Dans notre pays, en 2018, on exploite encore la misère de certaines personnes pour les loger dans des conditions indécentes et insalubres. Les parlementaires ont tenté de renforcer l'arsenal législatif en vue de lutter contre ce phénomène qui existe depuis des années : des peines strictes sont prévues par le code pénal et les préfets, les maires et les présidents d'intercommunalités ont vu leurs pouvoirs étendus. La fermeté affichée n'a malheureusement pas suffi à mettre un terme au problème. Selon le ministère du logement, on dénombrait en 2014 500 000 logements indignes, 3,5 millions de mal logés et 145 000 personnes sans domicile fixe. Par la loi ALUR – également dite « loi Duflot » – du 24 mars 2014, le législateur a renforcé les possibilités d'intervenir en amont. Parmi les mesures adoptées, on peut citer le permis de diviser, la déclaration de location et l'interdiction d'achat qui peut être prononcée pendant cinq ans. Si j'en crois les récentes déclarations du secrétaire d'État Julien Denormandie, il y a néanmoins matière à améliorer les dispositions actuelles.
Cette proposition de loi du groupe de la Gauche démocrate et républicaine a le mérite de remettre le sujet sur la table. Comme vous le diraient sans doute MM. Jean-Christophe Lagarde et Pierre-Yves Bournazel, nous sommes face à un système quasi-mafieux, bien organisé, qui ressemble un peu au trafic de drogue. Les victimes sont généralement des personnes vulnérables, et le phénomène est souvent imbriqué dans la problématique migratoire. C'est surtout l'Île-de-France qui est touchée, mais l'ensemble du territoire peut l'être aussi de manière plus sporadique. De même, il ne faut pas croire que seules les copropriétés sont concernées : les zones pavillonnaires, on l'a dit avant moi, le sont de plus en plus. Le groupe UDI, Agir et Indépendants est convaincu que nous devons renforcer les outils permettant de lutter contre les marchands de sommeil. On doit non seulement les frapper au portefeuille, en évitant qu'ils puissent contourner les sanctions, mais aussi restreindre leur possibilité d'acheter ou de conserver des biens immobiliers utilisés pour ce commerce malsain.
Nous entendons l'argument selon lequel le projet de loi relatif au logement constituera un meilleur véhicule législatif. En attendant, cette proposition de loi est une bonne occasion d'étudier la faisabilité de certaines mesures qui paraissent intéressantes. Nous pensons donc que le débat doit s'ouvrir.
Nous ne sommes pas sûrs qu'il faille doubler la durée de l'interdiction d'acheter, comme le propose l'article 1er, alors que nous n'avons pas eu le temps d'évaluer la mesure en vigueur depuis janvier 2016. De manière générale, il faudrait évaluer l'ensemble des dispositifs existants et les rassembler afin de proposer un « paquet » efficace, si possible une bonne fois pour toutes. La confiscation des biens que certains amendements proposent d'instaurer nous semble en revanche particulièrement pertinente.
Le travail que nous pouvons réaliser aujourd'hui est susceptible d'être utile même si des mesures ne sont pas immédiatement inscrites dans la loi. Dans tous les cas, il faudra des dispositifs très solides sur le plan juridique, car l'inventivité des marchands de sommeil est malheureusement sans limite.