Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la vice-présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans l'exercice de notre mandat parlementaire, les sollicitations ne manquent pas, en tout cas pour ceux d'entre nous qui sont sur le terrain. Ces sollicitations sont diverses, mais un domaine apparaît particulièrement concerné par les requêtes : il s'agit du logement. De plus en plus, nous sommes confrontés à des concitoyens qui, dans leur logement, sont exposés à des situations d'indécence et d'insalubrité provoquées par des bailleurs indélicats, voire des marchands de sommeil peu scrupuleux.
La France compte entre 400 000 et 600 000 logements considérés comme indignes, vétustes, insalubres, sur-occupés, ou sous-chauffés. Au total, ce sont près de 1 million de personnes qui y vivent, ou plus exactement qui y survivent. Pour achever de s'en convaincre, il suffit de taper « marchands de sommeil » dans un moteur de recherche et de consulter les actualités qui défilent : Paris, Lourdes, Tarbes, pour ne citer que les résultats de la première page. Ce constat sans appel ne laisse aucune place au doute : mon groupe soutiendra cette proposition de loi et remercie le groupe GDR et son rapporteur pour cette initiative, dont je souhaite qu'elle ne reste pas un simple coup de projecteur.
Je l'ai dit en commission, la méthode des marchands de sommeil n'est malheureusement pas une exclusivité des secteurs tendus ou urbains. Dans nos territoires ruraux et au coeur de nos petites villes où l'habitat est encastré, quelquefois sans cour ni garage, celui-ci est dévalorisé. Ainsi, il devient la proie des bailleurs indélicats soucieux d'un retour sur investissement rapide, avec, en toile de fond, la récupération des aides personnalisées au logement. Les maires chargés des contrôles, dont j'ai fait partie, puisque j'ai dû en réaliser une centaine, sont confrontés à des situations insupportables.
J'en profite, d'ailleurs, pour préciser que le contrôle du logement se fait le plus souvent par rapport au règlement sanitaire départemental. Or la grille de lecture n'est pas toujours la même que celle des organismes sociaux missionnés par la CAF, ce qui pose parfois problème.
Au-delà de ce constat, je rappelle que nous ne partons pas de rien et que la présente proposition de loi est d'autant plus appréciable qu'elle compléterait, si elle était votée, les sanctions déjà prévues à l'encontre de ces marchands de sommeil : cinq ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende. Pourtant, très peu de peines sont prononcées – celles qu'on a évoquées étaient presque favorables aux marchands de sommeil.
La loi ALUR du 24 mars 2014 a aussi renforcé les outils pour lutter contre l'habitat indigne : consignation des aides au logement, peine complémentaire d'interdiction d'achat d'un bien, confiscation de l'usufruit, dispositif d'astreintes administratives, panel de sanctions pénales. Elle a surtout permis d'agir, en amont, sur les territoires les plus touchés par ces pratiques, grâce à l'autorisation préalable de mise en location et à l'autorisation préalable des travaux conduisant à la création de plusieurs locaux à usage d'habitation dans un immeuble.
Mon collègue François Pupponi reviendra notamment, dans quelques instants, sur la problématique des copropriétés. Pour ma part, je conclus en présentant le sens d'un amendement dont nous aurions aimé qu'il soit débattu. Il vise à permettre la consignation du loyer si les travaux ne sont pas faits, afin d'enrayer la logique des marchands en tapant là où ça fait mal : leur porte-monnaie.
Quant aux pouvoirs de police du maire, acteur central essentiel dans la lutte contre le mal-logement, ils sont trop limités. Il peut ordonner des travaux sur la base d'un constat d'insécurité ou d'insalubrité du logement, mais il ne peut ordonner des travaux pour lutter contre les passoires thermiques, car il ne peut s'appuyer sur le diagnostic de performance énergétique, qui n'est pas opposable juridiquement : il n'est pas assez qualitatif pour certains, alors qu'il est obligatoire pour la mise en location. Pourtant, en raison d'un manque d'investissement dans la performance énergétique, ces bailleurs indélicats mettent bien des locataires dans une situation d'insécurité économique.
Dans la perspective de l'examen du futur projet de loi ÉLAN, il me semble nécessaire que nous puissions trouver un moyen juridique permettant d'encadrer les charges fixes du logement, en liant le montant du loyer à sa performance énergétique. Je profite de la tribune pour attirer votre attention sur ce point, monsieur le ministre.
Il ne me reste plus qu'à espérer que nos collègues de la majorité puissent avoir un éclair de lucidité, en réponse au calvaire qui frappe nombre de nos concitoyens. Voilà qui serait tout à votre honneur, chers collègues du groupe La République en marche.