Intervention de Arnaud Leroy

Réunion du mercredi 7 mars 2018 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Arnaud Leroy :

Vous êtes députés : vous pouvez aller les chercher ! RTE dispose à coup sûr de données intéressantes.

Nous devons surtout regarder de près l'évolution de la courbe de l'activité économique : si elle se poursuit, la tendance actuelle, qui nous mènera peut-être cette année au-delà des 2 % de croissance, aura un coût en termes énergétiques et en termes d'émissions de gaz à effet de serre. Nous devons être politiquement capables d'assurer un découplage en la matière. Nous y sommes parvenus pour les transports ; nous devons faire de même pour l'énergie.

Limiter le réchauffement climatique à 2 °C ou 1,5 °C suppose également de nouer des partenariats avec le secteur industriel afin de faire de cet objectif un élément de compétitivité. J'ai toujours défendu cette position. Il faut une stratégie pour les entreprises : les industriels doivent prendre en compte la question de la ressource et celle de l'efficacité énergétique. C'est ainsi, en faisant de ces enjeux un élément de compétitivité, que nous amènerons la France vers la neutralité carbone. Je mettrai tout en oeuvre pour que nous y parvenions.

Par bonheur, il ne revient pas à l'ADEME d'exprimer un avis sur les positions de l'Autorité de sûreté nucléaire ou d'EDF en matière de sortie du nucléaire. À la tête de l'ADEME, mon rôle serait de m'assurer que nous pouvons développer les énergies renouvelables françaises. Par notre expertise et notre indépendance, nous participerons à l'arrêt du stop and go réglementaire qui a été fatal à nombre d'industries. Nous devons par exemple nous montrer vigilants s'agissant des énergies marines renouvelables. Nous avons fait des choix en termes de filières industrielles, il faut les assumer. Des arbitrages ou des corrections sont peut-être nécessaires, mais nous devons tenir le cap.

Il en est de même pour le secteur du recyclage. Vous avez eu raison de signaler la fin de l'exportation de certains déchets vers la Chine. En 2016, lorsque j'étais rapporteur sur le « paquet énergie circulaire » européen, j'avais reçu les grandes sociétés françaises du secteur – nous sommes des poids lourds mondiaux dans ce domaine. Elles se heurtaient déjà à un problème d'alimentation de leurs sites de recyclage du fait de la raréfaction de la « ressource », mais peut-être sera-t-il désormais corrigé, la Chine ayant fermé ses portes aux déchets que nous lui envoyions. J'espère que cela permettra à certains sites français, mis sous cocon, de redémarrer.

L'ADEME joue un rôle d'aiguillon en matière de valorisation des déchets recyclés qui deviennent les composants de nouveaux produits. L'agence participe à ce combat : elle est prête à y consacrer un peu d'argent. Demain, des obligations légales ou réglementaires pourraient imposer l'utilisation de matières recyclées pour la construction de nouveaux produits. Certains matériaux peuvent parfaitement être valorisés, par exemple dans le secteur du BTP pour faire des remblais ; se pose de plus en plus, vous l'avez dit, la question des sables qu'il faudra bien finir par aborder à l'échelle internationale. Cette démarche favorise aussi l'innovation : l'ADEME accompagne des groupes français dans cette évolution.

Je n'oublie évidemment pas les PME. Je veillerai dans tous les domaines à un équilibre entre les acteurs qui bénéficient des interventions de l'ADEME. En France, une prime est accordée aux grands groupes ; nous devons songer à mettre en pratique la théorie dite du « porte-avions » et veiller à embarquer un peu plus de petites et moyennes industries (PMI) et d'entreprises de taille intermédiaire (ETI) afin de les faire grandir. Il y a là un challenge industriel qu'il ne faut pas négliger dans ces nouveaux secteurs.

Je remercie M. Christophe Bouillon pour ses paroles particulièrement aimables, et voyant que M. Guillaume Garot est présent parmi vous, je vais essayer de ne pas dire de bêtises sur le gaspillage alimentaire. En termes de campagne de communication, c'est une des grandes réussites de l'ADEME, une sorte de campagne étalon. Elle a eu beaucoup plus d'effets que la plupart des autres. Celle que l'ADEME avait menée il y a un an et demi, pour prévenir un pic de consommation électrique en suggérant aux Français de ne pas utiliser leur lave-linge et leur lave-vaisselle entre dix-huit et vingt heures, avait donné des résultats, mais c'est surtout parce qu'elle passait entre la météo et le journal télévisé ; mais si la campagne sur le gaspillage alimentaire a eu un impact aussi fort, c'est aussi grâce aux partenariats que l'ADEME a su nouer avec le monde associatif et la grande distribution.

Pour ce qui est de la valorisation des déchets, je peux citer un très bon exemple en région parisienne : des restaurants se sont regroupés, dont Le petit Choiseul, pour créer une société de collecte de déchets organiques. Ils servent à fabriquer du compost car il est pour l'instant difficile de produire du gaz à réintroduire dans le réseau. Cette initiative locale, accompagnée à l'origine par l'ADEME, montre que ce modèle peut fonctionner à l'échelle nationale, en région parisienne, mais également dans une ville comme Laval si l'on se concentre sur le centre-ville, avec les restaurants classiques et les restaurants collectifs : cantines scolaires, hôpitaux… Les germes d'une nouvelle économie se trouvent aussi là. Nous serons évidemment à la manoeuvre pour aider au partage des bonnes pratiques. C'est l'une des missions de l'ADEME, et cela participe de la « massification » que j'ai déjà évoquée.

La trajectoire budgétaire, je l'ai dit, a été fixée pour cinq ans par le Président de la République. Je ne me cache pas la réalité, mais je suis optimiste. Il faudra que l'ADEME démontre pourquoi elle a besoin d'un doublement du Fonds « chaleur ». Durant quelques mois, elle doit entrer dans une phase d'évaluation, ce qui peut être l'occasion de se rattraper sur certains modes d'intervention. Je ne prétends pas détenir une solution ; je ne fais que poser une question. Jusqu'à quelle hauteur devons-nous intervenir sur les projets ?

Cela dit, il nous faudra nous battre : quels que soient mes engagements par ailleurs, vous m'entendrez si on vient grappiller sur le Fonds « chaleur » ou le Fonds « déchets » ! Si l'on prend l'exemple de ce dernier, consacré à l'économie circulaire, l'ADEME a évalué en interne, sur la base des projets de la feuille de route pour l'économie circulaire, un besoin d'approximativement 150 millions d'euros par an tout au long du quinquennat.

J'estime que nous devons regarder comment l'ADEME peut générer des flux financiers. Les filières de responsabilité élargie du producteur (REP) sont des spécificités françaises. Il est sans doute possible d'organiser quelque chose. Des discussions sont en cours. L'ADEME peut, peut-être, se faire une place de manière intelligente pour contribuer et se faire rémunérer afin d'abonder une partie du Fonds « déchets ». Il faudra exploiter ces pistes et obtenir les bons arbitrages. L'ADEME fera le nécessaire pour remettre aux ministères de tutelle des copies bien écrites comportant des trajectoires qui font sens, afin d'être au rendez-vous de ces engagements.

J'ai déjà évoqué les collectivités locales. Le contrat de plan État-région constitue un instrument classique. Depuis la loi 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « NOTRE », les EPCI sont devenus un acteur important qu'il faut faire monter en gamme en termes de compétences. Il faut aussi nouer des relations ; nous y travaillons. Aujourd'hui, environ 50 % du territoire est concerné par des contrats de partenariat et par la montée en gamme de l'accompagnement de certains projets. Là aussi, je me permettrai de regarder la réalité de ces partenariats de plus près. Lors du dernier conseil d'administration de l'ADEME, nous avons abordé ce sujet avec le représentant de l'Association des maires de France (AMF) et celui de Régions de France, afin d'organiser un rendez-vous annuel ou semestriel – en particulier avec Régions de France – pour coordonner nos interventions. L'ensemble de l'écosystème de l'ADEME doit participer au respect des engagements nationaux et à leur traduction dans tous les territoires. Tout cela existe peut-être déjà, mais il faut sans doute procéder à des évaluations pour faire évoluer les choses.

Nous serons à ce rendez-vous. Par chance, cette démarche n'est pas particulièrement coûteuse car l'ADEME dispose de nombreuses ressources internes et d'une présence territoriale importante qui permet de travailler de façon fine. Sur le plan du financement, il doit aussi être possible de mieux articuler ses interventions au niveau régional, en matière de transition écologique et énergétique, avec celles de la Banque publique d'investissement (Bpifrance). Je rappelle qu'il s'agit de l'une des missions de la BPI, et que je m'étais assuré, lors de sa création, que cette articulation était possible.

Elle implique que l'ADEME noue un partenariat très étroit avec la BPI qui dispose de beaucoup plus de moyens qu'elle, et qui est davantage en mesure de travailler avec les banques de détail, acteurs majeurs de l'écosystème en matière de rénovation énergétique. Nous avons un problème de distribution des prêts éco-PTZ et des prêts bonifiés, créés à l'époque de M. Jean-Louis Borloo. Nous devons parler avec tout le monde. Il n'est pas facile de trouver des partenariats financiers quand vous avez des projets d'investissement qui ne sont pas nécessairement rentables à court terme dans la logique bancaire, et qui, de facto, vous incitent à un investissement sur quinze, vingt ou trente-cinq ans. Il existe des fonds spécialisés, mais nous devons aller au-delà.

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