Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ces dernières décennies, les progrès de la médecine, combinés à l'amélioration des conditions de vie, ont permis d'augmenter significativement l'espérance de vie de la population française. Celle-ci est actuellement de soixante dix-huit ans pour les hommes et de quatre vingt-cinq ans pour les femmes. Conséquence directe de ces progrès : le nombre de personnes en situation de dépendance augmente un peu plus chaque année.
Les dernières projections démographiques de l'Institut national de la statistique et des études économiques – INSEE – indiquent qu'en 2060, un tiers de la population sera âgé de plus de soixante ans, contre un quart actuellement.
Notre pays ne peut pas ignorer le défi qui l'attend : il nous faut dès à présent répondre aux enjeux du vieillissement de la population et travailler sur des solutions en amont plutôt qu'en réaction.
Car si les Français vivent plus longtemps, ils doivent également pouvoir mieux vieillir. Or, la situation actuelle est loin d'être idéale. Beaucoup d'indicateurs le démontrent : notre pays n'est pas prêt à prendre en charge toutes ces personnes dépendantes.
Dans ce contexte inédit, les proches aidants jouent un rôle primordial et constituent l'une des plus précieuses ressources pour relever le défi du vieillissement de la population française. Notre système de protection sociale s'appuie de plus en plus sur leur implication, moins coûteuse pour les dépenses publiques que le recours à des établissements ou à des professionnels, et qui permet, en outre, le maintien à domicile des personnes dépendantes et favorise certaines formes de solidarité.
Les aidants sont déjà plus de 8 millions en France – 11 à 13 millions selon les associations. Ce dévouement remarquable de nos concitoyens est une réelle chance pour notre système de protection sociale, car ces bénévoles lui permettent de facto de réaliser des économies.
Si la valorisation de l'aide apportée est par nature délicate à évaluer, certains économistes estiment que le travail des aidants familiaux représenterait entre 12 et 16 milliards d'euros, soit de 0,6 à 0,8 % du produit intérieur brut.
Malgré l'atout formidable qu'ils constituent, les proches aidants restent aujourd'hui encore peu reconnus et ils sont peu accompagnés dans leurs missions. Leur statut demeure précaire et ils ne bénéficient pas de réelles protections. L'aide aux aidants est très largement perfectible. Être aidant aujourd'hui implique certains sacrifices, et conduit à opérer des choix, des aménagements, voire des renoncements dans tous les aspects de la vie professionnelle et personnelle. Les aidants consacrent aussi moins de temps à leur famille, à leur travail et à leur repos, négligeant bien souvent leur propre santé lorsque l'effort devient trop lourd.
Les pouvoirs publics ont réagi par la voie législative. La loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement a constitué une réelle avancée, en posant notamment la définition du proche aidant, qui dépasse désormais le seul cadre familial. Ce sont là des progrès notables, mais qui restent malheureusement insuffisants. Très récemment, notre assemblée a fait un second pas vers cette aide aux aidants, en votant à la quasi-unanimité, dans ce même hémicycle, la proposition de loi créant un dispositif de don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants ; ce texte fait appel à la solidarité, en s'éloignant d'une vision jacobine de notre société.
Aujourd'hui, une nouvelle possibilité nous est donnée d'améliorer le statut des proches aidants en France, grâce à la proposition de loi défendue par notre collègue Pierre Dharréville à partir de son analyse pertinente de la situation.
Cette proposition de loi s'attache d'abord à améliorer le congé de proche aidant. Ce droit au congé permet à toute personne de cesser son activité professionnelle afin de s'occuper d'une personne en situation de handicap ou en perte d'autonomie. Il a le mérite d'exister, mais l'absence d'indemnisation freine ceux qui voudraient en bénéficier : peu de personnes sont prêtes à abandonner une année de leurs revenus. La peur de se placer dans une situation de précarité financière contraint donc trop souvent l'aidant à renoncer au droit au congé.
Sur le modèle de l'indemnité journalière de présence parentale, l'article 1er de la proposition de loi vise à indemniser le congé, ce qui permettrait d'atténuer la contrainte financière et d'offrir une rémunération aux proches aidants. C'est une très bonne chose. Je réitère toutefois une petite réserve, déjà exprimée en commission, concernant l'appréciation du coût de cette mesure : nous ne disposons pas d'évaluation préalable de l'impact financier pour les organismes de sécurité sociale ; une demande devrait être adressée à la direction de la sécurité sociale. Il pourrait en outre être intéressant de chiffrer l'économie réalisée grâce à la solvabilité de l'aidant, qui ne sera plus tenté, ou obligé, de se mettre en arrêt maladie pour s'occuper de l'aidé, ou de négocier une rupture conventionnelle lui permettant de bénéficier des indemnités de Pôle emploi.