J'ai évoqué l'acceptabilité, mais gardons-nous de retomber dans l'excès. Nous sommes pris entre deux feux : d'une part, celui de l'acceptabilité des éoliennes et autres panneaux solaires pour les citoyens et, d'autre part, celui – que l'on perd parfois de vue – de l'urgence. Il faut raccourcir les délais. J'espère, par exemple, que le « permis enveloppe » pour l'éolien en mer permettra de gagner du temps, notamment parce que la zone et le projet auront été définis dès la phase de l'appel d'offres.
Fidèles à notre caractère gaulois, néanmoins, nous sommes souvent prompts à refuser tout ce qui s'introduit dans notre champ visuel. Il faut donc faire de la pédagogie. Il a manqué à l'éolien, par exemple, une vision partagée à l'échelle nationale. Ce secteur s'est d'abord développé en dépit du bon sens, parce que personne n'y croyait vraiment et parce que la motivation était économique plus qu'énergétique. On proposait ainsi un revenu supplémentaire aux collectivités territoriales, ce qui a conduit à miter le paysage.
Nous ne ferons pas que de l'éolien, mais pas non plus que du solaire. Il faudra un mix – c'est le cas de le dire. En outre, les technologies ne sont pas toutes au même stade de développement, qu'il s'agisse de l'hydrogène, des hydroliennes ou de l'éolien flottant. Toutes ces technologies promettent de contribuer au mix énergétique mais ne sont pas toutes aussi développées. Dans le cas des éoliennes flottantes, par exemple, qui sont plus acceptables socialement parce qu'elles sont au large, il faut encore attendre pour vérifier que le cahier des charges est respecté ; il s'agit tout de même de mâts de cent-vingt mètres de hauteur qui ne sont pas posés sur un fond solide.
Quoi qu'il en soit, si nous voulons réussir la transition énergétique et respecter nos obligations climatiques, il faudra aussi y mettre de la bonne volonté et faire de la pédagogie. Pour les projets qui ne sont pas encore validés, il faudra revitaliser la démocratie participative et élaborative en amont. C'est un exercice difficile : nous sommes en retard par rapport à nos objectifs, et nous sommes face à une sacrée urgence climatique. Les partisans du nucléaire diront qu'il faut y répondre par le nucléaire ; nous conviendrons tous qu'il faut une combinaison d'énergies.
À ce stade, Monsieur Michel Delpon, nous ne sommes pas en mesure de consacrer aux bornes hydrogène des moyens équivalents à ceux des bornes électriques, même si ce sera peut-être le cas plus tard. Je place beaucoup d'espoir dans les flottes de camions et de véhicules municipaux. La ville de Pau, par exemple, vient d'acheter des bus à hydrogène. Comme les Allemands, je place également beaucoup d'espoir dans les trains à hydrogène, qui ont l'avantage de ne pas nécessiter l'électrification du réseau. Autre espoir : l'utilisation de l'hydrogène dans le domaine du stockage. J'y place tant d'espoir que j'ai confié une mission à la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) et au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) afin de proposer une stratégie et des mesures d'accompagnement visant à déployer cette filière qui, à terme, jouera un rôle très important, y compris en termes de mobilité. Les centres de recherche et les acteurs industriels les plus importants – comme Air Liquide, mais pas seulement – ont de quoi structurer la filière ; nous nous y employons.
J'en viens à la rénovation énergétique des bâtiments. Je confirme les chiffres : 7 à 8 millions de logements peuvent être qualifiés de « passoires thermiques » – c'est dire si nous avons du travail ! C'est un secteur qui recèle un potentiel d'emplois et d'activité économique. Environ 3,8 millions de ménages très modestes vivent dans ces « passoires thermiques », dont 1,5 million sont propriétaires de leur logement et 500 000 résident dans le parc social.
Le plan de rénovation qui est en phase de consultation jusqu'à la mi-février s'inscrit dans le cadre d'une feuille de route pour le quinquennat, et même au-delà.
Publié le 24 novembre 2017, le projet de cette feuille de route a fait l'objet d'une concertation avec tous les acteurs : les collectivités territoriales, les professionnels de la rénovation, de l'immobilier, du secteur énergétique… La feuille de route sera finalisée courant mars. Les deux coordinateurs et animateurs de cette finalisation sont Mme Marjolaine Meynier-Millefert, députée de l'Isère, et M. Alain Maugard, président de Qualibat. Ils seront en charge de sa mise en oeuvre.
Quant à l'objectif climat, les bâtiments du secteur résidentiel et du secteur tertiaire, représentant 45 % de la consommation d'énergie et 25 % des émissions de gaz à effet de serre, constituent une priorité majeure de la transition écologique. À l'échelle du quinquennat, nous nous sommes fixés pour objectif de faire baisser de 15 %, par rapport à 2010, la consommation d'énergie dans le secteur. Il s'agit en effet d'être cohérent avec les objectifs que je m'étais fixé moi-même dans le plan climat.
Quant à la précarité énergétique, le plan assigne un objectif spécifique de lutte contre celle-ci, en prévoyant qu'au moins la moitié du demi-million de rénovations de logements attendues concernent les ménages modestes, soit 250 000 ménages par an. Auprès des propriétaires occupants, l'objectif de rénovation est fixé à 150 000 par an, pour qu'ils cessent d'être prisonniers ou victimes de la précarité énergétique. Ainsi, l'ensemble des passoires thermiques serait rénové en dix ans.
Pour atteindre nos objectifs annuels, nous proposons de massifier les gestes efficaces. Nous les avons bien identifiés, car des idées reçues circulent parfois sur ce qui est le plus efficace. J'en avais moi-même beaucoup, car je considérais que le double vitrage était la solution la plus efficace de toutes ; or ce n'est pas toujours vrai, tant du point de vue du rendement énergétique que du rendement économique. Essayons donc que chaque euro investi soit le mieux utilisé.
Pour faciliter cette massification, des actions d'ampleur sont prévues. Des aides de financement et des incitations plus mobilisatrices rendront plus simple le parcours de rénovation des ménages. Les ménages modestes doivent en être les premiers bénéficiaires. Ainsi, le crédit d'impôt pour la transition énergétique sera transformé en prime, ce qui ne supposera plus d'avoir la possibilité d'avancer les fonds. Cela permettra probablement de toucher beaucoup plus de personnes.
Une extraordinaire simplification de l'éco-prêt est aussi en cours, qui doit rendre plus aisé, pour les ménages modestes, le financement du reste à charge. Voilà un nouveau frein important qui disparaît ainsi. D'autres pistes sont également à l'étude, notamment celle d'inciter les propriétaires bailleurs vis-à-vis de leurs locataires, en accompagnant mieux le cas particulier, mainte fois évoqué, des copropriétés et en mettant mieux à profit les moments clés de la vie du logement, à commencer par le changement de locataire. Il faut, à cet égard, insister sur la valeur patrimoniale de la rénovation énergétique. Une fois effectuée, elle peut accroître, en effet, la valeur patrimoniale du logement.
Sur le contrôle de la qualité des travaux, permettez-moi de vous répondre plutôt par écrit, si vous en êtes d'accord.
Quant au tourisme, le sujet montre bien que nous ne mettons pas encore notre action en cohérence avec ce qu'implique la feuille de route induite par l'accord de Paris sur le climat. Dans la controverse relative au projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, la question de l'augmentation du trafic aérien n'a pas été posée. C'est un sujet presque tabou, tout comme celui de l'augmentation des flux des voyageurs du fait de la croissance exponentielle du tourisme. Il ne faut certes pas exonérer les transports maritime et aérien de leurs propres contributions – grâce aux avancées technologiques, des efforts ont déjà été faits dans ce sens, d'ailleurs sans doute davantage dans le domaine aérien que dans le domaine maritime. Mais la question se pose de manière plus large. La notion de tourisme durable ne saurait en effet rester une notion abstraite.
De même, il faut garder à l'esprit que le CETA, le Mercosur et les traités de libre-échange de nouvelle génération ne sont pas, en l'état, climato-compatibles. Mais je pourrais aussi évoquer les inquiétudes légitimes de nos agriculteurs sur ces deux premiers traités. Nous ne serions donc pas opposés à une transformation de ces traités de libre-échange en traités de juste échange. Au demeurant, « la messe n'est pas encore dite », ni dans un cas, ni dans l'autre.