En effet, il s'agit de protéger nos finances et nos politiques publiques et, plus profondément encore, de faire respecter la justice fiscale, ce qui est une attente fondamentale de nos concitoyens. Comme vous, le Gouvernement s'est pleinement saisi de cette question, et nous poursuivons avec détermination les mêmes objectifs : le renforcement de la transparence fiscale, la lutte contre l'optimisation fiscale et la fiscalité dommageable, la juste taxation des géants du numérique.
La France est à la pointe du combat contre toutes les formes de fraude et d'évasion fiscales, aussi bien sur le plan interne que sur le plan international. En juin, nous avons signé la convention de l'OCDE issue des travaux sur l'érosion des bases fiscales et les prix de transfert, dite « convention BEPS », qui permet d'avancer en mettant en place des clauses anti-abus. Nous sommes à la tête du combat pour obtenir une solution rapide permettant de taxer les géants du numérique en Europe. Nous promouvons la convergence fiscale et l'harmonisation en soutenant les projets ACIS et ACCIS – assiette commune et assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés. Nous sommes également très engagés au sein de l'Union européenne pour rendre obligatoire, aux niveaux européen et international, la déclaration des montages fiscaux par les intermédiaires qui favorisent les dispositifs abusifs. Sur tous ces fronts, l'action de la France pour lutter contre l'optimisation fiscale vise à créer une dynamique avec les autres États et, dans certains cas, notamment en matière d'économie numérique, à travailler à une refonte des règles internationales.
L'OCDE comme l'Union européenne se sont engagées pour faire respecter les standards internationaux, aussi bien en matière de transparence que de lutte contre la fiscalité dommageable. Cela a conduit l'Union européenne à établir une liste de dix-sept États et territoires non coopératifs en décembre 2017. La France a soutenu cette initiative dès le départ et a insisté pour que la liste repose sur des critères forts et robustes et qu'elle soit assortie de contre-mesures.
Aujourd'hui, cette liste noire évolue, car certains États et territoires concernés ont pris des engagements de mise en conformité. Pour autant, la pression ne faiblit pas, au contraire : nous nous assurerons que, d'ici à la fin de l'année, ces États respectent scrupuleusement tous les engagements pris, faute de quoi ils seront à nouveau inclus dans la liste noire européenne dès 2019. Cette liste est une première avancée que je pense puissante, mais qui n'est pas suffisante.
Des défis restent encore à relever. En premier lieu, des contre-mesures efficaces et dissuasives doivent être appliquées de manière coordonnée à l'encontre des États et territoires qui figurent sur cette liste. C'est la volonté de la Commission européenne et c'est la nôtre. Tel n'est pas encore le cas aujourd'hui, et il faut persévérer pour convaincre certains de nos partenaires réticents à aller dans ce sens. La France montrera l'exemple et appliquera des sanctions. Nous réfléchissons également aux modalités permettant de transposer la liste européenne dans notre droit de la manière la plus ambitieuse possible. Cette réforme, qui implique une modification législative, se concrétisera cette année.
Aussi, monsieur le rapporteur, nous ne pouvons qu'être en accord avec les objectifs de votre proposition de loi, qui vise à modifier l'article 238-0 A du code général des impôts afin, d'une part, de transposer les critères de la liste européenne dans le droit français et, d'autre part, d'appliquer des contre-mesures fortes aux États amenés à figurer sur notre liste nationale. En revanche, nous divergeons sur la traduction législative à donner à ce combat.
Les grandes lignes de la proposition que fera le Gouvernement sont les suivantes.
S'agissant des critères retenus dans le dispositif français de lutte contre les États et territoires non coopératifs, nous proposerons d'ajouter aux critères de notre liste nationale – je dis bien « ajouter » et non « substituer » – les critères de la liste européenne. Les critères actuels qui conduisent tel État ou territoire à figurer sur la liste française resteront en place. Nous continuerons donc à sanctionner, dans les conditions actuelles, les États qui refusent de coopérer et d'échanger spécifiquement avec la France.
S'agissant des sanctions, nous proposerons une approche proportionnée en fonction des critères, lesquels seront appréhendés de manière large, selon la gravité des manquements qu'ils recouvrent. Cette approche aura notamment pour objectif de cibler les régimes fiscaux offshore particulièrement agressifs, qui cherchent à attirer les actifs les plus mobiles et entraînent des pertes de recettes fiscales pour les États.
Ces dispositifs laissent perdurer des coquilles vides, ce qui nous semble inacceptable. Les attentes et les exigences sont fortes à l'égard des dispositifs d'optimisation. C'est pourquoi il nous paraîtrait légitime qu'on leur applique une palette plus large de contre-mesures.
S'agissant du critère lié à la transparence fiscale, les États inscrits sur la liste de l'Union européenne sont déjà pris en compte par le dispositif français. C'est l'objet de l'article 238-0 A du code général des impôts dans sa version actuelle.
Enfin, les États inscrits sur la liste de l'Union européenne sur la base du critère lié à la mise en oeuvre effective des mesures issues des travaux sur l'érosion des bases fiscales et les prix de transfert ne sauraient se voir appliquer le même niveau de contre-mesure. Il y a à cela une raison simple : les campagnes d'évaluation des pays n'ont pas encore commencé, pour l'ensemble des standards définis par l'OCDE.
Nous souhaitons enfin conserver la possibilité d'une actualisation au moins annuelle, comme cela est prévu aujourd'hui. La liste européenne n'aurait donc pas vocation à s'intégrer automatiquement dans la liste française en temps réel.
Comme vous le voyez, nous préparons des propositions concrètes, que nous soumettrons à votre vote avant la fin de l'année. Le projet du Gouvernement permettra de suivre les recommandations du Conseil de l'Union européenne, de renforcer notre dispositif interne contre la fraude et l'évasion fiscales en le rendant cohérent avec l'approche européenne, et d'inciter les États et territoires non coopératifs à se conformer aux critères de l'Union européenne.
Même si elle va dans le bon sens, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui ne répondrait pas, selon nous, à l'ensemble des questions liées à la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale.