Intervention de Olivier Marleix

Réunion du mercredi 14 février 2018 à 16h25
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Marleix, président :

Nous recevons, M. Mathias Audit, agrégé de droit privé, professeur à l'université Paris I, et M. Pascal Dupeyrat, dirigeant et fondateur du cabinet d'affaires Relians Consulting, auteur de plusieurs ouvrages dont le Guide des investissements dans les secteurs stratégiques, et Mondialisation et patriotisme économique. M. Dupeyrat est lobbyiste, inscrit au répertoire de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

Dans le cadre de son enseignement et de ses publications, le professeur Audit s'est spécialisé sur certains thèmes clés du droit international des affaires qui retiennent particulièrement l'attention de notre commission d'enquête. On citera de nombreux articles portant, en particulier, sur l'arbitrage, sur la coexistence des procédures contentieuses en matière d'investissements étrangers, sur les différentes questions relatives aux effets d'exterritorialité des droits américain ou britannique anticorruption, ou encore sur les sanctions infligées à des entreprises accusées par les États-Unis de transgresser les règles d'embargo à l'égard de certains pays comme l'Iran ou Cuba.

M. Dupeyrat apporte notamment son aide aux entreprises étrangères qui souhaitent prendre une participation dans une entreprise française, ou simplement l'acheter. À ce titre, il est un praticien de la procédure d'autorisation préalable des investissements étrangers en France (IEF), cheminement administratif dont il a connu les arcanes, avant puis après la publication du décret du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable, dit « décret Montebourg ». Il est ainsi fréquemment en contact avec le bureau Multicom 2 « Investissements et règles dans le commerce international » de Bercy, dont nous avons entendu les responsables, le 24 janvier dernier.

M. Pascal Dupeyrat, qui pratique également le droit américain particulier aux autorisations des investissements étrangers, pourra dresser un tableau comparatif des deux procédures. Alors que le gouvernement français a annoncé vouloir renforcer le dispositif Montebourg, les Américains sont à nouveau en train de réformer leur Committee on Foreign Investment in the United States (CFIUS). N'avons-nous pas toujours quelques trains de retard ?

Quelles pistes d'évolution législative ou réglementaire devrions-nous suivre en France ? La notion d'entreprise stratégique devrait-elle être encore un peu plus précisée par les textes, comme le souhaite la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ? Toutefois, dès lors que cette notion semble évolutive, certains pensent qu'il vaut mieux conserver des marges d'appréciation in concreto.

Quelle articulation vous semble souhaitable entre le projet de règlement européen, et ce qui doit relever du droit national ?

Monsieur le professeur Audit, nous aimerions que vous nous éclairiez sur plusieurs sujets en lien avec la mondialisation du droit. En France, la loi dite « Sapin II » a le mérite d'exister et d'afficher une réelle ambition, mais beaucoup s'accordent à penser qu'elle est insuffisante – c'est le cas du directeur de l'Agence française anticorruption (AFA) lui-même, M. Charles Duchaine.

En inaugurant la Digital Factory de Thales, le 17 octobre dernier, M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, a déclaré que l'Union européenne devait se doter d'un dispositif de riposte à l'exterritorialité des lois américaines en précisant : « Le commerce mondial doit être fondé sur un principe d'équité et de réciprocité. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. […] il faut que nous ouvrions, nous Français, avec nos partenaires européens, la réflexion sur ce type d'outils. »

Plus généralement, ne voit-on pas émerger en ce domaine un véritable marché du droit du fait de la pratique américaine d'instrumentalisation conjointe de règles d'autorisation d'investissements étrangers, de dispositions dites « anticorruption », et des principes de la concurrence ? Hier, dans Le Figaro, on pouvait lire une interview assez intéressante de l'avocat américain John Quinn sur la mondialisation du droit. Cette année, l'étude annuelle de la Cour de cassation porte également sur le juge et la mondialisation.

La pratique américaine visiblement très bien orchestrée par le Department of justice (DoJ) vise, en principe, toutes les entreprises, mais, force est de constater, que les deux tiers des amendes sont payés par des entreprises européennes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.