Je tiens d'abord à remercier ceux de nos collègues qui ont contribué à ce travail, notamment par le dépôt d'amendements.
Le 15 décembre dernier, lors d'une visite dans le Val-d'Oise, le secrétaire d'État Julien Denormandie a déclaré que « les marchands de sommeil seront traités comme des trafiquants ». Ces propos témoignent d'une volonté politique que je pense unanimement partagée par les responsables publics, bien sûr, mais aussi par les responsables associatifs qui participent aux politiques de l'habitat et du logement, tant au plan national que localement. Nous devons éradiquer ce business de la misère.
Cette volonté politique réaffirmée s'appuie sur un certain nombre d'outils qui ont été sensiblement renforcés ces dernières années. Lors de nos auditions, tous les intervenants en ont souligné l'intérêt, mais ils ont aussi pointé des lacunes et des failles. Ils ont attiré notre attention sur l'utilité d'une approche encore plus transversale qu'aujourd'hui et sur les moyens d'expertise et d'intervention qu'il faudrait développer sur le plan opérationnel. Afin de progresser, il faudrait aller au-delà des politiques de l'habitat et du logement, en associant plus étroitement encore les ministères de l'intérieur, de la justice, de la santé et des solidarités ou encore des comptes publics. À l'échelle locale, les services déconcentrés de l'État, qui agissent sous l'égide du préfet et en lien avec les collectivités locales, doivent compter sur la contribution active des médecins, des magistrats et des policiers, tout en s'associant aux organisations reconnues d'utilité publique.
Malgré toute l'attention portée par le législateur à ce sujet, le phénomène des marchands de sommeil ne cesse d'inquiéter par son ampleur et ses liens avec d'autres types d'économies de la misère, dont il est complice. Je pense en particulier au travail clandestin et à la prostitution. Alors que le problème s'est longtemps concentré sur l'habitat collectif en milieu urbain dense, avec des copropriétés dégradées bien identifiées dans le cadre du travail mené par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) ou par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), il concerne aussi, depuis plusieurs années, les centres-bourgs et le secteur rural, notamment à cause de la division anarchique du bâti pavillonnaire.
Les auteurs de cette proposition de loi attendent avec intérêt le projet de loi ELAN, notamment son volet consacré à la lutte contre l'habitat privé dégradé et à l'activité des marchands de sommeil. La proposition de loi s'inscrit en amont de ce texte, dans le cadre particulier d'une « niche » parlementaire : elle a vocation à s'agréger au débat en cours et à l'enrichir, sans avoir la moindre prétention à l'exhaustivité.
L'affichage politique est très clair : en vertu de l'article 1er, les marchands de sommeil seront condamnés à ne plus pouvoir acheter des biens pendant dix ans, au lieu de cinq aujourd'hui. Ils doivent vraiment « trinquer », si je puis dire. C'est un enjeu majeur que nous devons traiter, quelle que soit la jeunesse des dispositions figurant actuellement dans la loi – elles ne se prêtent pas vraiment à une évaluation probante. Dans le même esprit, j'ai déposé un amendement visant à réduire de moitié les indemnités d'expropriation dont pourraient bénéficier les marchands de sommeil. En les frappant au portefeuille, nous répondrons à une exigence morale et financière.
Il est urgent d'agir en faveur des victimes, qui se trouvent dans une véritable « antichambre de l'enfer », selon l'expression utilisée par la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (DIHAL). On doit se mobiliser dès le constat d'indécence du logement, qui ouvre la possibilité de la suspension des aides et de leur conservation par la caisse d'allocations familiales (CAF). Il serait légitime que les autorités publiques puissent utiliser dès que possible ce financement pour faire réaliser des travaux d'urgence qui, même s'ils ne permettent pas de répondre à l'ensemble des problématiques, peuvent tout de même remédier à un certain nombre de risques liés à des dysfonctionnements dans les parties privatives.
Si les autorités publiques, en particulier les maires, sont les premiers acteurs interpellés en cas d'habitat dégradé, c'est qu'ils disposent d'un certain nombre d'outils pour agir. En vue de renforcer la prévention, l'article 3 propose que l'identité de l'acheteur d'un bien soit communiquée à la mairie dans le cadre de la déclaration d'intention d'aliéner. Cela permettra d'ajuster la politique de lutte contre l'habitat indigne grâce à une meilleure connaissance des procédures en cours sur le territoire. Un amendement a par ailleurs été déposé afin de prendre en compte le cas des sociétés civiles immobilières (SCI), qui servent souvent d'outil pour contourner la loi.
Les ventes par adjudication sont un marché porteur pour les marchands de sommeil – nos collègues élus de Clichy-sous-Bois et de Saint-Denis nous l'ont abondamment confirmé. L'article 4 permettra de surmonter l'incohérence des dispositions actuelles, qui ne garantissent pas la réalisation de travaux lors de la vente par adjudication d'un immeuble frappé d'un arrêté d'insalubrité ou de péril.
J'en termine par l'article 5. Dans le cadre des travaux de réhabilitation de logements déclarés insalubres, les normes de décence sont le seuil de restauration de l'habitabilité. Des interventions techniques peuvent être réalisées, après expertise, pour améliorer la qualité de vie. C'est une ambition qui pourrait être partagée par le propriétaire et le bailleur.
Voilà, mes chers collègues, les principales dispositions de cette proposition de loi. Elle s'inscrit dans la continuité des propos tenus par le secrétaire d'État Julien Denormandie sur les marchands de sommeil et leur impunité.