Intervention de Yannick Rousselet

Réunion du jeudi 15 février 2018 à 10h00
Commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires

Yannick Rousselet, responsable nucléaire de Greenpeace France :

Lorsque Greenpeace au sens large prépare une action d'un niveau important, cela peut nécessiter plusieurs mois de préparation.

Vous me demandez si ce rapport de force peut aboutir à un niveau de confrontation qui pose problème. C'est une question que nous nous posons à chaque fois. Nous nous interrogeons toujours sur la nécessité ou non de l'action. Celle-ci ne représente que 2 ou 3 % de l'ensemble de notre travail. Nous passons le reste du temps dans des institutions, des réunions... Reste que l'action devient nécessaire par moments, car les tiroirs sont pleins de bons rapports. À cet égard, la réflexion de Jean-Christophe Niel, le directeur général de l'IRSN, expliquant que notre dernier rapport ne contenait rien de nouveau était très intéressante : de fait tout ce qui est écrit est connu et reconnu. Mais il ne s'est rien passé. Tout le monde sait que les installations ne résisteraient pas aux chutes d'avion – c'est un secret de polichinelle. Après les attentats de 2001, des missiles sol-air ont été installés pendant quelques mois autour de la Hague, puis comme cela donnait une mauvaise image de la région, les élus sont intervenus et ils ont finalement été retirés. Ensuite, comme le ministère de la défense a considéré qu'il y avait un risque, ce sont des missiles Crotale qui ont été déployés. Puis ce fut au tour d'un radar, mais comme il était près de l'usine et que cela donnait là encore une mauvaise image, il a été installé de l'autre côté de Cherbourg où il se voit un peu moins. C'est à chaque fois le même jeu entre ce qui relève d'un côté de la communication et de l'autre de la rationalité de la sécurité.

J'ai eu l'occasion de traiter des risques liés aux chutes d'avion dans le cadre de la commission locale d'information (CLI) de la Hague. En clair, pour pouvoir intercepter un engin, il faudrait que des avions volent en permanence, mais on n'en a pas les moyens. L'analyse des incidents de survol montre en effet que les avions sont interceptés après, c'est-à-dire lorsqu'ils reviennent à l'aérodrome. L'avion de la Germanwings est passé au-dessus de Cadarache avant d'aller s'écraser sur la montagne. Certes, deux Rafale ont décollé d'Orange, mais ils sont arrivés lorsque l'avion était déjà au sol.

Oui, nous nous interrogeons toujours avant de passer à l'action, avant de passer la ligne. Et nous considérons que c'est parfois indispensable. Croyez-vous sincèrement que nous serions tous ici aujourd'hui si nous n'avions pas procédé à des actions de pénétration ? On passe la ligne au vu de ce que l'on sait de la sécurité, en tant que citoyen, en tant qu'association, parce que c'est cela qui va ensuite enclencher un système démocratique. Ensuite, on est à la table des négociations. On est présents parce qu'on pense avoir de la crédibilité, parce qu'on travaille sérieusement et qu'on pose de vraies questions.

Cela étant, vous avez raison, plus on avance dans le temps, plus le risque est grand. On peut très bien se retrouver face à un gendarme fébrile qui commet une erreur. On fait tout pour que cela se passe bien. On n'a jamais eu d'accident, parce que tout est bien préparé. Mais nos militants sont des gens lambda, ils n'ont rien d'un commando spécialisé, et ce ne sont que des bénévoles. Je leur tire mon chapeau parce qu'on ne franchit pas la clôture d'une centrale nucléaire juste pour se promener. Les tiroirs sont pleins de rapports dont tout le monde se fiche. Alors on mène une action, et à ce moment-là les gens lisent le rapport. De fait, il y a eu un rapport, un film et, aujourd'hui, nous sommes là. Et je suis convaincu que vous allez bien travailler.

Nous avons utilisé un drone pour survoler le site de la Hague au mois de novembre 2011. Personne ne nous a vus, on a pu circuler au-dessus de l'usine. À l'époque, Areva avait dit savoir quand nous avions mené cette action. Je les avais mis au défi de trouver la date. En comptant les conteneurs sur les parkings, les voitures, le niveau de peinture des immeubles, ils avaient fini par dire qu'il s'agissait du week-end du 11 novembre, ce qui était exact. Mais ils ne savaient pas si c'était le vendredi ou le lundi… Cette vidéo a été diffusée.

Il nous arrive aussi d'utiliser les drones pour documenter les actions. Mais soyons clairs : dès que nous avons eu connaissance de ces survols en série de drones qui ont eu lieu au mois de novembre 2014, j'ai envoyé un courriel officiel aux autorités pour leur dire que ce n'était pas de notre fait. Nous avons certifié que nous n'avions rien à voir avec cette action. Nous avons enquêté nous aussi, mais le mystère reste entier.

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