La commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires a procédé à l'audition de M. Yves Marignac, directeur de Wise-Paris.
Mes chers collègues, je vous remercie de votre présence pour la première audition de cette commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires, dont la création a été décidée le 31 janvier et dont le bureau a été constitué le 8 février.
Nous accueillons ce matin M. Yves Marignac, directeur de WISE-Paris depuis 2003. WISE-Paris est une agence d'information et d'étude sur l'énergie créée en 1983 et basée à Paris. Elle a fourni à l'UNESCO, au Parlement européen, au CNRS ou encore au ministère français chargé de l'environnement, des rapports d'information où elle porte un regard critique sur l'énergie nucléaire.
Membre en 2012-2013 du secrétariat général du débat national sur la transition énergétique, Yves Marignac a été lauréat en 2012 du Nuclear-Free Future Award et est membre depuis 2014 des groupes permanents d'experts de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je dois vous demander, monsieur Marignac, de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
(M. Yves Marignac prête serment.)
Je vous donne à présent la parole pour un exposé liminaire d'une dizaine de minutes, avant les questions de notre rapporteure et des membres de la commission d'enquête.
Merci, monsieur le président, de cette introduction qui rend bien compte de mon implication, depuis une vingtaine d'années, sur ces questions en tant qu'expert non institutionnel. Nous sommes malheureusement trop peu nombreux à exercer cette fonction. Je salue la création de cette commission d'enquête, qui pointe un problème important et urgent, et je me réjouis que vous débutiez votre cycle d'auditions par des experts non institutionnels et des ONG.
Je vais essayer de planter le décor en montrant en quoi le problème de la sûreté et de la sécurité nucléaire est systémique. J'ai pris connaissance des questions que la commission m'a adressées et qui sont assez diverses ; j'y apporterai des réponses dans une contribution écrite qui complétera mon intervention d'aujourd'hui. J'ai choisi à ce stade de m'en tenir à l'approche systémique de la situation et, pour commencer, à préciser la nature des enjeux, en isolant les cinq facteurs principaux qui constituent la problématique.
Le premier est le potentiel de danger. Les matières nucléaires, radioactives, sont intrinsèquement dangereuses, et les concentrer dans des installations, les transporter est porteur de danger. À ce titre, le nombre et la nature des installations, l'inventaire des matières qu'elles contiennent, l'organisation de la filière nucléaire, créent un volume d'activité qui est en soi un potentiel de danger.
Le deuxième facteur, c'est l'ensemble des aléas qui peuvent menacer ces matières et transformer les dangers en risques et en scénarios accidentels. On en retient généralement trois catégories : les facteurs internes de dysfonctionnement, à l'intérieur des installations, les facteurs liés aux agressions externes d'origine naturelle ou accidentelle, et les agressions liées à la malveillance, terrorisme ou sabotage.
Le troisième facteur, ce sont les mesures de protection, en termes de conception et de règles d'exploitation.
Le quatrième, ce sont les pratiques de l'exploitant, premier responsable de la sûreté.
Le cinquième et dernier niveau, c'est tout ce qui relève de l'évaluation et du contrôle. Les pouvoirs publics, au premier rang desquels l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), pour l'évaluation, et l'ASN, pour le contrôle, ont la responsabilité de surveiller la manière dont l'exploitant met en pratique les exigences réglementaires.
Je pense que nous sommes aujourd'hui dans une crise systémique de la sûreté et de la sécurité nucléaires dans notre pays, à cause de différents facteurs conjugués.
Le premier, ce sont les choix industriels passés et présents : le surdimensionnement global du parc nucléaire, la taille des réacteurs, qui a augmenté avec le temps et qui pourrait continuer à augmenter compte tenu de ce qui est prévu avec l'EPR nouveau modèle, le choix d'une gestion du combustible par retraitement-recyclage qui se traduit par la concentration, sans égale sur le continent européen, de matière nucléaire à La Hague et par du transport de plutonium, notamment entre La Hague et Marcoule, une organisation industrielle qui conduit à l'accumulation de stocks de déchets et de matières dites valorisables, notamment soixante-trois tonnes de plutonium non irradié, une conception initiale des piscines d'entreposage du combustible qui n'a pas prêté suffisamment attention au potentiel de danger et rend ces piscines plus vulnérables que les réacteurs.
Le deuxième grand facteur est l'évolution des menaces ou aléas. Il s'agit à la fois d'une réévaluation des aléas qui existaient auparavant, séismes, inondations…, et de l'évolution des menaces. Je pense au terrorisme de l'après 11 septembre et aux nouvelles technologies, drones et autres. Vis-à-vis de cela, nous avons un problème fondamental d'obsolescence de nos installations, de leur conception et de l'organisation industrielle. Tout a été pensé avant Fukushima et l'on réfléchit aujourd'hui à traiter par l'aval, en renforçant les dispositions de secours, des problèmes qu'on ne peut traiter par l'amont du fait qu'on ne peut rendre intrinsèquement plus robustes les installations en termes de dimensionnement. Nous avons des illustrations de cette vulnérabilité autour de ce qui s'est passé au Tricastin, avec le problème de la digue, à Fessenheim, avec le canal, au Bugey, avec le barrage de Vouglans. De même, nos installations n'ont pas été conçues pour faire face à la chute d'un avion commercial ou aux autres formes de menace accessibles à des groupes malintentionnés : drones, armes lourdes disponibles sur le marché noir…
Le troisième facteur est l'état réel des installations, avec deux sujets. Le premier, ce sont les effets du vieillissement, à la fois les problèmes liés aux équipements non remplaçables, en particulier les cuves et les enceintes des réacteurs, qui réduisent inévitablement leurs marges de sûreté, et les problèmes liés au vieillissement diffus de milliers de kilomètres de câbles et de tuyauteries, en partie seulement surveillés. Ce phénomène d'érosion touche aussi les usines, on l'a vu avec les problèmes des évaporateurs de La Hague assez récemment. Le deuxième sujet est la conformité, c'est-à-dire l'état réel par rapport à l'état théorique, sur papier, des installations. Nous avons eu une première alerte majeure avec le dispositif de casse-siphons, indispensables pour éviter la vidange des piscines, à Cattenom, mais c'est un problème récurrent, et nous en avons rencontré d'autres encore en 2017 avec des groupes diesel de secours, qui ont montré qu'une quarantaine de nos réacteurs risquaient de tomber en panne de toute alimentation électrique ou capacité de refroidissement en cas de séisme important. Il se peut également, comme au Creusot, qu'avec le phénomène de fraude, des composants soient en service dans des installations et présentent des défauts importants, sans que l'on soit en mesure de le savoir.
Le quatrième niveau, ce sont les capacités de l'industrie nucléaire. Vous savez comme moi qu'elle est en difficulté financière ou en tout cas peine à faire face au chantier ambitieux qu'elle entend mener. On en a eu l'illustration avec les nombreux problèmes sur l'EPR de Flamanville, ainsi qu'avec la chute du générateur de vapeur, pendant son remplacement, à Paluel-2. Il existe une réelle interrogation sur la capacité des exploitants, de leurs fournisseurs et sous-traitants à mettre en oeuvre des chantiers ambitieux, et c'est une préoccupation, notamment en vue de l'opération dite de grand carénage.
Le cinquième et dernier niveau, aujourd'hui fondamental, et le plus nouveau, c'est le dysfonctionnement du système de gouvernance. Ce système repose sur trois principes : la responsabilité première de l'exploitant, qui suppose en réalité la qualité de ses actions en matière de sûreté et de sécurité, la confiance que doit pouvoir avoir le système dans la sincérité du travail des exploitants, et l'infaillibilité de l'évaluation et du contrôle. Avec la non-conformité, la non-qualité, voire les falsifications que j'ai évoquées, on voit bien que ces trois principes sont aujourd'hui remis en cause par les pratiques.
En outre, le système ne permet peut-être pas aujourd'hui à l'ASN de ramener l'exploitant dans le droit chemin. On l'a vu sur des sujets emblématiques comme la cuve de l'EPR, où, malgré de gros doutes, l'ASN n'a pu s'opposer à sa mise en place, ce qui a conduit à déroger au final aux exigences initiales. On le voit à nouveau dans le dossier du générateur de vapeur de Fessenheim 2, où, alors que l'ASN a pris une décision caractérisant une fraude, nous aurons à examiner la semaine prochaine en groupe permanent l'aptitude au service de ce générateur de vapeur, comme si la fraude ne pouvait être sanctionnée réglementairement.
Plus généralement, on constate une mise en oeuvre retardée et insuffisante de centaines, voire de milliers d'engagements pris par les exploitants dans leur dialogue avec l'IRSN et l'ASN. C'est là une partie cachée de l'iceberg ; ce n'est pas public, pas tracé, et il n'y a même pas de suivi de l'application de ces engagements, ce qui crée la possibilité des stratégies dilatoires que l'on voit de plus en plus à l'oeuvre par les exploitants.
En ce qui concerne la sécurité, deux problèmes majeurs doivent être soulignés. Le premier est l'utilisation extensive du secret pour ne pas assumer publiquement des failles. Une illustration, dont je pense que vous parlerez avec Yannick Rousselet de Greenpeace, en est le rapport auquel j'ai contribué, basé sur des informations publiques et que l'on doit pourtant considérer comme confidentiel. Le second sujet, c'est l'absence de responsabilité institutionnelle sur le durcissement des dispositifs de sûreté pour les rendre plus robustes à des actes de malveillance.
J'en ai fini avec le constat et terminerai par trois pistes. Il convient, tout d'abord, de réduire le potentiel de danger, ce qui veut dire déconcentrer les stocks, réduire les flux, peut-être interroger le principe même de la filière plutonium, travailler à des entreposages plus robustes, notamment l'entreposage à sec, plutôt qu'en piscine, des combustibles usés. Il convient ensuite de retrouver des marges de manoeuvre : ramener le parc à des proportions industriellement gérables et peut-être aussi prioriser, en lien avec la loi de transition énergétique, la fermeture des réacteurs. Il faut, enfin, rétablir la confiance dans le système de gouvernance, autour des enjeux de responsabilité, d'évaluation, de décision, ce qui signifie mettre en oeuvre réellement les principes d'accès à l'information et de participation, renforcer le pluralisme de l'expertise, notamment par des mécanismes de formation et de soutien à l'expertise non institutionnelle, et réduire la zone grise réglementaire dans laquelle évolue trop souvent, de manière non opposable, l'ASN.
Pouvez-vous expliquer, justement, parce que nos collègues ne sont pas tous spécialistes du sujet, pourquoi, alors que ce rapport, que les membres de la commission pourront consulter, est fondé uniquement sur des données publiques, nous est donné sous le sceau du secret ? Il me semble important que ce soit clair pour tout le monde.
Il est difficile d'en parler de manière détaillée dans une audition publique. Le groupe de sept experts, dont je faisais partie, auquel Greenpeace a commandé ce rapport a conduit une analyse de scénarios crédibles, réalistes d'actes de terrorisme qui pourraient créer, sur des piscines d'entreposage de combustible, des situations conduisant irréversiblement au dénoyage de la piscine et donc à l'emballement du combustible et, au bout du compte, à des relâchements très importants de radioactivité. C'est de nature à fournir des « recettes » relativement simples à des personnes mal intentionnées et c'est pourquoi non seulement Greenpeace, en accord avec les auteurs du rapport, mais aussi les autorités ont choisi de rendre ce rapport confidentiel.
Vous dites que l'ASN peut avoir du mal à effectuer ses contrôles. Quelque chose manque-t-il, en termes d'organisation ou de gouvernance ? Et comment pourrait-on faire en sorte que ces contrôles soient suivis d'effets ?
Question subsidiaire : pensez-vous qu'il serait intéressant que des compétences en matière de sécurité soient également attribuées à l'ASN ? Sûreté et sécurité commencent à se rapprocher. Pouvez-vous dire un mot de leur articulation ? Notre commission, par son intitulé, fait la différence entre les deux, mais est-ce encore justifié ?
Votre première question est très vaste car le sujet est diffus et passe par le dialogue entre l'exploitant et l'ASN, avec l'IRSN dans un rôle d'évaluateur. Ce fonctionnement reste en pratique celui qui a été mis en place dès le début du nucléaire, dans le contexte d'un intérêt commun des acteurs à travailler dans la même direction. On n'a pas pris la mesure, dans les années 2000, de la portée profonde des évolutions. L'entrée de l'actionnariat privé dans EDF a sorti cette société de son rôle de bras armé de la politique du nucléaire national, en y faisant entrer des intérêts privés de court terme qui ne sont pas forcément compatibles avec la priorité donnée en permanence à la sûreté. En même temps, on a fait de l'ASN une autorité indépendante, disjointe des services du Gouvernement. L'intérêt industriel et l'intérêt de la sûreté étant liés dans le système, on mesure, dans le contexte de crise où se trouve l'industrie aujourd'hui, la différenciation.
En pratique, quand l'ASN émet des préconisations aux exploitants, quand un dossier est instruit et passe devant les groupes permanents, la discussion technique se solde par des engagements pris par l'exploitant. Seuls les points les plus durs ou ceux sur lesquels le désaccord est le plus grand font l'objet de prescriptions rendues publiques. Tous ces engagements ne sont pas tracés publiquement et ce que l'on observe, c'est que, de plus en plus, les engagements ne sont pas tenus dans les délais et pas avec la qualité attendue, parfois de bonne foi mais parfois aussi en jouant de ce système.
L'ASN est relativement démunie vis-à-vis de cela. Il faut sans doute lui donner plus de moyens, mais j'évoquais aussi dans ma conclusion le problème de la zone grise, c'est-à-dire d'une réglementation insuffisamment précise sur laquelle l'ASN s'appuie pour prendre des décisions. Je prends pour exemple le remplacement des évaporateurs de produits de fission à La Hague. Leur corrosion implique de les remplacer à court terme. Areva, aujourd'hui Orano, a proposé un programme d'investissement pour les remplacer. Chacun de ces évaporateurs, s'il n'était pas dans La Hague, serait une installation nucléaire de base (INB) à lui tout seul, et il y en a six. L'ASN a jugé que ce n'était pas une modification suffisamment importante pour nécessiter une enquête publique. Je conteste sur le fond cette décision mais il n'y a pas vraiment de texte qui dise ce qu'est une modification suffisamment importante pour pouvoir débattre. L'ASN prend des décisions dans cette zone grise ; cela arrange en partie le système mais je pense que cela affaiblit énormément l'ASN et, à travers elle, l'ensemble du système.
Au-delà des dispositions de sécurité visant à détecter et intercepter des actes de malveillance, donc de la sécurité classique, rendre les systèmes passifs de sûreté, le génie civil, les systèmes de secours, plus robustes à des actes de malveillance n'est pas vraiment pris en charge institutionnellement, ni par l'ASN, qui n'en a pas la compétence, ni par les autorités compétentes. Je ne sais pas si l'ASN devrait avoir seule la compétence mais en tout cas la question ne peut être traitée sans qu'elle ait un mot à dire sur la question.
Vous avez évoqué une crise systémique liée à des décisions initiales qui se sont traduites par des cas de saturation de la concentration des combustibles usés et par l'absence d'anticipation de la question des piscines. Il faudra faire face à cette situation. À défaut de mesures de prévention, il faudra prendre des mesures de réaction ; vous envisagez notamment la décentralisation des stocks et la possibilité de stockage à sec. Qu'entendez-vous par là ?
La réduction du potentiel de danger soulève d'innombrables questions. L'une des plus cruciales tient en effet aux conditions dans lesquelles les entreposages de matière sont rendus robustes pour une durée suffisamment longue. S'agissant tout d'abord des déchets déjà destinés au projet Cigéo, qui ne verra pas le jour aussi vite qu'on le croit, il faut cesser de penser que leurs entreposages sont assez robustes alors que certains d'entre eux arrivent au terme de la durée d'exploitation initialement prévue, d'où des problèmes de vétusté et de sécurité. Se pose ensuite le problème des combustibles usés, qui s'accumulent : plus de 10 000 tonnes sont entreposées à La Hague, d'autres dans les centrales d'EDF. Tous ne sont pas retraités et, quoi qu'il arrive, une partie de ces combustibles ne le sera sans doute pas – je pense au MOX, en particulier. Il faut donc sécuriser ces entreposages pour des dizaines d'années, voire davantage ; selon l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (l'ANDRA), il faudra en effet quelque 150 ans avant de pouvoir entreposer le MOX usé dans un stockage géologique.
La solution actuelle est celle des piscines. Cette semaine se tient un débat sur un projet d'entreposage centralisé en piscine par EDF. Or, l'entreposage en piscine est intrinsèquement plus dangereux que l'entreposage à sec, lequel consiste à placer le combustible dans des châteaux par assemblages séparés. Chaque assemblée est donc mieux confinée et protégée et le risque en cascade – se répandant d'un assemblage à l'autre – n'existe pas comme dans une piscine en cas de dénoyage, même si le risque de dénoyage peut être fortement atténué. Quoi qu'il en soit, l'entreposage à sec me semble moins dangereux et peut être décentralisé. La construction d'une piscine d'entreposage centralisé, en revanche, est opposée à la recommandation que je formulais concernant le potentiel de danger. Avant qu'EDF fasse ces choix industriels, il est donc nécessaire d'avoir un véritable débat sur la stratégie de gestion et de maîtrise des risques.
Le changement du mode d'entreposage des déchets suppose certainement des investissements dont l'enjeu financier diffère selon l'option choisie, n'est-ce pas ?
La construction d'une piscine d'entreposage centralisé représentera un investissement conséquent. Le passage à un mode de stockage à sec, qu'il soit centralisé ou décentralisé sur les sites d'EDF, supposera également un investissement – même si je ne peux pas vous donner de chiffrage comparé. En tout état de cause, il faudra de l'argent pour rendre plus robustes l'ensemble des entreposages. La sûreté a un prix, surtout envisagée à long terme. À mon sens, des considérations financières ne devraient pas nous conduire à prendre des risques inconsidérés dans les entreposages à long terme.
L'IRSN s'est interrogé sur la sûreté de l'entreposage des déchets à très longue vie à Bure. Qu'en pensez-vous ?
Je suis étroitement le projet Cigéo depuis de nombreuses années. J'ai notamment participé aux réunions du groupe permanent Usines et déchets, qui a examiné le dossier d'options de sûreté de Cigéo, où les questions soulevées par l'IRSN ont été abordées. La plus importante d'entre elles a trait aux difficultés d'assurer la sûreté du stockage des déchets bitumés en l'état actuel de la conception de Cigéo. C'est l'illustration des problèmes de fuite en avant et d'absence de contrôles : de nombreux acteurs, en effet, savent depuis longtemps que les déchets bitumés posent problème, mais le processus s'est poursuivi jusqu'à l'étape du dossier d'options de sûreté avant que la question ne soit posée – et la responsabilité renvoyée aux deux acteurs concernés : l'ANDRA, chargé de la conception du stockage, et le CEA, qui détient l'essentiel de ces déchets bitumés à Marcoule.
La question qui se pose désormais est la suivante : faut-il faire évoluer la conception de Cigéo moyennant des coûts supplémentaires pour la rendre plus robuste et plus sûre concernant ces déchets, ou vaut-il mieux poursuivre une stratégie d'inertage de ces déchets en les conditionnant différemment ? C'est au Gouvernement d'arbitrer. Il est regrettable d'avoir attendu d'être où nous en sommes aujourd'hui pour que la question de cet arbitrage soit posée.
Avez-vous envisagé la question de la concentration des déchets, à Bure en l'occurrence, sous l'angle des risques liés à leur transport ?
Il peut être répondu à cette question à deux niveaux. Le premier a trait au besoin générique de transport. Certains choix industriels engendrent davantage de besoins de transport que d'autres et, à l'évidence, le choix de la filière plutonium implique la remobilisation et le déplacement multiple des mêmes matières, d'où un surcroît de transport par rapport au stockage direct.
De façon générale, ensuite, vaut-il mieux concentrer ou déconcentrer les transports, entreposages et stockages ? Cette question n'appelle aucune réponse absolue. C'est au cas par cas qu'il faut envisager les avantages et les inconvénients de chaque solution. La solution de la concentration a l'avantage de permettre plus aisément la maîtrise industrielle et la bonne gouvernance des entreposages et des stockages. L'hypothèse de l'entreposage à sec sur les sites des centrales, donc déconcentré, que j'évoquais, pourrait poser problème si les centrales étaient fermées. À l'inverse, plus le stockage est concentré et plus le potentiel de danger est élevé, et plus les conséquences d'un incident peuvent être catastrophiques. En règle générale, aucun acteur ne peut apporter seul une réponse à cette question stratégique en termes de risque et de répartition du risque sur le territoire au fil du temps, selon les options choisies ; quoi qu'il en soit, il faut pouvoir en débattre, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Selon vous, l'entreposage à sec est plus sûr et moins dangereux que l'entreposage en piscine. Sur quoi vous appuyez-vous pour l'affirmer ?
Le regroupement de combustibles usés dans une piscine présente un risque, multiplié par la possibilité d'actes de malveillance, que la piscine perde son eau. Dans ce cas, le risque existe que le combustible, sous sa propre chaleur ou via un apport de chaleur supplémentaire dû à un accident ou à une agression, ne soit plus refroidi et s'échauffe, voire brûle au niveau des gaines, et relâche du même coup sa radioactivité. Le problème est d'autant plus grave que les piscines actuelles n'ont pas d'enceinte de confinement susceptible de maîtriser la radioactivité relâchée. Il existe donc un risque intrinsèque important.
Selon la formule de l'entreposage à sec dans des châteaux de combustibles, chaque assemblage est entreposé dans un château qui assure à la fois une forme de confinement et une protection contre les agressions, quelles qu'elles soient – d'où une meilleure sûreté pour chaque assemblage. C'est aussi plus sûr en général puisque même si les choses se passent mal dans un château ou dans les assemblages qu'il contient, il ne se produira pas d'effet en cascade sur tous les assemblages qui seraient regroupés dans une piscine, par exemple.
À La Hague, environ dix mille tonnes de combustibles usés sont officiellement stockées en attente de retraitement, dont une partie, le MOX, ne fait pas l'objet d'un programme de retraitement.
Aujourd'hui, tout le combustible usé est entreposé soit dans les piscines de désactivation de chacun des 58 réacteurs, soit dans les piscines de La Hague – à une exception près, celle du combustible de Superphénix, qui est entreposé dans la piscine de Creys-Malville. Aucun combustible n'est donc entreposé à sec en France. En revanche, il existe des formes d'entreposage à sec des déchets vitrifiés, comme à La Hague. Ce n'est pas le même concept que celui qui pourrait être utilisé pour les combustibles, mais c'est tout de même un concept d'entreposage intrinsèquement plus robuste que l'entreposage en piscine.
Quel est précisément le rôle de l'ASN ? Si je vous comprends bien, elle ne serait pas toujours objective et n'aurait pas forcément les moyens d'imposer des contraintes à EDF – ce qui m'étonne, puisque chaque redémarrage est soumis à l'autorisation de l'ASN. En outre, l'ASN a imposé la fermeture de Tricastin en raison de la digue.
Quant aux piscines, vous dites qu'elles ne sont pas robustes et qu'il pourrait se produire un dénoyage des éléments du combustible. À quel point ne sont-elles pas robustes, sachant que même à Fukushima, les éléments n'ont pas été dénoyés ? Qu'est-ce qui vous fait donc prédire un tel dénoyage ?
S'agissant du Creusot, enfin, vous laissez sous-entendre que certaines des pièces de nos centrales nucléaires n'auraient pas été revérifiées. Il me semblait pourtant que l'ASN avait dressé une liste de composants à vérifier, en évoquant même l'arrêt de certains réacteurs comme Fessenheim. Qu'est-ce qui vous fait donc dire qu'il se trouverait encore sur place des éléments qui n'auraient pas été contrôlés ?
Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, en l'occurrence que l'ASN n'est pas objective. Je ne sais d'ailleurs guère ce que signifie la notion d'objectivité dans ce domaine, puisque les experts de l'ASN, comme d'autres, donnent des avis et l'ASN prend des positions. De façon générale, je préfère la notion de réfutabilité à celle d'objectivité. La zone grise, par exemple, présente un défaut de réfutabilité par rapport à un référentiel. Sur certains sujets, l'ASN produit un avis en toute honnêteté, certes, mais en s'appuyant sur un référentiel qui n'est pas assez établi pour que l'avis en question soit opposable. Or, il est indispensable que les décisions d'une autorité indépendante soient réellement opposables.
D'autre part, l'ASN n'est pas infaillible – personne ne l'est. De ce fait, l'existence d'une force de rappel dans les cas où l'ASN faillit est importante. Encore une fois, l'environnement réglementaire dans lequel l'Autorité évolue, les pratiques auxquelles elle est confrontée et la modestie de ses moyens, qui l'oblige à ne travailler que par échantillonnage et par sondage sans pouvoir tout contrôler tout le temps, constituent une source de vulnérabilité du système – même si certaines décisions sont soumises au redémarrage. J'ai évoqué le casse-siphon de la centrale de Cattenom : EDF a fait état du problème en janvier 2012, juste après – et non pendant – les évaluations complémentaires de sûreté. Autrement dit, le problème existait depuis l'origine : le casse-siphon aurait dû être installé mais personne n'a détecté qu'il ne l'était pas, y compris au cours des inspections, et même les évaluations complémentaires de sûreté, qui auraient dû permettre d'examiner précisément ce point, n'ont pas permis de l'observer. Ce n'est donc pas parce que l'ASN a des moyens et peut par exemple intervenir au Tricastin qu'elle dispose de tous les moyens. Tricastin est d'ailleurs une bonne illustration de cette dérive, puisque la question de la tenue insuffisante des digues aux séismes était connue depuis 2007 et qu'EDF a déployé des stratégies dilatoires jusqu'à ce que l'ASN, sur la base d'études enfin concluantes, prenne une décision ferme en 2017.
S'agissant de la robustesse insuffisante des piscines, là encore, je n'ai pas prédit un dénoyage ; je prétends simplement que le risque de dénoyage existe et que lors de leur conception, l'attention ayant principalement porté sur le risque d'emballement et de réaction en chaîne dans le réacteur et non sur le risque lié à la chaleur résiduelle dans les piscines, celles-ci n'ont pas été conçues avec la même robustesse que les réacteurs en termes de génie civil, de systèmes de secours et de redondance des tuyauteries. Elles s'en trouveraient intrinsèquement moins robustes dans un scénario grave, qu'il s'agisse d'un accident ou, a fortiori, d'un acte de malveillance qui chercherait à profiter de ces vulnérabilités, qui pourrait aujourd'hui conduire à un dénoyage de l'une de nos piscines.
S'agissant du Creusot, enfin, je n'ai pas sous-entendu que des pièces pouvaient ne pas avoir été vérifiées ; je l'ai affirmé. Une première vérification a porté sur les dossiers dits barrés, c'est-à-dire des dossiers dont la version remise différait de celle qui a été retrouvée dans les archives. D'autre part, une investigation est en cours sur l'ensemble des dossiers ; elle fait ressortir des centaines d'irrégularités – en moyenne plus d'une par dossier de fabrication. Voilà pour ce que l'on trouve ; quid de ce qui a pu être caché et d'autres dossiers barrés qui auraient pu disparaître définitivement ? Viendra un moment où l'on ne s'assurera que les pièces en service sont conformes aux dossiers dont on dispose qu'en allant faire des vérifications sur place.
Vous avez distingué entre l'état réel et l'état théorique des équipements et de leurs différentes composantes. Existe-t-il une traçabilité de ces deux états ?
D'autre part, vous n'avez pas évoqué la question de la ressource en eau, pourtant centrale dans le fonctionnement d'un réacteur nucléaire. Pouvez-vous nous dire un mot de sa durabilité ?
Dans le contexte du dérèglement climatique, la disponibilité d'une eau assez froide pose en effet problème dans un certain nombre de réacteurs qui s'approvisionnent dans des fleuves, voire des rivières.
Il n'existe pas de traçage complet de l'état réel et de l'état théorique des équipements – et c'est bien là le problème. Nous vérifions l'état de conformité des installations par sondage et, généralement, chaque sondage révèle des non-conformités – que nous réparons. On peut cependant supposer qu'il existe de très nombreuses non-conformités qui ne sont pas décelées. S'agissant du vieillissement et de la vétusté, l'érosion des marges par rapport à certaines exigences n'est pas non plus ni quantifiée ni tracée.
Vous semblez dire que la conception des piscines pose un problème de sûreté davantage que de sécurité ; est-ce bien le cas ?
Quant au rapport auquel vous avez contribué, l'avez-vous remis aux autorités et à EDF ? L'exploitant en a-t-il connaissance ?
Quelle est la part des stocks de combustibles gérés en piscine et à sec ? J'ai cru comprendre que l'intégralité était entreposée en piscine.
Ma question porte sur la corrosion des évaporateurs de produits de fission à La Hague. L'ASN a imposé dès 2012 les premières mesures d'examen de l'épaisseur des évaporateurs qu'a appliquées Areva devenue Orano. La conception des évaporateurs était destinée à leur assurer une durée de vie de trente ans. L'ASN en prévoit la révision générale en 2018 et envisage peut-être de remettre en cause l'un des évaporateurs les plus dégradés. Qu'est-ce qui vous fait donc dire que vous ne disposez pas de tous les éléments nécessaires ?
Pour ce qui concerne les piscines, du point de vue de leur sûreté lors de la conception initiale, une moindre attention a été portée au potentiel de danger que représente la chaleur résiduelle du combustible qu'au risque existant dans le réacteur. Il en résulte une moindre robustesse, ce qui constitue à la fois une question de sûreté mais aussi de sécurité, puisque le propre des actes de malveillance consiste à cibler les points de vulnérabilité – ce que sont les piscines, au même titre que les transports.
À ma connaissance, le rapport de Greenpeace n'a été remis qu'aux autorités, et non aux exploitants, mais il faudra interroger l'organisation elle-même, qui a seule la responsabilité de la transmission de ce document.
Aujourd'hui, l'entreposage des combustibles se fait exclusivement en piscine en France, alors que la majorité des pays nucléaires dans le monde ont fait le choix de l'entreposage à sec.
À La Hague, un phénomène de corrosion touche tous les évaporateurs, en particulier l'un d'entre eux. C'est à l'horizon 2021 qu'il est possible que l'épaisseur de cet évaporateur, à l'endroit où il est fragilisé par la corrosion, devienne insuffisante par rapport aux exigences de tenue à la pression. L'ASN a prescrit un programme de surveillance à Orano, qui le met en oeuvre. Si cette corrosion – dont on connaît mal la cinétique – s'accélère, cependant, le risque existe que des évaporateurs doivent être arrêtés avant qu'il en soit construit de nouveaux, ce qui met en question la continuité de l'activité de La Hague. Il faut donc suivre cette question. En outre, la construction de nouveaux évaporateurs aurait à mon sens dû être soumise à une enquête publique.
Lorsque vous évoquez la conception des piscines, est-ce à la partie chargée de retenir l'eau que vous faites référence, ou bien à la partie à l'air ?
S'agissant de la chute du générateur de vapeur à Paluel-2, quel est selon vous l'impact de cet incident industriel sur la sécurité et la sûreté du site ?
Ma première question est technique : une fois qu'une piscine est dénoyée, combien de temps faut-il selon vous pour que la situation devienne dangereuse, voire irréversible ?
Ma deuxième question, moins technique, fait davantage appel à votre ressenti. L'augmentation du nombre de déclarations d'incidents de sûreté est-elle selon vous due à une réalité technique ou à une hausse du nombre de vérifications et de déclarations, et donc de la transparence, par les différents intervenants ?
Ma question est plutôt d'ordre politique. Dans l'équation de gouvernance que vous avez présentée, vous indiquez clairement que les intérêts du secteur privé – en l'occurrence l'entrée à l'actionnariat de l'exploitant – posent un problème dans la chaîne de sûreté. Pouvez-vous préciser ce point de vue ?
J'ai rencontré hier des sous-traitants du site Framatome à Romans-sur-Isère. Le nombre de travailleurs sans statut dans les installations nucléaires en général est croissant ; leurs conditions de travail mettent en cause la sûreté et la sécurité des installations. À Romans-sur-Isère, par exemple, une journée de la sûreté – safety day – est organisée chaque année mais les sous-traitants ne sont pas invités à y participer, ce qui est problématique pour la formation. Certains membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) qui exercent depuis une vingtaine d'années dans le secteur du nucléaire parlent même d'une banalisation des procédures. Qu'en pensez-vous ?
Quelle coordination de la régulation et des normes de sécurité existe-t-il au niveau international ?
S'agissant de la conception des piscines à combustibles, les éléments qui retiennent l'eau comme les toits sont vulnérables. Certains éléments de génie civil sont insuffisamment protecteurs face à d'éventuelles agressions sur les bâtiments et sur les piscines en tant que telles ; le toit pose également problème en raison de l'absence de bunkérisation des piscines, qui crée une lacune non seulement de protection face à un facteur externe mais aussi de confinement en cas de problème interne.
La chute du générateur de vapeur de Paluel-2 est un événement classé au niveau 0 sur l'échelle INES puisqu'il s'est produit lorsque le réacteur était déchargé et qu'il n'y avait donc pas de risque de relâchement de radioactivité. Cela illustre l'incapacité de cette échelle à traduire la gravité des événements. En effet, cet événement ne devait pas pouvoir se produire : dans les démonstrations de sûreté, il s'agissait d'un scénario relevant de l'exclusion, c'est-à-dire que la conception et la fabrication ont tenu compte du risque de sorte qu'aucune chute ne soit possible lors de la manutention de charges lourdes. Deuxième problème : cette chute a endommagé le génie civil dont la robustesse sera donc en question lors du redémarrage du réacteur. De mon point de vue, c'est donc un événement majeur qui en dit long non seulement sur le manque de maîtrise des industriels, mais aussi sur l'incertitude qui pèse sur le programme de grand carénage, puisque cette tranche était tête de série pour les opérations à trente ans sur les réacteurs de 1 300 mégawatts.
Ce problème est en lien avec la question des intérêts du privé et de sous-traitance, en lien avec le changement de statut d'EDF que j'évoquais. Les rapports de l'exploitant avec ses différents fournisseurs et sous-traitants ont évolué. Il me semble qu'ils se sont rapprochés des conditions classiques en vigueur dans le secteur privé, aux dépens de la sûreté – comme en attestent plusieurs cas concrets. C'est un problème réel qui participe de la crise systémique actuelle.
À votre question technique sur les piscines, monsieur Cellier, il ne peut pas être apporté de réponse simple justement parce qu'elle est technique : le « délai de grâce » avant d'arriver à un stade irréversible dépend fortement du temps passé depuis le déchargement des combustibles, puisque leur radioactivité et, donc, leur chaleur décroissent avec le temps, mais aussi de la nature des combustibles – le MOX étant beaucoup plus chaud, et donc beaucoup plus problématique. En clair, le délai dépend de la chaleur du combustible et de la taille de la brèche qui vide la piscine. Il existe certes un temps d'intervention, mais les conditions, très radioactives, sont extrêmement difficiles. Dans certains cas, il n'est pas possible d'intervenir et de rétablir la situation, notamment lors de certains actes de malveillance.
Quant à l'évolution des déclarations d'incidents, elle me semble liée tout à la fois à l'augmentation des contrôles, de la transparence et de l'information donnée, mais aussi à une dégradation qui donne lieu à une hausse du nombre de signalements.
J'en viens aux comparaisons internationales. En théorie, la France se trouve en tête de peloton sur la scène mondiale, et tire souvent vers le haut les exigences européennes et internationales. Nous venons cependant de passer une heure à constater que la pratique s'éloigne de plus en plus de la théorie.
Nous avons encore bien des questions à vous poser, par exemple sur les drones. Puisqu'il nous reste peu de temps, je me contenterai de vous interroger sur la cybersécurité : est-il possible d'analyser le risque auquel les installations sont soumises ? À La Hague comme à Flamanville, il m'a été assuré que les systèmes ne présentaient aucun problème parce qu'ils étaient complètement fermés, et que je n'avais pas à m'inquiéter – ce que je souhaite, même si je ne peux m'empêcher de constater que le Pentagone a été hacké. Avez-vous évalué ce risque ?
Ma dernière question, sans provocation, est une question à laquelle notre commission va devoir répondre. Selon vous, qui portez un regard global sur nos installations, quelles sont celles d'entre elles qui vous paraissent à l'évidence poser problème en termes de sûreté et de sécurité, et sur lesquelles la commission devrait se pencher plus particulièrement ?
Je ne suis pas spécialiste de la cybersécurité mais je crois que l'idée d'un système complètement fermé aux agressions est illusoire. On peut certes imaginer un système entièrement fermé en ce qui concerne les réseaux et le câblage, le risque d'une infection venue de l'intérieur existe toujours. Le contexte terroriste oblige à penser à un acte de sabotage – nous recevons régulièrement des signalements de personnes à qui l'on a retiré l'accréditation les autorisant à entrer en zone nucléaire en raison de leur radicalisation. Autrement dit, la possibilité qu'une personne introduise physiquement un élément malveillant dans le système est toujours possible. En outre, les possibilités d'attaques ne passant pas par les réseaux mais par les ondes sont de plus en plus nombreuses ; je ne crois donc pas à la possibilité de protéger totalement les systèmes.
Il est difficile de distinguer telle ou telle installation prioritaire. L'une d'entre elles est une évidence en raison de son activité de retraitement et de stockage de plutonium : La Hague. En ce qui concerne les réacteurs, de nombreux facteurs sont à prendre en compte, mais les réacteurs les plus anciens comme Fessenheim et ceux dont on connaît les difficultés, concernant les cuves comme Tricastin ou les capacités de résistance aux séismes comme à Cruas pourraient être inscrits en tête de liste. Cela étant, il est difficile de signaler tel ou tel réacteur parce que sa situation appelle davantage une fermeture que les autres.
Nous vous remercions pour ces nombreux éclairages, monsieur Marignac ; nous nous permettrons peut-être de vous réinviter pour compléter cette série de questions.
Je vous transmettrai une note écrite complétant ces éléments.
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Membres présents ou excusés
Réunion du jeudi 15 février 2018 à 9 heures
Présents. - Mme Bérangère Abba, M. Anthony Cellier, M. Grégory Galbadon, M. Claude de Ganay, Mme Perrine Goulet, Mme Sonia Krimi, Mme Célia de Lavergne, Mme Sandrine Le Feur, M. Jimmy Pahun, Mme Mathilde Panot, Mme Claire Pitollat, Mme Isabelle Rauch, M. Hervé Saulignac, M. Jean-Marc Zulesi.
Excusés. - M. Philippe Bolo, M. Pierre Cordier.