« Les paradis fiscaux : comment sortir de cet enfer ? » Telle est la formule qu'avait choisie l'évêché de Cambrai pour lancer un débat sur ce sujet. Elle résume assez bien notre combat commun.
Nous sommes de plus en plus nombreux à nous mobiliser contre ce fléau. Mais, comme l'a souligné le directeur de la commission de l'investissement et des entreprises de la CNUCED – Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement – , que j'ai rencontré à Genève ce mardi, « beaucoup a été fait, mais l'essentiel reste à faire ».
Ce sont plus de 7 000 milliards de dollars de bénéfices non imposés qui reposent dans les paradis fiscaux. Ces zones de non-droit sont aussi un véritable paradis pour le crime organisé : 1 500 milliards de dollars, correspondant au blanchiment de l'argent noir, échappent au contrôle bancaire et judiciaire. En France, il manque entre 60 et 80 milliards d'euros au budget de la nation à cause de la fraude et de l'évasion fiscale.
Telle est la réalité de l'évasion fiscale aujourd'hui dans le monde. C'est une vraie menace pour nos sociétés. Compétition fiscale entre États, zones offshore, opacité des banques, cabinets spécialisés, fraudes en tout genre et blanchiment de l'argent sale : c'est devenu un véritable sport auquel se livrent des pays, des champions économiques, de grandes fortunes, des industriels ou des banques, qui ont d'ailleurs pignon sur rue.
Si la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales a progressé, les moyens demeurent faibles. Il reste même des mesures qui protègent les fraudeurs, tel le verrou de Bercy, en France, même si nous gardons l'espoir qu'il sautera rapidement. Et que dire des 20 000 postes de fonctionnaires supprimés en dix ans à Bercy ? Les dégâts pour nos finances publiques sont pourtant considérables et connus de tous.
Lors de notre visite à l'ONU cette semaine, j'ai retenu deux chiffres. Premièrement, il manque 100 milliards de dollars par an aux pays en développement à cause de la fraude fiscale. La famine, l'illettrisme, les maladies sont autant de défis que ces pays pourraient relever avec cet argent. Deuxièmement, pour mener ce combat, l'ONU peut compter sur… deux fonctionnaires – car aucun pays n'a donné à l'organisation internationale le mandat de s'y attaquer formellement. À quand des casques bleus pour enquêter et traquer les délinquants en col blanc ? N'y aurait-il donc que des journalistes et des lanceurs d'alerte pour mener ce combat avec courage, au péril de leur vie ?
Nous sommes aussi allés voir le port franc de Genève, un paradis fiscal dans un paradis fiscal, une forteresse qui abrite des milliers d'oeuvres d'art, dont des Modigliani, des Van Gogh ou encore des Rembrandt. C'est certainement le plus grand musée du monde, mais ses beautés sont bien cachées. C'est là, dans cette zone ultra-sécurisée, que de richissimes personnes – et la mafia – cachent au fisc des oeuvres importantes, à moins qu'ils ne s'en servent pour blanchir de l'argent, car des marchands d'art font leur marché dans cette enceinte. La Suisse a décidé de s'y attaquer. Nous verrons…
Profitant de notre présence dans ce pays, nous avons en outre essayé d'en savoir un peu plus sur la partie du patrimoine de Johnny Hallyday qui serait hébergée au sein de la société suisse Posadas & Vecino. Sur place, nous avons bien trouvé une plaque, une entreprise et une secrétaire, qui nous a renvoyés… vers l'Uruguay ! Les enfants de Johnny Hallyday ont du mouron à se faire, comme on dit chez moi : si cela se confirme, une part de leur héritage est au paradis et, pour l'en faire redescendre…