Vous parlez particulièrement bien de la philosophie des contrats de transition écologique, Madame Anne-Laurence Petel. Nous sommes dans une démarche nouvelle, avec une dimension de laboratoire, puisqu'il s'agit d'associer le public et le privé à la transition territoriale. Autant la puissance publique, qu'il s'agisse de l'État ou des collectivités territoriales, a toujours bien répondu à ce genre d'initiative, autant la participation du monde économique, du monde consulaire, du monde agricole ou du monde social est un fait très nouveau. Cela suppose aussi que l'État modifie son mode de fonctionnement.
Vous avez été particulièrement généreuse en parlant des 15 milliards d'euros pour les CTE, mais je me dois d'être rigoureux devant la commission des affaires économiques. Dans la mesure où il s'agit de laboratoires et de démonstrateurs, ces vingt premiers contrats emprunteront différents crédits de droit commun et de l'argent du Grand plan d'investissement – d'où ce chiffre de 15 milliards d'euros.
Deux territoires démonstrateurs sont en cours de négociation : un territoire urbain et périurbain, autour d'Arras ; un territoire rural et plutôt agricole, la Corrèze. Une équipe spécifique a été placée auprès du cabinet. Quatre territoires auront, par définition, un CTE puisque s'y trouvent implantées des centrales à charbon. Il n'y a pas de CTE à Fessenheim car la problématique, de par son ampleur et l'histoire du projet, dépasse le CTE. En outre, la transition à Fessenheim ne fonctionnera que si elle est franco-allemande ; les CTE étant déjà suffisamment difficiles à élaborer, une négociation bilatérale ajouterait encore de la complexité.
À Gardanne, les travaux n'ont pas encore commencé. Il est normal que les salariés de la centrale aient exprimé leurs craintes. Une mission interministérielle « Charbon » vise à définir l'objet social et économique de la fermeture des quatre centrales à charbon. Ces fermetures posent aussi la question de la trajectoire du prix du carbone et des projets biomasse potentiels. MM. Nicolas Hulot et Bruno Le Maire ont choisi de confier ces questionnements à une mission indépendante, qui devrait faire un certain nombre de propositions en mai. Nous lancerons alors la négociation des contrats. Dans le même temps, Uniper et EDF devront engager le dialogue opérationnel et social, tel qu'il est prévu par la loi, avec l'ensemble des salariés. Sans doute serai-je amené à revenir devant votre commission sur ce sujet.
Monsieur Jérôme Nury, il est vrai que la méthanisation impose un parcours du combattant sur le volet réglementaire, où plusieurs questions se posent. Le régime actuel est déjà celui de l'autorisation unique, mais le groupe de travail comporte un atelier consacré à la question de la réglementation – ne serait-ce qu'en raison de la taille des méthaniseurs, certains étant considérés comme des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), d'autres non. On sait néanmoins qu'il faut plutôt accompagner les petites installations dans l'intérêt des éleveurs et de la profession agricole, comme le confirment l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, les chambres elles-mêmes et la présidente de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), que j'ai rencontrée encore hier. Il convient de calibrer les réglementations pour toujours garantir l'acceptabilité locale et sociale des projets – un défi dont je peux témoigner dans l'Eure. En France, 410 méthaniseurs sont en exploitation : pour l'essentiel de la cogénération, minoritairement en injection directe de gaz – ce qui montre qu'il faut accompagner un mouvement d'ensemble tout en garantissant, je le répète, l'acceptabilité locale et sociale de la réglementation sans pour autant amputer le modèle économique. Les méthaniseurs, en effet, présentent non seulement un enjeu réglementaire, mais aussi un enjeu capitalistique. L'investissement initial est très lourd et, souvent, les banques hésitent à accompagner les agriculteurs – entre autres – dans cette voie. C'est là que les outils de soutien public doivent se rencontrer.
S'agissant du digestat, tout dépend de sa qualité ; nous travaillons à sa qualification en lien avec Mme Brune Poirson, car cela relève également de logiques d'économie circulaire. Nous vous associerons volontiers à ces travaux, Monsieur le député.
Je laisserai, Monsieur Antoine Herth, le ministre d'État répondre sur un sujet qui lui est cher : la rénovation thermique. En revanche, les territoires à énergie positive pour la croissance verte sont un dispositif permettant de solliciter l'intelligence territoriale dans les appels à projets qui, incontestablement, a fait ses preuves et qu'il faut mener à son terme – ne serait-ce que parce qu'il faut respecter la parole de l'État. Néanmoins, nous nous sommes heurtés ces derniers mois au problème suivant : les conventions signées et les autorisations d'engagement étaient supérieures aux crédits de paiement effectifs, ce qui a conduit le Parlement à ajouter 75 millions d'euros sur la ligne budgétaire concernée, afin de passer l'année 2018 sans difficulté. Des choses ont été dites et écrites sur ce sujet, parfois avec malhonnêteté, reconnaissons-le ; si certains territoires rencontrent des difficultés, je me tiens naturellement à la disposition des parlementaires pour les lever.
Sur Fessenheim, je suis prêt à revenir m'exprimer devant la commission des affaires économiques et celle du développement durable. Fessenheim n'est, en aucun cas, un modèle à reproduire – six ans d'atermoiements, six ans pendant lesquels les salariés, les élus locaux et même l'entreprise, EDF, n'ont eu de nouvelles de l'évolution de la situation en Alsace et dans cette centrale que par les matinales de radio et les journaux.
Nous allons nous employer à ce que cette centrale devienne précisément un modèle en matière de transition territoriale, au moment même où nous nous emparons du sujet. De nombreux problèmes se présentent : la sous-traitance du générateur de vapeur n° 335, dont nous reparlerons, mais aussi le foncier et la sécurité de l'approvisionnement électrique en Alsace – un sujet récurrent et parfois passionné dont M. Nicolas Hulot, le président de RTE et moi-même nous saisissons. En somme, nous reprendrons toutes ces questions en avril, lorsque je me rendrai en Alsace pour réunir le comité de pilotage.