Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du jeudi 8 mars 2018 à 9h30
Lutte contre la précarité professionnelle des femmes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Qui connaît la signification du 3 novembre à 11h44 ? C'est le moment symbolique où, à travail et fonction identiques, les femmes pourraient cesser de travailler si elles étaient payées comme les hommes. Presque deux mois de travail sans être payées !

75 % des Français, dont 88 % des femmes et 60 % des hommes interrogés, estiment que les femmes sont toujours pénalisées dans leurs carrières par rapport aux hommes, selon un sondage publié le 1er mars dernier. Et pour cause puisque, comme vous le rappelez dans l'exposé des motifs de cette proposition de loi, à contrat, diplômes, expérience et responsabilités égales, une femme gagne en France en moyenne 9 à 10 % de moins qu'un homme. Plus parlant encore, tous temps de travail confondus, les femmes gagnent près de 25 % de moins que les hommes !

Décidément peu glorieux : la France se classe au 129e rang mondial sur 144 en matière d'égalité salariale selon le dernier rapport du forum économique mondial, qui explique en outre que les inégalités entre les sexes se sont à nouveau creusées en 2017, mettant à mal les progrès réalisés pendant une décennie. Selon l'OCDE, il faudra même attendre 2234 pour atteindre l'égalité entre les hommes et les femmes en France. On rêve, ou plutôt on cauchemarde !

Alors comment faire pour changer et, en l'occurrence, accélérer les choses ?

Vous expliquez dans la proposition de loi que l'une des causes essentielles de ces inégalités réside dans le recours abusif au temps partiel imposé, « premier facteur des inégalités salariales » et « forme de sous-emploi la plus courante » selon vous.

Vos chiffres sont certes révélateurs : 78 % des salariés à temps partiel sont des femmes et 31 % des femmes salariées sont à temps partiel, contre seulement 7 % des hommes. Selon l'INSEE, le temps partiel subi concerne 32 % des femmes qui travaillent à temps partiel, et 9,4 % des femmes étaient, en 2015, en situation de sous-emploi malgré leur souhait de travailler davantage. Vous en tirez la conclusion qu'il faut pénaliser, financièrement parlant, les entreprises ayant recours au temps partiel de manière excessive.

Pourtant, si l'on examine de plus près le souhait des Français en la matière, 74 % d'entre eux réclament, par exemple, l'instauration d'horaires plus flexibles pour les salariés-parents dans les entreprises, afin de pouvoir concilier plus facilement vie privée et vie professionnelle. On peut en déduire que, pour les trois quarts des Français, le temps partiel pourrait être non pas subi mais plutôt souhaité. Dès lors, plutôt que d'imposer des mesures contraignantes pour l'entreprise, pourquoi ne pas s'inspirer d'exemples mis en place chez nos voisins, qui ont l'air de fonctionner et qui auraient le mérite de laisser le choix aux salariés d'organiser leur temps de travail comme ils le souhaitent, plutôt que d'en passer, une fois encore, par la sanction et le porte-monnaie des entrepreneurs ?

Je mentionnerai deux mesures, qui ne coûteraient pas grand-chose, mais qui pourraient être particulièrement efficaces, me semble-t-il. En premier lieu, 67 % des sondés sont favorables à ce que chaque salariée puisse obtenir de sa direction les salaires de six collègues masculins occupant des postes similaires au sien, comme c'est le cas en Allemagne, où l'on vient de promulguer, le 6 janvier, une loi en ce sens. Au Royaume-Uni, une loi du même type est en vigueur depuis deux ans. Elle oblige aussi les grandes entreprises à publier les salaires de ses employés. Ce n'est pas si bête après tout, et probablement très efficace !

Ma deuxième proposition concerne le télétravail. Pourquoi ne pas l'étendre un peu plus encore ? Il peut être une chance pour notre société.

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