Intervention de Monica Michel-Brassart

Séance en hémicycle du mercredi 7 mars 2018 à 15h00
Accord relatif aux services aériens entre l'union européenne et Israël — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMonica Michel-Brassart, rapporteure de la commission des affaires étrangères :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, nous sommes saisis du projet de loi autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le gouvernement de l'État d'Israël, d'autre part.

Cet accord s'inscrit dans le cadre de la politique extérieure de l'aviation civile lancée il y a plus de quinze ans par l'Union européenne et dont les objectifs s'articulent autour de deux axes principaux : la conclusion à l'échelle européenne d'accords de transport aérien ciblés avec, d'une part, les pays de la politique européenne de voisinage et, d'autre part, les principaux partenaires de l'Union européenne.

L'accord que nous examinons aujourd'hui, signé le 10 juin 2013, s'inscrit donc dans le premier axe de cette politique, qui a d'ores et déjà conduit à la conclusion d'accords similaires avec le Maroc en 2006, avec la Géorgie et la Jordanie en 2010 et avec la Moldavie en 2012. Il vise, grâce à un cadre juridique unique, à mettre en place un espace aérien commun entre les États membres et Israël, selon deux grands principes : l'harmonisation des législations à partir des règles édictées par l'Union européenne, et l'ouverture des marchés.

L'harmonisation des législations garantira aux usagers des transports aériens entre l'Union européenne et Israël l'application de normes et procédures communes ou similaires. Sur ce point, l'accord est rédigé de manière relativement classique : il se rapproche de ceux signés par l'Union européenne avec d'autres partenaires méditerranéens, à deux différences près. En termes de sécurité, l'État d'Israël a fait le choix d'appliquer la réglementation édictée par l'administration américaine, la Federal Aviation Administration, dont les normes sont reconnues équivalentes à celles appliquées dans l'Union européenne sous l'égide de l'Agence européenne de sécurité aérienne. Un accord spécifique entre l'Union européenne et les États-Unis a été conclu à cet effet en 2008.

S'agissant de la sûreté aérienne, qui s'intéresse à la protection des personnes et des biens dans le transport aérien ou à la prévention des risques terroristes, le haut niveau de sûreté des opérateurs israéliens est avéré ; dans ce secteur, les négociateurs ont donc substitué, au principe d'harmonisation des législations, l'objectif de parvenir à la reconnaissance mutuelle des normes. Il ne s'agissait pas, en effet, de soumettre les compagnies et aéroports français aux mêmes règles qu'en Israël, le contexte étant différent, mais de se laisser la possibilité de dialoguer sur le sujet. C'est donc une mesure de bon sens.

Je précise que l'harmonisation des législations comporte aussi des dispositions relatives aux normes sociales et environnementales. Sur ce point, l'accord est tout à fait conforme aux engagements de l'accord de Paris sur le climat, ce qui est une bonne chose.

Le second principe qui gouverne cet accord est l'ouverture des marchés. Concrètement, elle se traduira par la possibilité pour les transporteurs européens et israéliens de desservir l'intégralité des routes entre les aéroports de l'Union européenne et ceux d'Israël. Elle devrait conduire, in fine,à une baisse des tarifs pour les voyageurs.

La libéralisation des services aériens ne sera effective que courant 2018. Une période transitoire est en effet prévue pour permettre aux compagnies israéliennes de s'adapter afin d'affronter une concurrence nouvelle ; durant cette période, les limitations de fréquences hebdomadaires auxquelles sont assujettis les transporteurs aériens pour certaines routes continueront donc de s'appliquer.

Dans un deuxième temps, lorsqu'il aura été vérifié que l'État d'Israël applique les exigences réglementaires et les normes équivalentes de la législation européenne prévue à l'annexe IV de l'accord, les transporteurs des deux parties pourront exploiter des services complémentaires, qui comportent le droit d'embarquer et de débarquer des passagers sur des points intermédiaires – droits dits « de cinquième liberté » – situés dans les pays de la zone euro-méditerranéenne de libre-échange dite « zone Euromed » – Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Égypte, Liban, Jordanie, Israël, Territoires palestiniens, Syrie et Turquie – , les pays de l'accord sur l'Espace aérien commun européen – Islande, Norvège et les six pays des Balkans – ainsi que le Liechtenstein et la Suisse.

Il faut noter que les droits de trafic antérieurement négociés dans un cadre bilatéral entre les États membres et Israël et non couverts par le présent accord continueront de s'appliquer. L'accord franco-israélien de 1952 prévoyait notamment des droits dits « de cinquième liberté » qui permettent aux transporteurs israéliens, sur des avions en provenance d'Israël, d'embarquer des passagers à Paris à destination de New York, et sur les retours, d'embarquer à New York des passagers à destination de Paris et de Tel-Aviv. Ces droits, limités dans l'échange de lettres de 1967 à trois services hebdomadaires, seront ainsi conservés.

Enfin, en vue d'assurer un cadre concurrentiel équitable entre les acteurs du transport aérien, l'accord européen prévoit des dispositions spécifiques en termes de concurrence. Ces dispositions, prévues à l'article 7, intitulé « Environnement concurrentiel », font référence au chapitre 3, intitulé « Concurrence », du titre IV de l'accord d'association de 1995. Elles posent le principe de l'interdiction des subventions et le principe de non-discrimination, et prévoient une procédure spécifique permettant de prendre des mesures dans le cas où les consultations n'ont pas permis de résoudre le différend.

Je précise pour finir que des normes sociales mais aussi environnementales s'appliqueront également désormais. Cet accord est donc conforme aux engagements prévus par l'accord de Paris sur le climat, ce qui est une avancée importante.

Quels sont maintenant les effets attendus de cet accord ?

Tout d'abord, en cette année où nous célébrons les soixante-dix ans de nos relations bilatérales avec ce pays, il vise à resserrer les liens entre l'Union européenne et Israël. Ces liens sont anciens, puisque le premier accord de coopération a été signé dès 1975. Sur le plan régional, le partenariat euro-méditerranéen entre l'Union européenne et les pays du sud de la Méditerranée a été lancé en 1995 par le Processus de Barcelone. Ce partenariat, qui vise à faire de la Méditerranée un espace de paix, de stabilité et de prospérité en renforçant le dialogue politique, la sécurité et la coopération économique, sociale et culturelle, s'est traduit par la conclusion d'accords bilatéraux avec sept des pays méditerranéens impliqués.

Israël est aussi devenu l'un des seize partenaires de la politique européenne de voisinage mise en place en 2004. Ce partenariat s'est traduit par l'adoption d'un plan d'action déclinant les objectifs et les engagements mutuels au titre desquels figure la promotion de la coopération dans le domaine des transports. L'accord dont nous discutons aujourd'hui réalise donc les objectifs assignés par le plan d'action de 2004 et marque une étape supplémentaire dans la relation entre l'Union européenne et Israël.

Sur le plan économique et commercial, l'effet attendu de cet accord est d'intensifier les vols entre nos deux pays. Sa mise en oeuvre devrait conduire à intensifier les échanges aériens entre l'Union européenne et Israël. Il répond aussi, de manière pragmatique, aux besoins du transport aérien entre la France et Israël, et devrait avoir pour effet une baisse des tarifs moyens pour les voyageurs.

Selon Eurostat, en 2016, le trafic entre les vingt-huit États membres de l'Union européenne et l'État d'Israël s'est élevé à 10 millions de passagers, soit un accroissement de plus d'un tiers du trafic par rapport à 2013, année de signature de l'accord. Le marché français progresse, mais à un rythme un peu moindre que celui de certains de ses voisins européens.

Le marché entre la France et l'État d'Israël se concentre sur la ligne Paris-Tel-Aviv, qui représente à elle seule près de 86 % du trafic en 2016. Sur cette route, les transporteurs européens ont transporté plus de 510 000 passagers, et leurs homologues israéliens environ 420 000. Les autres lignes d'importance relient Marseille, Nice et Lyon à Tel-Aviv. L'ouverture progressive des marchés depuis la signature de l'accord a d'ores et déjà permis de multiplier l'offre de transporteurs, notamment européens.

Le Sénat a adopté ce projet de loi en première lecture. Notre commission l'a également adopté. Je propose, tout comme la majorité des États membres de l'Union européenne qui l'ont déjà fait, d'en autoriser la ratification.

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