Pour être honnête, notre diplomatie a beaucoup évolué depuis quinze ans. À cette époque, lorsqu'on parlait d'économie à nos ambassadeurs, ils nous répondaient qu'ils sortaient des Langues O' et que l'économie ne rentrait pas dans leur champ de compétences, ce qui était problématique. Aujourd'hui, a fortiori depuis que M. Fabius a développé la diplomatie économique du Quai d'Orsay, ils sont de plus en plus nombreux à ne plus se cantonner à la géopolitique ou à la culture, mais à s'intéresser également à l'économie, ce qui est un progrès notable.
Par ailleurs, nous avions auparavant des conseillers commerciaux, issus d'un corps spécialisé, où le pire pouvait côtoyer le meilleur. Depuis que le ministère des Finances a absorbé le ministère en charge du commerce extérieur, c'est la Direction générale du trésor (DGT) qui désigne ces conseillers. Si certains d'entre eux possèdent une vraie culture économique, d'autres, marqués par leur appartenance au Trésor, s'en tiennent trop souvent à une approche macroéconomique de leur environnement, sans entrer dans le détail, ce qui est pourtant indispensable. Si les choses ont donc globalement évolué dans le bon sens, il reste du chemin à parcourir.
Reste que, dans des cas comme celui d'Alstom, nos ambassades ne recueillent que très rarement les informations-clefs, car elles se trouvent hors du périmètre classique de leur champ d'observation. Il s'agit surtout de règlement très spécialisés ou de données juridiques qui intéressent des ministères ou des services spécifiques. Il y a donc ici un angle mort.
Ceci étant, dans l'affaire Alstom, excusez-moi de dire qu'on ne peut invoquer cet angle mort, car tout le monde connaît la loi extraterritoriale américaine, avec laquelle nos entreprises – la BNP, Technip – avaient déjà eu maille à partir, et pas de la manière la plus douce. On ne peut donc pas prétendre que l'on n'était pas au courant que les Américains se servent de l'exterritorialité pour mettre la main sur les sociétés étrangères qui les intéressent, en France, en Allemagne et ailleurs.