Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, si le présent projet de loi est d'une portée limitée du point de vue de notre droit, il nous fournit cependant l'occasion de consolider nos relations avec les Émirats arabes unis, qui entretiennent de longue date des partenariats avec la France.
Les Émirats arabes unis sont en effet le deuxième partenaire économique de la France dans le Golfe, après l'Arabie saoudite ; 600 entreprises françaises y sont implantées et 30 000 Français y vivent, ce qui représente la troisième communauté française au Moyen-Orient, après celles d'Israël et du Liban.
Notre coopération militaire avec les Émirats, qui est ancienne, puisqu'elle remonte à 1977, s'est renforcée en 2009 avec la création d'une implantation militaire française permanente sur place, forte d'environ 650 militaires et chargée à la fois de servir de point d'appui à des opérations menées dans la région, de faciliter la coopération militaire bilatérale et de permettre l'entraînement au combat en zone désertique.
Les Émirats arabes unis sont donc des partenaires anciens de la France. Mais ce sont également des partenaires qui ont leur particularité.
Ils sont d'abord particuliers par leur démographie et leur économie : composés de sept émirats dont les plus peuplés sont Dubaï et Abu Dhabi, ils sont peuplés de neuf millions d'habitants dont seuls 12 % sont des nationaux, parmi lesquels 97 % ont un statut de fonctionnaire.
Ils sont particuliers, ensuite, parce que la charia islamique y constitue une source de droit majeur, inscrite dans la Constitution. La peine de mort y est en vigueur et peut être prononcée, entre autres, pour homicide, viol, haute trahison, relations sexuelles hors mariage, trafic de stupéfiants ou encore apostasie. Les condamnation à des peines de torture ou de dégradation physique existent également.
C'est ce qui explique les années nécessaires à l'aboutissement de ce texte : il fallait que toutes les précautions soient prises afin que les extraditions puissent avoir lieu dans le respect des droits de l'homme.
Bien que la France et les Émirats arabes unis soient déjà parties à plusieurs conventions multilatérales adoptées sous l'égide de l'Organisation des Nations unies, les deux pays ne sont aujourd'hui liés par aucun dispositif conventionnel bilatéral. Les extraditions s'effectuent dès lors sur le fondement de l'offre de réciprocité, dans le cadre de la courtoisie internationale.
En décembre 1994, les Émirats arabes unis ont exprimé le souhait de négocier avec la France trois conventions : l'une d'entraide judiciaire, l'autre d'extradition et la troisième de transfèrement des personnes condamnées. La convention d'entraide judiciaire a été adoptée et est en vigueur depuis septembre 2009. La convention relative au transfèrement des personnes condamnées a été quant à elle abandonnée pour des raisons constitutionnelles.
Au cours des dernières années, un échange de lettres qui s'est conclu en août 2014 a permis de préciser l'interprétation de l'article 21 du texte, qui soulevait des difficultés. Cet échange de lettres vise expressément la Convention européenne des droits de l'homme et permet de fonder un refus d'extradition sur la possibilité que la personne concernée soit soumise à la torture ou à des traitements dégradants.
Cette précision étant faite, le texte qui résulte de cet échange est classique et son adoption ne présente pas de difficulté particulière.
Les deux parties s'engagent à se livrer l'une à l'autre les personnes se trouvant sur le territoire de l'une d'elles qui sont recherchées par les autorités judiciaires, afin de permettre l'exercice des poursuites pénales ou d'assurer l'exécution d'une peine privative de liberté. Les faits donnant lieu à extradition doivent être punis par la loi des deux parties, la peine encourue devant être d'au moins deux années d'emprisonnement. L'extradition par une partie de ses propres nationaux est interdite par l'article 6 de la convention, la partie requise devant alors exercer elle-même une action pénale s'il y a lieu.
Les motifs obligatoires et facultatifs de refus sont également classiques.
L'extradition ne peut notamment être demandée pour des motifs relevant de la discrimination en raison de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'origine ethnique, ni sur le fondement d'infractions politiques ou militaires – dont sont cependant exclus les attentats ou les tentatives d'attentat.
Font également obstacle à l'extradition l'impossibilité de poursuivre pénalement l'infraction en raison de la législation de l'une des deux parties ou le fait qu'un tribunal d'exception doive juger ou ait condamné la personne réclamée.
La convention exclut aussi de son champ toutes les procédures pouvant aboutir à la peine de mort, à moins de garantir la non-exécution ou la non-application de cette peine.
L'extradition peut enfin, de façon classique, être refusée pour des raisons humanitaires ou, dans certains cas, lorsque la compétence territoriale de la partie qui demande l'extradition paraît discutable.
Ainsi, le texte de la convention offre l'ensemble des garanties inhérentes à la tradition juridique française. Son contenu est similaire à ceux de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 et des textes bilatéraux habituellement négociés et signés par les autorités françaises. L'interprétation de l'article 21, telle qu'admise par échange de lettres entre les deux États, garantit par ailleurs le respect par la France de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du Conseil de l'Europe. Son approbation n'implique donc aucune adaptation des dispositions législatives ou réglementaires nationales.
Elle contribue par conséquent à formaliser et à normaliser nos relations en la matière avec les Émirats arabes unis, même si les demandes d'extradition entre la France et les Émirats arabes unis sont peu fréquentes – entre 2001 et 2016, la France a ainsi émis onze demandes quand les Émirats arabes unis en formulaient une seule.
Entre le début du dialogue et l'approbation qui vous est aujourd'hui demandée, le temps a été long. Mais nos deux traditions juridiques diffèrent par leur source comme par la qualification des délits, et un important travail d'harmonisation et d'échange a été nécessaire à l'écriture de la convention.
J'insiste cependant – ce sera ma conclusion – sur le fait que le texte respecte en tous points les droits fondamentaux de la personne humaine inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le Sénat a approuvé ce texte le 21 décembre 2016. Je vous recommande de faire de même.