Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du jeudi 8 mars 2018 à 21h30
Lutte contre marchands de sommeil — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la vice-présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la question du logement, et plus particulièrement des marchands de sommeil, est sensible, tant elle est présente dans nos territoires. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 4 millions de personnes restent mal logées ou privées de domicile, tandis que 12 millions voient leur situation fragilisée par la crise du logement.

C'est dans ce contexte que les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine nous soumettent leur proposition de loi. Je dois le dire : elle est intéressante, d'une part parce qu'elle veut s'attaquer à l'insalubrité et, d'autre part, parce que, à sa façon, elle s'en donne les moyens, notamment à l'article 4. Mais est-ce pertinent ? Est-ce suffisant ?

Le Gouvernement s'est aussi emparé du sujet en décembre dernier. En visite à Goussainville dans le Val-d'Oise, Julien Denormandie a dévoilé un plan de lutte contre les marchands de sommeil. Les termes employés ont été soigneusement choisis pour la circonstance : qualifiés de « criminels » au même titre que les trafiquants de drogue ou d'armes, les marchands de sommeil devaient être traqués sans pitié.

Là encore les moyens utilisés se veulent percutants. En particulier, le champ d'application de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts devrait être étendu, et la présomption de revenus concerner désormais aussi les marchands de sommeil. Il s'agit d'un renversement de la charge de la preuve : ce sera aux marchands de sommeil de prouver qu'ils n'en sont pas. Cette mesure est effectivement plus que bienvenue pour lutter efficacement contre ceux qui prospèrent sur la misère des autres.

Mais, au-delà de ces annonces, pourquoi ne pas appliquer simplement le droit existant ? Car vous n'êtes pas sans savoir que lorsqu'un préfet signe un arrêté d'insalubrité sur un logement, des sanctions pénales et administratives sont prévues. Elles ne sont pas symboliques, puisqu'un marchand de sommeil encourt théoriquement cinq ans de prison et 150 000 euros d'amende.

En réalité, le problème est ailleurs. Des arrêtés sont délivrés mais, dans la plupart des cas, ils ne sont pas suivis d'effet : les locataires sont en situation de faiblesse et la justice est débordée. C'est ainsi que, si 3 000 arrêtés d'insalubrité sont signés, quatre-vingts à quatre-vingt-dix marchands de sommeil seulement sont condamnés. Cette impunité est un encouragement à la fraude.

Malheureusement, la proposition de loi discutée aujourd'hui n'apporte pas plus de solutions efficaces : pour résoudre une question de fond, vous vous attaquez aux cas extrêmes, marginaux.

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