Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires européennes, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, bien qu'interdite au sein de l'Union européenne depuis 1998, au même titre que la pêche aux explosifs ou au poison, la pêche électrique fait l'objet, depuis 2003, de dérogations à titre expérimental en mer du Nord, dans la limite de 5 % des navires des États membres.
En mars 2016, la Commission européenne a déposé une proposition de règlement visant à supprimer cette limite des 5 %. Après en avoir débattu, le Conseil des ministres est parvenu, en mai de l'année dernière, à un accord politique en faveur du maintien de la dérogation accordée à la pêche électrique et de la limite des 5 %.
Par la suite, bien que la commission parlementaire en charge de la pêche au Parlement européen se soit prononcée en faveur du développement de cette technique, les eurodéputés ont préféré largement voter, à la mi-janvier, en séance plénière, pour son interdiction stricte. Je me réjouis de ce vote et le soutiens car je suis convaincue de la dangerosité de cette pratique, qui n'a rien d'innovant.
J'insiste sur le fait que le travail de conviction ne fait que commencer. Le vote du Parlement européen n'est qu'une première étape lui permettant de définir sa position avant le vrai début des négociations au sein du trilogue.
Venons-en aux faits. Pour de nombreux pêcheurs français – je pense ici aux marins pêcheurs de mon département du Finistère – , la pêche électrique entraîne d'importantes conséquences négatives, tout d'abord sur nos ressources halieutiques et sur l'écosystème marin avec l'altération du système de reproduction des poissons. Cette technique de pêche affaiblit leur système immunitaire et endommage leurs oeufs.
N'oublions pas non plus les conséquences économiques : aujourd'hui, 84 navires sous pavillon néerlandais pratiquent la pêche électrique, ce qui représente 28 % de la flotte nationale, excédant mécaniquement les 5 % autorisés. Nous avons ici largement dépassé le cadre de l'expérimentation ! En réalité, ces navires pêchent plus avec moins de bateaux, ce qui a un impact direct sur la pérennité de l'activité de nos pêcheurs traditionnels.
Et qu'en est-il de l'argument selon lequel cette technique de pêche serait durable, du fait de la réduction de consommation de carburant et de la préservation des sols marins ? Ces arguments sont insuffisants pour compenser les menaces qu'ils font peser sur l'environnement et la biodiversité. Les effets de la pêche électrique sont d'ailleurs sujets à de nombreuses incertitudes scientifiques. Il est donc temps de se demander quel type de pêche nous voulons pour demain : une pêche fondée sur les valeurs de l'économie bleue ou bien une pêche intensive ?
En tant que coprésidente du groupe d'études « Économie maritime » au sein de cette assemblée, je me permets de rappeler que la France possède le deuxième domaine maritime mondial. En ce sens, nous nous devons de montrer l'exemple en jouant un rôle moteur dans l'aboutissement d'une réglementation européenne ambitieuse. La pêche électrique est en totale contradiction avec les engagements européens et à contresens de la démarche mondiale puisqu'elle est interdite aux États-Unis, au Brésil, en Chine, en Australie ou encore en Russie.
La proposition de résolution européenne présentée par mon collègue Joachim Son-Forget encourage le Gouvernement à s'opposer à tout assouplissement du principe d'interdiction de cette technique. Le texte dont nous débattons aujourd'hui définit clairement la position des députés français dans une longue bataille entre institutions et États membres qui, je le rappelle, ne fait que s'engager.
Nous avons l'opportunité de soutenir nos homologues au Parlement européen en adoptant ce texte : saisissons-la ! Comme l'a souligné le rapporteur Jean-Pierre Pont, la pêche est un sujet qui dépasse les clivages politiques. Je vous invite donc, mesdames et messieurs les députés, à faire preuve de volonté politique en votant en faveur de ce texte.
Pour conclure, j'insisterai sur le fait que les débats sur la pêche électrique ne doivent pas occulter d'autres enjeux du secteur également concernés par les négociations à venir. En effet, par son vote, le Parlement européen s'est aussi prononcé en faveur de la suppression de dérogations bénéficiant à nos pêcheurs français. Ces dérogations, sur la taille des maillages par exemple, concernent l'ensemble des pêcheurs français, pour lesquels la suppression de ces exceptions aurait de lourdes conséquences économiques. Nous serons donc vigilants sur ces points et soutiendrons le Gouvernement dans les négociations à venir.