois reprises, sous des gouvernements différents, en demandant le report de la date de mise en conformité de la politique française avec ses engagements européens. Il ne faut pas croire, comme nous le disons complaisamment entre nous, Français, que le problème vient de la rigueur allemande. Les reproches que nous adressent nos amis allemands ne sont rien à côté de ceux que nous font de petits pays qui ont consenti des efforts gigantesques – efforts que nous avons quant à nous toujours différés et qu'il nous faut désormais accepter.

Certes, le débat existe et il n'y a pas de définition scientifique du déficit structurel. Chacun voit bien cependant si un pays est capable de réduire son déficit, en particulier en période de beau temps – car, comme le disait Jakob von Weizsäcker, nous sommes en ce moment sur la Lune mais nous n'y resterons pas longtemps, mieux vaut donc en profiter : c'est maintenant qu'il faut consentir des efforts et faire des réformes. Chacun verra si la dette baisse ou non. Esther de Lange a rappelé que tous les pays qui ont consenti des efforts sont parvenus à baisser leur dette. Plus de la moitié des pays de la zone euro sont désormais sous la barre des 3 % de déficit et enregistrent même un excédent budgétaire et, malgré ou grâce à cela, ont un taux de croissance supérieur à celui de la France.

Je voudrais donc profiter de cette rencontre pour adresser à nos collègues français le message suivant : l'Union européenne a besoin de nouvelles initiatives fortes dans divers domaines. Or, les propos que le président Macron a tenus lors de son discours de la Sorbonne et devant le Conseil européen sont suivis avec un intérêt considérable par nos partenaires. Une fois que l'Allemagne sera en ordre de marche, nous attendons tous une ou plusieurs nouvelles initiatives franco-allemandes fortes afin de relancer la mécanique européenne. Toutefois, la capacité d'entraînement de la France sera proportionnelle à la manière dont ses dirigeants démontreront qu'ils peuvent mettre leur maison en ordre, en réduisant les déficits, la dette mais aussi la dépense publique. Chers collègues français, nous sommes le seul pays européen qui définit une économie budgétaire comme une augmentation moins importante que l'augmentation qui se serait produite en l'absence de quelque mesure que ce soit, alors qu'il doit s'agir d'une baisse de la dépense publique, en volume et en valeur ; autrement, ce n'est pas une réduction de la dépense. C'est sur ce point que nous sommes attendus, et tout se jouera cette année. C'est sur ce sujet que toute la crédibilité du président Macron se jouera ; je suis de ceux qui souhaitent sa réussite.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ne pensez-vous pas, chers collègues européens, que le concept de déficit structurel est mort ? Il est mort pour deux raisons. Depuis la crise de 2008, tout d'abord, peut-on encore parler de cycle économique ? La seconde raison concerne la France : les gouvernements, pour l'essentiel d'entre eux, n'ont cessé de surestimer le taux de croissance potentielle du pays, plus ce taux étant élevé et plus la réduction apparente du déficit structurel semble forte. Or, cela ne s'est pas vérifié a posteriori.

Ne faudrait-il donc pas abandonner le concept de déficit structurel au profit d'un concept beaucoup plus simple, celui de déficit de fonctionnement ? Si l'on peut justifier un endettement pour financer des investissements, c'est impossible pour financer des dépenses de fonctionnement. Financer des dépenses de fonctionnement à crédit revient à reporter sur les générations futures l'absence d'efforts de la génération présente, qui consent des dépenses de services publics au-delà de ce qu'elle accepte de financer. Avec la notion de déficit de fonctionnement, il serait demandé à chaque État de définir quelles sont ses dépenses réelles. Nous n'avons cessé que de raconter des histoires au peuple français. De ce point de vue, Alain Lamassoure a parfaitement raison : on annonce une réduction à 2 % de la croissance spontanée de 3 % des dépenses, que l'on présente comme une économie de 1 % ; c'est absolument faux ! Les économies correspondent à des décisions politiques visant à réduire la dépense. Il faudrait donc procéder à une analyse fine de ce que la Cour des comptes appelle l'inventaire des économies réelles, et non pas un différentiel par rapport à un taux de croissance potentielle des dépenses, qui est naturellement calculé à la hausse pour faire croire que l'on réalise des économies. Quant aux recettes, elles ne pourraient pas être baissées tant que les États n'ont pas rétabli l'équilibre budgétaire de fonctionnement. En effet, la politique à la Reagan, consistant à diminuer les recettes au motif que demain tout ira mieux, que le taux de croissance rebondira et qu'il en résultera des recettes supplémentaires qui compenseront les baisses de recettes et même au-delà, est illusoire. En France, tous ceux qui s'y sont essayés ont échoué.

Enfin, la dette est un sujet que l'on n'aborde pas volontiers en France puisqu'elle continue d'augmenter par rapport au PIB. La dette de l'État français s'élève à 1 700 milliards d'euros pour 500 milliards d'euros d'actifs. Autrement dit, ce sont 1 200 milliards d'euros de dette qui ont financé des dépenses de fonctionnement au cours des trente dernières années. Ne pensez-vous donc pas que l'équilibre de fonctionnement est la clef ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Permettez-moi de revenir sur l'harmonisation fiscale, dont j'entends que le président Woerth souhaite qu'elle progresse. Pour nous, le progrès de l'harmonisation fiscale ne doit pas signifier un nivellement par le bas, ce à quoi conduit le système actuel qui ne la permet pas, les pays étant mis en concurrence en termes d'harmonisation fiscale et sociale ce qui, de facto, sourit surtout à la taxation du capital.

Comment imaginer de concevoir des projets d'harmonisation fiscale à traités constants alors que le traité de Lisbonne interdit l'harmonisation sociale et limite toute harmonisation fiscale à la question des impôts indirects ? Comment imaginer l'harmonisation fiscale alors qu'au sein de l'Union européenne sévissent cinq paradis fiscaux, dont l'un a récemment donné un président de la Commission européenne, contrairement aux listes imaginées par M. Moscovici, qui n'en parle même pas ? Ensuite, comment imaginer de lutter efficacement contre le système de blanchiment d'argent qui sévit dans l'Union européenne alors que certains mécanismes comme le carrousel TVA coûtent à l'Europe 100 milliards d'euros chaque année selon le Conseil de l'Europe ? Enfin, comment lutter efficacement contre l'évasion et la triche fiscale des Google, Apple, Facebook, Amazon (GAFA) alors que la directive dite mère-fille a coûté récemment encore quelque 10 milliards d'euros au budget de la France, en raison des contestations présentées à la Cour de justice de l'Union européenne et au Conseil constitutionnel ?

Voilà pour l'harmonisation fiscale. S'agissant du semestre européen, je suis en désaccord total avec Alain Lamassoure, qui laisserait penser que le montant du déficit structurel est le seul critère de la viabilité économique. À mon sens, il faut également tenir compte du taux de chômage, du taux de pauvreté ou du taux d'émigration de tel ou tel pays. Il suffit de constater le nombre de jeunes qui ont quitté l'Espagne – pour ne pas parler de la Grèce – en raison de l'extrême pauvreté laissée dans ces pays afin d'atteindre le fameux seuil de déficit structurel. En ce qui nous concerne, nous pensons que tout cela est au service d'une politique de l'offre qui ne correspond en rien à la politique de relance dont l'Union européenne aurait besoin.

Ma question est précise : on nous parle de mauvais élèves, mais comment peut-on imaginer un calendrier budgétaire et, partant, une meilleure coopération budgétaire sans sévir contre les pays qui ont des excédents budgétaires et commerciaux trop importants, qui se constituent la plupart du temps sur le dos des autres pays – comme la Grèce, par exemple, via la vente de produits manufacturés ? Je pense notamment à l'Allemagne, le pays qui fonde le plus son activité économique sur ce type d'échanges. Une réflexion est-elle en cours afin de sévir non seulement contre les pays qui ont trop de déficit, mais aussi contre ceux qui ont trop d'excédent commercial ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma question porte sur la réduction des déficits et de la dette. Quelle est l'évolution de la pensée, voire de la doctrine de l'Union européenne sur les contributions respectives de la baisse des dépenses et de l'amélioration des recettes fiscales, à l'objectif de réduction du déficit ? Je ne parle pas tant de l'harmonisation fiscale que de l'évasion fiscale. La doctrine a jusqu'à présent été : baisse des dépenses, baisse des dépenses... Or l'Union européenne est aujourd'hui très offensive sur la question de la lutte contre l'évasion fiscale, notamment à la suite du G20 et des propositions de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Cela conduit-il l'Union européenne à revoir un peu sa doctrine et à considérer que l'équilibre passe aussi par l'amélioration de la recette fiscale, à savoir par l'effectivité de la collecte fiscale plutôt que par l'augmentation des impôts ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je remercie Alain Lamassoure d'avoir resitué le contexte.

L'amélioration de la dette est un sujet de préoccupation majeur. La politique conduite aujourd'hui aux États-Unis va gonfler l'endettement et le déficit budgétaire du pays, avec des dépenses de relance qui repartent significativement à la hausse, une projection de déficit de 2 000 milliards de dollars d'ici à 2027, de nouveaux emprunts du Trésor qui grimperont en 2018 à 1 420 milliards de dollars, contre 550 milliards en 2017, soit près de 1 000 milliards de plus. Quel est le regard de l'Union européenne sur cette politique ? Cette politique pourrait-elle avoir un impact sur l'Europe, au niveau économique ou monétaire ?

Par ailleurs, quels sont les enjeux d'une harmonisation fiscale, notamment vis-à-vis des GAFA ? Une proposition de nouvelle taxation des GAFA assise sur le chiffre d'affaires a été présentée par la France en septembre dernier. La Commission européenne a, dans la foulée, annoncé son intention de proposer en 2018 de nouvelles règles de taxation dans l'Union.

Pouvez-vous nous donner également des éléments sur la possibilité de définir la notion d'établissement stable au niveau européen ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je suis ravi, madame de Lange, que vous ayez reçu l'assurance de l'Élysée. Je pense qu'il existe une volonté de faire exactement ce que vous avez dit. Avant d'avancer plus sur ce dossier européen, nous sommes conscients d'avoir une responsabilité sur ce dossier.

Je souhaite poser des questions sur le « paquet » de décembre de la Commission européenne, en tant que rapporteur de l'Assemblée nationale sur ce paquet et sur la réforme de la gouvernance de la zone euro. Quel est l'avis des membres du comité sur l'intégration du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans le droit communautaire ? Ne risque-t-elle pas de figer des règles budgétaires qui ne sont pas forcément idéales ? Que pensent les députés européens allemands des différences juridiques entre l'Allemagne et Bruxelles sur cette intégration et sur la création d'un fonds monétaire européen ? Quel est le point de vue du comité sur l'absence de clarté dans la proposition de la Commission européenne concernant l'autonomie de prise de décision des membres de la zone euro dans le cas d'une intégration totale dans le droit communautaire ? Enfin, quelles sont les attentes du comité pour le Conseil de juin, qui revêtira une importance particulière sur ce dossier ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il y a deux manières de diminuer le déficit public. La première consiste à baisser les dépenses publiques, on l'entend en permanence, mais moins de dépenses publiques, c'est moins de services publics et, dans un pays comme le nôtre, l'état de ces services publics n'est déjà pas brillant : il était question hier de l'hôpital en souffrance, des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes... La seconde solution consiste à augmenter les recettes. Quelle harmonisation est-elle mise en place au niveau européen pour lutter efficacement contre la fraude et l'évasion fiscales ? On parle de paradis fiscaux : ne trouvez-vous pas ambiguë la position de certains membres de l'Union européenne vis-à-vis de ces questions ?

Permalien
Roberto Gualtieri, député européen

(Interprétation de l'anglais.) Je commencerai par répondre sur l'intégration du pacte budgétaire européen dans notre cadre juridique. C'est une proposition que j'accueille favorablement, même s'il faudrait savoir ce que la Commission propose concrètement. Tout le monde parle de cette intégration en faisant référence à l'obligation de budgets équilibrés. Un projet de directive a été présenté, qui doit être approuvé à l'unanimité. Les pays doivent fixer un objectif à moyen terme, qui n'est pas forcément zéro, et ensuite il faut que ce soit cohérent au plan juridique. En tant que benchmark, la réduction de la dette est réalisée sur la base d'une réduction des dépenses. C'est un concept très différent. Les outils du bras préventif, notamment les 20 % de dette publique, n'ont pas été appliqués car c'est trop difficile. Tout cela pour dire qu'aligner ces éléments donnerait deux logiques, deux langages, donc un désordre total.

Nous n'avons pas encore entamé ces travaux car il faut d'abord passer en revue toutes ces transformations fiscales, sans quoi nous ne pouvons introduire ces changements, quelque intéressants qu'ils soient. Même si on parle d'intégration, on ne peut pas simplement rajouter les éléments de cette manière ; il faut bien évaluer l'existant.

Je suis d'accord pour dire que, dans le domaine de la fiscalité, nous devons créer un lien étroit avec nos efforts de financement pérenne sans porter atteinte à la croissance ni à la cohésion sociale. Là encore, c'est la quadrature du cercle. Je ne suis pas expert en ce domaine mais, sur la base de mon expérience, je considère que, dès lors qu'il y a une volonté politique, il est possible d'avoir un examen des finances publiques qui ne porte pas atteinte aux services publics et à leur efficacité. En Italie, nous avons un niveau élevé d'imposition, nous ne pouvons augmenter les impôts. M. Berlusconi a, quant à lui, proposé une flat tax, ce qui détruirait la situation des finances publiques ! Nous sommes en train de conduire un changement progressif.

Pour accroître l'investissement, on peut essayer de conjuguer la politique budgétaire et la politique fiscale de manière intelligente en vue de soutenir la croissance et de créer les conditions propices à une réduction de la dette. Cela dépendra, à mon avis, de plusieurs autres conditions. Nous n'avons pas évoqué certains éléments comme le taux d'inflation, en ce moment très bas. Quand l'inflation est basse, l'avantage des taux d'intérêt bas reste limité. Ce n'est donc pas une question seulement de termes nominaux.

Malheureusement, je n'ai pas encore trouvé la panacée pour réduire l'endettement. La seule manière concevable est de conduire des politiques budgétaires prudentes, propices à la croissance, car sans croissance nous ne parviendrons jamais à réduire notre niveau d'endettement. Cela ne se passe pas seulement au niveau national ; il faut une position claire au niveau européen, et il se pose alors la question des règles. Nous n'avons pas, en matière d'excédent budgétaire, de règles qui obligeraient les uns ou les autres à dépenser davantage. Il est très difficile d'avoir des règles contraignantes en la matière.

En Allemagne, je sais qu'ils n'abandonnent pas l'idée d'un budget équilibré, mais en introduisant l'idée d'un nouveau budget, pour l'investissement, les dépenses publiques, cela pourrait leur permettre d'adopter une position plus cohérente. Il faudrait aborder ces questions de manière intelligente sinon les conséquences risquent d'être sévères. Nous ne pouvons avoir qu'un objectif nominal. Il convient également de tenir compte des aspects conjecturaux, cycliques. En particulier, il faut considérer l'investissement comme une catégorie à part. Si vous devez être à zéro, en cas de ralentissement de l'économie vous aurez automatiquement une stagnation ; un excédent permet de disposer d'un tampon pour absorber les périodes basses.

Je considère que l'investissement n'a pas été traité, dans sa conception actuelle, notamment vis-à-vis de la question des ajustements structurels. Il faudrait simplifier nos mesures structurelles. C'est pourquoi nous avons besoin d'instruments économiques cohérents pour nous aider à résoudre le problème du contrôle détaillé des budgets nationaux.

Je n'ai pas abordé la fiscalité mais certains de mes collègues sont plus compétents que moi.

Permalien
Pervenche Berès, députée européenne

Les deux prochains Conseils européens traiteront de ce dont nous parlons : quelle gouvernance pour la zone euro ? On a toujours reporté le sujet, dans l'idée qu'il fallait attendre les élections françaises, allemandes, italiennes. Nous allons y être, et des propositions sont déjà sur la table : le rapport du Parlement européen, dont j'ai l'immodestie de penser, en étant la corapporteure, que c'est un très bon rapport, et la proposition de la Commission européenne.

J'entends dire que ce paquet pourrait ne pas compter beaucoup dans les propositions qui seraient faites au niveau du Conseil européen. Or ces propositions s'articulent autour de trois éléments. Le président a longuement évoqué la question du fiscal compact, du traité budgétaire, sur lequel il y avait une obligation de rendez-vous juridique. La Commission devait regarder comment l'intégrer dans le droit communautaire mais, quand cela nous a été présenté par le président Juncker et le commissaire Moscovici, tout le monde a dit : « La proposition est sur la table mais ni la France ni l'Italie ni l'Allemagne n'en veulent et cela ne sortira pas tout de suite. » Il n'empêche que le bébé est là et qu'il faut regarder dans le détail ce que cela signifie.

Le deuxième aspect, c'est l'articulation entre les futurs cadres financiers pluriannuels et cette discussion autour de la zone euro. Ce qui est proposé en filigrane, c'est une préfiguration de ce que sera le cadre financier pluriannuel, c'est-à-dire un glissement des subventions vers des prêts, une agglomération de l'ensemble des fonds avec un retour de ce que l'on avait appelés les « contrats », à savoir une forme de conditionnalité macroéconomique appliquée aux États, et une petite réserve pour la convergence avec les pays entrants. Or cette proposition est la plus aboutie et la plus « en marche », si je puis dire...

Le troisième volet est l'avenir du MES. Certains veulent en faire un fonds monétaire européen. Je n'ai pas le temps de développer les arguments pour ou contre, mais ce que je vois, c'est qu'il y a un débat, dans lequel les députés européens sont très engagés, pour dire que ce mécanisme doit entrer dans les clous du traité communautaire. J'entends ici à Paris – nous avons eu la discussion avec le ministre des finances hier – l'argument selon lequel, puisqu'il s'agit d'une garantie qui relève des budgets des États membres, c'est un sujet dont on doit parler à dix-neuf. Or les deux ne sont pas incompatibles : beaucoup de choses du droit communautaire sont des sujets de la zone euro. Dire, comme le président du MES, qu'il existe un contrôle parlementaire sur le MES par le biais du contrôle des parlements nationaux, c'est partiellement inexact et inopérant. Partiellement inexact, puisque tous les parlements nationaux n'interviennent pas, et heureusement, car nous aurions alors un mécanisme d'autoblocage à chaque décision. Et toute la dimension européenne du fonctionnement potentiel du mécanisme n'est pas non plus sur la table. Dans l'intérêt des parlements nationaux et de la démocratie elle-même, il faut sortir ce MES d'une approche strictement intergouvernementale et le faire entrer, par l'article 362, dans le cadre communautaire.

En ce qui concerne la question de ce à quoi il doit servir, il se dégage un consensus, et je m'en réjouis : c'est de financer, à travers sa transformation, le filet de sécurité du fonds de résolution de l'union bancaire.

En revanche, ce « paquet » est totalement silencieux sur beaucoup de nos préoccupations : la convergence, dont j'ai parlé ; la fonction de stabilisation, reconnue aujourd'hui par tout le monde comme étant nécessaire, et renvoyée à plus tard ; la dimension sociale, trop absente... Enfin, au-delà du pacte de stabilité, de l'analyse du cycle, insiste-t-on sur ce qu'est une recommandation de la zone euro, une position budgétaire agrégée ? C'est totalement d'actualité et nous n'avons pas d'accord là-dessus.

Permalien
Jakob von Weizsäcker, député européen

(Interprétation de l'anglais.) Je pense qu'il est indiqué qu'un Allemand réponde à la question de l'excédent des comptes... Même si je ne suis pas d'accord avec tout ce qui a été dit sur l'Allemagne, notamment par le député du groupe La France insoumise, je suis d'accord pour dire qu'un excédent de 8 % ou 10 % du PIB est trop élevé et que ce n'est pas utile pour l'Europe ni même pour l'Allemagne. Fort heureusement, nous commençons à connaître une certaine dynamique salariale en Allemagne, qui va peu à peu contribuer à combler l'écart.

L'Allemagne est entrée dans l'euro à un niveau un peu surévalué, pour de très bonnes raisons, et cela s'est traduit ensuite par une baisse des salaires, mais nous connaissons une certaine inertie dans ces processus. Les chiffres macroéconomiques nous indiquent que nos objectifs étaient trop ambitieux, qu'il fallait les corriger, et cela a entraîné quelques dommages collatéraux. Il nous faut rester attentifs, mais je reste optimiste.

En ce qui concerne la méthodologie en matière de déficits structurels, je vous invite à lire le rapport rédigé par des économistes allemands et français, qui ont envisagé une approche plus simple : une règle fondée sur les dépenses. Cette approche mérite à notre avis toute notre attention.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous propose de passer à présent à la question fiscale, en laissant tout d'abord la parole aux députés européens pour qu'ils fassent le point sur les grands sujets en cours et les points de blocage éventuels.

Permalien
Paul Tang, député européen

(Interprétation de l'anglais.) Je commencerai par la question des GAFA, une préoccupation majeure. Il s'agit d'entreprises qui ont une position dominante sur le marché, génèrent beaucoup de bénéfices et en outre payent très peu d'impôts, en Europe et même ailleurs. Je suis très content de l'initiative française : il faut parvenir à une solution équitable en matière de fiscalité. Nous avons eu quelques échanges, avec M. Le Maire en particulier, pour voir quelle serait la meilleure manière d'aborder cette question. L'idée d'une taxe assise sur le chiffre d'affaires serait assez difficile à intégrer dans nos traités fiscaux. Il y a également la question de l'assiette consolidée pour l'impôt sur les sociétés, et celle des établissements permanents. Une première étape est d'examiner la répartition des bénéfices.

Nous pouvons essayer de pousser à la mise en oeuvre de cette solution structurelle, car nous pensons que c'est la meilleure approche, même si nous craignons qu'elle ne devienne la solution de long terme.

Si j'insiste sur l'approche structurelle, c'est parce que les GAFA ne sont pas les seuls concernés. Des multinationales paient moins d'impôts que les PME : ce n'est pas une situation équitable. C'est dû au fait que les systèmes européens d'imposition sur les sociétés sont dépassés. Ils datent de l'immédiat après-guerre, époque où la production se faisait encore dans des usines : nous savions où elle était localisée, nous connaissions l'origine des profits. Mais la mondialisation a tout changé. Des montages financiers peuvent être domiciliés n'importe où. Il est possible de placer ses droits de propriété intellectuelle où l'on veut. Les entreprises multinationales utilisent ces moyens pour échapper à l'impôt.

Nous travaillons donc avec des systèmes désuets, qui aboutissent à un environnement inéquitable et une taxation injuste. Cela doit changer.

L'ACCIS peut changer les règles du jeu. Actuellement, parce que les multinationales peuvent décider de la localisation de leurs profits et de l'administration à laquelle elles paient leurs impôts, les États sont soumis à une forte pression pour réduire les taux d'imposition des sociétés. Nous constatons cette tendance en France, aux Pays-Bas, en Belgique, pas seulement aux États-Unis. Nous devons changer les règles du jeu pour que ce soient les États qui décident où sont localisés les profits, et où sont payées les taxes. C'est un changement fondamental.

Ce n'est pas suffisant pour lutter contre l'évasion fiscale, et certains ont relevé qu'il existait des paradis fiscaux au sein de l'Union européenne comme au dehors. Il est très important de définir la notion de paradis fiscal et de déterminer notre politique à leur égard. L'Europe est une superpuissance économique qui agit parfois comme un nain politique. Nous devrions décider des règles sur la taxation appliquées par les autres systèmes juridiques. C'est pourquoi la liste noire et la liste grise des paradis fiscaux sont très importantes.

Au sein de l'Union, nous devons faire pression sur les pirates. Des pays, dont le mien, volent la base imposable des autres. C'est le jeu des Pays-Bas, de l'Irlande, du Luxembourg, et il ne prendra fin que si la France, l'Allemagne et les autres grands pays se lèvent et affirment qu'ils n'acceptent plus cela.

Nous avons besoin d'une coalition de grands États faisant pression sur les petits, mais nous devons aller de l'avant dans tous les cas. Nous ne pouvons pas attendre que deux États membres ne soient plus à bord. Pour changer les règles du jeu, nous devons pousser cette solution.

Il ne suffit pas de changer l'ACCIS, il faut décider de notre comportement avec les paradis fiscaux, décider des relations extérieures. Une proposition de la Commission au Parlement européen porte sur le changement des règles de TVA. Le problème est le même : c'est un système dépassé que nous devons changer.

Permalien
Alain Lamassoure, député européen

J'ai dit tout à l'heure que la France était mauvaise élève à certains égards. Sur ce sujet, non seulement elle n'est pas mauvaise élève, mais elle est victime – pas la seule – de la concurrence fiscale déloyale d'un certain nombre de nos partenaires. Il y a, dans l'Union européenne, des pays qui volent de la matière fiscale à d'autres. Il y a quelques années, lors de la crise financière, l'Irlande avait demandé l'aide de ses partenaires de la zone euro, et le président Sarkozy avait tempêté contre le taux de l'impôt sur les sociétés en Irlande – 12,5 % – qu'il trouvait trop bas. Mais la réalité est qu'Apple, fiscalement basé en Irlande, paie 0,5 % ! Ce n'est même pas du dumping fiscal, c'est du vol. Il a fallu les scandales Offshore Leaks, Luxleaks, Paradise Papers, pour faire prendre conscience à l'ensemble des citoyens de l'Union européenne que le problème de la fiscalité des entreprises n'est pas un problème d'experts, technique et compliqué ; c'est un problème politique fondamental. Les contribuables doivent payer des impôts, mais certains se débrouillent pour ne pas le faire, notamment les plus puissants économiquement. Ce n'est uniquement vrai des GAFA, c'est aussi le cas de nombreuses multinationales, y compris européennes et françaises.

Il faut relever deux bonnes nouvelles sur ce sujet.

Tout d'abord, au sein du Parlement européen, mais également, j'en suis sûr, au sein de l'Assemblée nationale et des États membres, nous obtiendrons un très large consensus politique.

Ensuite, sous la pression de l'opinion publique – ces scandales sont malheureux, mais tirons-en profit –, des progrès ont été engagés, et ils seront irréversibles. Nous avons déjà adopté le texte obligeant les administrations fiscales à s'informer mutuellement du régime fiscal dont elles font bénéficier les multinationales basées chez elles : les rulings, ou rescrits fiscaux. Nous avons transposé les quinze recommandations du Base Erosion and Profit Shifting (BEPS) Action Plan, le plan d'action de l'OCDE concernant l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices. Nous avons obtenu que certains de nos partenaires suppriment les législations ou les pratiques fiscales particulièrement critiquables : je pense, entre autres, au Dutch sandwich ou au double Irish, et nous étions à Dublin il y a quinze jours avec Paul Tang pour le vérifier.

Il faut maintenant se mettre d'accord sur une même définition du bénéfice imposable dans tous les pays de l'Union européenne, et pas seulement dans la zone euro. C'est l'acronyme français ACCIS, ou CCCTB en anglais. Nous y travaillons, la Commission européenne a fait une proposition, les ministres y travaillent également de leur côté. Nous partageons les positions prises par les autorités françaises sur ce sujet. Les grands pays – France, Allemagne, Italie et Espagne – se coordonnent bien, car ce sont les principales victimes.

Il faut saisir l'occasion offerte par cette définition du bénéfice imposable pour traiter une fois pour toutes le problème de l'activité numérique, notamment des plateformes numériques. Prenons un seul exemple : Facebook a 30 millions d'abonnés en France, mais n'y paie pas un euro d'impôt, car le critère, pour être imposé dans un pays donné, est l'existence d'un établissement permanent stable, c'est-à-dire, de façon sous-entendue, physique. Et le tribunal administratif de Paris a annulé le redressement fiscal de 1 milliard d'euros que le Trésor français voulait faire payer à Google, au motif que cette société n'a pas d'établissement permanent stable en France.

Nous proposons d'amender le texte ACCIS en y introduisant la définition de l'établissement permanent numérique, qui serait établi par le fait, pour une entreprise, de collecter et traiter des données personnelles numériques à des fins commerciales dans un pays donné. Si nous retenons cette définition, Facebook, Google et Amazon paieront des impôts en France.

Comme le propose le président Woerth, nous aurions intérêt à consacrer une séance particulière à ce sujet. La France a fait un certain nombre de propositions, avec une approche différente de la fiscalisation du numérique, qui relève plus de l'imposition indirecte que de l'imposition directe. Ce n'est pas forcément une mauvaise mesure, elle pourrait s'appliquer à titre provisoire, mais il ne faut pas perdre de vue que la véritable solution durable devrait passer par l'imposition directe.

Nous aurions intérêt à échanger sur cette question pour bénéficier du point de vue et de la valeur ajoutée que pourrait apporter la commission des finances de l'Assemblée nationale.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Bien sûr, la définition de l'établissement stable est un élément majeur. Avec quelques collègues, nous avions déposé un amendement au projet de loi de finances pour lancer le débat en France. C'est un point-clef, sur lequel nous devrions pouvoir trouver un accord assez rapidement.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La France pousse le sujet de l'établissement stable depuis 2012dans les instances de l'OCDE. C'est un sujet sur lequel nous patinons car les États-Unis ont freiné des quatre fers, étant donné qu'une telle définition permettrait d'imposer les multinationales américaines en Europe pour leurs activités européennes – nous constituons la plupart du temps leur deuxième marché.

Je suis d'accord : le sujet de l'optimisation fiscale ne concerne pas uniquement les GAFA. L'optimisation fiscale existait avant les GAFA, mais ces entreprises l'ont industrialisé grâce au caractère dématérialisé de leur activité. Je suis heureuse de voir que vous poussez le sujet ACCIS, notamment que vous souhaitez y inclure la définition de l'établissement stable. Cela étant, il faudra trouver la bonne articulation, car il sera nécessaire de changer les traités bilatéraux conclus par chacun des États membres, et d'harmoniser les directives et les traités.

Il est d'autant plus urgent de s'attaquer à ce sujet qu'une réforme fiscale vient d'être adoptée par le Congrès des États-Unis. Vous nous direz ce que vous en pensez ; j'ai l'impression que cette réforme peut avoir des effets systémiques jusqu'en Europe pour l'imposition des multinationales.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le premier problème est celui de l'unanimité. À Bruxelles, quand on légifère sur la fiscalité, il faut l'unanimité des États. La démocratie est le fait majoritaire. Soit l'Europe est compétente, et il doit y avoir un vote majoritaire, soit elle n'est pas compétente et nous ne légiférons pas car le Parlement est simplement consulté.

Il faut faire avancer les propositions en discussion, qu'il s'agisse d'ACCIS, des transactions financières, de la réforme de la TVA ou des nouvelles propositions qui seront faites dans le cadre du budget européen 2021-2027.

Il conviendrait également de tenir compte de l'accord de Paris et de verdir la fiscalité par un glissement de la taxation de la consommation et du travail vers le comportement écologique, avec notamment une taxe carbone.

À plus long terme, il faudrait une convergence fiscale, un cadre européen fixant un taux minimum et un taux maximum comme pour la TVA. Libre ensuite aux États d'assumer leurs choix fiscaux.

Enfin, il faut arrêter la concurrence par le bas et édicter des règles simples. Une activité doit être taxée là où elle a lieu, y compris pour le numérique, pour éviter les montages fiscaux. Il faut un minimum européen, notamment pour l'impôt sur les sociétés, pour éviter que des pays n'aient des taux ridiculement bas. Il faut que les grands groupes, y compris extracommunautaires, paient leur part pour éviter que les PME ne paient davantage qu'eux.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous le savons tous : l'harmonisation fiscale est un sujet important, difficile à mettre en place. Mais difficile ne signifie pas impossible, et de surcroît, ne dit-on pas qu'impossible n'est pas français ?

La nécessité de notre débat tient bel et bien aux efforts d'harmonisation de l'Union européenne, axés principalement sur la législation fiscale concernant les biens et les services. De fait, il m'est ici permis d'évoquer cette sacro-sainte harmonisation fiscale, mais surtout son efficacité ou encore son efficience.

La Commission européenne vient de proposer une désharmonisation de la TVA, à l'encontre de notre souhait d'homogénéiser la fiscalité européenne en fixant une assiette commune et un taux minimal à l'impôt sur les sociétés. C'est encore plus justifié au regard de la situation dans mon territoire ; je suis député de Meurthe-et-Moselle, à deux pas de la Belgique et du Luxembourg. La disparité fiscale entraîne une disparité des territoires et fragilise de facto – voire plombe – leur propre économie.

J'aimerais connaître votre regard, votre sentiment, vos impressions sur la faisabilité de cette réforme, au-delà des premières pistes envisagées, que vous venez d'évoquer. Pouvons-nous espérer l'instauration d'une véritable assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés, mais également une large réforme de la TVA, afin de réduire ce qui ressemble à de la fraude fiscale transfrontalière et qu'enfin les systèmes de prélèvement soient les mêmes de chaque côté de la frontière ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je suis intéressé par la notion de bénéfice imposable, car si nous parlons d'impôt sur les sociétés, il est intéressant de définir la notion de bénéfice. Certains pays n'ont pas d'impôt sur les sociétés, mais un impôt sur le revenu pour certaines entreprises. Je pense qu'il faudrait travailler à la définition du bénéfice imposable et à sa taxation : techniques d'amortissement, crédit d'impôt recherche, il faut tout remettre à plat. Pour bien appréhender ce qu'est un bénéfice imposable, il faut remettre à plat l'ensemble des techniques comptables et fiscales d'amortissement dans tous nos pays européens.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous travaillez sur l'harmonisation de l'assiette de l'impôt sur les sociétés, et c'est très bien, mais travaillez-vous aussi sur l'harmonisation des taux, pour les encadrer par un minimum et un maximum ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je voudrais dire quelques mots de l'harmonisation fiscale agricole. Un certain nombre de faits démontre qu'il existe d'importantes distorsions entre pays. Allons-nous vers une nouvelle harmonisation et luttons-nous contre le dumping fiscal à ce niveau ? Des producteurs français, notamment les producteurs de porc, se sont inquiétés du régime forfaitaire utilisé en Allemagne, très différent du nôtre, et qui permet aux Allemands d'obtenir des subventions déguisées loin d'être négligeables. Où en sont ces sujets, et existe-t-il une réelle volonté de lutter ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

S'agissant des sociétés du numérique, la définition de l'établissement est une très bonne chose, mais permet-elle aisément l'appréhension d'une assiette fiscale ? Dire que tel établissement, parce qu'il a une activité en Europe, doit pouvoir être fiscalisé, c'est très logique. Mais il existe des obstacles techniques extrêmement importants pour isoler la matière qui formerait la base fiscale.

Dans les grandes réformes sur l'impôt sur les sociétés, qui sont très difficiles car elles requièrent l'unanimité, quel est l'élément le plus important ? L'harmonisation de l'assiette, ou bien la définition d'une fourchette de taux, comme le réclamait Nicolas Sarkozy ?

Le travail de la commissaire danoise à la concurrence est assez remarquable, c'est un fusil à tirer dans les coins. La concurrence est une matière vraiment communautaire, et en utilisant la concurrence, Mme Vestager a indirectement atteint l'objectif de l'harmonisation fiscale. Ce coup de fusil à tirer dans les coins est-il un simple coup de semonce, une indication de ce que nous pourrions faire sur le plan fiscal ? Ou bien cela pourrait-il être systématisé comme une arme indirecte d'harmonisation fiscale ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avec Amélie de Montchalin, nous tenions à vous interroger. L'un des principaux défis financiers pour toute l'Union européenne est de retrouver les outils et les capacités pour financer à long terme l'innovation et la croissance de nos petites et moyennes entreprises (PME) et très petites entreprises (TPE) ; la numérisation de notre économie ; la transition énergétique et les infrastructures. Bref, retrouver les moyens pour prendre collectivement de bons risques, dans l'intérêt général et celui des générations futures.

Un rapport du groupe d'experts de haut niveau sur la finance durable a été remis à la Commission européenne le 31 janvier dernier, et vous a aussi été présenté personnellement. De nombreuses pistes font écho à ce que nous avons organisé à l'Assemblée nationale le 22 janvier dernier, avec tous les acteurs financiers français, pour que l'épargne des citoyens puisse davantage financer les projets de croissance et d'innovation de nos entreprises, et en particulier de nos PME et TPE.

Face au défi du financement, la régulation financière, aujourd'hui pilotée au niveau européen par l'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles – European Insurance and Occupational Pensions Authority (EIOPA) –, l'Autorité européenne des marchés financiers – European Securities and Market Authority (ESMA) – et l'Autorité bancaire européenne – European Banking Authority (EBA) –, doit évoluer pour mieux remplir ses objectifs. Quels sont vos axes de travail et vos objectifs pour favoriser davantage le financement à long terme de l'économie européenne ? Que pensez-vous pouvoir faire évoluer dans la directive « Solvabilité II », par exemple ?

Permalien
Anne Sander, députée européenne

Je souhaite saisir la balle au bond, notamment suite aux propos de nos collègues sur les différences fiscales entre la France et l'Allemagne. Je viens de Strasbourg et, au sein du Parlement européen, je suis engagée comme l'ensemble de mes collègues pour aller vers plus d'harmonisation, non seulement fiscale, mais aussi sociale.

En attendant d'en arriver là, nous avons un problème, en particulier dans les zones frontalières. Je souhaite plaider pour des accords entre la France et l'Allemagne allant plus loin sur les questions de fiscalité. J'appelle également les parlementaires de l'Assemblée nationale à intensifier les efforts. La France, par ses choix fiscaux, peut faire mieux.

Par exemple, l'aéroport de Strasbourg est en concurrence directe, dans le Rhin supérieur, avec les aéroports allemands, qui bénéficient d'une fiscalité et de taxes aéroportuaires bien moindres. Les parlementaires de la région sont tous mobilisés, mais, en attendant des solutions européennes sur l'ensemble des sujets que nous évoquons aujourd'hui, nous avons la responsabilité, en tant que Français, de chercher des solutions qui peuvent passer par des accords spécifiques, comme c'est le cas entre la France et la Suisse. Nous resterons engagés sur ces sujets, sur lesquels nous devons avancer au niveau européen.

Permalien
Alain Lamassoure, député européen

Émilie Cariou a évoqué la réforme américaine à juste raison : nous sommes en train de regarder de près quelles en seront les conséquences. Apparemment, certaines seront positives. Il faut savoir que nous aurons besoin, à l'OCDE, de l'accord des États-Unis pour imposer un certain nombre de règles minimales dans l'ensemble de l'activité mondiale. Les multinationales ne sont pas simplement européennes : nous devons les traiter de la même manière au niveau européen, mais nous avons intérêt à ne pas partir dans une guerre fiscale avec les États-Unis. Nous gardons des contacts directs entre le Parlement européen et le Congrès, et au sein de l'OCDE.

Michel Castellani a raison de regretter, comme d'autres, le fait qu'en matière fiscale, l'unanimité soit requise pour prendre une décision européenne. C'est pour cela que la Commission européenne a proposé des réformes de la TVA qui sont critiquables. Sans doute faudra-t-il consacrer une autre réunion à la réforme de la TVA, et les rapporteurs sur cette question au Parlement européen ne sont pas parmi nous aujourd'hui. Nous avons mis au point l'assiette commune et les règles communes de TVA dans les années 1970, mais nous étions alors neuf autour de la table ! Être unanimes à neuf, ce n'est pas difficile ; l'être à vingt-huit ou vingt-sept devient complètement impossible. Soit nous passons au vote à la majorité, mais il faut modifier les traités, soit nous passons à un système moins européen.

Jean-Paul Mattei a raison de souligner que l'harmonisation comptable dans nos pays devrait se faire. Elle aurait dû être un préalable à l'harmonisation fiscale, il faudra l'entreprendre parallèlement.

Charles de Courson et Jean-Louis Bourlanges s'interrogent sur l'harmonisation de l'assiette et celle des taux. C'est le grand débat entre la droite et la gauche. La gauche veut un taux minimum – que certains voient à 60 % ou 70 % – et la droite n'en veut pas. C'est un sujet sur lequel nous sommes en désaccord, Dieu merci, il y a des désaccords politiques au sein du Parlement européen ! Nous aurons à trancher et à voter sur cette question.

Je ne suis pas au courant du régime forfaitaire agricole, qui relève plutôt, à mon avis, de l'impôt sur le revenu des personnes physiques.

Sur la prise en compte de l'activité numérique, nous faisons une proposition très simple. Au moment de la consolidation des bénéfices et des déficits d'un groupe dans l'Union européenne, ce groupe aura un seul interlocuteur fiscal, mais nous répartirons le produit de l'impôt dans l'ensemble des pays, proportionnellement à l'activité qu'il y mène. Pour définir l'activité, nous prendrons en compte quatre facteurs. Trois facteurs classiques – les ventes, le personnel et le capital – et un quatrième facteur : le volume de données personnelles collectées dans ce pays. Il faudra se pencher sur la pondération des facteurs selon les entreprises, mais techniquement, ce n'est pas impossible à faire.

Enfin, je rejoins Jean-Louis Bourlanges dans son hommage à la très remarquable commissaire Margrethe Vestager, qui a tiré au canon de marine sur un certain nombre de GAFA. Elle a réussi à obliger Apple à consigner 13 milliards d'euros de retards d'impôts au Trésor irlandais, et son action est totalement complémentaire de la nôtre. Son canon de marine aide à convaincre les multinationales, et nos partenaires qui seraient réticents, à s'accorder sur la réforme nécessaire.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci beaucoup. Nous allons poursuivre le débat en invitant les corapporteurs qui travaillent sur ACCIS, et nous pourrons aussi aborder les questions de TVA. Nous avons également invité un certain nombre de personnalités à venir évoquer devant nous l'impact de la réforme fiscale américaine.

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 14 février 2018 à 9 heures 30

Présents. - M. Saïd Ahamada, M. Éric Alauzet, M. Julien Aubert, M. Jean-Noël Barrot, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Jean-Louis Bricout, Mme Émilie Cariou, M. Gilles Carrez, M. Michel Castellani, M. Jean-René Cazeneuve, M. Philippe Chassaing, M. Éric Coquerel, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Dominique David, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Sarah El Haïry, Mme Sophie Errante, M. Nicolas Forissier, M. Olivier Gaillard, M. Joël Giraud, M. Romain Grau, M. Stanislas Guerini, Mme Nadia Hai, M. Patrick Hetzel, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, M. François Jolivet, Mme Aina Kuric, M. Daniel Labaronne, Mme Valérie Lacroute, M. Mohamed Laqhila, M. Jean Lassalle, M. Michel Lauzzana, M. Vincent Ledoux, M. Marc Le Fur, M. Gilles Le Gendre, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Marie-Ange Magne, Mme Lise Magnier, M. Jean-Paul Mattei, Mme Amélie de Montchalin, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Jean-François Parigi, M. Hervé Pellois, M. Pierre Person, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Sylvia Pinel, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, M. Xavier Roseren, M. Fabien Roussel, M. Laurent Saint-Martin, M. Jacques Savatier, M. Benoit Simian, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Jean-Pierre Vigier, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Olivier Damaisin, M. Olivier Serva

Assistait également à la réunion. - M. Dino Cinieri