Mme la ministre du travail a dans un premier temps choisi la première option. En janvier dernier, elle déclarait ainsi qu'il était inutile de légiférer et qu'il fallait s'en remettre à la prise de conscience des entreprises et à leur bonne volonté pour que chacune prenne les mesures adéquates. Ce n'est pas mon opinion, ce n'est pas l'opinion du groupe GDR, et, je le sais, ce n'est pas l'opinion de nombreux acteurs et actrices du monde du travail. Mais je vois, d'après les annonces faites hier, que nous allons devoir passer par la loi et je m'en félicite.
Quand il s'agit de violences, de punir sévèrement les agressions et les atteintes sexuelles, tout le monde admet le besoin de la loi. Pourquoi alors devrions-nous avoir la main qui tremble quand il s'agit de lutter contre les inégalités salariales et la précarité professionnelle des femmes ? N'ayons pas peur des dispositifs contraignants quand il faut faire face à la domination patriarcale et à l'exploitation capitaliste ! Être à la hauteur de notre devise républicaine le demande.
Les inégalités salariales s'expliquent par deux grands facteurs. Le premier est culturel : depuis des décennies, on a intégré l'idée selon laquelle le travail d'une femme valait moins que celui d'un homme. C'est le résultat de l'idéologie qui accompagna l'entrée des femmes sur le marché du travail et qui considérait que leur travail ne devait être qu'un salaire d'appoint. Selon cette idéologie, la femme n'apporte pas la source principale du revenu du ménage et travaille à temps partiel, car c'est à elle que revient, naturellement, le travail domestique et l'éducation des enfants.
Le second facteur tient à la structure même du marché du travail et à la place occupée par les femmes dans le milieu professionnel. Les femmes, par la nature des postes occupés et des qualifications, sont beaucoup plus soumises au temps partiel imposé et donc à la précarité professionnelle. Les trois quarts des travailleurs pauvres sont ainsi des travailleuses. Les chiffres sont une nouvelle fois éloquents : 82 % des salariés à temps partiel sont des femmes, plus d'un tiers d'entre elles déclarent le subir et, au final, 9,4 % des femmes sont en situation de précarité.
L'un des facteurs des inégalités salariales étant le temps partiel, il convient d'encadrer le recours à cette forme d'emploi et de mieux rémunérer les salariés soumis à des contrats précaires, en particulier celles et ceux qui travaillent moins de vingt-quatre heures par semaine.
Ainsi, nous soumettons à votre vote quatre articles de loi. Nous proposons de diminuer les allègements de charges des entreprises en cas de recours massif au temps partiel, d'augmenter le salaire de ceux qui travaillent moins de vingt-quatre heures par semaine, de majorer à 25 % les heures complémentaires des salariés à temps partiel et d'augmenter la prime de précarité pour les contrats à durée déterminée à temps partiel. Ces mécanismes d'incitation et d'augmentation du pouvoir d'achat des femmes et des hommes en situation précaire répondent à l'impérieuse nécessité d'agir concrètement et de ne plus se contenter de déclarations d'intention.
Les dispositifs non contraignants ne fonctionnent pas, pas plus que la bonne volonté des entreprises. Nous le savons, puisqu'en dépit de nombreuses lois en faveur l'égalité professionnelle, les chiffres stagnent. Il est temps d'être réaliste.
De plus, les dernières lois affaiblissant le code du travail n'ont fait que ralentir l'avancée vers l'égalité salariale, voire la faire régresser. Nous vous avions alertés sur ce sujet. Quand on diminue les protections pour les salariés et les obligations des entreprises, il ne faut pas s'étonner que cela ait un impact négatif sur l'égalité salariale.
Le constat du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est sans appel : les dernières réformes du code du travail ont fragilisé les dispositifs législatifs destinés à promouvoir l'égalité salariale. La loi travail de 2016 et les récentes ordonnances travail ont fragilisé les négociations en matière d'inégalités salariales, en les raréfiant et en ne rendant pas la tenue de de négociations spécifiques obligatoire, et surtout en assouplissant l'encadrement du temps partiel et en encourageant le recours aux emplois précaires. À cela s'ajoute l'affaiblissement de l'inspection du travail.
Il faut arrêter de jouer avec la vie des gens et de tout désorganiser au nom de la flexibilité et de la compétitivité des entreprises. Le temps partiel subi et les emplois précaires sont une forme exacerbée de l'exploitation, en aucun cas un moindre mal.
Il faut encadrer strictement les contrats de travail dont la durée n'est que de quelques heures par semaine. C'est pour cela que nous vous proposons de majorer le coût des heures effectuées en dessous d'un seuil de 24 heures hebdomadaires. Voilà comment on défend le travail : en le rémunérant correctement et en luttant contre la précarité des salariés.
Vous le voyez, en luttant contre la précarité professionnelle des femmes, on lutte contre celle de tous les salariés et on concourt au bien-être de la société. L'humain, l'humain toujours, l'humain encore, voilà notre ligne directrice, notre raison d'agir.
Mesdames et messieurs les députées de la majorité, en cette journée du 8 mars vous cherchez à escamoter un débat sur la lutte contre les inégalités salariales en défendant une motion de renvoi. Pas un seul amendement à notre texte. Pas une seule proposition alternative. Pas de débats. Pas de vote.
Je ne vous demande même pas de voter en faveur du texte, même si je le souhaite ardemment. Je vous demande simplement de respecter le travail de notre groupe et surtout de respecter les femmes qui subissent la précarité en prenant, ce n'est pas grand-chose, le temps de donner votre avis, d'expliquer votre opposition et de proposer une alternative.