En matière de répression des infractions pénales, mes chers collègues, la loi confie au procureur de la République la responsabilité de l'opportunité des poursuites. Il y a une exception, et une seule : la matière fiscale, où c'est l'administration fiscale – non le ministre – qui saisit la commission des infractions fiscales. Si celle-ci donne un avis favorable aux poursuites, le ministre est quasiment obligé de les engager ; et si l'avis est négatif, il est nécessairement conforme, de sorte que le ministre ne peut pas engager de poursuites, quand bien même il le voudrait. Tel est le dispositif.
Celui-ci est-il fondé, au regard des principes qui animent nos assemblées, en particulier l'égalité des citoyens ou des entreprises devant la politique pénale ? La réponse est non : il constitue une atteinte flagrante à ce principe.
Selon la thèse sous-entendue dans les propos d'Éric Woerth et de quelques autres collègues, une telle atteinte serait justifiée par sa productivité fiscale. En êtes-vous sûrs, mes chers collègues ? Pas un d'entre vous ne pourra le prouver : quels sont en effet les critères qui justifient, aux yeux de l'administration, la saisine de la commission des infractions fiscales ? Il y a 15 000 redressements pour mauvaise foi ou manoeuvres frauduleuses : tel est donc le nombre de dossiers potentiellement transmissibles. Or seuls 1 000 dossiers sont transmis à la CIF, soit quinze fois moins. Bref, il y a une marge.
Sur quels critères, donc, les dossiers sont-ils transmis ? Vous avez parlé de politique pénale, madame la garde des sceaux ; mais, que je sache, la commission des infractions fiscales ne reçoit aucune instruction de politique pénale.