Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la vice-présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, cher Hubert Wulfranc, mes chers collègues, nous sommes saisis, dans le cadre de cette journée réservée au groupe de la Gauche démocrate et républicaine, d'une proposition de loi visant à lutter contre les marchands de sommeil.
En France, on estime à 420 000 le nombre de logements indignes, c'est-à-dire des logements qui exposent leurs occupants « à des risques manifestes pouvant porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé », selon les termes de la loi. Près de 52 % de ces logements appartiennent à des propriétaires bailleurs privés, dont certains se constituent un parc locatif et, par là même, un butin financier conséquent. Ces marchands de sommeil, qui profitent de la fragilité de personnes vulnérables ou en situation de dépendance, doivent être durement sanctionnés. Ce sont des criminels – et je pèse mes mots – qu'il faut combattre avec la plus grande fermeté.
Ce constat, je crois que nous le partageons toutes et tous au sein de cet hémicycle, et je tiens à remercier le groupe GDR d'avoir inscrit ce sujet à l'ordre du jour.
Nous ne pouvons collectivement nous satisfaire des solutions apportées, à l'heure actuelle, par nos textes. Malgré les avancées permises par la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, la loi ALUR, et l'existence de sanctions pénales et administratives, un peu moins d'une centaine de condamnations sont prononcées chaque année. En 2015, quatre-vingt-trois condamnations de personnes physiques ont été prononcées, mais seulement neuf peines d'emprisonnement ont été prononcées, dont deux de prison ferme. Cette situation d'impunité est intolérable.
La proposition de loi déposée par le groupe GDR a pour objectif de renforcer ces sanctions afin de lutter de manière plus efficace contre ce fléau et, à nouveau, c'est un point que nous approuvons. Nous avons eu l'occasion de le répéter lors de son examen en commission des affaires économiques le 20 février dernier : la lutte contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil doit être l'une de nos priorités.
Mais si le groupe La République en marche salue l'initiative de placer ce sujet au coeur du débat – et je veux saluer ici M. Stéphane Peu, avec qui j'ai le plaisir de co-présider le groupe d'études sur le logement – ce débat a vocation à se poursuivre dans le cadre du projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.
L'article 1er de la proposition de loi du groupe GDR tend par exemple à porter de cinq à dix ans la durée d'interdiction d'achat d'un bien prévue par l'article 77 de la loi ALUR. Même si l'intention est louable, je doute que cet allongement soit suffisamment dissuasif. Or tel est justement notre objectif : trouver des mesures assez contraignantes pour mettre définitivement fin à cette ignominie.
Mes chers collègues, au terme d'une démarche de concertation inédite qu'a été la conférence de consensus, associant les parties prenantes, les élus locaux et les parlementaires, nous disposons désormais, avec le projet de loi ÉLAN, d'un texte solide sur le logement. Après la présentation de la stratégie du Gouvernement pour le logement en septembre par MM. Jacques Mézard et Julien Denormandie, les députés de la majorité sont fiers d'avoir contribué à cette nouvelle étape dans la concertation – concertation que nous poursuivons, notamment avec les membres de la commission des affaires économiques.
Je veux ici rassurer nos collègues de l'opposition : la lutte contre les marchands de sommeil n'a pas été oubliée, bien au contraire ! Le projet de loi ÉLAN comprend ainsi un chapitre intitulé « lutte contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil », qui vise trois objectifs : conforter et simplifier la mise en place d'une autorité unique, exerçant l'ensemble des polices spéciales de lutte contre l'habitat indigne au niveau des établissements publics de coopération intercommunale ; simplifier les nombreuses procédures de lutte contre l'habitat indigne, et permettre un traitement de l'urgence, en donnant au maire la possibilité de recouvrer sur le propriétaire les frais engagés pour le traitement de la situation ; renforcer, enfin, les sanctions contre les marchands de sommeil. Ce dernier point a déjà été longuement évoqué.
C'est sur ce dernier point, qui forme l'article 56 du projet de loi ÉLAN, que je veux insister devant vous. Les marchands de sommeil ne fonctionnent qu'à l'appât du gain, comme les trafiquants de drogue : nous devons les considérer à l'égal de ces derniers, et c'est pourquoi, dans le code général des impôts, à côté des trafiquants de drogues, d'armes ou de stupéfiants, nous ajouterons les trafiquants de sommeil.
Ceux-ci seront ainsi concernés par la présomption de revenus. Les personnes visées par des procédures pénales en matière d'habitat indigne seraient ainsi présumées avoir perçu un revenu imposable égal à la valeur vénale des biens mis à disposition des personnes hébergées ou aux sommes d'argent provenant directement de l'infraction, c'est-à-dire les loyers perçus.
Cette présomption peut permettre une action forte de l'administration fiscale puisqu'y sont associées une amende élevée et une inversion de la charge de la preuve au profit de l'administration. Les marchands de sommeil, dont la principale motivation est économique, seront donc obligés de passer à la caisse.
Le groupe La République en marche, vous l'aurez compris, ne soutiendra pas cette proposition de loi, non par manque de détermination mais bien parce que la lutte contre ce fléau nécessite une réponse plus adaptée, plus globale et plus forte. C'est ce que nous ferons au travers du projet de loi ÉLAN qui sera soumis à la représentation nationale dans quelques semaines.