Les deux prochains Conseils européens traiteront de ce dont nous parlons : quelle gouvernance pour la zone euro ? On a toujours reporté le sujet, dans l'idée qu'il fallait attendre les élections françaises, allemandes, italiennes. Nous allons y être, et des propositions sont déjà sur la table : le rapport du Parlement européen, dont j'ai l'immodestie de penser, en étant la corapporteure, que c'est un très bon rapport, et la proposition de la Commission européenne.
J'entends dire que ce paquet pourrait ne pas compter beaucoup dans les propositions qui seraient faites au niveau du Conseil européen. Or ces propositions s'articulent autour de trois éléments. Le président a longuement évoqué la question du fiscal compact, du traité budgétaire, sur lequel il y avait une obligation de rendez-vous juridique. La Commission devait regarder comment l'intégrer dans le droit communautaire mais, quand cela nous a été présenté par le président Juncker et le commissaire Moscovici, tout le monde a dit : « La proposition est sur la table mais ni la France ni l'Italie ni l'Allemagne n'en veulent et cela ne sortira pas tout de suite. » Il n'empêche que le bébé est là et qu'il faut regarder dans le détail ce que cela signifie.
Le deuxième aspect, c'est l'articulation entre les futurs cadres financiers pluriannuels et cette discussion autour de la zone euro. Ce qui est proposé en filigrane, c'est une préfiguration de ce que sera le cadre financier pluriannuel, c'est-à-dire un glissement des subventions vers des prêts, une agglomération de l'ensemble des fonds avec un retour de ce que l'on avait appelés les « contrats », à savoir une forme de conditionnalité macroéconomique appliquée aux États, et une petite réserve pour la convergence avec les pays entrants. Or cette proposition est la plus aboutie et la plus « en marche », si je puis dire...
Le troisième volet est l'avenir du MES. Certains veulent en faire un fonds monétaire européen. Je n'ai pas le temps de développer les arguments pour ou contre, mais ce que je vois, c'est qu'il y a un débat, dans lequel les députés européens sont très engagés, pour dire que ce mécanisme doit entrer dans les clous du traité communautaire. J'entends ici à Paris – nous avons eu la discussion avec le ministre des finances hier – l'argument selon lequel, puisqu'il s'agit d'une garantie qui relève des budgets des États membres, c'est un sujet dont on doit parler à dix-neuf. Or les deux ne sont pas incompatibles : beaucoup de choses du droit communautaire sont des sujets de la zone euro. Dire, comme le président du MES, qu'il existe un contrôle parlementaire sur le MES par le biais du contrôle des parlements nationaux, c'est partiellement inexact et inopérant. Partiellement inexact, puisque tous les parlements nationaux n'interviennent pas, et heureusement, car nous aurions alors un mécanisme d'autoblocage à chaque décision. Et toute la dimension européenne du fonctionnement potentiel du mécanisme n'est pas non plus sur la table. Dans l'intérêt des parlements nationaux et de la démocratie elle-même, il faut sortir ce MES d'une approche strictement intergouvernementale et le faire entrer, par l'article 362, dans le cadre communautaire.
En ce qui concerne la question de ce à quoi il doit servir, il se dégage un consensus, et je m'en réjouis : c'est de financer, à travers sa transformation, le filet de sécurité du fonds de résolution de l'union bancaire.
En revanche, ce « paquet » est totalement silencieux sur beaucoup de nos préoccupations : la convergence, dont j'ai parlé ; la fonction de stabilisation, reconnue aujourd'hui par tout le monde comme étant nécessaire, et renvoyée à plus tard ; la dimension sociale, trop absente... Enfin, au-delà du pacte de stabilité, de l'analyse du cycle, insiste-t-on sur ce qu'est une recommandation de la zone euro, une position budgétaire agrégée ? C'est totalement d'actualité et nous n'avons pas d'accord là-dessus.