Intervention de Romain Grau

Réunion du mercredi 21 février 2018 à 9h35
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRomain Grau :

Tout d'abord, comme l'a fait le rapporteur général, je tiens, au nom du groupe La République en Marche, à saluer le travail effectué par Fabien Roussel et le groupe GDR sur ce sujet de la plus haute importance pour notre pays, la fraude fiscale en général et la liste des paradis fiscaux en particulier, dans le contexte des révélations des Paradise Papers et des LuxLeaks, révélations dont vous avez souligné la prégnance dans le débat public et qui ont confirmé l'ampleur d'une fraude fiscale sans doute difficile à appréhender, mais d'une grande importance pour nos finances publiques. Alors que nous sommes engagés dans un effort de redressement de ces dernières et que nous avons adopté l'an dernier un plan de réduction des impôts de 11 milliards d'euros, il est nécessaire et légitime que nous nous montrions intraitables, vous l'avez souligné, pour faire respecter le civisme fiscal. Cette réflexion se construit sur un terrain qui avait déjà été labouré, toutes majorités confondues depuis un certain nombre d'années, notamment avec la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière ou la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi « Sapin II ».

Le groupe La République en Marche est très attaché à la lutte contre la fraude fiscale, qui constitue, comme vous l'avez signalé et comme l'a rappelé le rapporteur général, un manque à gagner pour nos finances publiques, et qui rompt le pacte républicain. C'est pourquoi nous sommes aussi très attachés au renforcement des outils mis pour ce faire à la disposition de l'administration et de la justice. Nous avons ainsi proposé et permis d'adopter, dans la loi de finances pour 2018, plusieurs mesures, notamment la déchéance des droits civiques pour les fraudeurs les plus graves.

L'établissement d'une liste au niveau national est l'un des outils permettant d'aller plus loin et dans le bon sens. Nous sommes donc pleinement d'accord sur l'objectif visé, la lutte contre la fraude fiscale, ainsi que sur le principe même de l'établissement d'une liste, mais nous divergeons sur les moyens que cette proposition voudrait établir. Tout d'abord, sur le fond, les critères proposés à l'article 1er pour définir le caractère non coopératif d'un État ou d'un territoire sont très larges et, à nos yeux, insuffisamment précis, malgré le travail de précision entrepris par le rapporteur avec ses amendements. Leur application serait difficile et pourrait conduire à ajouter de très nombreux pays à la liste française des paradis fiscaux, y compris des partenaires européens. Ainsi, la mention dans une telle liste perdrait son caractère dissuasif.

C'est d'autant plus complexe qu'est prévue à l'article 2, pour les banques ayant leur siège social en France, une interdiction d'exercer dans les ETNC, au sens de l'article 1er, soit une restriction importante de leur activité – il n'est même pas prévu que les établissements en cause puissent apporter la preuve que leur activité ne relève pas de la fraude fiscale. Certes, monsieur le rapporteur, vous proposez un amendement pour restreindre le champ de cette interdiction, mais elle n'en reste pas moins une interdiction a priori.

Par ailleurs, les États membres viennent d'adopter au niveau européen une liste de paradis fiscaux, perfectible, vous le signaliez, mais qui a le mérite d'exister. Certes, il faudra la faire évoluer, et faire évoluer le droit national pour la rendre pleinement opérante et, en un mot, plus efficace. Cependant, il serait dommage d'avancer sans tenir compte des efforts menés conjointement en vue d'une action concertée au niveau européen. Enfin, au niveau national, les travaux sont en cours, menés dans une logique de coconstruction entre le Parlement et le Gouvernement. Notre président signalait la mission d'information sur l'optimisation et l'évasion fiscales ; mentionnons également la mission d'information sur le « verrou de Bercy ».

Enfin, le Gouvernement annoncera à la mi-mars un plan contre la fraude fiscale, qui sera un plan d'ensemble et non un plan circonscrit à un point spécifique. Ces travaux permettront de traiter la question de la fraude fiscale et des paradis fiscaux dans une approche plus globale, articulée et équilibrée. Attendons les résultats de ces travaux sans en préjuger. C'est pourquoi, bien que souscrivant à l'objectif visé par cette proposition de loi, nous ne pourrons, à ce stade, voter en faveur des articles qui composent son dispositif.

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