Intervention de Pierre Dharréville

Réunion du mercredi 21 février 2018 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Dharréville, rapporteur :

Beaucoup de sujets ont été soulevés, je vais donner mon point de vue sur un certain nombre d'entre eux, et nous aurons l'occasion de préciser un certain nombre de choses lors de la discussion des articles.

Un premier argument dénonce le caractère prématuré de cette proposition. La situation des personnes aidantes dans notre société fait l'objet depuis longtemps d'enquêtes, de propositions et de débats : il est temps de passer aux actes. Même si des choses ont été faites en 2015, avec la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement, nous voyons bien que ce n'était qu'un début. Nous devons agir rapidement car nous arrivons à une situation de crise. Nous pouvons le constater dans nos territoires, en rencontrant les personnes concernées.

Je pense également que nous devons donner toute leur place aux initiatives parlementaires. Nous ne pouvons nous contenter d'attendre que le Gouvernement ait reçu les rapports qu'il a commandés et qu'il décide de mettre à l'ordre du jour tel ou tel projet. Il est de notre responsabilité, en tant qu'Assemblée nationale, de formuler un certain nombre de propositions et de nous saisir de cette initiative : elle nous revient. À défaut, le problème institutionnel serait très important. Mais comment ne pas s'interroger alors que le nombre de propositions de loi qui passe la rampe est infinitésimal au regard du travail que nous effectuons ? Nous devons nous émanciper de cette logique pour arriver à produire un texte, à partir de notre travail. Cette proposition ne tombe pas du ciel, elle est le résultat du travail de la commission : les groupes ont retenu ce sujet qui leur semblait important ; il a fait l'objet d'une décision du bureau de la commission ; et ensuite d'une mission flash, dont l'objet était de déboucher sur des résultats concrets, pas simplement sur une communication évanescente. Nous devons prendre nos responsabilités, et nous en avons ici l'occasion.

Le financement est naturellement un sujet important. Je veux d'abord rappeler que le dépôt d'une proposition de loi ne s'accompagne pas d'une étude d'impact, c'est la règle. Nous avons néanmoins demandé un certain nombre de chiffrages, comme je l'ai indiqué en introduction. J'espère que nous en disposerons dans les jours qui viennent pour délibérer plus convenablement dans quinze jours, le 8 mars.

Cela étant, je vous ai également proposé un chiffrage, qui doit être utilisé certes avec précaution, mais qui s'appuie sur les données du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) : 30 000 personnes seraient potentiellement bénéficiaires du congé de proche aidant. Sur cette base, notre chiffrage établit le coût de cette mesure à 250 millions. C'est un élément d'appréciation. On ne peut donc pas tout à fait dire qu'il n'existe pas de chiffrage. Ensuite, chacun peut considérer cette évaluation de manière plus ou moins positive.

Au départ, j'avais prévu d'indiquer un montant de l'indemnisation au sein de l'article. Mais je ne l'ai finalement pas fait, précisément pour donner une marge de manoeuvre au Gouvernement et tenir compte de la question du financement. La fixation du montant est donc renvoyée à un décret, ce qui permettra une montée en charge progressive du dispositif. Prenez-le en compte lorsque vous vous positionnerez sur ce texte. Cela permettra d'évaluer la réalité du recours au dispositif.

De manière plus générale, estimons-nous indispensable de prendre des mesures en la matière ? En vous écoutant, j'ai la faiblesse de penser que c'est le cas. Nous savons qu'un certain nombre de personnes dans notre société souffrent du fait que ces dispositions n'existent pas. Alors jusqu'à quand allons-nous renvoyer cette décision ?

Le dispositif que je propose permet d'acter ce principe aujourd'hui, et d'appuyer sur le bouton de sa mise en oeuvre, tout en donnant une marge de manoeuvre suffisante au Gouvernement pour mettre en place une montée en charge progressive. En outre, nous pourrons décider de la manière dont nous financerons la mesure dans le cadre par exemple du PLFSS. Il ne faut donc pas renoncer à agir car nous ne savons pas comment faire. Il faut raisonner de façon inverse : Pensons-nous que c'est nécessaire, indispensable ? Oui ? Alors décidons-le, et ensuite nous affecterons les moyens requis. Ces moyens existent, il faut faire le choix d'aller les chercher.

Je termine avec plusieurs éléments qui ont été soulevés dans vos interventions.

La notion d'aidant existe dans la loi, monsieur Lurton, c'est donc une base sérieuse pour déterminer qui pourra bénéficier de ce dispositif. En tout état de cause l'application dans le détail sera renvoyée à un décret. Cette question, fort légitime, devra en effet être prise en compte.

Sur la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), cette caisse a précisément été créée pour faire face à ce besoin des aidants. Il me semble donc naturel de se tourner vers elle pour assurer le financement de l'indemnisation du congé de proche aidant. Et puisqu'elle n'est pas outillée pour mettre en oeuvre la mesure, il est fait appel aux services de la sécurité sociale.

S'agissant de la mesure qui propose d'ouvrir un droit pour les aidants, alors qu'il est aujourd'hui soumis à l'autorisation des employeurs, ce n'est pas une mesure de méfiance. La logique est la suivante : puisque la société compte sur ces personnes, elle leur doit donc de créer les conditions minimales pour effectuer ce travail dans les meilleures conditions. Le droit ouvert est d'abord celui, pour les personnes aidées, de se faire aider par quelqu'un qui dispose des moyens suffisants pour le faire. Il faut donc renverser l'ordre des choses : c'est à la société et non pas à l'employeur de décider si la mesure est nécessaire. Et tel est le cas puisqu'il y a là un enjeu majeur. Je tenais à apporter cette précision afin que cette disposition ne soit pas mal interprétée.

Par ailleurs, il y a bien sûr d'autres mesures à prendre – Boris Vallaud l'a rappelé. Dans le rapport, j'avais souligné que nous avions besoin de trois choses : du temps, des ressources et de l'accompagnement. Dans les trois domaines, il y a beaucoup plus à faire, et nous pourrions discuter de mesures supplémentaires – sans doute le ferons-nous aujourd'hui.

Pour conclure, je soulignerai le risque d'explosion des coûts liés à la dépendance dans les prochaines années si rien n'est fait rapidement. Selon les estimations, ils passeraient de 23 milliards à 46 milliards d'euros en 2060. Il y a donc urgence à commencer à prendre des dispositions. C'est ce que je vous invite à faire aujourd'hui, dans le cadre d'une initiative parlementaire, ce qui est encore plus positif.

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