… non seulement contre ces phénomènes mortifères pour notre pacte social, mais aussi pour l'Europe. « Là où il y a une volonté, il y a un chemin », nous disent en substance le rapporteur et ses collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Je tiens à les rassurer sur ce point : leur volonté n'est pas isolée. En temps et en heure, la majorité fera, avec eux, converger toutes les bonnes volontés sur le sujet, pour, enfin, renverser un paradigme du laisser-faire en matière d'optimisation fiscale agressive.
Ce laisser-faire, je le rappellerais à nos collègues du groupe Les Républicains, s'ils étaient présents, n'a que trop rapidement succédé à la déclaration fracassante du président Nicolas Sarkozy en septembre 2009, avant le sommet du G20 de Pittsburgh : « Les paradis fiscaux, la fraude bancaire, c'est terminé. »
J'en viens à une critique constructive de la proposition de loi. A-t-on avec ce texte une réponse cohérente, systémique et efficace ?
Le sujet des États et territoires non coopératifs – ETNC – est évidemment essentiel. La proposition de loi élargit cette notion, à laquelle elle adjoint une nouvelle sanction.
Mes collègues l'ont dit, cette proposition de loi soulève de nombreux points intéressants. Elle permet de sanctionner les entreprises passant par des États qui appliquent des taux globaux ou partiels d'imposition nuls ou particulièrement insuffisants. Elle remet aussi en avant le sujet du contrôle des banques, en partie en jachère depuis que le Conseil constitutionnel a censuré le reporting pays par pays dans sa décision de décembre 2016 sur la loi Sapin 2.
Cela étant, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je crains que la proposition de loi, en focalisant tout sur la notion d'ETNC ne puisse résoudre notre équation avec une totale efficacité. Frapper juste et fort demande un arsenal gradué, bien défini par nous, législateur, et le compte n'y est pas tout à fait aujourd'hui.
Par ailleurs, contrairement à mes collègues Les Républicains ou UDI-Agir, je ne renvoie pas à la seule Europe le soin de porter enfin des coups décisifs aux paradis fiscaux et à l'industrie de la destruction de nos impositions de bénéfices. Je vous rappelle, d'ailleurs – la Commission européenne et le commissaire européen aux affaires économiques et financières l'ont dit et redit – qu'il revient aux États de prendre leurs responsabilités pour sanctionner les pratiques dommageables des paradis fiscaux et des entreprises, qui instrumentalisent leurs législations et conventions internationales.
C'est donc simultanément que nous devons pousser les feux, non seulement à l'échelon de l'Organisation de coopération et de développement économiques – OCDE – et de l'Union européenne, mais aussi à l'échelon national. Je souligne ici aussi l'action politique de la Commission européenne, en particulier les rapports par pays contenus dans son « paquet d'hiver » et qui ont été rendus publics hier, le 7 mars. Lisez ces documents, mes chers collègues : la Commission y épingle sur des pages entières les pratiques fiscales dommageables de certains États membres, dont le Luxembourg, l'Irlande, Malte, les Pays-Bas ou la Belgique. On voit donc que le phénomène dépasse largement quelques États insulaires caribéens, et qu'il faudra fermement agir sur tous les tableaux. La notion d'ETNC ne constitue donc pas une mesure suffisante contre l'évasion fiscale.
Enfin, dernier point, quand agir ? Rendez-vous est d'ores et déjà pris pour examiner le projet de loi contre la fraude fiscale que vous nous avez annoncé, madame la secrétaire d'État, et qui arrivera prochainement au Parlement. Le Gouvernement a donc pris date. Ce sera également l'occasion de tirer les conséquences de la mission d'information commune sur les procédures de poursuite des infractions fiscales, procédures que l'on nomme trivialement le « verrou de Bercy ».
Ce projet de loi permettra non seulement de mettre à jour la notion de paradis fiscal mais aussi de conduire une vraie politique publique de lutte contre la fraude fiscale, en complément de la loi de 2013.
Agissons collectivement pour que tous les outils de la lutte contre la fraude fiscale et l'optimisation fiscale agressive soient rendus opérationnels, et retrouvons-nous lors du débat sur le projet de loi contre la fraude fiscale.