Mercredi 21 février 2018
La séance est ouverte à neuf heures trente.
(Présidence de Mme Brigitte Bourguignon, présidente)
La commission des affaires sociales procède à l'examen de la proposition de loi de M. Pierre Dharréville et plusieurs de ses collègues pour une reconnaissance sociale des aidants (n° 589) (M. Pierre Dharréville, rapporteur).
Notre ordre du jour appelle l'examen des propositions de loi déposées par le groupe de la Gauche démocrate et Républicaine, et inscrites à l'ordre du jour réservé à ce groupe, le 8 mars prochain.
Sur le rapport de M. Pierre Dharréville, la commission examine tout d'abord la proposition de loi pour une reconnaissance sociale des aidants (n° 589).
La proposition de loi pour une reconnaissance sociale des aidants que je vous présente aujourd'hui s'inscrit dans la continuité des travaux que j'ai menés en décembre et en janvier dernier avec certains d'entre vous, dans le cadre de la mission flash sur les aidants familiaux, dont j'étais le rapporteur et qui m'a convaincu de l'urgence de passer aux actes.
J'ai eu l'occasion de présenter, le 23 janvier dernier, une communication devant la commission des affaires sociales, sur laquelle je ne vais pas revenir dans le détail. Vous le savez, il existe en France au bas mot huit millions de proches aidants, qui apportent une aide régulière, dans un cadre non professionnel, à une personne en situation de handicap ou à une personne âgée en perte d'autonomie. Ces femmes et ces hommes fournissent un travail gratuit et informel considérable en l'absence d'une réponse publique qui n'est pas à la hauteur : c'est parce que la prise en charge par la nation des personnes en situation de handicap ou de perte d'autonomie est insuffisante que l'aide aux aidants est aujourd'hui nécessaire.
Les personnes aidantes endossent des rôles qui vont bien au-delà de la relation naturelle avec un proche. Parfois, sans s'en rendre compte, elles accomplissent tour à tour les tâches d'un aide-soignant, d'un auxiliaire de vie, d'un aide à domicile, d'un coordinateur de soins. Leur dévouement n'est pas sans conséquences sur leur santé, mais également sur leur vie familiale, leur vie amicale, et leur vie professionnelle.
Il y aurait beaucoup à faire pour aider les aidants, mais j'ai choisi d'insister plus particulièrement, dans cette proposition de loi, sur la difficile conciliation entre vie professionnelle, vie d'aidant et vie personnelle.
En effet, près d'un tiers des personnes aidantes en emploi ont dû aménager leur vie professionnelle. Si elles n'abandonnent pas leur travail, elles doivent bien souvent renoncer aux évolutions de carrière auxquelles elles pouvaient prétendre. Le rôle d'aidant représente ainsi un véritable coût pour les personnes qui l'exercent, victimes d'une forme d'inégalité que nous ne pouvons accepter.
Certes, la loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement a consacré la définition des proches aidants et a transformé le congé de soutien familial en congé de proche aidant, mais cela ne donne lieu qu'à des droits trop symboliques. La proposition de loi que je vous présente aujourd'hui ambitionne donc de jeter les bases d'un statut pour les proches aidants, à travers différentes mesures visant à leur accorder des droits effectifs et une reconnaissance sociale.
Elle reprend certaines des propositions que je vous avais présentées le 23 janvier dernier lors de ma communication et qui m'avaient semblé faire l'objet d'un certain consensus. Si ces propositions peuvent apparaître trop limitées au regard des enjeux, elles constitueraient néanmoins une amélioration sensible pour beaucoup de personnes aidantes comme aidées.
La première mesure consiste à indemniser le congé de proche aidant. Tout le monde en convient, l'absence d'indemnisation, qui entraîne une perte de revenu non seulement pendant le congé lui-même mais également au-delà, en raison de ses répercussions ultérieures sur la vie professionnelle, est un obstacle souvent rédhibitoire à sa mobilisation. Indemniser ce congé, comme le propose l'article 1er de la proposition de loi, permettrait donc d'atténuer cet effet et d'offrir une juste reconnaissance du travail d'aidant, effectué gratuitement.
Le coût de ce dispositif, constitue souvent l'unique argument pour repousser l'idée d'une indemnisation du congé de proche aidant. Une évaluation de l'impact financier de l'article 1er a été demandée à la Direction de la sécurité sociale. Dans l'attente de cette évaluation précise, j'ai repris les hypothèses du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge, qui estime à trente mille le nombre de bénéficiaires potentiels du congé de proche aidant indemnisé. En prenant des hypothèses réalistes et une indemnisation au niveau de l'allocation journalière de présence parentale (AJPP), j'arrive à un coût d'environ 250 millions d'euros par an.
À titre de comparaison, et pour remettre les choses en perspective, le coût pour les finances publiques serait treize fois inférieur à celui de la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), qui coûtera, selon le Gouvernement, 3,2 milliards d'euros par an. Surtout, ce coût paraît en réalité faible au regard de l'assistance que le proche apporte à la personne aidée et du service qu'il rend à la société : il est même moins élevé que celui d'une prise en charge de la personne aidée en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), sans compter le coût financier induit pour l'assurance maladie lorsque l'aidant met sa santé en jeu. Je m'insurge donc contre cet argument du coût pour une mesure, qui est une revendication forte des associations d'aidants et qui, en réalité, se solderait par un gain pour la société.
J'en viens à la deuxième avancée que comporte la proposition de loi.
Aujourd'hui, le congé de proche aidant peut être pris pour une durée de trois mois renouvelable, dans la limite d'un an sur l'ensemble de la carrière du salarié.
Cette durée est insuffisante, les aidants s'occupant de leur proche pendant une durée en moyenne bien supérieure. Ainsi certains salariés peuvent être amenés à aider plusieurs de leurs proches sur l'ensemble de leur carrière professionnelle. Une mesure de bon sens consisterait donc à fixer la durée maximale du congé de proche aidant à un an par personne aidée a minima.
Par ailleurs, les modalités de recours au congé de proche aidant manquent de souplesse, dans la mesure où un accord de l'employeur est nécessaire pour pouvoir transformer ce congé en période d'activité à temps partiel ou pour y recourir de façon fractionnée. Ce fractionnement résoudrait pourtant de nombreuses difficultés que rencontrent les proches aidants dans leur vie quotidienne, en leur permettant notamment de mieux adapter leur emploi du temps aux besoins de la personne aidée sans renoncer à leur activité et sans s'enfermer dans leur statut d'aidant. C'est chez eux une aspiration forte. J'ajoute qu'assister ponctuellement une personne avant qu'elle ait besoin d'une aide à temps plein est aussi une bonne façon de renforcer son autonomie.
C'est pourquoi, afin de favoriser ces deux modalités de recours au congé de proche aidant, l'article 3 de la proposition de loi vise à mettre fin à la nécessité, pour le salarié, d'obtenir un accord de l'employeur pour utiliser son congé à temps partiel ou pour le fractionner, tout en maintenant le délai légal d'information devant permettre à l'entreprise de s'organiser. Puisque la société compte sur cet engagement, il faut établir un droit pour la personne aidante.
Enfin, les travaux que j'ai menés dans le cadre de la mission flash m'ont permis de mettre en évidence des différences de droits entre les proches aidant une personne en situation de handicap d'une part, et les proches aidant une personne âgée dépendante d'autre part. Si les situations diffèrent, certains dispositifs gagneraient néanmoins à être étendus à tous. Ainsi, les aidants de personnes handicapées bénéficient d'une majoration de leur durée d'assurance vieillesse, à hauteur d'un trimestre par période de prise en charge de trente mois, dans la limite de huit trimestres, alors que les proches aidant une personne âgée dépendante ne bénéficient pas d'une telle majoration. L'article 4 de la proposition de loi prévoit donc de leur ouvrir ce droit.
C'est une mesure de justice indispensable, en particulier pour les femmes, dont on sait que les retraites sont amoindries par des carrières fractionnées. C'est par ailleurs une mesure consensuelle, qui s'inscrit dans la lignée de la proposition de loi de notre collègue Paul Christophe, déposée le 27 septembre 2017, et signée conjointement par des membres de la quasi-totalité des groupes parlementaires. Je ne doute donc pas que cette mesure fera aujourd'hui l'objet du même consensus.
Vous le voyez, ne figurent dans cette proposition de loi qu'une partie des nombreuses propositions que j'avais présentées il y a quelques semaines, lors de ma communication sur la mission flash. Dans un souci d'efficacité et afin que mes travaux puissent se traduire par des avancées concrètes pour les personnes aidantes, j'ai choisi ces quelques mesures simples, demandées avec force par les personnes que j'ai auditionnées. Aussi limitées soient-elles, elles ont une réelle portée et permettent d'envoyer aux personnes aidantes le signal que notre reconnaissance sociale leur est acquise.
C'est le rôle du Parlement que d'écrire la loi. Nous sommes face à une situation critique, qui appelle une action rapide. Nous pouvons agir. C'est ce que je vous propose aujourd'hui : sans attendre, faisons-le ensemble.
Je tiens tout d'abord à saluer la qualité du travail de monsieur Dharréville, qui attire l'attention sur une question qui est l'une de nos priorités et que nous avons à coeur de défendre.
Malheureusement, cette proposition de loi pose des problèmes qui ne permettent pas au groupe La République en Marche de l'adopter, au premier rang desquels la question du financement. En effet, l'évaluation que vous proposez mériterait à mon sens d'être approfondie pour que nous disposions de données plus précises sur le coût de l'indemnisation des congés pris par les aidants. Vous proposez de financer ces congés sur la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), ce qui pose la question des cotisations.
En ce qui concerne la majoration des trimestres pour les cotisations d'assurance vieillesse, nous avons le projet de réformer l'ensemble du système de retraite, dossier qui a été confié à Jean-Paul Delevoye. Il nous semble donc prématuré de ne traiter que de cette question-là, plutôt que de l'envisager dans le cadre d'un examen général de la problématique des carrières hachurées.
Je rappelle enfin que le Gouvernement a confié à Dominique Gillot une mission sur l'insertion dans le travail des travailleurs handicapés et de leurs aidants. La remise de son rapport est prévue pour le printemps, et c'est ce calendrier que nous préférons retenir, quitte à reprendre alors certaines de vos propositions. Pour toutes ces raisons, il nous paraît prématuré de voter ce texte aujourd'hui.
La présente proposition de loi s'inscrit dans le cadre d'un renforcement du droit des aidants, d'autant plus nécessaire que leur nombre croît d'année en année et nécessite à ce titre notre attention et une adaptation constante de notre législation. Cette proposition de loi s'attache plus particulièrement à renforcer deux dispositifs essentiels à la prise en compte des besoins de l'aidant : le congé du proche aidant pour les aidants actifs et la majoration de durée d'assurance vieillesse pour les aidants inactifs.
Pour ce qui est du congé, le salarié aidant peut aujourd'hui en disposer, mais sans être rémunéré. Cette proposition de loi remédie à cette situation, c'est une bonne chose. Quant à la majoration de retraite pour les aidants inactifs, il s'agit, là aussi, d'un dispositif allant dans le bon sens.
Mais à combien se chiffrerait le coût de l'extension de la majoration de retraite pour les aidants inactifs ? Rien ne l'indique dans ce texte. Nous ne disposons d'aucune donnée chiffrée sur le public cible d'une telle mesure, qui pourtant nécessiterait de connaître a minima le nombre d'aidants inactifs et non retraités. De même, nous ne savons pas ce que représenterait le coût de la rémunération de l'aidant pendant son congé. Comment engager nos finances publiques, sans chiffrer le coût pour la société des mesures que vous proposez ?
Comme le mentionne l'étude de l'Association française des aidants, les aidants sont de tout âge et n'ont pas de profil type. On aurait donc aimé qu'une nouvelle loi sur les aidants permette d'avancer sur ce terrain, afin d'élaborer une politique publique, d'autant plus efficace dans le temps qu'elle sera financée. Cela dit, nous reconnaissons volontiers qu'il est aujourd'hui très difficile d'établir de telles données, l'opacité des dispositifs visant à soutenir les aidants, très disparates d'un département à l'autre, nuisant à la capacité même des aidants à s'en saisir, et donc à nous donner une image précise de l'ampleur de leurs besoins.
Si ce texte va globalement dans le bon sens, il convient donc de mieux en documenter les enjeux, d'en approfondir l'aspect financier et de l'ouvrir vers le soutien aux initiatives privées élaborées pour accompagner les salariés aidants.
Nous sommes enfin très dubitatifs à propos de l'article 3, sur lequel je défendrai divers amendements. Je voterai ceux qui contribueront à consolider cette bonne initiative législative.
Emmanuel Macron a annoncé plusieurs mesures afin d'accompagner les aidants dans leur engagement auprès de leur proche. Il s'agit notamment de leur permettre de mieux se former ou d'être accompagnés, de faciliter leurs démarches administratives ou encore de favoriser la création d'hébergements temporaires et d'encourager le baluchonnage. Dans la droite ligne de ces engagements, la ministre de la santé a annoncé des mesures fortes pour les aidants, en particulier la valorisation de leurs droits à la retraite, le suivi spécifique de leur santé ainsi que le renforcement des dispositifs de répit. Ces derniers mois, notre commission s'est également fortement mobilisée pour les aidants, et une proposition de loi du groupe de l'Union des démocrates et indépendants a été adoptée permettant le don de RTT entre collègues.
Nous avons par ailleurs salué les travaux de notre collègue Pierre Dharréville, dans le cadre de la mission flash. Nous sommes déterminés à apporter aux aidants le soutien qu'ils méritent, car il s'agit d'un défi majeur pour notre pays. Toutefois, les mesures proposées par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, notamment sur le congé du proche aidant, ne nous paraissent pas, à ce stade, aller dans la bonne direction.
Je souhaite enfin revenir sur un aspect méconnu mais particulièrement poignant sur lequel nous devrions à mon sens nous mobiliser sans tarder : il s'agit des enfants aidants familiaux. Parce qu'ils sont mineurs, ces enfants, parfois très jeunes, ne figurent dans aucunes statistiques. Pourtant ils aident leurs familles à la maison, confrontés à la maladie d'un parent ou au handicap d'un frère ou d'une soeur ; ils seraient environ cinq cent mille en France, pour la plupart en échec scolaire. Nous souhaitons que puisse être créé un statut du jeune aidant, afin de les faire sortir de l'anonymat et de leur apporter tout le soutien dont ils ont besoin.
Après la loi sur le don de jours de repos non pris en faveur des aidants familiaux que j'ai eu l'honneur de vous présenter en décembre, notre commission examine de nouveau un texte en faveur des proches aidants. C'est un signal positif supplémentaire envoyé à tous les aidants, que le groupe UDI, Agir et Indépendants soutiendra.
Notre système de protection sociale s'appuie de plus en plus sur l'implication des proches aidants, ce qui n'est pas sans conséquences pour ces quelque huit millions de Français qui aident quotidiennement un de leurs proches.
Être aidant aujourd'hui conduit en effet à des choix, des aménagements, voire des renoncements dans sa vie privée et professionnelle : les aidants consacrent ainsi moins de temps à leur famille, moins de temps à leur travail et moins de temps à leur repos, négligeant souvent leur propre santé lorsque l'effort devient trop lourd.
Le droit au répit des aidants est donc plus que nécessaire. Si le congé de proche aidant a le mérite d'exister, l'absence de rémunération freine ceux qui voudraient en bénéficier, et certains y renoncent en effet, pour ne pas se placer dans une situation de précarité financière. Afin de remédier à cette situation, l'article 1er de la proposition de loi suggère d'indemniser ce congé. Cette rémunération me semble d'autant plus justifiée que l'absence d'engagement des aidants coûterait bien plus cher à la société. Nous lui sommes donc favorables, à une petite réserve près cependant : l'absence d'évaluation préalable de l'impact financier de cette mesure pour les organismes de sécurité sociale.
Le texte propose également de fixer la durée maximale du congé de proche aidant à un an par personne aidée. Là encore, nous n'avons aucune objection à cette proposition, puisqu'une même personne peut être amenée à s'occuper d'un proche à différents moments de sa vie. Le format actuel du congé, limité à un an sur toute une carrière est donc sous-dimensionné, et nous pourrions même envisager d'aller plus loin que la proposition de loi.
En quittant leur emploi pour s'occuper d'un proche, outre la perte de revenus, les aidants craignent également de perdre leurs droits à la retraite. Le texte ouvre donc, dans son article 4, un droit à la retraite pour les aidants. Il octroie ainsi un trimestre de retraite par période de trente mois dans la limite de huit trimestres, sur le modèle déjà existant pour les personnes ayant à charge une personne adulte handicapée. Étant à l'origine de cette proposition, je ne peux qu'y souscrire.
Je souhaiterais conclure mon propos en félicitant notre collègue Pierre Dharréville pour son travail, qui permet de jeter les quelques bases d'un statut pour les proches aidants. Afin d'aller plus loin dans cette aide aux aidants, notre groupe vous proposera plusieurs amendements.
Les aidants familiaux fournissent une aide essentielle à nos personnes âgées dépendantes ou en situation de handicap. Or ce travail de l'ombre, que ne valorise pas la société, peut parfois devenir particulièrement pesant. Les défaillances graves de notre système social font pourtant peser sur les épaules d'une large partie de la population la prise en charge de nos aînés et des personnes handicapées. Pour que le souci d'autrui soit reconnu à sa juste valeur, nous nous devons d'aménager une juste place aux huit millions de personnes aidantes.
Cette proposition de loi, que nous soutiendrons, propose tout d'abord d'indemniser le congé de proche aidant, institué par la loi du 28 décembre 2015. Elle propose également d'adapter la quantité de congés auxquels ont droit les aidants en fonction du nombre de personnes aidées. L'article 3 exonère également le proche aidant de l'aval de son employeur pour bénéficier du dispositif à temps partiel ou de manière fractionnée, ce à quoi nous sommes favorables. Enfin, l'article 4 étend le dispositif de majoration de la durée d'assurance vieillesse dont bénéficient aujourd'hui les aidants familiaux de personnes en situation de handicap aux aidants familiaux de personnes âgées dépendantes. En effet, il n'y a pas de raison pour que le dispositif actuel, ouvert aux proches aidants des personnes en situation de handicap, ne le soit pas également aux aidants de personnes âgées dépendantes.
La proposition de loi du groupe de la Gauche démocrate et républicaine est donc une proposition humaniste et de bon sens. Nous la soutiendrons évidemment.
Le 23 janvier dernier, notre commission des affaires sociales a salué à l'unanimité la qualité des travaux et des propositions de la mission conduite par notre collègue Pierre Dharréville. La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui n'en est ni plus ni moins que la traduction effective.
Les proches aidants apportent une aide régulière et fréquente à des personnes âgées dépendantes ou en situation de handicap – enfants ou adultes –, en accomplissant pour eux, dans un cadre non professionnel, tout ou partie des actes ou activités de la vie quotidienne. Ce sont le plus souvent des femmes, une conjointe plutôt qu'un conjoint, une fille plutôt qu'un fils, une mère plutôt qu'un père.
Les répercussions de l'accompagnement d'un proche sont lourdes. Elles peuvent se traduire par de la souffrance et un sentiment de culpabilité. Les aidants sacrifient en effet non seulement leur temps libre, leur vie familiale et sociale, mais également, bien souvent, leur carrière professionnelle et leur santé.
Lorsqu'il s'agit d'aider un proche en perte d'autonomie, on a souvent affaire à un aidant de la génération pivot, entre cinquante et soixante ans, qui doit, dans le même temps, prendre soin d'un parent, gérer la fin de sa carrière professionnelle et assumer parfois des enfants encore à charge.
Comme l'a souligné très justement notre rapporteur, le travail gratuit informel vient au mieux en complément, au pire en palliatif, d'une réponse publique déficiente, la perte d'autonomie étant encore mal prise en charge par la solidarité nationale. Les aidants ont donc besoin de temps pour aider leurs proches mais également de ressources, notamment quand la charge de l'aide les conduit à se retirer du marché du travail ou à diminuer leur activité professionnelle. Ils réclament également une protection sociale et un accompagnement.
Les trois premiers articles de cette proposition de loi, qui proposent l'indemnisation du congé, l'extension de sa durée et la possibilité d'y avoir recours à temps partiel ou de manière fractionnée, sans que l'accord de l'employeur soit nécessaire, constituent à cet égard de réelles avancées. L'article 4, qui reprend la proposition de loi de Paul Christophe, est également un progrès.
Le groupe Nouvelle Gauche ne se contentera pas de saluer la qualité du travail fourni par notre rapporteur et l'intérêt des pistes ouvertes en reportant la résolution du problème à plus tard ; nous soutiendrons sans réserve cette proposition de loi, qui améliore la situation des aidants.
Je tiens à remercier Pierre Dharréville d'avoir déposé cette proposition de loi, qui nous permet d'ouvrir une nouvelle fois le débat sur la question des aidants familiaux. Nous avons déjà abordé cette question à diverses reprises, lors de la mission flash de Monique Iborra relative aux EHPAD ou au moment de l'examen du rapport d'application de la loi d'adaptation de la société au vieillissement produit par Agnès Firmin Le Bodo et moi-même. Nous avons évoqué la proposition de loi de Paul Christophe, ainsi que la mission flash conduite par le rapporteur, qui nous a permis de dessiner un spectre de solutions.
J'ai pour ma part rencontré de nombreux représentants d'associations d'aidants : ils attendent de notre part des réponses à leurs questions.
Au-delà des proches aidant les personnes en situation de handicap, la problématique des aidants est d'autant plus cruciale que, face au vieillissement et à l'allongement de la durée de vie, le nombre de proches aidant des personnes âgées en situation de dépendance est voué à se multiplier et mérite donc toute notre attention.
Je considère à cet égard que l'indemnisation du congé de proche aidant est une bonne mesure. Si se pose la question de son financement, il me semble que cette dernière ne peut être dissociée de celle des coûts qu'elle permettrait d'éviter par ailleurs.
Monsieur le rapporteur, avec cette proposition de loi, vous donnez une traduction concrète aux conclusions de la mission flash que vous avez conduite et que vous nous avez présentée le 23 janvier dernier.
Sur le fond, je ne peux que souscrire à votre proposition, qui vise à rémunérer l'aidant ayant besoin d'un congé professionnel pour s'occuper d'un proche dépendant et qui prévoit par ailleurs la majoration de la durée d'assurance vieillesse pour les aidants inactifs.
J'ai eu l'occasion de m'exprimer sur ces deux propositions à l'occasion de la présentation des conclusions de votre mission, et l'angle d'attaque que vous avez choisi me paraît effectivement être le bon.
Le travail des aidants doit être reconnu. J'ajoute – et vous l'avez rappelé – qu'il contribue à faire faire des économies à notre pays, car je suis convaincu que, si les personnes dépendantes n'étaient pas suivies par leurs proches aidants, elles nous coûteraient beaucoup plus cher.
Cependant, malgré vos explications, je pense que nous devons nous pencher sur le financement de la mesure que vous nous proposez. Je pense par ailleurs, comme beaucoup de mes collègues, que nous devons aborder le sujet de la dépendance de façon globale. Nous avons des décisions fortes à prendre pour assumer le coût que cela représente, un coût qui ne va faire qu'augmenter dans les années à venir, et c'est dans ce cadre que doit être appréhendée la situation des aidants.
Je ne suis en revanche pas convaincu que le financement par la CNSA que vous nous proposez soit une bonne piste, et je doute que la CNSA, elle-même financée par l'ONDAM médico-social, puisse faire face à cette dépense supplémentaire. J'aurais souhaité connaître votre point de vue sur ce sujet.
Enfin, au risque de paraître incongru, j'aimerais savoir comment on détermine qui jouera le rôle d'aidant au sein d'une famille. Peut-on imaginer que, dans une même famille, il y ait plusieurs aidants pour s'occuper d'une même personne, chacun pouvant demander à bénéficier du congé de proche aidant ?
Le thème des aidants est évidemment très important ; d'ailleurs un certain nombre de dispositions ont déjà été prises, notamment dans la loi sur l'adaptation de la société au vieillissement. Les missions parlementaires et les propositions de loi se succèdent, et ces débats ne sont pas inutiles : ils montrent l'importance du sujet.
Néanmoins, ce thème devrait s'inscrire au sein d'un projet beaucoup plus ambitieux, dans le cadre d'une véritable politique du grand âge qui fait défaut en France, à la différence d'autres pays européens. Jusqu'à présent, nous avons choisi de dissocier les différentes interventions, les différents acteurs, entraînant une vision très parcellaire de cette politique du grand âge, qui nous concerne cependant tous et qui est à la fois sociétale, sociale et financière. Elle mérite un véritable débat dans notre pays, sur les choix politiques y afférents et une véritable remise à plat. C'est ce que j'essaierai de vous proposer le 14 mars, lors de la présentation du rapport d'information de la mission parlementaire sur les EHPAD.
Alors que la loi sur l'extension du don de jours de repos aux aidants vient d'être promulguée, nous voici amenés à examiner un nouveau dispositif en leur faveur.
Un tiers de la population française aura plus de 60 ans en 2060, et cette simple donnée démographique justifie que nous anticipions la bonne prise en charge des personnes concernées. Le maintien à domicile est un souhait de plus en plus prononcé, et dans les cas où c'est encore possible, le recours à l'aidant familial constitue une solution économique privilégiée qu'il nous faut accompagner, supprimant plusieurs écueils que nous avions évoqués lors de la mission flash sur les aidants : l'absence de statuts et de formations adaptées ; le manque de souplesse pour les aidants actifs ; l'inexistence de modules de soutien psychologique. Ce sont autant de points qui affectent les aidants, tant sur le plan moral que physique.
Nous avions aussi abordé le problème de la rétribution des aidants, c'est l'objet du présent texte tendant à créer une allocation journalière pour indemniser le congé de proche aidant. Tout le monde s'accorde sur cette nécessité, et nous avons tous à coeur de soutenir ces personnes qui consacrent leur vie à leurs proches dans des conditions souvent très difficiles.
Cependant, les bémols que nous avons émis il y a à peine plus d'un mois demeurent. Quel est le chiffrage d'une telle mesure ? À ce jour, nous ne disposons d'aucune donnée pour estimer le taux de recours à ce congé, et nous sommes donc dans l'incapacité d'établir un scénario prévisionnel tenant compte de l'effet d'entraînement occasionné par la mise en oeuvre de ce dispositif. Il en est de même quant à la majoration de droits à la retraite pour les aidants inactifs.
De plus, l'article 3 introduit un conflit qui met en danger le consensus qui semble être le nôtre sur ces questions, en marquant une inutile méfiance envers les employeurs, auxquels la possibilité de participer au processus d'extension du domaine du congé serait retirée. Nous sommes d'accord sur l'essentiel, il me semblerait opportun de prendre le temps d'évaluer l'impact de ces mesures sur les comptes sociaux afin de légiférer efficacement.
Je voudrais m'associer aux félicitations qui ont été adressées à notre rapporteur. Le travail de fond qu'il a réalisé dans le cadre de la mission flash se traduit de façon légitime dans cette proposition de loi, intéressante à plusieurs titres.
D'abord, elle met l'accent sur la situation des aidants familiaux. La loi sur l'adaptation de la société au vieillissement a commencé à mettre en évidence le besoin d'accompagnement des aidants familiaux, en créant l'aide au répit. Le rapport de notre collègue Dharréville va encore un peu plus loin. Il est vrai que de plus en plus de personnes sont concernées, et que le vieillissement de la population va accentuer ce phénomène.
Je voulais interroger notre rapporteur sur la création de cette indemnisation du congé. Aujourd'hui, le proche aidant peut, dans certains cas, être employé par la personne aidée bénéficiaire de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH). Avez-vous examiné les possibilités d'étendre cette faculté pour les proches, dans le cadre de l'usage de l'APA, les conditions actuelles étant plus restrictives que dans le cadre de la PCH ?
Ensuite, si j'approuve la majoration concernant la retraite, je m'interroge sur la formation. Être aidant, c'est avoir une relation affective avec la personne. Faut-il professionnaliser cette relation affective ? S'il faut accompagner les aidants, je doute qu'il faille les professionnaliser.
Nous avons déjà évoqué le rôle des aidants à plusieurs reprises, ces huit millions de personnes, peut-être même plus, qui apportent leur soutien à des personnes en situation de handicap ou à des personnes âgées dépendantes. Dans la moitié des cas, les aidants s'occupent de leurs parents ou de leurs beaux-parents. Le grand défi du vieillissement amène donc à nous interroger sur les évolutions dans les années à venir.
Cet accompagnement est essentiel, rien ne peut le remplacer, parce qu'il fait appel à la solidarité familiale, à l'affection que l'on peut porter à un proche. Ici même, plusieurs textes successifs ont permis de reconnaître le rôle essentiel de ces personnes qui se donnent, au détriment de leur vie personnelle, de leur vie familiale, de leur carrière. Je pense notamment aux femmes, très nombreuses à s'impliquer auprès de leurs parents, de leurs beaux-parents, voire de leurs proches, il est important de le souligner.
Le congé de proche aidant existe, il faut donc le renforcer car il est limité dans le temps et ne bénéficie pas de rémunération. Mais aucune donnée chiffrée ne nous permet aujourd'hui d'avoir cette vision vers l'avenir. Il est par conséquent difficile de prendre une décision sans connaître les moyens dont nous aurons besoin. Il en va de même pour la majoration des droits à l'assurance vieillesse.
Ce texte devrait prendre place dans une réforme beaucoup plus générale, afin de ne pas nous retrouver régulièrement sur des projets ayant les mêmes buts, les mêmes thèmes. Il devra également être complété par des mesures sur le répit et le soutien aux aidants. Aujourd'hui, sept aidants sur dix n'ont pas le soutien d'un intervenant professionnel, donc pas de soutien venant de l'extérieur. Ce doit être une priorité pour nous tous.
Cette proposition de loi concernant la reconnaissance sociale des aidants comporte des dispositions intéressantes, telles que la rémunération du congé de proche aidant, la majoration de la durée d'assurance-vieillesse, ou le fractionnement de congés de proche aidant.
Je souhaite que de telles dispositions puissent être étudiées et intégrées si possible dans nos futurs projets de loi de financement de la sécurité sociale. Pour l'heure, il nous manque une étude d'impact pour prendre en compte ces mesures.
Nous allons par ailleurs étudier tout à l'heure une proposition de loi sur la précarité professionnelle des femmes. Je souhaite que le développement de mesures en faveur des aidants fasse également l'objet d'une étude d'impact sur le parcours professionnel des femmes, qui sont le plus souvent sollicitées. La reconnaissance sociale de proches aidants ne devrait pas correspondre à une situation subie, et nous devrons veiller à ce que de telles mesures ne se développent pas au détriment des aides professionnelles.
Beaucoup de sujets ont été soulevés, je vais donner mon point de vue sur un certain nombre d'entre eux, et nous aurons l'occasion de préciser un certain nombre de choses lors de la discussion des articles.
Un premier argument dénonce le caractère prématuré de cette proposition. La situation des personnes aidantes dans notre société fait l'objet depuis longtemps d'enquêtes, de propositions et de débats : il est temps de passer aux actes. Même si des choses ont été faites en 2015, avec la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement, nous voyons bien que ce n'était qu'un début. Nous devons agir rapidement car nous arrivons à une situation de crise. Nous pouvons le constater dans nos territoires, en rencontrant les personnes concernées.
Je pense également que nous devons donner toute leur place aux initiatives parlementaires. Nous ne pouvons nous contenter d'attendre que le Gouvernement ait reçu les rapports qu'il a commandés et qu'il décide de mettre à l'ordre du jour tel ou tel projet. Il est de notre responsabilité, en tant qu'Assemblée nationale, de formuler un certain nombre de propositions et de nous saisir de cette initiative : elle nous revient. À défaut, le problème institutionnel serait très important. Mais comment ne pas s'interroger alors que le nombre de propositions de loi qui passe la rampe est infinitésimal au regard du travail que nous effectuons ? Nous devons nous émanciper de cette logique pour arriver à produire un texte, à partir de notre travail. Cette proposition ne tombe pas du ciel, elle est le résultat du travail de la commission : les groupes ont retenu ce sujet qui leur semblait important ; il a fait l'objet d'une décision du bureau de la commission ; et ensuite d'une mission flash, dont l'objet était de déboucher sur des résultats concrets, pas simplement sur une communication évanescente. Nous devons prendre nos responsabilités, et nous en avons ici l'occasion.
Le financement est naturellement un sujet important. Je veux d'abord rappeler que le dépôt d'une proposition de loi ne s'accompagne pas d'une étude d'impact, c'est la règle. Nous avons néanmoins demandé un certain nombre de chiffrages, comme je l'ai indiqué en introduction. J'espère que nous en disposerons dans les jours qui viennent pour délibérer plus convenablement dans quinze jours, le 8 mars.
Cela étant, je vous ai également proposé un chiffrage, qui doit être utilisé certes avec précaution, mais qui s'appuie sur les données du Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA) : 30 000 personnes seraient potentiellement bénéficiaires du congé de proche aidant. Sur cette base, notre chiffrage établit le coût de cette mesure à 250 millions. C'est un élément d'appréciation. On ne peut donc pas tout à fait dire qu'il n'existe pas de chiffrage. Ensuite, chacun peut considérer cette évaluation de manière plus ou moins positive.
Au départ, j'avais prévu d'indiquer un montant de l'indemnisation au sein de l'article. Mais je ne l'ai finalement pas fait, précisément pour donner une marge de manoeuvre au Gouvernement et tenir compte de la question du financement. La fixation du montant est donc renvoyée à un décret, ce qui permettra une montée en charge progressive du dispositif. Prenez-le en compte lorsque vous vous positionnerez sur ce texte. Cela permettra d'évaluer la réalité du recours au dispositif.
De manière plus générale, estimons-nous indispensable de prendre des mesures en la matière ? En vous écoutant, j'ai la faiblesse de penser que c'est le cas. Nous savons qu'un certain nombre de personnes dans notre société souffrent du fait que ces dispositions n'existent pas. Alors jusqu'à quand allons-nous renvoyer cette décision ?
Le dispositif que je propose permet d'acter ce principe aujourd'hui, et d'appuyer sur le bouton de sa mise en oeuvre, tout en donnant une marge de manoeuvre suffisante au Gouvernement pour mettre en place une montée en charge progressive. En outre, nous pourrons décider de la manière dont nous financerons la mesure dans le cadre par exemple du PLFSS. Il ne faut donc pas renoncer à agir car nous ne savons pas comment faire. Il faut raisonner de façon inverse : Pensons-nous que c'est nécessaire, indispensable ? Oui ? Alors décidons-le, et ensuite nous affecterons les moyens requis. Ces moyens existent, il faut faire le choix d'aller les chercher.
Je termine avec plusieurs éléments qui ont été soulevés dans vos interventions.
La notion d'aidant existe dans la loi, monsieur Lurton, c'est donc une base sérieuse pour déterminer qui pourra bénéficier de ce dispositif. En tout état de cause l'application dans le détail sera renvoyée à un décret. Cette question, fort légitime, devra en effet être prise en compte.
Sur la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), cette caisse a précisément été créée pour faire face à ce besoin des aidants. Il me semble donc naturel de se tourner vers elle pour assurer le financement de l'indemnisation du congé de proche aidant. Et puisqu'elle n'est pas outillée pour mettre en oeuvre la mesure, il est fait appel aux services de la sécurité sociale.
S'agissant de la mesure qui propose d'ouvrir un droit pour les aidants, alors qu'il est aujourd'hui soumis à l'autorisation des employeurs, ce n'est pas une mesure de méfiance. La logique est la suivante : puisque la société compte sur ces personnes, elle leur doit donc de créer les conditions minimales pour effectuer ce travail dans les meilleures conditions. Le droit ouvert est d'abord celui, pour les personnes aidées, de se faire aider par quelqu'un qui dispose des moyens suffisants pour le faire. Il faut donc renverser l'ordre des choses : c'est à la société et non pas à l'employeur de décider si la mesure est nécessaire. Et tel est le cas puisqu'il y a là un enjeu majeur. Je tenais à apporter cette précision afin que cette disposition ne soit pas mal interprétée.
Par ailleurs, il y a bien sûr d'autres mesures à prendre – Boris Vallaud l'a rappelé. Dans le rapport, j'avais souligné que nous avions besoin de trois choses : du temps, des ressources et de l'accompagnement. Dans les trois domaines, il y a beaucoup plus à faire, et nous pourrions discuter de mesures supplémentaires – sans doute le ferons-nous aujourd'hui.
Pour conclure, je soulignerai le risque d'explosion des coûts liés à la dépendance dans les prochaines années si rien n'est fait rapidement. Selon les estimations, ils passeraient de 23 milliards à 46 milliards d'euros en 2060. Il y a donc urgence à commencer à prendre des dispositions. C'est ce que je vous invite à faire aujourd'hui, dans le cadre d'une initiative parlementaire, ce qui est encore plus positif.
La commission en vient à l'examen des articles.
Article 1er : Indemnisation du congé de proche aidant
La commission est saisie de l'amendement AS13 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Il s'agit de supprimer l'article 1er, qui vise à instaurer une indemnité pour le congé de proche aidant. Or le financement de cette mesure pose problème.
Monsieur Dharréville, nous sommes d'accord sur le fond : il est en effet nécessaire de mettre en oeuvre une politique publique ambitieuse et volontariste en faveur des proches aidants – nul ne le conteste. Mais vous proposez de faire financer votre mesure par l'État-providence, après avoir appelé notre attention sur les coûts de la prise en charge de la dépendance. Or nous savons bien que l'État-providence ne peut plus financer seul la prise en charge de la dépendance. Nous proposons donc la suppression de cet article.
Sans être trop polémique, je ne pense pas quant à moi qu'il faille mettre fin à la solidarité nationale. Il est nécessaire que l'État assume certaines missions. Je rappelle que la collectivité supporte déjà de nombreux coûts : selon les chiffres dont je dispose, un hébergement en EHPAD s'élève ainsi à 36 euros par jour en moyenne pour l'assurance-maladie et 20,42 euros par jour en moyenne pour un conseil départemental pour une personne âgée dépendante en GIR 1 ou en GIR 2. Au total, c'est une somme plus importante que la rémunération indicative que j'ai formulée dans les attendus de ma proposition de loi. En l'occurrence, il y aura un gain plutôt qu'un coût. En tout état de cause, je le répète : si nous pensons que c'est nécessaire, prenons la décision, et nous aurons ensuite quelques mois pour voir comment la mettre en oeuvre.
Mes chers collègues, on a les priorités qu'on se choisit. Dans la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de finances, des choix ont été faits – je n'y reviendrai pas. Mais nous sommes ce matin face à une urgence à laquelle il faut répondre. Nous avons précisément la possibilité de le faire si nous décidons que c'est une priorité.
Enfin, je ne sais pas si nous aurons des chiffrages beaucoup plus éloquents en suivant votre proposition. Je ne suis pas certain que nous n'aurons pas le même problème à terme. Aujourd'hui, en tout cas, nous avons la possibilité d'envoyer un message : soit celui que nous retardons encore le moment d'établir de nouveaux droits ; soit celui que nous commençons à prendre sérieusement en considération, et de manière collective, la situation des proches aidants. Je vous propose la deuxième option.
J'abonde dans le sens du rapporteur, et je souhaite aussi que les éléments financiers qui ont été sollicités viennent éclairer la représentation nationale, car il est très difficile, pour un groupe d'opposition, de travailler convenablement. Sauf à faire de la figuration, mais peut-être est-ce au fond l'objet des missions flash que l'on veut bien nous confier.
Il a été dit que la solidarité nationale ne pourrait pas tout assumer. En effet, cela dépend des priorités que l'on se donne. Je ne crois pas que la solution que nous devons formuler soit de promouvoir une société de débrouillards dans laquelle chacun devrait s'occuper de ses affaires comme il peut, et dans laquelle la charité viendrait remplacer la solidarité. Nous nous opposerons à la suppression de cet article.
Je comprends l'appel de Mme Firmin Le Bodo à la vigilance sur le coût que représenterait cette mesure, il y a effectivement un flou, mais je pense que nous devons aussi intégrer dans notre réflexion le coût de l'absence de mise en oeuvre de cette mesure. Quel serait le coût de prise en charge des personnes en institution ? Y aurait-il des coûts cachés ? Par exemple des personnes en arrêt de travail pour gérer les situations auxquelles elles sont confrontées ? Il faut regarder les choses de façon lucide, et je plaide pour que nous ayons des simulations financières qui nous aideraient à prendre des décisions éclairées.
Pour appuyer les propos du rapporteur, j'ai l'impression que nous n'aurons jamais autant parlé des personnes âgées et des aidants familiaux, ce qui est une très bonne chose. Des rapports sont en cours d'élaboration, ils vont être déposés, tout le monde a travaillé sur le sujet, des tonnes d'auditions ont eu lieu. Bref, nous avons les informations et il y a une urgence – je pense que si demain, l'un d'entre vous devait prendre en charge une personne dépendante, il aimerait avoir les moyens financiers de le faire correctement. Pourquoi faudrait-il toujours attendre au prétexte d'aller chercher une information manquante ? Nous avons 98 % des informations nécessaires pour légiférer sur ce texte. S'il vous en manque 2 %, je vous rappelle que le groupe de La France Insoumise réclame souvent ces 2 % d'informations manquantes, et les obtient rarement.
Je remercie le rapporteur pour son initiative qui ouvre le débat sur un sujet qui nous concerne tous, à titre sociétal, mais qui peut également nous affecter un jour à titre personnel, si cela n'a pas déjà été le cas.
Il me semble cependant que l'on doit positionner plus largement le débat à l'échelle de notre système de soins, et ne pas le limiter à la seule question du grand âge, même si celle-ci est particulièrement d'actualité. Être aidant, ce n'est pas un métier, cela vous tombe dessus, du jour au lendemain, à la suite de l'accident d'un proche, ou dans la chronicité d'une pathologie handicapante. Il faut donc prévoir un accompagnement technique et psychologique pour celui qui se retrouve subitement dans la situation de devoir aider, la plupart du temps, un proche.
Il faudrait replacer la question dans le cadre de l'organisation hospitalière, de l'hospitalisation à domicile, par exemple. Nous avons tous connu des gens qui ne savaient pas comment s'organiser autour d'un proche, notamment pour accompagner la fin de vie. Il faut appréhender l'ensemble du problème au sein du système de santé.
Je me fais aussi l'écho de toutes les interventions réclamant une meilleure évaluation. Le gain en matière d'occupation des lits dans les établissements de santé, pourrait par exemple contribuer au financement de la démarche.
Les propos du rapporteur me semblent avoir été caricaturés. Il nous a donné quelques éléments d'appréciation et il a précisé que, d'ici au 8 mars, il en fournira d'autres qui compléteront cette évaluation. En outre, le PLFSS donnera une occasion d'y revenir.
Par ailleurs, les choses se font déjà aujourd'hui : les familles prennent en charge les personnes âgées et les personnes handicapées. L'approche très partielle faite de l'évaluation consiste à demander combien cela va coûter au budget de l'État, sans poser la question de savoir combien gagne l'État quand toutes ces familles prennent en charge ces personnes âgées et ces personnes handicapées. Dieu sait que les économies induites sur les places en établissements sont bénéfiques au budget de l'État !
Il s'agit aujourd'hui de mettre en oeuvre une mesure reconnaissant le travail fait par les familles. Les rendez-vous d'évaluation compléteront le travail largement engagé par le rapporteur.
Je rappelle que notre discussion porte sur les amendements et que les orateurs sont censés donner la position de leur groupe sur chacun d'entre eux.
Nous sommes favorables aux mesures qui donnent accès à un répit pour les aidants, qu'il s'agisse de la création d'hébergements temporaires ou du développement du baluchonnage. Dans cette perspective, l'indemnisation du congé de proche aidant mérite toute l'attention du groupe MODEM.
Mais dans la mesure où nous manquons de données concernant le taux de recours au congé de proche aidant, il ne nous semble pas insensé d'attendre que le ministère nous fournisse des estimations plus solides. Le binôme exécutif-législatif doit fonctionner en bonne intelligence. Méfions-nous de ne pas attiser l'antiparlementarisme en nous critiquant les uns les autres !
Le groupe Les Républicains ne partage pas l'analyse de Mme Firmin Le Bodo. Nous ne pouvons cautionner l'idée consistant à écarter par principe l'indemnisation du congé de proche aidant. Nous souhaitons voter l'article 1er, étant précisé que nous prendrons attache avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pour des éléments de chiffrage, éléments dont nous attendons du rapporteur qu'il estime la supportabilité.
Le groupe REM ne votera pas en faveur de cet amendement de suppression. S'il est important d'envisager un accompagnement financier pour les aidants, nous ne sommes pas en mesure de mettre en place cette indemnisation car nous manquons d'informations.
Permettez-moi d'ajouter au nom du groupe UDI, Agir et Indépendants qu'il ne s'agit pas de parler de professionnalisation de l'aidant, mais d'apporter une contribution qui permette d'exercer cette fonction ô combien noble. Nous n'entendons pas nous opposer à une rétribution, mais affiner, avec une étude appropriée, l'impact global d'une telle proposition.
Bien sûr, il faut différencier les aidants professionnels des proches aidants. Je précise donc que le dispositif n'a pas pour ambition de professionnaliser les proches aidants.
J'ai omis de revenir sur le sujet important des enfants mis en situation d'aidants, dont Nathalie Elimas a évoqué la situation. Il me semble que nos propositions, notamment l'indemnisation du congé, peuvent, par ricochet, permettre de réduire le nombre de ces enfants contraints d'aider des proches parce que les adultes de leur famille n'ont pas la possibilité de dégager le temps nécessaire.
Il me semble délicat, pour Bercy ou toute autre administration, d'évaluer, au-delà de ce qu'a réalisé le Haut conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA), le taux de recours au congé, en l'absence de dispositif existant. La demande, en tout état de cause, a été faite et les chiffrages pourront nous aider à préciser les conditions de la mise en oeuvre de cette proposition.
Enfin, lorsque le HCFEA a demandé aux associations du secteur si elles préféraient que le congé de proche aidant soit indemnisé ou que sa durée soit allongée – un choix cornélien –, elles ont unanimement répondu que l'indemnisation était nécessaire. Je pense qu'il faut prendre en compte cette réponse.
La commission rejette l'amendement.
La commission rejette l'article 1er.
Après l'article 1er
La commission examine l'amendement AS1 de M. Paul Christophe.
Compte tenu de la perte de revenus entraînée par l'interruption de l'activité professionnelle de l'aidant, le législateur a prévu que celui-ci puisse bénéficier d'une compensation financière, sous certaines conditions.
S'il peut être rémunéré via la prestation de compensation du handicap (PCH), en devenant le salarié de la personne aidée, il ne peut en revanche être rémunéré via l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), si l'aidé est son conjoint, concubin ou partenaire lié par un PACS.
Cet amendement vise à supprimer ce critère injuste de lien de parenté et à mettre fin à une inégalité de traitement.
Nous avions identifié ce problème. Je suis d'autant plus favorable à cet amendement que l'article 1er n'a pas été adopté.
Le principe posé par les textes relatifs à la PCH est de ne pas salarier le conjoint. Par dérogation, le conjoint peut être salarié si la personne aidée nécessite une aide totale et une présence constante ou quasi constante. Lorsque la personne aidée est dépendante, salarier le conjoint peut renforcer l'isolement du couple et conduire à une sur-sollicitation du conjoint, au risque d'un épuisement physique ou psychologique. Le groupe REM n'est pas favorable à cet amendement.
Il est possible, en effet, d'étendre le dispositif de la rémunération du conjoint grâce à un financement au titre de l'APA. Je rappelle que l'allocation prévue par le texte est financée par la CNSA, qui contribue aussi au financement de l'APA. Cet amendement va donc dans le bon sens, d'autant que l'article 1er n'a pas été adopté. Je le voterai.
J'avoue ne pas comprendre l'argument de l'isolement. Nous parlons de l'APA, donc de personnes âgées, en perte d'autonomie. J'ai à l'esprit le cas d'un homme de 84 ans qui aide son épouse. Je ne vois pas en quoi cette possibilité, qui existe déjà pour la PCH, l'isolerait davantage. Elle ne pourra que faciliter la vie de nombreux aidants !
La commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'examen de l'amendement AS14 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Contrairement à ce qu'ont dit Mme Bareigts et M. Viry, nous ne rejetons pas l'indemnisation du congé de proche aidant. Au contraire, nous estimons qu'il s'agirait d'une juste reconnaissance du travail des aidants familiaux. Néanmoins, nous persistons à penser qu'il n'est pas raisonnable de proposer un tel dispositif sans l'avoir chiffré. Cet amendement vise donc à proposer une étude d'impact, évaluant à la fois le coût d'une telle indemnisation et les économies que le maintien des personnes à domicile pourrait entraîner.
Je ne suis pas opposé aux études d'impact, mais j'aurais le sentiment, en soutenant cet amendement, de scier la branche sur laquelle je suis assis, dans la mesure où je vous propose d'acter dès aujourd'hui le principe du financement de ce dispositif. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Article 2 : Possibilité de prendre un congé de proche aidant par personne aidée
La commission est saisie de l'amendement AS2 de M. Paul Christophe.
Dans la continuité des auditions que j'ai menées dans le cadre du texte sur le don de congés, je propose de répondre à une demande ancienne des associations et de porter à trois ans la durée du congé de proche aidant.
Il s'agit de faire face à une nécessité pour les personnes qui auraient recours à ce congé. Des associations de familles de personnes handicapées m'ont fait remarquer que la durée du congé leur semblait très insuffisante.
Dans l'absolu, je suis plutôt favorable à ce que l'on porte la durée du congé à trois ans, mais je crains que cela ne renforce les préventions qui ont été émises sur le coût de l'indemnisation du congé.
Toutefois, dans la mesure où l'article 1er n'a pas été adopté, j'émets un avis favorable à cet amendement. Je me réserve le droit de revoir cette position si, en séance, l'article 1er venait à être adopté.
Le groupe REM estime que cet amendement est en contradiction avec les besoins des aidants qui souhaitent, pour beaucoup, un maintien dans l'emploi. La situation d'aidant ne peut se substituer à une carrière.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS9 de M. Jean-Carles Grelier.
Cet amendement vise à apporter une précision pour éviter tout détournement du dispositif. Une personne qui se positionnerait comme l'aidant de plusieurs personnes ne pourrait cumuler à l'infini le congé proposé.
La rédaction, peu précise, ne m'a pas aidé à saisir l'objet de cet amendement. Maintenant que je comprends mieux l'idée, je me demande si un tel amendement n'est pas superflu.
La commission rejette l'amendement.
La commission rejette l'article 2.
Article 3 : Faciliter le recours au congé de proche aidant à temps partiel ou son fractionnement
La commission est saisie de trois amendements de suppression de l'article, AS5 de M. Gilles Lurton, AS10 de M. Jean-Carles Grelier et AS12 de Mme Josiane Corneloup.
Loin de créer une emprise injustifiée de l'employeur sur le salarié, l'article L. 3142-20 du code du travail a pour but d'organiser un cadre clair permettant au salarié d'allier son rôle d'aidant à l'exercice d'une activité professionnelle, tout en garantissant à l'employeur de conserver une visibilité sur l'organisation générale de son entreprise.
Nous regrettons la volonté à l'oeuvre dans l'article 3 d'opposer les salariés proches aidants et les employeurs, alors même que l'employeur doit être partie prenante dans l'évolution du statut d'aidant.
L'amendement AS10 est retiré.
Ce retrait forcé des employeurs du dispositif crée une automaticité qui pourrait être perçue comme une défiance envers les employeurs. Ses fondements restent à prouver en l'absence de statistiques de refus suffisamment évocatrices.
Il faut rappeler que les employeurs ne peuvent s'opposer à la prise d'un congé de proche aidant et que leur accord est requis, dans le cas de figure qui nous intéresse, seulement en dehors de certains cas d'urgence.
Cette proposition semble aussi en contradiction avec le rôle attribué aux employeurs, en cas de demande de congé de proche aidant, puisqu'il leur revient de vérifier certaines conditions, comme les déclarations sur l'honneur et les éventuels bénéfices de congé chez un employeur précédent.
L'assouplissement des fractionnements ou la transformation de congés en temps partiel doivent se faire en bonne intelligence. Dans cette optique, il conviendrait de privilégier les chartes de bonnes conduites en entreprise et l'implication responsable des employeurs, plutôt que des obligations qui risqueraient de créer des tensions inutiles sur ce sujet fédérateur.
Je veux préciser que cette disposition n'est pas sortie de l'esprit naturellement anti-libéral qui est le mien… En quoi la décision d'un salarié de prendre un congé de proche aidant, qui n'est pas soumise à l'accord de l'employeur, serait moins déstabilisante pour l'entreprise que la décision de le prendre à temps partiel ? Du reste, ces arguments concernent d'abord le recours au congé de proche aidant, et pas tant le fait de le prendre à temps partiel.
Par ailleurs, les délais pour bénéficier du congé de proche aidant à temps partiel ou de son fractionnement sont les mêmes que pour bénéficier du congé de proche aidant dans sa forme classique.
Ensuite, le recours au temps partiel permet de donner du temps au proche aidant pour lui permettre d'apporter une aide à la personne en situation de dépendance ou de handicap, sans qu'il doive renoncer à toute activité professionnelle – l'un des objectifs que nous poursuivons.
Le fractionnement du congé, quant à lui, permet aux personnes aidantes d'accompagner la personne aidée dans des situations qui ne sont pas forcément prévisibles et n'interviennent pas à un rythme régulier.
Pour information, cet article s'inspire de plusieurs rapports du HCFEA, qui proposent notamment de rendre opposable la possibilité de prendre un congé à temps partiel, donc de créer un droit. La rédaction de ce texte a été guidée par la prise en compte des besoins, pas tant de l'entreprise ou de l'aidant, que de la personne aidée.
Certes, le temps partiel, dans certains cas, peut être à l'avantage à la fois de l'entreprise et de l'employé. Cela est moins vrai pour le temps fractionné, dans la mesure où il est plus compliqué pour l'employeur de réorganiser le travail lorsqu'il est mis devant le fait accompli.
Au-delà, il nous semble compliqué de voter en faveur de cet article, dans la mesure où nous avons, via les ordonnances modifiant le code du travail, adopté une nouvelle approche de ces questions et replacé le dialogue social au coeur de l'organisation du travail.
Bien que d'accord sur le fond et sur le principe, il nous paraîtrait contradictoire d'imposer aux partenaires sociaux la prise en compte de la situation des aidants avant même d'avoir établi une concertation. Le groupe REM votera contre cet article.
Je reconnais volontiers que nous avons une approche différente : nous en avons déjà parlé lors de l'examen du projet de loi relatif aux ordonnances. Mais le sujet ne mérite-t-il pas que la puissance publique affirme quelque chose de plus fort, compte tenu du travail qu'elle exige des aidants ?
La commission rejette les amendements.
La commission rejette l'article 3.
Après l'article 3
La commission examine l'amendement AS7 de M. Alain Ramadier.
Cet amendement vise à pérenniser la mise en oeuvre du baluchonnage en France, que le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance entend simplement expérimenter. Le baluchonnage a fait ses preuves partout où il a été expérimenté et évalué.
Il convient d'encourager sans plus attendre le développement de cette activité pour soulager les aidants, dont le nombre croît chaque année, d'autant plus que les disparités géographiques de prise en compte nuisent à l'accompagnement des proches aidants.
Le cadre d'une proposition de loi ne permet pas d'aborder toutes les questions, et celle du baluchonnage mérite un autre débat que celui que nous avons aujourd'hui.
Ensuite, je ne suis pas certain que ce sujet fasse l'objet d'un large consensus. Pour ma part, je rejette la possibilité de déroger de manière aussi importante au droit du travail – il s'agirait, avec le relayage, de travailler six jours d'affilée.
J'ai tendance à penser que l'on peut répondre autrement au besoin de répit. Nous avons notamment besoin d'un grand plan de formation des aidants professionnels pour leur permettre de s'adapter à ces situations de relayage. Un certain nombre d'associations m'ont fait part des possibilités existantes.
Par ailleurs, le financement de ce dispositif pose question. Le rapport de Joëlle Huillier établit trois niveaux de coûts, pour seulement 24 heures de baluchonnage : 619 euros en mode d'exercice prestataire ; 312 euros en mode d'exercice mandataire ; 110 euros en mode d'exercice volontariat civique.
Il paraîtrait surprenant que l'on vote une telle disposition après avoir rejetée celle que je vous proposais.
L'amendement est retiré.
Article 4 : Étendre le dispositif de majoration des droits à la retraite prévu pour les proches aidants de personnes en situation de handicap aux proches aidants de personnes âgées dépendantes
La commission rejette l'article.
Après l'article 4
La commission est saisie de deux amendements identiques, AS4 de M. Paul Christophe et AS6 de M. Alain Ramadier.
Depuis plusieurs années, au sein des grandes entreprises notamment, des initiatives sont mises en place en faveur des salariés aidants. On constate cependant que la dynamique enclenchée est peu ou prou freinée par la question du financement et qu'elle reste cantonnée aux grandes entreprises.
Cet amendement vise à inciter et soutenir les entreprises, indépendamment de leur taille, à développer des dispositifs d'accompagnement de leurs salariés aidants par une déduction fiscale des dépenses engagées à ce titre.
Je répondrai avec beaucoup de considération, chers collègues, à ce qui est tout de même une provocation ! Si nous devons dépenser de l'argent en faveur des dispositifs liés à la perte d'autonomie et aux situations de handicap, il faut le cibler directement vers les personnes aidantes. Vous proposez de financer ce dispositif par un crédit d'impôt aux entreprises. J'ai tendance à considérer que l'on a beaucoup utilisé ce mode de financement dans le passé récent, avec des résultats discutables pour ce qui est des objectifs poursuivis, mais je n'entrerai pas dans ce débat.
Je préfère que l'on se penche sur la création de droits sociaux, dont l'effectivité sera davantage vérifiable.
La commission rejette les amendements.
Puis elle examine l'amendement AS3 de M. Paul Christophe.
Cet amendement vise à améliorer la réponse aux aidants souhaitant conserver leur activité professionnelle.
Dans l'intérêt du salarié comme dans celui de l'entreprise, il est préférable de privilégier une flexibilité des horaires de travail. Le code du travail prévoit la possibilité d'aménager les horaires de travail pour les aidants s'occupant de personnes en situation de handicap, ce qui est encore trop restrictif. Mon amendement vise donc à étendre cette disposition aux aidants s'occupant également de personnes en perte d'autonomie.
La commission rejette l'amendement.
Article 5 : Gage
La commission rejette l'article 5.
L'ensemble des articles de la proposition de loi ayant été rejetés, le texte est considéré comme rejeté par la commission.
Vous comprendrez que, après l'exercice auquel nous venons de nous livrer, et même si j'ai entendu les félicitations qui m'ont été sincèrement adressées par les uns et les autres, et leur préoccupation que je ne mets pas en cause pour agir en faveur des aidants, j'ai un sentiment de colère que j'exprimerai ici avec retenue car il me semble que nous pouvons encore nous reprendre, si je puis dire. Nous avons en effet encore la possibilité de nourrir un certain nombre de discussions et d'adopter des dispositions en séance publique. Aussi, je laisse pour l'instant ma colère au vestiaire, et j'ouvre la porte à des discussions que j'espère constructives.
Puis, la commission procède à l'examen de la proposition de loi de Mme Marie-George Buffet, Huguette Bello et plusieurs de leurs collègues visant à lutter contre la précarité professionnelle des femmes (n° 586) (Mme Huguette Bello, rapporteure).
Mes chers collègues, l'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mmes Marie-George Buffet et Huguette Bello et plusieurs de leurs collègues visant à lutter contre la précarité professionnelle des femmes.
Je vous remercie, madame la présidente, de nous accueillir dans votre commission.
Mes chers collègues, 216 ans : voilà le nombre d'années qui nous sépare de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, attendue à l'horizon 2234. Plus grave encore, selon les mêmes données du Forum économique mondial, la France occupe une consternante 129ème place mondiale sur 144 pays en matière d'égalité salariale.
Pourtant, l'objectif de réduction des inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes a été solennellement réaffirmé à maintes reprises depuis des décennies : pas moins de huit lois s'attaquant à ces inégalités se sont succédé en trente ans, depuis la loi Roudy de 1983.
Pourquoi alors la France, pays des droits de l'Homme, n'est-elle pas encore devenue le pays de l'égalité entre les femmes et les hommes ? Pourquoi les grandes réformes et déclarations au fil des législatures n'ont-elles pas remédié efficacement à ces inégalités devenues insupportables ? Ces questions pourraient décourager. Mais, comme elle n'est en rien une fatalité, cette situation vient au contraire renforcer notre détermination sans faille à corriger les inégalités qui marquent encore la moitié de l'humanité.
La proposition de loi que je présente aujourd'hui, au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, part d'un principe simple : les mots seront toujours trop faibles pour parler de l'inégalité entre les femmes et les hommes. Il faut donc agir concrètement en partant des situations de droit et de fait qui génèrent aujourd'hui le plus de précarité.
L'inégalité professionnelle est aujourd'hui protéiforme. Nous ne pouvons qu'être frappés de constater qu'une grande partie des inégalités professionnelles se forme avant même l'entrée sur le marché du travail, et lors des premiers mois d'activité. Ainsi, les femmes s'orientent encore majoritairement vers des filières moins rémunératrices malgré leurs meilleurs résultats scolaires. Mais même à filière égale, les femmes obtiennent des premières rémunérations inférieures dans le cadre de contrats instables et d'un accès réduit aux postes à responsabilités. Ces écarts ne cessent ensuite de se creuser tout au long de la carrière.
Le temps partiel en particulier reste l'un des principaux vecteurs de ces inégalités et génère une précarité intolérable chez les salariés qui n'ont pas d'autre choix que d'accepter ce type de contrat, souvent précaire. Le présent texte choisit donc délibérément de ne pas multiplier les points d'entrée : il apporte une réponse concrète à la question du temps de travail, devenue le point d'achoppement de l'égalité professionnelle. Aujourd'hui, le temps partiel concerne à 82 % des femmes. Loin de peser uniquement sur le salaire et le déroulement des carrières, il a des répercussions directes sur l'ensemble des droits sociaux et sur les conditions de travail des salariés. En matière de formation professionnelle par exemple, un contrat à temps partiel restreint l'accès à la formation, ne serait-ce que par l'abondement au prorata du compte personnel de formation, et lorsqu'une formation est suivie par une femme, il s'agit bien plus souvent d'adaptation au poste que d'acquisition de nouvelles qualifications.
En matière de retraite également, tout le monde le sait, la moindre cotisation des salariés à temps partiel pèse directement sur l'acquisition des droits sans que notre système de droits familiaux et conjugaux ne vienne compenser effectivement ces écarts. De nombreuses études ont par ailleurs démontré que les salariés à temps partiel ont des conditions de travail très dégradées, en raison des horaires atypiques et irréguliers qui leur sont imposés et qui vont souvent de pair avec une cadence de travail supérieure à celle demandée aux salariés à temps plein. Ce recours au temps partiel est d'autant plus préoccupant pour les femmes qu'il est croissant et subi. Croissant, car la part des femmes travaillant à temps partiel a doublé depuis les années 80 ; subi, car une proportion considérable de femmes déclarent occuper leur emploi à temps partiel faute d'avoir trouvé un emploi à temps plein, alors même qu'elles sont disponibles pour travailler à temps plein.
Les dernières réformes n'ont par la suite fait qu'aggraver cette situation qui reste le facteur d'une précarité sociale et financière pour les salariés concernés. Le contournement systématique des garanties apportées au temps partiel se constate à la fois par le droit et par les faits.
S'agissant du droit, le plancher de vingt-quatre heures dont nous allons sans doute beaucoup parler tout à l'heure, durée minimale de temps partiel hebdomadaire fixée en 2013 par les partenaires sociaux, a pris l'eau. La nouvelle hiérarchie des normes a consacré le renvoi de ce plancher à l'ordre supplétif, en faisant ainsi un principe par défaut. La possibilité pour l'accord d'entreprise de déroger à l'accord de branche en matière de garanties applicables au temps partiel se traduira par des protections encore plus inégales et aléatoires.
Plus grave encore, des évolutions législatives récentes sont venues banaliser des pratiques jusqu'alors assimilées par la Cour de cassation à de la fraude. Tel est le cas des compléments d'heures possibles dans le cadre d'un avenant individuel au contrat de travail. Jugée frauduleuse par le juge, cette pratique a été légalisée par la suite, bien qu'elle constitue un contournement clair de la durée inscrite dans le contrat.
S'agissant des faits ensuite, le bilan de la négociation collective dressé chaque année par le ministère du travail fait état d'un contournement systématique du socle minimal de vingt-quatre heures, seule une branche ayant choisi de ne pas l'abaisser. Chaque année, les publications de la Direction générale du travail montrent ainsi le nombre croissant de branches dérogeant au socle des vingt-quatre heures dans des proportions insoutenables. Exemple paradigmatique, la branche des acteurs du lien social et familial permet la conclusion de contrats à temps partiel pour une durée d'une heure hebdomadaire seulement. Par ailleurs, six branches autorisent aujourd'hui des contrats d'une durée minimale de deux heures.
Les garanties que le législateur avait souhaité apporter au temps partiel semblent donc largement dévoyées, au point que le recours à ces contrats constitue aujourd'hui dans de nombreux cas ce que l'on appelle une discrimination indirecte. Les auditions que j'ai menées dans le cadre de la présente proposition de loi ont permis de faire émerger ce concept qui se définit comme la mise en oeuvre d'une norme ou d'une pratique qui peut apparaître neutre pour l'entreprise mais qui aura en réalité un impact discriminatoire.
Nous constatons aujourd'hui que le code du travail produit de la discrimination indirecte à l'encontre des salariés à temps partiel en général, et des femmes en particulier. Cela place la France dans une situation clairement contraire au droit de l'Union européenne. Je présenterai donc un amendement visant à inscrire dans le code du travail ce principe d'illégalité des discriminations indirectes qui trouvera particulièrement à s'appliquer dans le cadre du temps partiel.
Le dévoiement du temps partiel laisse émerger un second constat tout aussi dramatique : l'autorégulation du recours au temps partiel par les partenaires sociaux s'est faite au détriment des femmes. Qu'il s'agisse de la fixation d'un socle minimal ou de la majoration des compléments d'heures, la négociation de branche n'a pas offert aux salariés les plus précaires des garanties pourtant largement reconnues comme indispensables.
Comprenons-nous bien : l'enjeu n'est pas de revenir ici sur la confiance faite à la négociation collective, qui reste bien sûr fondamentale pour prendre en compte les réalités économiques et sociales d'un secteur. Il s'agit uniquement de restaurer des filets de sécurité lorsque les protections apportées aux salariés à temps partiel s'effondrent. Seules des garanties effectives permettront d'apporter une réponse adaptée à la précarité des petits temps partiels encore largement subis.
Pour y répondre, quatre propositions concrètes sont formulées dans cette proposition de loi. Il s'agit de quitter les déclarations de principe ou les batteries de mesures législatives et réglementaires qui ne s'appliquent pas. Dans l'attente d'un plan d'action, annoncé par le Gouvernement, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir, il faut marquer dès aujourd'hui notre engagement le plus complet à lutter contre la précarité professionnelle des femmes.
Quatre leviers sont actionnés dans le cadre des contrats à temps partiel.
Le premier volet de la proposition vise non pas à pénaliser mais à dissuader les entreprises de recourir de manière structurelle au travail à temps partiel, comme c'est devenu le cas dans certains secteurs d'activité, par exemple dans les entreprises de propreté et la grande distribution. C'est ainsi que l'article 1er propose de diminuer de 20 % le montant de la réduction de cotisations sur les bas salaires prévue par le code de la sécurité sociale.
Le deuxième volet de la proposition vise à refaire du socle minimal de vingt-quatre heures hebdomadaires le principe du temps partiel, sans revenir sur la possibilité accordée à la négociation de branche d'y déroger. L'article 2 prévoit ainsi la majoration des heures effectuées lorsque la durée de travail à temps partiel est inférieure au plancher de vingt-quatre heures.
Le troisième volet de la proposition s'attaque aux discriminations indirectes que constituent la faible majoration des heures complémentaires et l'absence de majoration systématique des compléments d'heures prévus par avenant.
L'article 3 propose de revaloriser de 10 à 25 % le taux de majoration minimum de chaque heure complémentaire effectuée par un salarié à temps partiel dès la première heure, tout en rendant obligatoire le principe d'une majoration des heures effectuées par un salarié à temps partiel dans le cadre d'un avenant à son contrat de travail.
Le quatrième et dernier volet de la proposition tire directement les conséquences de la précarité particulièrement forte subie par les salariés exerçant leur temps partiel dans le cadre d'un contrat à durée déterminée. Pour ce faire, l'article 4 prévoit de doubler le montant de la prime de précarité versée aux salariés à l'issue de son contrat à durée déterminée (CDD) lorsque ce dernier est à temps partiel.
En conclusion, mes chers collègues, je vous invite à soutenir la lutte contre la précarité professionnelle des femmes en votant ce texte. Je renouvellerai évidemment cette invitation à agir concrètement contre les inégalités entre les femmes et les hommes à l'occasion de l'examen de ce texte le 8 mars, journée internationale des femmes. Vous le savez, nous croisons tous les jours dans les couloirs de l'Assemblée des personnes qui travaillent dix-neuf heures, quinze heures. Ce sont des personnes, pas des ombres. Voilà pourquoi nous devons légiférer, nous devons nous occuper de ce bataillon de femmes qui occupent 82 % des emplois à temps partiel.
Madame la rapporteure, nous partageons tous le constat des problématiques que vous avez exposées. Cependant, la méthode et les solutions proposées sont discutables. Il y a d'une part la problématique des inégalités professionnelles entre femmes et hommes, et d'autre part celle de la précarité professionnelle.
Le temps partiel subi est une illustration du travail précaire. Plusieurs réformes sont d'ailleurs venues encadrer l'emploi à temps partiel. Toutefois, le tour de vis supplémentaire que vous proposez menace de rompre l'équilibre entre l'embauche effective et la protection de l'emploi. Vos mesures contraignantes qui visent à inciter les employeurs à renoncer à l'emploi à temps partiel en pesant notamment sur la compétitivité risquent ainsi de détruire l'emploi plutôt que d'en créer.
Plus encore, votre proposition va à l'encontre même de l'objectif recherché d'égalité femmes-hommes. Tous les temps partiels ne sont pas subis, certains sont synonymes de progrès social et permettent de concilier vie professionnelle et vie personnelle. D'autres encore sont inhérents à la nature de l'activité professionnelle elle-même. Le dialogue social permet aujourd'hui et permettra davantage demain aux branches, grâce aux ordonnances, de trouver des solutions adaptées. En cela, nous devons continuer le travail de réformes que nous avons entrepris avec le Gouvernement.
Le projet de loi de lutte contre les violences faites aux femmes contribuera à faire évoluer les mentalités sur l'égalité des sexes. La ministre du travail va très prochainement annoncer un plan de lutte contre les inégalités salariales pour résorber cet écart de 9 % à poste équivalent que rien ne justifie.
Les partenaires sociaux travaillent également à définir la formation professionnelle de demain car la compétence est la seule protection efficace.
Enfin, la réforme de l'assurance chômage permettra de responsabiliser les entreprises quant à la pérennité et à la stabilité de l'emploi.
En conclusion, si vous soulevez des problématiques partagées unanimement, qui constituent des enjeux majeurs et urgents, les mesures que vous proposez nous semblent inadaptées et potentiellement contre-productives.
Agir sans relâche en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est une nécessité. Or cette question, force est de le reconnaître et de le déplorer, n'est toujours pas réglée, en dépit d'une surproduction législative depuis quelques années.
Nous comprenons votre démarche législative qui vise à la rendre plus protectrice pour les salariés, parce que le temps partiel subi est une réalité et qu'il concerne un public de femmes peu qualifiées, ce dont on ne peut se satisfaire, parce que la promesse faite par nos collègues socialistes au cours du précédent quinquennat pour protéger ce public est un échec. Le seuil minimal des vingt-quatre heures est en effet inappliqué et inapplicable, et les négociations de branche en sont l'illustration la plus éclatante.
Nous savons que la manière forte, si vous me permettez l'expression, a fait ses preuves. Nous n'avons pas hésité à introduire des sanctions dans la loi Woerth pour encourager la négociation collective ou l'absence de plan d'action. Nous n'avons pas hésité à instaurer des obligations fortes dans la loi Copé-Zimmermann qui porte aujourd'hui ses fruits. C'est pourquoi votre logique est parfaitement recevable. En revanche, nous avons un doute sur son efficacité. Vous touchez effectivement à la compétitivité des entreprises, ce qui risque d'entraîner la disparition d'une partie des emplois, alors qu'il s'agit d'emplois du secteur tertiaire non délocalisables.
Par ailleurs, même si le temps partiel subi est une réalité, il est difficile de mettre tous les emplois partiels dans le même sac. Combattre le temps partiel en augmentant le coût du travail me semble risqué parce que pour protéger ces femmes, il faut aussi protéger leurs emplois et éviter d'encourager le travail au noir, notamment dans le secteur des services à la personne, et parce que la négociation de branche sur la durée minimale traduit aussi une réalité organisationnelle de certains secteurs.
L'économie n'est pas une matière administrée ; elle répond à des impératifs que la loi ne peut encadrer. C'est pourquoi nous pensons qu'il faut réfléchir à la question autrement. Plutôt que de sanctionner, il faut accompagner, redonner du pouvoir d'achat via l'exonération fiscale et sociale des heures complémentaires et permettre aux entreprises d'être compétitives, ce qui est de la responsabilité des partenaires sociaux et du législateur. Les orientations retenues dans le futur projet de loi sur la formation professionnelle seront déterminantes à cet égard.
La proposition de loi du groupe GDR prend appui sur le fait que le temps partiel est le plus souvent un temps de travail subi, assorti d'une rémunération réduite et donc insuffisante pour faire face aux charges du quotidien. Elle trouve aussi sa justification dans le fait que ce temps de travail partiel subi concerne le plus souvent des femmes.
La réalité des chiffres vient confirmer ces éléments de contexte puisque, sur 4,6 millions de personnes salariées à temps partiel, 3,7 millions sont des femmes ; 31 % des femmes salariées sont à temps partiel, contre seulement 7 % des hommes ; et deux tiers des travailleurs pauvres sont des femmes.
Certes, la société a bien évolué depuis plusieurs décennies. Le développement de l'offre de garde, la contraception, l'amélioration du niveau de scolarisation des filles ont permis aux femmes de prendre progressivement toute leur part dans la vie professionnelle. Toutefois, elles restent encore très largement contributrices des tâches ménagères et en première ligne de l'éducation des enfants, et se retrouvent le plus souvent dans des métiers peu prisés par les hommes, dans des secteurs d'activité moins bien rémunérés.
La proposition de loi entend décourager le recours au temps partiel en rendant son coût moins attractif, jugeant par la même occasion que les employeurs recourront davantage au temps plein. Le risque est que les employeurs fassent le choix d'embaucher autrement, en privilégiant l'intérim au contrat à durée indéterminée (CDI), voire la non-embauche plutôt que l'embauche à temps plein escomptée. Les mesures inscrites dans cette proposition peuvent donc s'avérer contre-productives.
Le Gouvernement a fait de l'égalité entre les femmes et les hommes un objectif prioritaire du quinquennat. L'inégalité salariale est en partie liée aux emplois à temps partiel, mais c'est un ensemble de mesures qui permettront de réduire le travail précaire, dont des observatoires des inégalités, des guides de bonnes pratiques à l'usage des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises (TPE-PME), la lutte contre les stéréotypes et l'accès à la formation. Lutter contre le travail précaire est aussi un moyen de réduire les risques psychosociaux qui pèsent sur les femmes, lesquelles en se sentant moins valorisées sont aussi plus vulnérables.
Toutes les discussions que nous pourrons avoir ensemble susceptibles de faire avancer la situation sont bienvenues. Toutefois, la présente proposition de loi ne nous paraît pas être de nature à produire les effets bénéfiques souhaités. Nous ne pourrons donc pas la voter.
La présente proposition de loi vise à corriger les inégalités professionnelles que subissent les femmes encore à ce jour. Les femmes sont celles qui sont le plus embauchées en temps partiel, parce qu'elles veulent ou doivent concilier vie professionnelle et vie familiale. Cela est dû également à une ancienne politique sur le congé parental qui favorisait davantage le temps partiel.
Pour les moins diplômées, le temps partiel a tendance à s'inscrire de façon durable dans le parcours professionnel. De ce fait, elles connaissent plus facilement des périodes d'inactivité ainsi que des conditions de travail plus compliquées et précaires. Je tiens ici à souligner la situation des territoires ultramarins marquée par des taux de chômage nettement plus élevés que dans l'Hexagone, avec un nombre particulièrement important de chômeuses de longue durée en Guyane, Guadeloupe, Martinique et Polynésie française. Il est donc urgent d'agir.
Je vous remercie d'avoir pris l'initiative de vous pencher sur les conditions professionnelles des femmes en luttant contre les inégalités salariales et la précarité que malheureusement beaucoup d'entre elles subissent. Pour autant, nous sommes réservés sur le dispositif que vous proposez, qui risque d'avoir l'effet inverse de celui recherché. Sanctionner financièrement les entreprises qui embauchent à temps partiel pour les inciter à embaucher à temps plein aurait pour conséquence d'augmenter le coût du travail, en particulier pour les PME. Pénaliser les entreprises embauchant une personne à temps partiel ne constitue donc pas une réponse adaptée, d'autant qu'il peut s'agit d'un temps partiel choisi. Cette mesure risquerait par ailleurs d'avoir des effets négatifs sur le niveau de l'emploi de l'ensemble des actifs.
Aux côtés de politiques publiques ambitieuses de développement des dispositifs de garde d'enfants et de congés parentaux, il est nécessaire de sensibiliser les entreprises elles-mêmes à ces enjeux, afin d'encourager la mise en place de services de garde d'enfants et de formules d'aménagement du temps de travail. En conséquence, le groupe UDI, Agir et Indépendants s'abstiendra sur cette proposition de loi.
Je tiens tout d'abord à saluer le travail réalisé par ma collègue Huguette Bello, dont l'engagement constant dans la lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes éclaire et honore tout un parcours politique.
J'insisterai sur certains points que Mme la rapporteure a déjà livrés à notre réflexion, tant dans l'exposé des motifs de cette proposition de loi que dans le rapport qui complète ce travail.
En quarante ans, la France a voté huit lois relatives à l'égalité entre les femmes et les hommes. Partant de ce constat, certains nous diront que tout va bien et que l'égalité est en marche. Et pourtant, les faits sont têtus. Aujourd'hui encore, les femmes restent très loin des conditions matérielles d'existence des hommes. Par exemple, alors qu'elles représentent 48 % de la population active, les femmes occupent 82 % des emplois à temps partiel.
Par ailleurs, il est toujours bon de rappeler qu'à emploi égal et qualification égale, une femme gagne 10 % de moins qu'un homme. Au regard de cette situation qui nous place, comme l'a dit Mme la rapporteure, au 129ème rang mondial sur 144 pays en matière d'égalité salariale, il est plus que nécessaire que nous prenions des mesures fortes et concrètes.
Les dispositions contraignantes proposées dans ce texte semblent aller dans le bon sens. Ce texte étant cohérent avec les propositions de La France insoumise, nous le voterons avec plaisir.
Je tiens à saluer l'initiative de nos collègues, notamment de Mme Huguette Bello qui propose de renforcer les dispositifs de lutte contre la précarité au travail, non seulement pour les femmes trop souvent touchées par le temps partiel subi ou les contrats courts, mais aussi pour l'ensemble des salariés.
Au vu des caractéristiques du marché du travail ultramarin que vous connaissez tous, vous comprendrez la résonance que ce texte peut avoir chez nous. Il fait par ailleurs écho aux mesures fortes prises lors du précédent quinquennat en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, et pour revaloriser la valeur travail et renforcer la sécurisation des salariés.
À l'heure où le Gouvernement a engagé une vaste libéralisation du marché du travail au détriment des droits des salariés, l'adoption de ce texte ne peut être que salutaire. Et même si je ne doute pas que le débat démocratique sera une nouvelle fois tronqué en séance publique par la majorité, il est utile que notre commission se prononce sur ces propositions.
Sur le recours abusif au temps partiel qui revêt un caractère structurel dans certaines branches, nous sommes naturellement favorables à un alourdissement des pénalités infligées aux entreprises, comme le prévoit l'article 1er. Et si cette proposition de loi n'arrive malheureusement pas à son terme, madame la présidente, nous aurions souhaité que notre commission mette en place une mission flash afin de disposer de données précises sur le sujet et ainsi bien légiférer.
Alors que les contrats zéro heure séduisent une grande partie de l'Europe, nous sommes favorables à un encadrement de la durée minimale du travail. C'est la raison pour laquelle nous serons également pour la majoration des heures pour les contrats de moins d'un jour par semaine, comme le prévoient les articles 2 et 3.
Enfin, nous sommes extrêmement favorables à l'article 4 qui prévoit la majoration de 20 % de la prime de précarité pour les CDD à temps partiel, d'autant que la négociation en cours entre les partenaires sociaux sur l'assurance chômage bute justement sur la taxation des contrats courts. L'adoption d'une telle mesure serait un signal fort envoyé par notre assemblée aux syndicats de salariés dans la bataille engagée avec le patronat. C'est pourquoi le groupe Nouvelle Gauche votera cette proposition de loi.
Je voudrais à mon tour saluer le travail accompli par Huguette Bello. Vous ne serez pas surpris que je soutienne cette proposition de loi.
Aujourd'hui encore, l'écart salarial entre les femmes et les hommes et de 25,7 % tous contrats confondus. Pour les seuls emplois à temps plein, ce taux est de 16 %. La France est au 129ème rang mondial sur 144 pays en matière d'égalité salariale, selon le rapport du Forum économique mondial, ce qui est évidemment intolérable.
Nous voyons bien que nous ne pouvons déléguer la politique publique en la matière au bon vouloir des entreprises. Il faut donc plus que jamais agir sur ces temps partiels subis qui sont nombreux. En France, un tiers des femmes déclarent subir leur temps partiel, 10 % d'entre elles étant en situation de précarité professionnelle.
Pour tendre vers l'égalité salariale, il faut combattre ce temps partiel subi. C'est pourquoi nous avons proposé d'instaurer des dispositifs pour lutter contre le recours excessif au temps partiel. Parfois, il est éloquent et nous avons les moyens de le limiter en garantissant le seuil minimal de vingt-quatre heures hebdomadaires travaillées, et d'améliorer la rémunération des personnes en temps partiel en majorant les heures complémentaires et la prime de précarité pour inciter à la création de véritables emplois stables.
Ainsi, nous voyons bien que la grande distribution recourt massivement au temps partiel et que les mesures incitatives prises jusqu'à présent ont produit des effets plus que douteux sur la politique salariale et la politique d'emploi menées dans ce secteur, comme en témoigne l'actualité. S'en remettre au bon vouloir des entreprises, à l'autorégulation, n'est pas suffisant pour redresser la situation et permettre à notre pays d'occuper un meilleur rang dans le classement que j'ai évoqué. De fait, 60 % des entreprises soumises à l'obligation de négocier n'ont ni accord ni plan d'action en matière d'égalité professionnelle.
Cette proposition de loi est un texte de bon sens, qui luttera efficacement contre la précarité professionnelle des femmes et sera même bénéfique pour les finances publiques, puisqu'il contribuera à faire rentrer davantage de cotisations dans les caisses. Pour ces différentes raisons, le groupe GDR vous invite à voter ce texte.
Tout d'abord, je remercie notre collègue Huguette Bello pour cette proposition de loi qui a le mérite de soulever la question des travailleurs pauvres, dont l'immense majorité est composée de femmes. Malgré les avancées du quinquennat précédent – je pense en particulier à la loi de 2014 pour l'égalité réelle entre les hommes et les femmes –, ces dernières forment la majorité des personnes en situation de précarité. Du reste, ce sont également les femmes qui interviennent auprès des personnes âgées et handicapées, souvent dans le cadre d'un temps partiel.
Rappelons quelques chiffres : les femmes représentent 53 % des personnes pauvres, 70 % des travailleurs pauvres, elles occupent 82 % des emplois à temps partiel et représentent 85 % des chefs de famille monoparentale.
Il me paraît urgent de dresser un bilan quantitatif du temps partiel. Il est en effet indispensable que nous disposions de données fines pour améliorer le dispositif législatif. Je n'ose pas proposer la création, à cette fin, d'une mission flash puisque nous avons vu, avec la proposition de loi de M. Dharréville, quelles suites leur sont données…
L'égalité professionnelle et le renforcement des droits sociaux ont été déclarés grandes causes nationales. Je ne voudrais pas que les femmes soient oubliées, d'autant que, je le répète, ce sont elles qui, pour la plupart, interviennent auprès des personnes handicapées et âgées. Ces femmes invisibles rendent quotidiennement des services importants à la société.
En conclusion, ne pensez-vous pas, madame la rapporteure, qu'il faudrait mieux former aux enjeux de l'égalité professionnelle les acteurs des négociations de branche et des négociations professionnelles ?
Cette proposition de loi a le mérite de nous permettre de nous pencher sur un problème, hélas ! récurrent, la précarité professionnelle des femmes, que les différentes lois qui se sont succédé, notamment celles de 2006 relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes et du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, ne sont pas parvenues à traiter efficacement.
Les auteurs de la proposition de loi se focalisent sur ce qu'ils estiment être la cause principale de cette inégalité : le travail à temps partiel. Ils entendent donc empêcher les employeurs d'embaucher plus de 20 % de salariés à temps partiel, en réduisant le cas échéant les baisses de charges sur les bas salaires dont ils bénéficient. Toutefois, je m'interroge sur le plafond retenu. Ces 20 % correspondent-ils à une moyenne établie en prenant en compte l'ensemble des secteurs d'activité ? Si tel est le cas, il faut préciser que la part du recours au temps partiel varie selon le secteur considéré : elle est ainsi de 6 % dans l'industrie, alors qu'elle est de 46 % dans les activités de service. Il est donc à craindre qu'un plafond de 20 % soit inefficace dans les secteurs où le temps partiel représente moins de 20 % des emplois !
Par ailleurs, on ne peut nier que les femmes occupent 80 % des emplois à temps partiel. Mais de quel temps partiel parle-t-on ? Du temps partiel lors de l'entrée sur le marché de l'emploi, qui représente 16 % du total, du temps partiel tardif ou du temps partiel transitoire ? Le temps partiel n'est pas uniforme et recouvre des réalités différentes. On sait par ailleurs qu'il peut être choisi pour des raisons liées à des parcours et à des contextes familiaux spécifiques.
En outre, sur le plan de l'efficacité, il n'est pas interdit de penser que la menace financière aura un impact négatif sur les entreprises qui fonctionnent majoritairement avec des temps partiels, non par gaieté de coeur, mais pour tenter de subsister sur le marché dans un contexte économique tendu. La logique des sanctions doit inciter sans braquer. La stagnation de la situation salariale depuis l'entrée en vigueur des deux dernières lois incite à davantage de prudence, car elle montre la limite d'une approche purement répressive. Il me semble que l'incitation pourrait passer également par des impulsions volontaristes. En effet, 20 % des femmes déclarent vouloir monter leur entreprise ; il faut les y aider, en favorisant des modes de garde adaptés et en permettant de garantir leurs investissements.
Je veux tout d'abord saluer le travail de Mme Bello et la constance avec laquelle elle mène ce combat important.
Si, selon l'INSEE, la part des personnes à temps partiel qui souhaiteraient travailler davantage est plus élevée chez les hommes que chez les femmes, le nombre des personnes occupant un emploi à temps partiel subi est trois plus élevé chez les femmes que chez les hommes. Le sous-emploi frappe surtout les femmes peu qualifiées ; il est massif, quoique très probablement sous-évalué, et touche fréquemment les mères de famille monoparentale dont la situation financière est fragile.
De fait, pour assumer les charges qui leur incombent, les mères de famille monoparentale peu qualifiées sont bien souvent amenées à accepter des contrats de travail qui ne correspondent pas à leurs attentes. Or, le sous-emploi s'avère éprouvant non seulement pour ces femmes qui aimeraient travailler davantage, s'épanouir professionnellement et bénéficier de revenus plus confortables, mais aussi pour leurs enfants. Si l'on fixe le seuil de pauvreté à 50 % du revenu médian, les familles monoparentales pauvres représentent près de 1,2 million d'individus. Dans plus de 80 % des cas, il s'agit d'une mère et de ses enfants.
La lutte contre les formes atypiques et précaires de travail est donc un impératif, tant pour atteindre l'égalité entre les hommes et les femmes que pour assurer aux familles monoparentales une sortie durable de la pauvreté. Lutter contre la précarité professionnelle des femmes et des mères, c'est aussi empêcher la pauvreté de croître dans les années à venir. Aussi, je vous remercie, madame la rapporteure, d'avoir voulu apporter une réponse à ces mères de famille et à leurs enfants, qui vivent une situation violente.
Si les femmes représentent aujourd'hui environ 48 % de la population active, elles sont toujours aussi nombreuses à occuper des emplois précaires, puisqu'elles occupent 82 % des emplois à temps partiel et représentent deux tiers des travailleurs pauvres. En outre, à contrats, diplômes, expériences et responsabilités égaux, une femme gagne en moyenne 10 % de moins qu'un homme. Beaucoup de femmes ont connu des périodes de chômage – près de 26 % – et d'inactivité de longue durée, des carrières descendantes et des changements d'emploi. Dans ce groupe de salariés, 62 % sont des femmes.
Cependant, en limitant le recours au temps partiel, la proposition de loi qui nous est soumise accroîtrait ces inégalités et précariserait les femmes, car le temps partiel est souvent choisi et non subi. Du reste, la cause des inégalités professionnelles entre femmes et hommes ne réside pas uniquement, selon moi, dans la structure du marché de l'emploi. En effet, l'anthropologie sociale témoigne de la persistance d'une certaine domination masculine – pour citer Pierre Bourdieu – profondément ancrée dans le monde du travail. C'est pourquoi le groupe MODEM et apparentés ne votera pas cette proposition de loi.
Partageant entièrement l'avis de Claire Pitollat, qui s'est exprimée au nom de notre groupe, je ne reprendrai pas les arguments qu'elle a développés pour montrer que, si le constat qui est à l'origine de cette proposition de loi est incontestable, les solutions proposées seraient inefficaces, voire contre-productives. Je tiens simplement à souligner combien les deux propositions de loi du groupe GDR sont incohérentes, puisque la première vise notamment à faciliter le temps partiel choisi pour les aidants alors que la seconde tend à dissuader les employeurs de recourir au temps partiel.
Je vous remercie tous d'avoir enrichi le débat par vos contributions. Je salue la volonté du Gouvernement de faire de l'égalité hommes-femmes l'objectif prioritaire du quinquennat et le projet de Mme Pénicaud de combler, d'ici à 2021, l'écart salarial de 9 %, à poste égal, entre les femmes et les hommes. Toutefois, cet écart ne concerne qu'une catégorie de personnes ; si l'on prend en compte l'ensemble des salariés, il atteint 25,7 % ! J'ajoute que, si tous les temps partiels ne sont pas subis, ceux qui sont choisis sont bien souvent la conséquence d'inégalités entre les hommes et les femmes. Ces dernières représentent 70 % des travailleurs pauvres exerçant un emploi leur procurant un salaire inférieur à 964 euros ; elles ont des contrats plus précaires et, ce dès leur sortie de l'université.
On a dit que la proposition de loi détruirait l'emploi à temps partiel. Au contraire : ces emplois ne sont pas délocalisables. Elle vise seulement à dissuader les employeurs de recourir de manière abusive au temps partiel dans certains secteurs. Je veux également souligner que la durée minimale du travail à temps partiel ne s'applique pas aux étudiants ou aux particuliers employeurs, par exemple. Vous dites que nous voulons sanctionner les employeurs. Ce n'est pas le cas, nous voulons simplement adopter des mesures dissuasives.
Enfin, s'agissant des négociations sur la formation professionnelle, il faut, je crois, que le compte personnel de formation soit abondé à taux plein et non au prorata des heures de travail effectuées. À ce propos, vous savez que peu de salariés à temps partiel sont syndiqués : un salarié à temps plein a 1,4 fois plus de chance d'être syndiqué qu'un salarié à temps partiel.
Nous allons revenir sur ces différents points dans un instant, lors de l'examen des amendements. Ce texte vise à lutter contre l'exploitation des femmes ; il est juste, simple et attendu. Il doit donc être adopté.
La commission en vient à l'examen des amendements.
Avant l'article 1er
La commission examine l'amendement AS8 de la rapporteure.
Cet amendement vise à inscrire explicitement dans le code du travail les notions de discrimination directe et indirecte telles qu'elles ont été définies par la loi du 27 mai 2008. En effet, plusieurs dispositions du code du travail relatives au temps partiel représentent une discrimination indirecte, laquelle est causée par des « dispositions, des critères ou des pratiques neutres en apparence, mais susceptibles d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes ». En l'espèce, il s'agit d'une discrimination à l'égard des femmes. On peut citer, par exemple, le régime des heures complémentaires ou celui des compléments d'heure par avenant, une pratique qui a été légalisée par la loi de sécurisation de l'emploi de 2013 alors qu'elle était jusque-là considérée comme frauduleuse par la Cour de cassation.
Ces deux régimes constituent en effet des discriminations indirectes puisqu'elles conduisent à rémunérer les heures complémentaires effectuées par les salariés à temps partiel à un niveau inférieur à celui auquel sont rémunérées les heures supplémentaires effectuées par les salariés à temps plein. Au reste, la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne a déjà sanctionné de telles pratiques, qui reviennent à mieux rémunérer les salariés à temps plein que les salariés à temps partiel, lesquels sont essentiellement des femmes. À l'instar de ces deux régimes, de nombreuses discriminations à l'égard des femmes à temps partiel sont « indirectes » et donc « invisibles », mais elles sont explicitement prohibées par la loi depuis 2008. L'inscription dans le code du travail de la notion de discrimination indirecte permettrait donc de sensibiliser à la fois les employeurs et les salariés aux pratiques qui relèvent de la discrimination.
Nous soutenons tout particulièrement cet amendement, qui permettrait de consacrer, dans le code du travail, une définition claire des discriminations directes et indirectes. Cette définition devrait recueillir l'assentiment de nos collègues de la majorité, qui ne jurent que par l'Union européenne, puisqu'elle est issue de la loi du 27 mai 2008, qui transpose en droit français des dispositions du droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Aujourd'hui encore, il est très difficile de pouvoir lutter concrètement contre les situations de discrimination directe et indirecte au travail. Les victimes sont souvent mal informées de leurs droits, les interlocuteurs ne sont pas identifiés et les interprétations du droit actuel aboutissent parfois à d'étranges situations, comme celles dans lesquelles la victime démissionne alors que l'agresseur reste en poste.
Compte tenu de la proportion de femmes occupant des temps partiels subis, nous pouvons penser que cette statistique cache des cas de discrimination indirecte. Parce qu'il convient de mettre un terme à ce type de situations et de clarifier le droit du travail en matière de discrimination, nous pensons que cet amendement va dans le bon sens. C'est pourquoi le groupe de La France insoumise le votera.
La commission rejette l'amendement.
Article 1er : Diminution de la réduction sur les cotisations patronales en cas de recours excessif aux contrats à temps partiel
La commission rejette l'article 1er.
Article 2 : Majoration de la rémunération des heures effectuées pour un contrat à temps partiel inférieur à vingt-quatre heures hebdomadaires
La commission examine l'amendement AS7 de la rapporteure.
Cet amendement de cohérence rédactionnelle reprend la rédaction figurant dans le code du travail afin que la durée de référence puisse être exprimée en semaines, en mois ou l'équivalent défini par l'accord collectif.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS4 de Mme Nadia Ramassamy.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle rejette l'article 2.
Après l'article 2
La commission examine l'amendement AS1 de M. Alain Ramadier.
La présente proposition de loi tend à lutter contre la précarité professionnelle des femmes et, plus fondamentalement, à favoriser l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Il convient donc de partir de la réalité vécue par ces femmes. Or, comme l'a récemment déclaré Mme Lemière, professeure à l'université Paris-Descartes dans le journal Le Monde, « une femme sur deux réduit ou cesse son activité professionnelle à l'arrivée d'un enfant. Le congé de maternité se traduit en effet souvent par un point de rupture dans le déroulement de la carrière des femmes en termes d'évolution professionnelle, notamment en ce qui concerne les augmentations salariales. » Que la maternité puisse être vécue comme un coût douloureux montre l'échec de notre société à concilier épanouissement professionnel des femmes et vie de famille. C'est pourquoi, par cet amendement, je vous propose de demander au Gouvernement d'évaluer les dispositifs existants relatifs au rattrapage salarial des femmes après un congé de maternité, dispositifs qui ont été créés dans la loi du 23 mars 2006 mais dont les effets concrets ne peuvent être évalués, faute de données suffisantes.
Par cet amendement, vous demandez au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport évaluant les effets de la loi du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, notamment d'une disposition qui précise qu'au retour d'un congé de maternité ou d'adoption, la rémunération du salarié doit être majorée des augmentations générales et individuelles accordées par l'entreprise. Je ne peux que partager l'objectif sur le fond : trop de dispositions restent, hélas ! sans effets, faute de mesures d'application, d'appropriation ou d'évaluation.
Le dispositif soulève toutefois deux difficultés. D'une part, nous connaissons malheureusement le sort réservé aux rapports demandés au Gouvernement : ils n'ont d'effets que marginalement. D'autre part, l'amendement vise le seul article L. 1225-44 du code du travail, qui concerne le congé d'adoption et non le congé de maternité. La réécriture du code intervenue en 2008 a en effet considérablement modifié l'architecture de celui-ci, de sorte qu'il conviendrait de viser également l'article L. 1225-26 relatif au congé de maternité.
Je vous propose donc, mon cher collègue, de retirer votre amendement afin d'interroger directement le Gouvernement en séance publique sur l'application de cette mesure et, le cas échéant, de modifier votre rédaction.
L'amendement AS1 est retiré.
Article 3 : Revalorisation du taux de majoration des heures complémentaires et instauration d'une majoration obligatoire des compléments d'heures
L'amendement AS5 de Mme Nadia Ramassamy est retiré.
La commission examine l'amendement AS6 de la rapporteure.
Il s'agit d'un amendement purement rédactionnel, qui vise à supprimer les mots : « au moins ». S'agissant de dispositions supplétives, le taux de 25 % doit en effet être fixe.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle rejette l'article 3 modifié.
Article 4 : Majoration de l'indemnité de fin de contrat à durée déterminée en cas de contrat à temps partiel
La commission rejette l'article 4.
Après l'article 4
La commission examine l'amendement AS9 de la rapporteure.
Le droit d'alerte sociale du comité social et économique (CSE) permet actuellement aux membres de ce comité, lorsqu'ils ont connaissance d'un recours abusif aux contrats de travail précaires – CDD, contrats conclus avec une entreprise de portage salarial ou travail temporaire – ou lorsqu'ils constatent un accroissement important du nombre de salariés titulaires de CDD et de contrats de mission, de demander l'inscription de plein droit de cette question à la prochaine réunion du comité social et économique ou de saisir l'inspection du travail. Le présent amendement vise à étendre ce droit d'alerte aux contrats de travail à temps partiel afin que les représentants du personnel puissent en user lorsque le recours à ce type de contrats est excessif.
Compte tenu de la régression qu'a constituée la « fusion-disparition », dans les ordonnances Macron, des instances représentatives du personnel au profit du CSE, nous ne pouvons voir que d'un bon oeil les propositions qui visent à étendre ses missions et son périmètre d'action. Que le CSE puisse exercer son droit d'alerte en cas de recours abusif aux contrats à temps partiel est une proposition de bon sens.
Il conviendrait, madame la rapporteure, que vous précisiez votre amendement. Je m'explique. Il faut distinguer deux types de temps partiel : le temps partiel choisi, agréé par le salarié en raison de contraintes qui lui sont propres – et, dans ce cas, il ne nous paraît pas judicieux d'alourdir la procédure en étendant le droit d'alerte du CSE à ce type de situations –, et le temps partiel davantage contraint, qui pourrait en effet justifier l'exercice par le CSE de son droit d'alerte. Telle est la proposition de modification que nous vous soumettons en vue de la discussion en séance publique, modification qui pourrait nous conduire à voter votre amendement.
En l'état, nous sommes contre l'amendement, car il ne distingue pas entre le temps partiel voulu et le temps partiel subi, et cet amalgame pourrait nuire au temps partiel.
Je croyais que cet amendement était consensuel et qu'il était donc susceptible de recueillir un large assentiment. Je constate que tel n'est pas le cas. Le sujet mériterait pourtant que l'on fasse quelques efforts supplémentaires pour que des décisions soient prises. Je me permets donc d'insister pour que nos travaux sur cette question, qui sera examinée en séance publique à une date symbolique, le 8 mars, aboutissent à quelque chose.
Nous parlons ici d'un abus manifeste du recours au temps partiel, dont nous savons qu'il est caractérisé dans un certain nombre d'entreprises. Il est dommage que l'on ne permette pas aux syndicats d'intervenir dans ce domaine.
La commission rejette l'amendement.
L'ensemble des articles de la proposition de loi ayant été rejetés, le texte est considéré comme rejeté par la commission.
La marche des femmes vers l'égalité est longue, et je regrette qu'aujourd'hui, elle doive marquer le pas. Depuis plusieurs années, beaucoup de travail a été fait dans ce domaine. De grandes conférences mondiales ont été consacrées à la lutte les discriminations subies par les femmes, dont la dernière s'est déroulée à Pékin – et il me semble que la France a signé le texte qui en est issu. Je déplore que la majorité n'ait aucun argument à nous opposer sur le fond. Mesdames, messieurs, rien n'est pire que le silence sur un sujet aussi grave que celui-ci. Nous ne sommes pas près de parvenir à l'égalité entre les femmes et les hommes dans le pays d'Olympe de Gouges !
Information relative à la Commission
La Commission a désigné Mme Fiona Lazaar, rapporteure pour avis sur le titre III du projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif.
La séance est levée à douze heures cinq.
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Présences en réunion
Réunion du mercredi 21 février 2018 à 9 heures 30
Présents. – Mme Delphine Bagarry, Mme Ericka Bareigts, M. Belkhir Belhaddad, Mme Huguette Bello, Mme Justine Benin, Mme Gisèle Biémouret, M. Julien Borowczyk, Mme Brigitte Bourguignon, Mme Blandine Brocard, M. Sébastien Chenu, M. Gérard Cherpion, M. Guillaume Chiche, M. Paul Christophe, Mme Christine Cloarec, Mme Josiane Corneloup, M. Dominique Da Silva, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, Mme Jeanine Dubié, Mme Audrey Dufeu Schubert, Mme Nathalie Elimas, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Patricia Gallerneau, Mme Florence Granjus, M. Jean-Carles Grelier, Mme Claire Guion-Firmin, M. Brahim Hammouche, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, Mme Fiona Lazaar, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Charlotte Lecocq, Mme Geneviève Levy, M. Gilles Lurton, M. Sylvain Maillard, M. Thomas Mesnier, M. Bernard Perrut, Mme Valérie Petit, Mme Michèle Peyron, M. Laurent Pietraszewski, Mme Claire Pitollat, M. Adrien Quatennens, M. Alain Ramadier, Mme Nadia Ramassamy, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Mireille Robert, Mme Laëtitia Romeiro Dias, Mme Nicole Sanquer, M. Aurélien Taché, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Jean-Louis Touraine, Mme Élisabeth Toutut-Picard, Mme Hélène Vainqueur-Christophe, Mme Isabelle Valentin, M. Boris Vallaud, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Olivier Véran, Mme Annie Vidal, Mme Corinne Vignon, M. Stéphane Viry, Mme Martine Wonner
Assistaient également à la réunion. – M. Thibault Bazin, M. David Lorion, M. Jean-Philippe Nilor