Ne pensez-vous pas, chers collègues européens, que le concept de déficit structurel est mort ? Il est mort pour deux raisons. Depuis la crise de 2008, tout d'abord, peut-on encore parler de cycle économique ? La seconde raison concerne la France : les gouvernements, pour l'essentiel d'entre eux, n'ont cessé de surestimer le taux de croissance potentielle du pays, plus ce taux étant élevé et plus la réduction apparente du déficit structurel semble forte. Or, cela ne s'est pas vérifié a posteriori.
Ne faudrait-il donc pas abandonner le concept de déficit structurel au profit d'un concept beaucoup plus simple, celui de déficit de fonctionnement ? Si l'on peut justifier un endettement pour financer des investissements, c'est impossible pour financer des dépenses de fonctionnement. Financer des dépenses de fonctionnement à crédit revient à reporter sur les générations futures l'absence d'efforts de la génération présente, qui consent des dépenses de services publics au-delà de ce qu'elle accepte de financer. Avec la notion de déficit de fonctionnement, il serait demandé à chaque État de définir quelles sont ses dépenses réelles. Nous n'avons cessé que de raconter des histoires au peuple français. De ce point de vue, Alain Lamassoure a parfaitement raison : on annonce une réduction à 2 % de la croissance spontanée de 3 % des dépenses, que l'on présente comme une économie de 1 % ; c'est absolument faux ! Les économies correspondent à des décisions politiques visant à réduire la dépense. Il faudrait donc procéder à une analyse fine de ce que la Cour des comptes appelle l'inventaire des économies réelles, et non pas un différentiel par rapport à un taux de croissance potentielle des dépenses, qui est naturellement calculé à la hausse pour faire croire que l'on réalise des économies. Quant aux recettes, elles ne pourraient pas être baissées tant que les États n'ont pas rétabli l'équilibre budgétaire de fonctionnement. En effet, la politique à la Reagan, consistant à diminuer les recettes au motif que demain tout ira mieux, que le taux de croissance rebondira et qu'il en résultera des recettes supplémentaires qui compenseront les baisses de recettes et même au-delà, est illusoire. En France, tous ceux qui s'y sont essayés ont échoué.
Enfin, la dette est un sujet que l'on n'aborde pas volontiers en France puisqu'elle continue d'augmenter par rapport au PIB. La dette de l'État français s'élève à 1 700 milliards d'euros pour 500 milliards d'euros d'actifs. Autrement dit, ce sont 1 200 milliards d'euros de dette qui ont financé des dépenses de fonctionnement au cours des trente dernières années. Ne pensez-vous donc pas que l'équilibre de fonctionnement est la clef ?