Je vais vous présenter brièvement l'organisation et les missions de l'Agence, pour que vous compreniez bien la suite de mon propos.
Vous l'avez rappelé, monsieur le président, notre agence a été créée par la loi Sapin 2 du 9 décembre 2016 ; elle a une existence physique depuis ma nomination, le 17 mars 2017 ; et nous sommes installés dans nos locaux, au 23 avenue d'Italie, depuis le 22 mai 2017. Elle est donc en activité depuis huit ou neuf mois. Elle est un service à compétence nationale, rattachée au garde des Sceaux, ministre de la justice, et au ministre de l'action et des comptes publics. Notre vocation essentielle est d'apporter aide, assistance et soutien à toute personne physique ou morale, privée ou publique, en matière de prévention et de détection des faits de corruption. Entendus au sens large défini par la loi, ces faits comprennent la corruption, le trafic d'influence, la prise illégale d'intérêt, la concussion, le détournement de fonds publics et le favoritisme. Au cours de mon intervention, le terme corruption embrassera toutes ces infractions pénales.
Nous n'avons aucune attribution en matière répressive : nous ne faisons pas de police judiciaire et nous ne sommes pas une autorité judiciaire. Nous jouons un rôle en matière de prévention et nous avons deux grandes missions, l'une de conseil, l'autre de contrôle.
Dans le cadre de notre mission de conseil, nous menons des actions de formation et d'information dans les grandes écoles, les universités et les administrations qui nous sollicitent. Nous conduisons des actions de coopération technique bilatérale avec certains pays. Nous participons à la définition des positions de la France dans les différentes instances internationales telles que l'ONU ou le Conseil de l'Europe. Nous devons aussi préparer un plan pluriannuel de lutte contre la corruption et, pour ce faire, nous nouons actuellement des relations avec les différentes administrations de l'État pour connaître leurs besoins en la matière. Pour qu'un tel plan soit efficace, il doit être accepté par tous. Lorsqu'il sera élaboré, nous le soumettrons aux autorités et je pense qu'il devra être approuvé par le Premier ministre.
Quant aux missions de contrôle, elles portent sur la vérification de l'existence, de la pertinence et de l'efficience dans l'application des mécanismes de conformité anticorruption adoptés par les entreprises, les administrations de l'État, les collectivités territoriales et leurs établissements, les fondations et les associations reconnues d'utilité publique. Ces contrôles se fondent sur les articles 3 et 17 de la loi Sapin 2.
L'article 3, qui concerne les personnes publiques au sens large, nous donne un pouvoir de contrôle sans condition : nous pouvons contrôler qui nous voulons, où nous voulons, quelle que soit la taille de l'entité. La loi ne prévoit pas d'obligation particulière ni de sanction en cas de manquement à ces mesures, mais cela n'affaiblit pas nos contrôles : nous irons contrôler, nous veillerons à ce que les mécanismes soient mis en place et nous essaierons de prodiguer toutes les recommandations nécessaires pour que l'esprit de la loi soit respecté.
L'article 17 concerne les acteurs économiques, qu'ils soient privés ou publics. Il prévoit huit obligations : établir une cartographie des risques ; élaborer un code de conduite intégré au règlement intérieur ; créer un système d'alerte interne ; mettre en place un système de formation des cadres et éventuellement des agents ; prévoir des audits internes, etc. Le non-respect de ces obligations peut donner lieu à des sanctions.
En cas de manquement constaté à l'occasion de nos contrôles, je peux adresser un avertissement qui ne fait pas grief ou saisir la commission des sanctions et requérir l'application de sanctions administratives : injonction de se soumettre à un programme de conformité sous notre contrôle ; application d'une sanction pécuniaire qui peut aller jusqu'à 200 000 euros pour les personnes physiques et un million pour les personnes morales ; publicité de la décision rendue par la Commission. Ces sanctions administratives ne font naturellement pas obstacle à l'application de l'article 40, le cas échéant, si nous découvrons des crimes ou délits de corruption consommés ou d'autres choses : dans de tels cas, nous devons dénoncer les faits au parquet.
Ces contrôles sont laissés à l'initiative du directeur qui n'a pas à justifier des conditions dans lesquelles il s'est convaincu de la nécessité de les ordonner, et qui n'a pas à justifier d'une saisine quelconque. Néanmoins, la loi prévoit que le Premier ministre, le président de la HATVP, les ministres ou les préfets – pour ce qui concerne les collectivités territoriales et leurs établissements – peuvent demander à l'AFA de réaliser un contrôle.
J'en viens aux contrôles qui vont sans doute vous intéresser le plus, compte tenu du sujet que vous évoquez, ceux que je qualifie de contrôles a posteriori. Il s'agit du contrôle et de l'exécution des peines et des mesures qui seraient décidées par l'autorité judiciaire. Au nom du procureur de la République, nous sommes chargés de veiller à la bonne exécution de la peine de soumission de l'entreprise à un programme de conformité anticorruption. C'est une peine complémentaire classique qui peut être prononcée par les juridictions correctionnelles. L'entreprise dispose d'un délai maximum de cinq ans pour mettre en place, sous notre contrôle, un programme de conformité tel que décrit à l'article 17. Nous devons rendre compte au parquet de la bonne exécution de cette mesure.
La loi du 9 décembre 2016 prévoit une deuxième mesure, sans aucun doute la plus importante : la CJIP, qui est une forme de transaction pénale. Pour que les choses restent simples, je n'aborderai que la CJIP conclue par le procureur, même s'il en existe aussi au stade de l'instruction préparatoire. Avant tout engagement des poursuites, le procureur peut proposer à une personne morale d'accepter une forme de transaction qui va consister à régler une amende dite d'intérêt public. Cette amende peut atteindre 30 % du chiffre d'affaires de l'entreprise, par référence aux trois derniers exercices. Dans le cadre de cette transaction, l'entreprise peut aussi être contrainte de se soumettre à un programme de conformité sous le contrôle de notre agence. Si elle est acceptée par l'entreprise et approuvée par le président de la juridiction concernée, cette mesure fera l'objet d'une publicité sur notre site et d'une exécution sous notre contrôle.
Le législateur français a clairement entendu confier à l'AFA un pouvoir monopolistique dans l'exécution des programmes de conformité, c'est-à-dire de ce que les Américains appellent le monitoring. Partant de ce principe, les autorités étrangères ne pourraient avoir plus de droits sur notre territoire que n'en ont nos autorités nationales. Nous considérons, j'espère à juste titre, que les mesures prises par les autorités étrangères devraient nécessairement se dérouler sous le contrôle des autorités françaises, en l'occurrence de l'AFA.
Nous n'avons pas les moyens – et sans doute pas la capacité d'expertise – de nous substituer aux moniteurs qui seraient désignés. En revanche, nous considérons que sommes totalement légitimes pour contrôler ce qu'ils font. Nous le sommes d'autant plus que la loi du 9 décembre 2016 nous a chargés, à la demande du Premier ministre, de mettre en oeuvre les dispositions de la loi dite « de blocage » pour les faits qui entrent dans notre champ de compétence, c'est-à-dire l'ensemble des délits que j'ai précédemment énumérés. Nous tenons à conserver cette compétence parce qu'elle constitue pour nous un véritable fondement légal à notre intervention dans la mise en oeuvre des programmes de conformité étrangers.
Vous m'avez interrogé sur la participation de l'AFA à la mise en oeuvre de ces CJIP. Dans la loi, c'est une mission de surveillance de l'exécution de la mesure. Nous avons essayé de nous rendre utiles de façon un peu plus large dans ce domaine. Le premier service que nous proposons aux parquets, c'est de nous livrer à une estimation des frais d'expertise qui pourraient être nécessaires à la mise en oeuvre d'un plan de conformité. Nous n'avons pas cette expertise en interne, et nous ne l'aurons probablement jamais parce que le contentieux serait trop fluctuant pour permettre de recruter des experts et d'internaliser cette charge. En revanche, nous pouvons faire appel à des experts extérieurs qui, aux termes de la loi, seront rémunérés par l'entreprise.
Nous avons établi un questionnaire sur la base de paramètres définis concernant les entreprises – situation, taille, secteur d'activité, chiffre d'affaires, etc. – et nous le proposons aux parquets qui peuvent le transmettre aux dirigeants d'entreprise. Dans le cadre de la négociation d'une CJIP, et au vu des éléments qui seront ensuite communiqués, nous indiquons aux parquets qu'il conviendra d'intégrer une somme de 50 000, 100 000, 200 000 ou 300 000 euros de frais d'expertise. En acceptant la conclusion d'une convention, l'entreprise fera l'avance de ces frais. Ce n'est pas à la justice de les avancer puisque ce ne sont pas des frais de justice. Notre agence ne peut pas les avancer non plus parce qu'elle n'en a pas les moyens et qu'elle pourrait avoir des difficultés à recouvrer ces sommes par la suite.
Deuxième service : nous renseignons les parquets. Nous sommes en passe de conclure une convention avec le Parquet national financier et le parquet de Paris, et nous allons essayer de faire de même avec les parquets français les plus importants. En vertu de cette convention, nous échangerons des informations, notamment sur d'éventuels contrôles précédents. Avons-nous déjà contrôlé l'entreprise en question ? Avons-nous un rapport ? Que savons-nous de sa situation au regard de sa conformité anticorruption ?
Nous proposons de communiquer ces rapports aux parquets, de façon à ce qu'ils disposent de ce qu'on appellerait des éléments de personnalité s'il s'agissait de personnes physiques. De telles informations peuvent être très utiles au moment de l'audience, notamment lorsque l'entreprise est poursuivie par plusieurs pays. Il peut être très intéressant que la France soit en mesure de fournir, aux Anglais ou aux Américains, un état récent et actualisé de la situation de conformité de l'entreprise, même si des faits ont été commis, même si des délits ont été consommés. Il est important de pouvoir annoncer des évolutions. En outre, le parquet – et éventuellement la juridiction correctionnelle – pourra adapter sa décision en fonction de la situation au moment où elle est appréhendée. Résumons : ce n'est pas la peine de faire un programme de conformité qui recouvre les huit points de l'article 17, s'il y en a déjà quatre ou cinq qui sont parfaitement satisfaits. Ce sont des informations que nous pouvons, le cas échéant, donner aux parquets.
C'est pourquoi nous considérons qu'il est de notre devoir de contrôler des entreprises qui feraient l'objet de poursuites pénales. Il n'y a aucun risque de télescopage entre nos missions et celle des parquets : ils instruisent sur le passé et nous le faisons pour l'avenir. Par conséquent, nous sommes dans des champs différents. Lorsque l'affaire a un caractère public, nous considérons que nous ne risquons pas de porter préjudice au déroulement ou à la sincérité de l'enquête pénale.
Voilà ce que je peux vous dire des CJIP. Pour l'instant, nous n'en avons eu qu'une seule, celle qui concernait l'affaire de la banque HSBC, mais dans laquelle nous n'avons joué aucun rôle puisqu'elle ne s'inscrivait pas dans le domaine de la corruption. Selon des renseignements qui me sont parvenus ce matin même, deux CJIP seraient soumises demain au contrôle du président d'une juridiction. Nous espérons donc avoir des mesures qui vont « mettre la pompe en marche », si vous me permettez cette expression, ce qui est absolument nécessaire.
L'AFA n'équivaut pas au DOJ américain ou au Serious Fraud Office (SFO) britannique. Nous sommes une agence de prévention et nous ne ressemblerons au DOJ et au SFO que dans une action coordonnée, complémentaire et harmonieuse avec les parquets, c'est-à-dire lorsque nous arriverons à faire marcher de front la prévention et la répression. Pour qu'une entreprise soit tentée de solliciter ou d'accepter une mesure de transaction telle que la CJIP, il faut qu'elle redoute, au plus haut point, la comparution devant une juridiction correctionnelle. En d'autres termes, il faut qu'elle ait l'assurance que les peines négociées seront égales ou inférieures aux peines prononcées dans le cadre d'une procédure de poursuites classiques. Nous n'en sommes malheureusement pas là. Cela me paraît extrêmement important parce que nous ne voulons pas tromper qui que ce soit sur nos possibilités : nous ne pourrons être réellement efficaces dans la mise en oeuvre de cette mesure que si nous avons une action pénale redoutée.
S'agissant de la loi dite « de blocage », j'ai assez peu d'expérience pour vous en parler car elle n'est pas appliquée tous les jours. Elle l'était auparavant sous l'empire du Service central de prévention de la corruption (SCPC). Depuis que nous existons, nous avons eu à traiter un cas unique, une fin de dossier concernant Alstom. Nous jouons un rôle réel et sérieux : nous nous réunissons avec la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) et avec le Commissaire à l'information stratégique et la sécurité économiques (CISSE), et nous examinons le dossier en cherchant à déterminer s'il recèle ou non des éléments qui mériteraient d'être retenus.
La difficulté est que nous intervenons tardivement, parfois un peu après la bataille. Il serait opportun que nous puissions exercer ce rôle de filtre lorsqu'une entreprise française fait l'objet de « poursuites » ou en tout cas d'une procédure dans laquelle un moniteur est désigné d'une manière que l'on nous dira conventionnelle. Quoi qu'il en soit, nous souhaiterions être informés systématiquement, de façon à pouvoir exercer ce rôle de filtre et de contrôle, ce qui, je vous l'avoue, n'est pas tout à fait le cas.
Comme nous avons conscience de nos moyens et de nos faiblesses, nous allons essayer de régler les choses – si tant est que nous soyons soutenus dans cette démarche par nos autorités – de la façon la plus diplomatique possible. Nous allons notamment tenter d'élaborer des protocoles ou des conventions avec nos homologues étrangers, notamment le DOJ et le SFO, parce qu'il n'y a rien de pire que de rester « hors du jeu ». Certains ont largement profité du fait que nous l'ayons été. À présent, nous entendons prendre notre place et nous imposer de manière intelligente dans ce mouvement, sans pour autant faire de l'obstruction.
La loi nous a confié un rôle qui paraît aller dans ce sens et qui n'est pas fondamentalement contesté a priori par les Anglais, les Américains ou la Banque mondiale. Nous allons de nouveau les rencontrer et proposer notre intervention selon des modalités qui, je ne vous le cache pas, ne sont pas encore totalement définies. En tout cas, nous souhaitons exercer un droit de regard ab initio parce que tout contact d'un moniteur avec une entreprise constitue, aux termes de la loi, un possible vecteur de transmission d'information.
Nous constatons que, jusqu'à présent, l'intervention des moniteurs en France ne passe ni par notre agence ni même par le canal de l'entraide pénale internationale, ce qui me surprend beaucoup, je dois l'avouer. Dans le cas d'une procédure pénale américaine, par exemple, le b.a.-ba est de passer par le canal de l'entraide, c'est-à-dire d'adresser au ministère de la justice une commission rogatoire internationale qui est alors communiquée à un juge d'instruction qui exerce son droit de regard.
À cet égard, je rappelle les dispositions de l'article 694-4 du code de procédure pénale qui semblent d'ailleurs assez conformes à celles de la convention européenne d'entraide d'avril 1959. Dans ce cas, elles prévoient que les informations susceptibles d'être communiquées le sont d'abord au procureur général, lequel peut, s'il l'estime nécessaire, saisir le garde des Sceaux. Il y a donc un filtrage. J'allais même dire que la boucle est bouclée parce que le garde des Sceaux pourrait nous saisir, dans la mesure où notre agence est rattachée directement à son autorité, avant de communiquer l'information. Notre avis serait facultatif, sans doute, mais nous pourrions au moins être saisis.
Je rappelle aussi l'existence d'un code pénal, au-delà de la loi « de blocage », car à certains moments il faut savoir rappeler les choses. L'article 411-5 du code pénal punit de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende le fait d'entretenir des intelligences avec une puissance étrangère, lorsqu'il est de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. L'article 410-1 énumère les éléments qui constituent les intérêts fondamentaux de la Nation. On y trouve « son indépendance » mais aussi « des éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique ». Nous ne sommes pas très loin, me semble-t-il, de notre sujet.
L'article 411-6 punit de quinze ans de détention criminelle et de 225 000 euros d'amende, le fait de livrer ou rendre accessible à une puissance étrangère tout renseignement ou documents de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. L'article 411-8 punit de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende, le fait d'exercer, pour le compte d'une puissance étrangère, une activité ayant pour but l'obtention ou la livraison de pareils renseignements ou documents. Ce qui signifie, me semble-t-il, que toute intervention sur notre territoire d'une autorité privée ou publique, qui ne serait passée ni par le canal administratif ni par le canal de l'entraide pénale internationale, est susceptible d'être punie ces peines.
Nous tenons à conserver les éléments de la loi « de blocage » qui nous donnent compétence. Les Américains arguent que la loi manque de sévérité ou que, n'étant pas réellement appliquée, elle ne peut donc pas leur être opposée comme un argument sérieux qui ferait obstacle à leur action. Ils ont sans doute raison. On pourrait envisager d'augmenter les pénalités attachées au non-respect de cette loi de blocage qui, je le rappelle, s'applique aussi bien à ceux qui demandent l'information qu'à ceux qui la donnent, aussi bien aux enquêtes existantes qu'aux enquêtes projetées.
Je ne suis pas certain que l'aggravation des peines changerait grand-chose car il faudrait qu'elles atteignent des niveaux si élevés que cela en deviendrait un peu ridicule. En revanche, il faudrait obliger les entreprises ou les autorités étrangères à nous informer de leur action, sous peine de se voir directement exposées aux infractions pénales que je viens de citer.
En réalité, les entreprises sont dans une situation extrêmement délicate pour venir nous révéler les choses : pire qu'une amende ou une sanction pénale, elles jouent leur capacité à exercer leur activité sur le territoire américain ou même une zone plus vaste. En s'opposant aux procédures proposées par certains pays, elles risquent de perdre leur licence d'exploitation. Dans ces conditions, je ne suis pas certain que même des peines d'emprisonnement ou d'amende très lourdes les inciteraient à venir nous expliquer qu'elles font l'objet – ou qu'elles vont faire l'objet – d'une procédure et qu'elles souhaiteraient que l'on intervienne pour les protéger.
Dans ces affaires, l'intervention de l'AGRASC ne serait pas forcément bien accueillie par les entreprises qui préfèrent régler leurs comptes discrètement et payer.
Les Américains savent d'ailleurs exactement ce qu'ils peuvent leur faire payer puisqu'ils les ont analysés, examinés et audités : ils savent précisément jusqu'où peut aller la sanction sans que cette vampirisation ne tue l'entreprise.
Je ne crois donc pas qu'il faille compter sur les entreprises pour faire fonctionner ce système. En revanche, je pense que nous pourrions très légitimement – car nous sommes encore maîtres chez nous – imposer aux autorités judiciaires étrangères, quelle que soit la forme des poursuites et des actions qu'elles mènent, de les signaler soit au procureur de la République compétent en passant par le canal de l'entraide, soit, par d'autres voies, à notre agence dont c'est la vocation en matière de corruption.
Par ailleurs, je ne suis pas sûr qu'il faille réunir tout le plein exercice de la loi de blocage entre les mêmes mains, même si, à une époque, il y a eu des tentations de la part du CISSE d'en récupérer la totalité. Pour ma part je n'ai pas de jalousie de prérogatives : nous sommes là pour servir la République. Je dis simplement que nous retirer nos prérogatives dans l'exécution de la loi de blocage annihilerait notre capacité à nous immiscer dans les interventions étrangères concernant les sociétés françaises.
Vous me demandiez, monsieur le président, si le système de veille et d'intelligence français tenait compte de la réalité des actions américaines et s'il existait un mécanisme de veille. J'avoue l'ignorer, car cela échappe à nos compétences, et c'est par les médias que nous apprenons que telle ou telle société fait l'objet d'un monitorat.
À ma connaissance il n'y en a pas ; ce que je peux dire c'est que nous avons commencé de façon très sérieuse à développer des relations avec un certain nombre de personnes, car nous considérons qu'il est de notre intérêt de cesser de marcher en ordre dispersé. Il est impératif que quelqu'un, nous ou un autre, dispose de cette information, et qu'elle soit traitée à l'unisson.
Nous avons donc commencé à mobiliser les services économiques des ambassades afin d'obtenir de l'information sur ce qui se passe à l'étranger et qui est susceptible de concerner nos entreprises, voire des entreprises étrangères, car les parquets français peuvent également agir dans l'extraterritorialité.
Nous tâchons aussi de mobiliser tous les services susceptibles de nous fournir du renseignement, de façon à ne pas « arriver après la bataille » et pouvoir intervenir en temps utile, comme certains pays l'ont déjà fait avec les Anglais et les Américains.