Intervention de Yves Marignac

Réunion du jeudi 15 février 2018 à 9h00
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Yves Marignac, directeur de WISE-Paris :

S'agissant de la conception des piscines à combustibles, les éléments qui retiennent l'eau comme les toits sont vulnérables. Certains éléments de génie civil sont insuffisamment protecteurs face à d'éventuelles agressions sur les bâtiments et sur les piscines en tant que telles ; le toit pose également problème en raison de l'absence de bunkérisation des piscines, qui crée une lacune non seulement de protection face à un facteur externe mais aussi de confinement en cas de problème interne.

La chute du générateur de vapeur de Paluel-2 est un événement classé au niveau 0 sur l'échelle INES puisqu'il s'est produit lorsque le réacteur était déchargé et qu'il n'y avait donc pas de risque de relâchement de radioactivité. Cela illustre l'incapacité de cette échelle à traduire la gravité des événements. En effet, cet événement ne devait pas pouvoir se produire : dans les démonstrations de sûreté, il s'agissait d'un scénario relevant de l'exclusion, c'est-à-dire que la conception et la fabrication ont tenu compte du risque de sorte qu'aucune chute ne soit possible lors de la manutention de charges lourdes. Deuxième problème : cette chute a endommagé le génie civil dont la robustesse sera donc en question lors du redémarrage du réacteur. De mon point de vue, c'est donc un événement majeur qui en dit long non seulement sur le manque de maîtrise des industriels, mais aussi sur l'incertitude qui pèse sur le programme de grand carénage, puisque cette tranche était tête de série pour les opérations à trente ans sur les réacteurs de 1 300 mégawatts.

Ce problème est en lien avec la question des intérêts du privé et de sous-traitance, en lien avec le changement de statut d'EDF que j'évoquais. Les rapports de l'exploitant avec ses différents fournisseurs et sous-traitants ont évolué. Il me semble qu'ils se sont rapprochés des conditions classiques en vigueur dans le secteur privé, aux dépens de la sûreté – comme en attestent plusieurs cas concrets. C'est un problème réel qui participe de la crise systémique actuelle.

À votre question technique sur les piscines, monsieur Cellier, il ne peut pas être apporté de réponse simple justement parce qu'elle est technique : le « délai de grâce » avant d'arriver à un stade irréversible dépend fortement du temps passé depuis le déchargement des combustibles, puisque leur radioactivité et, donc, leur chaleur décroissent avec le temps, mais aussi de la nature des combustibles – le MOX étant beaucoup plus chaud, et donc beaucoup plus problématique. En clair, le délai dépend de la chaleur du combustible et de la taille de la brèche qui vide la piscine. Il existe certes un temps d'intervention, mais les conditions, très radioactives, sont extrêmement difficiles. Dans certains cas, il n'est pas possible d'intervenir et de rétablir la situation, notamment lors de certains actes de malveillance.

Quant à l'évolution des déclarations d'incidents, elle me semble liée tout à la fois à l'augmentation des contrôles, de la transparence et de l'information donnée, mais aussi à une dégradation qui donne lieu à une hausse du nombre de signalements.

J'en viens aux comparaisons internationales. En théorie, la France se trouve en tête de peloton sur la scène mondiale, et tire souvent vers le haut les exigences européennes et internationales. Nous venons cependant de passer une heure à constater que la pratique s'éloigne de plus en plus de la théorie.

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