La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a entendu, en application de l'article 13 de la Constitution, M. Arnaud Leroy, dont la nomination est proposée par M. le Président de la République à la fonction de président du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).
Mes chers collègues, en application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et de la loi organique du 23 juillet 2010, il nous appartient d'auditionner ce matin M. Arnaud Leroy, que le Président de la République propose de nommer à la présidence du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.
Je vous rappelle que l'ADEME est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), dont le conseil d'administration est présidé, depuis le 15 mars 2013, par M. Bruno Léchevin. L'agence comporte également un conseil scientifique, présidé depuis septembre 2013 par M. Didier Roux.
Le 15 février dernier, a été publié un décret portant nomination de dix-sept membres du conseil d'administration, dont M. Arnaud Leroy. Le 23 février, a été publié un communiqué indiquant que le Président de la République proposait de nommer M. Arnaud Leroy à la présidence de ce conseil d'administration.
Je rappelle maintenant quelques éléments de procédure. La loi organique du 23 juillet 2010 dresse la liste des emplois pourvus par le Président de la République : parmi ceux-ci, seize doivent faire l'objet d'un avis préalable de notre commission. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission compétente de l'Assemblée nationale et du Sénat représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.
L'audition d'aujourd'hui, qui est publique, sera donc suivie d'un vote à scrutin secret, effectué par appel nominal et hors la présence de la personne auditionnée. Aucune délégation de vote n'est possible ; des bulletins vous seront distribués à cet effet. La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat devant auditionner M. Arnaud Leroy cet après-midi, le dépouillement du scrutin aura donc lieu vers dix-huit heures – deux scrutateurs seront nécessaires.
Je rappelle par ailleurs que le Bureau de notre commission a décidé qu'un questionnaire serait désormais envoyé préalablement aux personnalités entendues en application du dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution. Les groupes politiques ont été sollicités pour y contribuer. Ce questionnaire et les réponses qu'y a données M. Arnaud Leroy ont été rendus publics sur le site internet de l'Assemblée nationale. Il constituera pour nous une base utile d'échanges.
Monsieur Leroy, nous savons déjà que vous êtes impliqué dans les enjeux environnementaux, puisque vous avez été, durant la précédente législature, un membre actif de la Commission du développement durable de l'Assemblée nationale. Nous sommes heureux de pouvoir vous y accueillir de nouveau, désormais à un autre titre.
Vous êtes proposé pour la fonction de président du conseil d'administration de l'ADEME, qui est appelée à jouer un rôle central dans la transition écologique et énergétique. Son contrat d'objectifs et de performance (COP), en cours, couvre la période 2016-2019. Pourriez-vous nous indiquer ce que seraient vos priorités dans ce cadre et comment vous envisagez les modes d'intervention de l'agence, qui doit à la fois accompagner des actions novatrices et engager une démarche de massification pour mobiliser plus largement ?
Je vous passe maintenant la parole pour une présentation liminaire, avant que nos collègues puissent vous poser quelques questions complémentaires à celles qui vous ont déjà été adressées.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je suis moi aussi ravi de vous retrouver, en étant cette fois placé de l'autre côté de la table.
Vous avez raison de mentionner le contrat d'objectifs et de performance 2016-2019 signé entre l'État et l'ADEME. Je pense qu'il faut aussi rappeler le paradigme sous le signe duquel est placé ce début de législature, à savoir la transition écologique et énergétique. La France a pris dans ce domaine des engagements qu'elle soutient avec force au niveau international, afin que nous soyons en mesure de limiter la hausse de température à 2 °C, et si possible à 1,5 °C. C'est dans ce double cadre que je veux placer mon action à la tête de l'ADEME, qui m'apparaît comme l'acteur majeur de la transition écologique et énergétique en France, face à une urgence encore plus marquée qu'auparavant – ce qui justifiera, si je suis nommé à la tête de l'ADEME, que je vienne régulièrement devant votre commission afin d'évoquer les nombreux sujets qui s'y rattachent, notamment lors des discussions budgétaires. Le financement de la transition écologique et énergétique donnera lieu à l'une de ces discussions, dans le cadre de laquelle nous devrons assumer un positionnement politique.
J'ai choisi de placer humblement mes pas dans ceux de mon prédécesseur, M. Bruno Léchevin, que je salue ce matin. Il a fait « tourner la boutique » pendant cinq ans, ce qui n'était pas arrivé depuis très longtemps : cela aussi a son importance, car pour être opérationnelle, l'agence a besoin d'un minimum de long terme dans sa gouvernance.
Le contrat d'objectifs et de performance énumère certaines missions que je vais également évoquer, en commençant par sa mission historique. Créée il y a vingt-cinq ans, l'ADEME est issue de la fusion de plusieurs agences et s'est vu confier par la loi plusieurs missions, inscrites dans le code de l'environnement. Opérateur historique de la politique de prévention et de gestion des déchets, l'ADEME intervient également en matière de protection des sols et de remise en état des sites pollués, de prévention et de lutte contre la pollution de l'air – question dont chacun connaît aujourd'hui l'importance –, de réduction, d'élimination, de récupération et de valorisation des déchets, ainsi, évidemment, qu'en matière énergétique, qu'il s'agisse de la question du mix énergétique ou de celle de l'efficacité énergétique.
L'agence se livre également à des exercices de prospective sur certains sujets, notamment celui du gaspillage alimentaire, dont on a beaucoup parlé au cours du quinquennat précédent, sur d'autres liés aux sols ou à la forêt – je pense au travail entamé sur ce thème par M. Stéphane Le Foll –, ou encore sur celui de l'économie circulaire, qui prend de plus en plus d'importance.
C'est donc un véritable foisonnement de sujets qu'il faut prendre en considération quand on parle de l'ADEME. Fort heureusement, certains thèmes échappent à sa compétence : elle ne s'occupe ni du nucléaire, ni de l'eau, ni de la biodiversité – pour cette dernière, on a créé l'Agence française pour la biodiversité (AFB). Le questionnaire écrit que vous m'avez adressé évoquait la question de l'articulation entre les sujets relevant des compétences de l'ADEME et ceux relevant des compétences de l'AFB : il existe effectivement des connexions, notamment entre la dépollution des sols et la biodiversité – on sait, par exemple, que certaines espèces végétales possèdent des capacités naturelles à dépolluer les sols –, qui font que les relations entre l'ADEME et l'AFB sont appelées à se développer. Une rencontre est organisée avec l'AFB le 28 mars prochain afin d'étudier les collaborations possibles entre les services respectifs des deux agences et, si je suis nommé président de l'ADEME, je ferai en sorte qu'elle entretienne de bonnes relations avec l'AFB, afin que nous progressions dans le même sens. La question climatique et la question de la biodiversité sont extrêmement liées et si, pour des raisons historiques, on a surtout parlé de changement climatique jusqu'à présent, je pense que la question de la crise de la biodiversité est tout aussi prégnante, en tout cas pour l'avenir de cette belle espèce qu'est l'espèce humaine. C'est ainsi que je vois ma mission à la tête de l'ADEME et je m'emploierai à renforcer les synergies.
Pour ce qui est de mes priorités, je souhaite prendre un peu de temps pour procéder à un état des lieux, comme je m'y suis engagé auprès des équipes et des partenaires de l'agence. L'ADEME travaille beaucoup dans le cadre de partenariats, que ce soit avec les collectivités, les associations ou les entreprises, et ce travail collectif me paraît constituer la clé du succès de la massification de la transition écologique. Cette logique s'était imposée durant la COP21 avec l'Agenda des solutions et l'ADEME avait commencé à la mettre en oeuvre en endossant un rôle d'ensemblier pour faciliter les choses.
Les enjeux couverts sont interdépendants, ce qui doit peut-être nous conduire à travailler différemment. L'ADEME dispose de deux grands outils, à savoir, d'une part, l'outil budgétaire constitué par le Fonds « chaleur », qui permet de financer bon nombre de projets, et le Fonds « déchets », destiné à répondre aux problématiques relatives à l'économie circulaire et ayant vocation à accompagner la feuille de route que Mme Brune Poirson va sans doute vous présenter prochainement. Un troisième fonds, le Fonds « qualité de l'air et mobilité durable », créé à la suite des Assises nationales de la mobilité, est plus spécifiquement consacré au problème de la pollution due aux transports.
L'ADEME dispose de moyens relativement conséquents : 214 millions d'euros pour le Fonds « chaleur » et 160 millions pour le Fonds « déchets ». Ces fonds incitatifs servent à créer des effets de levier : ceux d'entre vous qui sont élus locaux savent comment les collectivités locales peuvent porter des projets en partenariat avec l'ADEME, afin de produire, sous forme d'énergie renouvelable, les tonnes équivalent pétrole qui nous permettent de réduire notre dépendance et les émissions de gaz à effet de serre.
J'espère que ces dotations budgétaires seront maintenues et, si je suis nommé président de l'ADEME, je me battrai pour qu'elles le soient – et même, si possible, pour qu'elles soient augmentées. Cela dit, peut-être y a-t-il également un travail à effectuer en interne pour voir si les dépenses ne pourraient pas être rationalisées en modifiant les niveaux d'intervention et en mettant en place une nouvelle stratégie d'action, basée sur une généralisation des avances remboursables créées par l'ADEME. La conjoncture ne facilite pas l'action de l'agence, notamment pour ce qui est du Fonds « chaleur », puisque les cours relativement bas du pétrole et du gaz diminuent l'efficacité des mesures incitatives en faveur de la chaleur renouvelable. Sur ce point, nous comptons beaucoup sur la mise en oeuvre et la montée en puissance de la contribution climat énergie pour préserver la capacité des incitations à créer des réseaux de chaleur renouvelable basés sur la géothermie ou les centrales biomasse.
Nous allons travailler sur tous ces sujets en partenariat avec les collectivités, avec lesquelles nous avons aussi une relation particulière à nouer. Si, afin de réaliser des économies d'échelle, on a jusqu'à présent favorisé les gros projets, notamment via le Fonds « chaleur », bon nombre de collectivités appellent désormais à réduire un peu la voilure et à travailler plutôt par « grappes ». Nous devons faire preuve d'intelligence et être à l'écoute de cette demande si nous voulons que le Fonds « chaleur » continue à jouer son rôle en matière de financement de projets, et peut-être envisager qu'il s'adresse désormais davantage à de plus petites structures disséminées sur le territoire.
La méthanisation représente un gros enjeu, dont il a beaucoup été question lors du Salon de l'agriculture. L'ADEME y participe déjà activement, et a beaucoup de projets en stock – plus que ce que lui permettent ses moyens. Le ministre de l'agriculture, M. Stéphane Travert, a annoncé un fonds de 100 millions d'euros, mais il faut préciser qu'en matière de méthanisation, le problème qui se pose est plus celui des fonds propres que celui de l'amorçage des projets, ce qui fait que l'ADEME n'est pas nécessairement dans son rôle premier. Cela dit, je n'ai pas pour autant l'intention de quitter le navire et je serai à l'écoute des ministères afin que nous puissions continuer à aider au développement de la méthanisation avec ces nouveaux partenaires que sont la Caisse des dépôts et consignations et Bpifrance, très actives, semble-t-il, dans ce secteur.
Il est important de souligner également la présence territoriale de l'ADEME, qui est un EPIC présent partout en France, y compris en outre-mer. J'attache une grande importance à l'outre-mer, notamment en matière d'autonomie énergétique et de gestion des déchets. Des contrats sont en cours de négociation sur ces questions, qui auront vocation à être intégrées à la stratégie outre-mer que j'aurai le plaisir de venir présenter prochainement à l'Assemblée nationale, notamment à la Délégation aux outre-mer. J'espère que nous atteindrons la cible visée et je m'efforcerai que ce soit le cas.
La présence territoriale est un modèle qu'il faut absolument défendre car, en plus de permettre d'être au plus près du terrain, elle constitue également un moyen de partager les bonnes pratiques, grâce aux contacts très forts qui s'établissent entre l'ADEME et les collectivités, via les contrats de plan État-région qui permettent des financements croisés. Le budget de 540 millions d'euros de l'ADEME lui permet une action allant bien au-delà du simple fonctionnement ; il faut maintenir cette capacité, cette capillarité régionale et parfois infrarégionale, qui permet de massifier la transition écologique et énergétique. Je crois sincèrement qu'une telle mission est impossible à accomplir depuis Paris : quelle que soit la détermination de l'ADEME à agir, elle se trouverait certainement freinée par des injonctions politiques au point de ne pas dépasser le périphérique… L'ADEME doit donc continuer à développer ses relations avec les antennes de l'AFB et les services des régions, afin de pouvoir continuer à être l'animateur des choix de politique publique nationale pour la formation – notamment des élus – et la rencontre des entreprises. C'est cette présence, ce côté « renifleur », qui permettra à l'ADEME de jouer ce rôle de multiplicateur de la transition énergétique.
Pour ce qui est des programmes d'investissements d'avenir, vous savez que l'ADEME est historiquement l'un des animateurs des investissements d'avenir, qui ont désormais atteint un stade avancé. Il reste un peu d'argent dans les caisses, et le PIA 3 prévoit encore un peu plus de 1 milliard d'euros pour l'ADEME sur des sujets décidés en commun – quelques appels à projets ont été lancés au mois de février. Il me semble important que l'agence conserve la maîtrise de tout ce qui est relatif à la transition écologique et aux technologies liées à l'environnement si elle veut continuer à aller de l'avant dans ces domaines.
Je compte affiner les choses au cours des prochains mois, et établir une relation privilégiée avec les deux ministères de tutelle, celui de la transition écologique et solidaire et celui de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. L'ADEME comprend un conseil scientifique, mais aussi une direction « recherche et prospective » qui finance des thèses et est partie prenante de programmes un peu plus conséquents. Sur ce dernier point, je pense qu'elle doit pouvoir travailler plus finement avec le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Ainsi, en matière d'énergie renouvelable, la stratégie nationale sur le stockage de l'énergie, qui soulève la question de l'intermittence et celle des réseaux électriques intelligents (smart grids), a une importance qui justifie que l'on renforce le pôle correspondant, au besoin en l'alimentant par le biais d'appels à projets.
Je serai toujours à votre disposition pour venir discuter de ces questions avec vous. L'ADEME a beau être un EPIC, elle n'en est pas moins un outil commun et il me semble important que la représentation nationale puisse rester en contact direct avec elle, afin d'être à même de comprendre au mieux les choix faits par l'agence dans le cadre de l'indépendance et de la neutralité qui sont les siennes et qu'il convient, plus que jamais, de préserver. Au moment où l'on constate que la parole scientifique peut se trouver au service d'intérêts privés, l'État doit être en mesure d'entendre une parole neutre et indépendante, en l'occurrence celle de l'ADEME. L'indépendance de l'agence doit aussi pouvoir s'exercer vis-à-vis de ses deux ministères de tutelle ; elle possède les capacités internes pour qu'il en soit ainsi, y compris quand on aborde les questions relatives aux scénarios énergétiques.
Il y aura, dans les semaines et les mois à venir, en prévision de la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), quelques discussions un peu serrées dans le cadre desquelles vous serez amenés à vous prononcer sur la révision de la stratégie nationale bas carbone. En résumé, l'agence doit être au service de la transition énergétique et poursuivre un but, consistant à permettre à notre pays de tenir ses engagements internes. Pour ce qui est des émissions de gaz à effet de serre, nous ne pouvons exclure que la baisse observée au cours des dernières années puisse être liée à la baisse d'activité dans notre pays ; la reprise de l'activité doit nous inciter à faire preuve de vigilance. Il faut que nous soyons à même d'assurer le fameux découplage réclamé depuis longtemps : c'est une question de crédibilité au niveau européen, mais aussi au niveau international. Compte tenu de mon parcours, il me paraît important de rappeler que l'ADEME fait partie d'un écosystème européen où chaque État membre est doté d'une agence équivalente – même si l'agence française est unique en termes de multiplicité de ses champs d'action. J'espère contribuer à ce que l'ADEME joue un rôle important au sein de ce réseau et puisse travailler en étroite concertation avec la Commission européenne, notamment dans le cadre de la législature 2019-2024, qui constituera une occasion essentielle de restaurer le leadership européen sur la question climatique et de se battre pour que le budget européen consacré à la transition écologique soit fermement maintenu. Enfin, l'ADEME a également vocation à apporter son appui à la diplomatie française lorsque c'est nécessaire, comme ce sera le cas le week-end prochain en Inde, sur les questions liées à la mise en oeuvre de la COP21 qui doit continuer à être notre feuille de route.
Monsieur Leroy, je vous remercie au nom du groupe La République en Marche pour votre intervention devant notre commission en votre qualité de candidat à la présidence du conseil d'administration de l'ADEME. Comme vous l'avez dit, les défis qui s'imposent à l'agence sont aussi multiples que décisifs, et à la hauteur de ceux qui s'imposent à notre pays en matière de transition écologique et climatique, mais aussi d'amélioration du cadre de vie pour l'ensemble de nos concitoyens.
Du fait de ses missions et son expertise, l'agence est un acteur majeur de nos politiques publiques environnementales. Vous avez commencé à nous indiquer quelles seraient vos priorités en matière d'action, mais aussi d'accompagnement et de prospective, de l'ADEME, au regard des objectifs environnementaux que nous nous sommes fixés, et du contrat d'objectifs et de performance dont l'agence est dotée.
Quelles nouvelles initiatives comptez-vous prendre pour relever les objectifs ambitieux fixés par la loi relative à la transition énergétique, ainsi que par le plan climat dans les domaines nombreux et cruciaux que sont la gestion des déchets et l'économie circulaire, mais également la pollution des sols, l'énergie, le climat, la qualité de l'air et le bruit ?
L'ADEME accompagne de plus en plus l'innovation, notamment à travers son rôle d'opérateur du programme d'investissements d'avenir et le lancement de différents appels à manifestation d'intérêt. Vous avez affirmé votre volonté de poursuivre cette action de soutien à l'innovation dans les entreprises, reconnue par les acteurs industriels du secteur. Quelles sont, selon vous, les priorités en la matière pour l'ADEME ? Vous avez récemment évoqué la mise en place d'un nouvel outil d'intervention pour les infrastructures innovantes : pouvez-vous nous en dire plus sur ce dispositif de soutien ?
En matière d'accompagnement et de partenariats, vous avez dit très justement que le rôle stratégique de l'ADEME passera par une présence territoriale, par une logique de réseaux et un soutien accru des collectivités territoriales, mais également des entreprises, ce qui constitue l'un des leviers de la réussite des politiques publiques. Quelles seront les orientations et la politique partenariale que vous déploierez pour donner ce caractère plus opérationnel et stratégique aux actions de l'agence ? Quelle sera la stratégie de l'ADEME en matière de rénovation énergétique des bâtiments, qui fait partie de son champ de compétences et constitue un des leviers essentiels de l'accomplissement des objectifs ambitieux que s'est fixés la France, notamment avec la stratégie logement, visant à rénover plus de 150 000 logements considérés comme des « passoires thermiques » ?
Enfin, il est un domaine dans lequel le travail de l'ADEME est un peu moins connu, celui du bruit, qui constitue l'une des premières préoccupations des Français lorsqu'ils sont interrogés sur leur cadre de vie. Quel rôle l'agence jouera-t-elle en matière de réduction des nuisances sonores, aussi bien dans le domaine du logement qu'en ce qui concerne les nuisances provenant des infrastructures de transport, notamment aériennes ?
Cher Arnaud Leroy, vous êtes entendu par notre commission dans le cadre de votre candidature à la présidence de l'ADEME et vous avez déjà évoqué un certain nombre de pistes qui pourraient être celles que vous pourriez suivre dans le cadre de vos fonctions. Nous souhaitons mieux connaître votre vision de l'agence, notamment pour l'avenir. Les gouvernements qui se sont succédé ont pris un certain nombre d'orientations en faveur d'un environnement responsable, mais la mise en oeuvre de ces orientations ne peut réussir que si nous disposons de « bras armés » capables de mener les politiques correspondantes : l'ADEME peut être un de ces « bras armés » de la Nation en matière d'environnement.
En matière d'ordures ménagères et de déchets, comme vous le savez, la Chine a fermé ses portes à l'ensemble des déchets solides : depuis le 1er janvier dernier, vingt-quatre catégories de déchets solides ne peuvent plus entrer dans ce pays, alors qu'ils y étaient jusqu'alors traités. Si nous possédons en France un certain nombre de filières ayant la capacité technique de recycler, celles-ci se trouvent dans l'impossibilité de le faire compte tenu des volumes de déchets à traiter. Il va falloir réagir très vite, en nous dotant des capacités de traitement correspondant au volume de déchets présent sur le marché. À défaut, d'autres pays que le nôtre – je pense notamment à nos amis allemands – s'empareront du marché des déchets français, avec toutes les conséquences que cela peut impliquer : nous ne devons pas perdre de vue que les déchets d'aujourd'hui constituent les matières premières de demain. Selon vous, quel regard l'ADEME doit-elle porter sur les filières de traitement des déchets et comment doit-elle les accompagner pour qu'elles augmentent leurs capacités et soient rapidement en mesure de traiter les déchets de notre pays, notamment par la mise en oeuvre de technologies permettant de les rendre encore plus performantes ?
Le Fonds « chaleur », vous l'avez dit, est un outil indispensable au développement des énergies renouvelables destinées au chauffage – l'un des grands postes d'émission de CO2. Le potentiel de la méthanisation a été évoqué, d'une part en termes de production de chaleur, mais également en termes d'aménagement du territoire, en ce qu'elle est susceptible de fournir des revenus aux agriculteurs. Pouvez-vous nous dire comment vous envisagez concrètement la possibilité de mettre en oeuvre de petites unités, et si cela se fera au moyen d'appels à projets ?
Enfin, il me semble que si l'ADEME a montré son efficacité, elle n'est peut-être pas toujours accessible aux collectivités locales : que comptez-vous faire pour qu'elle le soit davantage ?
Monsieur Leroy, je veux vous dire au nom du groupe Mouvement démocrate et apparentés que nous sommes ravis de vous recevoir ce jour afin de vous auditionner préalablement à votre éventuelle nomination à la tête de l'ADEME. Les objectifs relatifs à la lutte contre le réchauffement climatique que défend l'agence sont d'une importance vitale pour notre société, et nous n'avons aucun doute quant au fait que vous saurez les défendre.
J'aurai cependant plusieurs questions à vous poser à ce sujet. Les deux premières ont trait à la trésorerie de l'agence. Premièrement, l'ADEME a annoncé une baisse d'environ 10 % de ses engagements afin de garantir une trajectoire de trésorerie soutenable, et a l'intention de réduire le montant de nombreux fonds pour atteindre cet objectif. Si le Fonds « chaleur » reste stable, cela ne correspond cependant pas à la promesse du Président Emmanuel Macron qui, durant la campagne présidentielle, s'était engagé à le doubler – un objectif partagé par notre groupe, qui s'est mobilisé en sa faveur durant tout l'examen du budget. Selon vous, y aura-t-il une augmentation de ce fonds afin d'atteindre l'objectif de son doublement dans les prochaines années ?
Deuxièmement, en matière d'économie circulaire, le Gouvernement a annoncé des objectifs ambitieux fixés à l'horizon 2020-2025 et nécessitant un volume d'investissement conséquent, ainsi que des aides à l'innovation pour accélérer la dynamique de transition. Certains de ces projets vont faire l'objet d'aides publiques, notamment via l'ADEME ; or le fonds dédié à l'économie circulaire est en baisse. Si vous êtes nommé à la tête de l'agence, comment pensez-vous assurer le financement de ces projets en dépit de la baisse de dotation ?
J'en viens à deux questions d'ordre général. La première porte sur l'articulation entre l'ADEME et l'AFB en matière de mesures à prendre pour lutter contre le changement climatique. En ce qui concerne les sols, nous utilisons mondialement 15 millions de tonnes de sable par an et, si nous ne pouvons encore parler de pénurie à l'échelle planétaire, nul doute que nous risquons d'y arriver. Le développement des filières biosourcées me semble être une priorité pour l'avenir de notre environnement : selon vous, comment l'ADEME doit-elle s'emparer du sujet ?
Enfin, selon une étude de 2015 menée par la société de services en développement durable Greenflex, seulement un cinquième des personnes interrogées sont très soucieuses des problèmes liés à l'environnement, ce qui semble alarmant : si vous êtes nommé, quelles seront les pistes de l'ADEME pour que nos concitoyens prennent conscience de l'urgence climatique dans laquelle nous nous trouvons ?
Monsieur Leroy, je veux tout d'abord vous faire savoir, au nom du groupe UDI, Agir et Indépendants, que nous sommes ravis, au vu de votre expérience et du fort investissement dont vous avez fait preuve au cours des dernières années sur plusieurs problématiques relatives au développement durable, que votre nom ait été retenu pour la présidence de l'ADEME.
J'aimerais revenir sur certains points déjà évoqués, à commencer par le lien unissant l'ADEME à nos territoires – qui sont, de plus en plus, des acteurs clés de la transition énergétique. Si le contexte actuel est empreint d'une réelle volonté des uns et des autres de travailler ensemble, il comporte quelques écueils, notamment celui des financements, qui n'est pas le moindre : les collectivités sont, comme nous le savons, de moins en moins bien loties financièrement. Un récent rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) souligne qu'étant donné la trajectoire suivie actuellement et les retards que notre pays a pris dans certains domaines, il est probable que nous n'atteindrons jamais dans les temps les objectifs que nous nous sommes fixés lors de l'adoption de la loi relative à la transition énergétique. Ce rapport préconise notamment, pour remédier à ce retard, une implication accrue des territoires dans la transition énergétique. Quelle est votre analyse sur le manque de moyens actuels ? Quel impact réel celui-ci a-t-il dans la réalisation des projets conduits par l'ADEME ? Comment voyez-vous l'avenir, quel montage financier pourrait permettre de contourner le manque de moyens des territoires ? Quid enfin des moyens de l'ADEME et de leur pérennisation ? Quelles sont vos attentes dans ce domaine ?
Je souhaite également revenir sur l'avenir de quelques grands axes de notre politique de transition énergétique qui sont à la traîne, et connaître votre position sur ce point. Pour ce qui est du développement des énergies renouvelables, je ne reviendrai pas sur le Fonds « chaleur », qui a déjà été évoqué. En matière de rénovation énergétique, nous avons pris un retard considérable, et sommes loin de l'objectif de 500 000 logements rénovés par an. Comment voyez-vous les actions de l'ADEME au cours des prochaines années sur le sujet ?
Quelles sont vos priorités en termes de développement des transports durables et les grandes lignes de votre action en la matière ? Comment envisagez-vous l'implication de l'ADEME dans le cadre de la prochaine loi d'orientation sur les mobilités ? Plus largement, quels sont les freins qu'il faudrait lever, et les leviers qu'il faudrait actionner pour que notre pays atteigne les objectifs ambitieux qu'il s'est fixés en matière de transition énergétique ?
Enfin, j'aimerais vous interroger sur la pédagogie qui entoure vos actions, notamment auprès des populations concernées qui ne voient pas toujours d'un très bon oeil certaines initiatives : je pense aux projets de traitement de déchets, notamment par méthanisation, ou d'extension de décharges. Quand les habitants des secteurs concernés font mauvais accueil à de tels projets, comme cela a récemment été le cas dans les Hauts-de-France, cela ne signifie pas qu'ils remettent en cause la légitimité des projets en question : il semble surtout s'agir d'un manque de concertation et d'information en amont sur l'impact réel que vont avoir de telles installations sur leur environnement au quotidien.
Je souhaite la bienvenue à M. Arnaud Leroy dans une salle qu'il connaît parfaitement. Notre ancien collègue est la parfaite illustration du fait que l'ancien monde, parfois décrit comme une horreur, a pu être autre chose, notamment un lieu de travail fructueux : M. Leroy a été à l'Assemblée un des nombreux parlementaires qui ont contribué à la réussite de la transition énergétique, grâce à l'adoption de mesures et de textes qui ont compté. « Osons la mer », écrivait-il en titre de son rapport de mai 2013 ; j'ai envie de dire aujourd'hui : « Osons l'ADEME ».
Les trois questions que je veux vous poser aujourd'hui, Monsieur Leroy, ne portent pas sur votre profil, qui ne saurait être mis en question, mais sur les futures orientations de l'ADEME. La première question a trait au gaspillage alimentaire : en la matière, chacun se rappelle le travail mené par notre collègue M. Guillaume Garot, qui visait à fournir des outils et une stratégie pour lutter contre ce phénomène. Un document de l'ADEME de mai 2016 rappelle ce que représente le gaspillage alimentaire dans notre pays, avec des chiffres qui font froid dans le dos, puisqu'il s'agit de 18 % de la production alimentaire, de 16 milliards d'euros et de 15 millions de tonnes équivalent pétrole de CO2 : comme on le voit, il y a là un enjeu important. Quels moyens comptez-vous mettre en oeuvre pour contribuer à réduire le gaspillage alimentaire ?
Ma deuxième question concerne le Fonds « chaleur ». Les retours de terrain que nous avons mettent en avant le décalage entre le budget alloué et le portefeuille de projets réellement engagés. Il y a, en la matière, une attente très forte, confortée par la promesse présidentielle de doubler ce fonds. J'aimerais savoir comment vous allez vous y prendre pour assurer cette trajectoire. En ce qui nous concerne, nous croyons au gaz renouvelable, mais estimons nécessaire de recourir au Fonds « déchets » pour valoriser cette ressource.
Ma troisième et dernière question concerne les ambitions et les orientations de l'ADEME. Comme chacun le sait, il faut se donner les moyens de ses ambitions. Cependant, un rapport de la Cour des comptes de mars 2017 préconise une amélioration de la gestion de l'agence : de quelle manière comptez-vous répondre à ses remarques, et pensez-vous avoir les moyens humains nécessaires pour le faire ? Par ailleurs, comment allez-vous assurer la phase de budgétisation engagée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, et comment pensez-vous continuer à « capter » l'argent nécessaire pour mettre en oeuvre l'ensemble des orientations que vous avez évoquées ?
Mes questions vont porter sur trois plans : politique, budgétaire et technique.
Sur le plan politique, alors que vous avez largement contribué à la rédaction de la partie « énergie » du programme de M. Emmanuel Macron, le Gouvernement enchaîne depuis quelques mois les renoncements en matière de sortie du nucléaire. Le rôle de l'ADEME étant de contribuer à la transition écologique par le déploiement massif des énergies renouvelables et l'atteinte d'objectifs fixés au niveau européen, ne pensez-vous pas que retarder la sortie du nucléaire a pour conséquence de freiner le développement des énergies renouvelables ? Comment comptez-vous concilier vos responsabilités politiques avec les objectifs assignés à l'ADEME, notamment la parole neutre et indépendante que vous estimez devoir porter, à laquelle vous avez fait référence dans votre propos liminaire ?
En matière budgétaire, dans votre réponse au questionnaire, vous distinguez trois orientations clés pour l'ADEME, dont l'accélération de la transition énergétique par le fonds consacré à l'économie circulaire ; vous indiquez cependant que ce fonds est en baisse, à 163 millions d'euros, tandis que d'autres lignes budgétaires subissent des diminutions de 10 % à 20 %. Au regard des objectifs du Gouvernement en matière de déploiement des énergies renouvelables, et alors même que le Fonds « chaleur » semble clairement insuffisant, comment comptez-vous être à la hauteur de l'urgence écologique, avec des budgets sectoriels en baisse ou trop restreints au regard des objectifs qui leur sont assignés ?
Dans un registre plus technique, j'aimerais vous interroger au sujet du futur projet de loi d'orientation sur les mobilités et de la volonté du Gouvernement de convertir massivement le parc automobile au « tout électrique ». L'ADEME a réalisé en avril 2016 une étude sur la voiture électrique selon laquelle « il est difficile de conclure que le véhicule électrique apporte une véritable solution aux enjeux d'efficacité énergétique ». Selon vous, la voiture électrique ne risque-t-elle pas d'accroître notre dépendance au nucléaire via une augmentation globale de la consommation électrique ? Par ailleurs, que pensez-vous de l'impact du développement des véhicules électriques sur l'utilisation des métaux rares tels que le lithium, et des conséquences économiques et environnementales qui vont en résulter ?
Enfin, au sujet de la rénovation thermique des bâtiments, dans laquelle je vois un enjeu important, vous tenez dans votre réponse au questionnaire des propos quelque peu sibyllins. Et si on cherche à lire entre les lignes, tout cela sent fort le désinvestissement de l'ADEME sur cette question. Quelle est votre position sur ce point, notamment au regard de la sobriété énergétique que l'on doit mettre en oeuvre pour pouvoir basculer vers les énergies renouvelables d'une façon à la fois rapide et massive ?
Pour ce qui est de la précarité énergétique, je tiens à vous assurer que, durant mon mandat, il n'y aura aucun désinvestissement de l'ADEME en la matière. Je suis conscient du fait qu'un grand nombre de nos compatriotes en sont aujourd'hui réduits à devoir choisir entre se chauffer et manger ou se soigner, et c'est, de mon point de vue, quelque chose que l'on ne devrait pas voir au sein de la cinquième puissance mondiale. En tout état de cause, c'est un phénomène qu'il faut résolument combattre. Cela dit, nous devons être réalistes : selon certaines informations recueillies par l'ADEME, seulement 10 % des rénovations effectuées apportent une réelle amélioration énergétique et permettent donc de réaliser des économies. Il y a là un vrai problème d'efficacité, mais aussi d'évaluation des politiques publiques, et je compte bien aller voir ce qui « se passe sous le capot » au cours des prochains mois afin de tenter d'y remédier.
Je rappelle que l'ADEME héberge l'Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE). J'ai pris un peu d'avance en regardant s'il était possible de procéder, dès le mois de juin prochain, à un état des lieux de cette question afin de repartir sur des bases plus solides, si possible avant que vous ne débattiez du prochain projet de loi sur le logement. D'une manière générale, je pense que l'ADEME a vocation à vous fournir régulièrement des informations fiables sur les réalités en matière de logement, sur l'avancement des programmes et sur les problématiques relatives à la formation et au label « reconnu garant de l'environnement » (RGE), dont vous allez certainement discuter avec les représentants des fédérations d'artisans. Nous devons être extrêmement fermes sur la réalité de notre ambition de rénovation énergétique afin de combattre la précarité énergétique.
Encore faut-il savoir comment les décisions infusent localement, ce qui renvoie à la question de notre présence territoriale. Auparavant député, comme vous, j'ai fait le choix de me tourner vers l'opérationnel pour voir comment, au-delà des annonces, les choses sont mises en musique sur le terrain, et pour pouvoir les corriger si nécessaire. C'est aussi la philosophie du Gouvernement, et cela vaut également pour nos ambitions en matière d'énergies renouvelables.
Je me suis battu sur ce sujet pendant le quinquennat précédent, en tant que député, comme je l'avais fait auparavant grâce à mes engagements citoyens. Je sais qu'il faut regarder la réalité en face – vous avez cité le rapport assez critique du CESE. On peut toujours annoncer 70 % ou 90 % d'énergies renouvelables ; reste que, pour l'instant, nous ne sommes même pas capables d'atteindre 23 %. Comment y parvenir à des coûts raisonnables ? Nous pourrons travailler étroitement ensemble lorsque vous examinerez la PPE…
Vous êtes députés : vous pouvez aller les chercher ! RTE dispose à coup sûr de données intéressantes.
Nous devons surtout regarder de près l'évolution de la courbe de l'activité économique : si elle se poursuit, la tendance actuelle, qui nous mènera peut-être cette année au-delà des 2 % de croissance, aura un coût en termes énergétiques et en termes d'émissions de gaz à effet de serre. Nous devons être politiquement capables d'assurer un découplage en la matière. Nous y sommes parvenus pour les transports ; nous devons faire de même pour l'énergie.
Limiter le réchauffement climatique à 2 °C ou 1,5 °C suppose également de nouer des partenariats avec le secteur industriel afin de faire de cet objectif un élément de compétitivité. J'ai toujours défendu cette position. Il faut une stratégie pour les entreprises : les industriels doivent prendre en compte la question de la ressource et celle de l'efficacité énergétique. C'est ainsi, en faisant de ces enjeux un élément de compétitivité, que nous amènerons la France vers la neutralité carbone. Je mettrai tout en oeuvre pour que nous y parvenions.
Par bonheur, il ne revient pas à l'ADEME d'exprimer un avis sur les positions de l'Autorité de sûreté nucléaire ou d'EDF en matière de sortie du nucléaire. À la tête de l'ADEME, mon rôle serait de m'assurer que nous pouvons développer les énergies renouvelables françaises. Par notre expertise et notre indépendance, nous participerons à l'arrêt du stop and go réglementaire qui a été fatal à nombre d'industries. Nous devons par exemple nous montrer vigilants s'agissant des énergies marines renouvelables. Nous avons fait des choix en termes de filières industrielles, il faut les assumer. Des arbitrages ou des corrections sont peut-être nécessaires, mais nous devons tenir le cap.
Il en est de même pour le secteur du recyclage. Vous avez eu raison de signaler la fin de l'exportation de certains déchets vers la Chine. En 2016, lorsque j'étais rapporteur sur le « paquet énergie circulaire » européen, j'avais reçu les grandes sociétés françaises du secteur – nous sommes des poids lourds mondiaux dans ce domaine. Elles se heurtaient déjà à un problème d'alimentation de leurs sites de recyclage du fait de la raréfaction de la « ressource », mais peut-être sera-t-il désormais corrigé, la Chine ayant fermé ses portes aux déchets que nous lui envoyions. J'espère que cela permettra à certains sites français, mis sous cocon, de redémarrer.
L'ADEME joue un rôle d'aiguillon en matière de valorisation des déchets recyclés qui deviennent les composants de nouveaux produits. L'agence participe à ce combat : elle est prête à y consacrer un peu d'argent. Demain, des obligations légales ou réglementaires pourraient imposer l'utilisation de matières recyclées pour la construction de nouveaux produits. Certains matériaux peuvent parfaitement être valorisés, par exemple dans le secteur du BTP pour faire des remblais ; se pose de plus en plus, vous l'avez dit, la question des sables qu'il faudra bien finir par aborder à l'échelle internationale. Cette démarche favorise aussi l'innovation : l'ADEME accompagne des groupes français dans cette évolution.
Je n'oublie évidemment pas les PME. Je veillerai dans tous les domaines à un équilibre entre les acteurs qui bénéficient des interventions de l'ADEME. En France, une prime est accordée aux grands groupes ; nous devons songer à mettre en pratique la théorie dite du « porte-avions » et veiller à embarquer un peu plus de petites et moyennes industries (PMI) et d'entreprises de taille intermédiaire (ETI) afin de les faire grandir. Il y a là un challenge industriel qu'il ne faut pas négliger dans ces nouveaux secteurs.
Je remercie M. Christophe Bouillon pour ses paroles particulièrement aimables, et voyant que M. Guillaume Garot est présent parmi vous, je vais essayer de ne pas dire de bêtises sur le gaspillage alimentaire. En termes de campagne de communication, c'est une des grandes réussites de l'ADEME, une sorte de campagne étalon. Elle a eu beaucoup plus d'effets que la plupart des autres. Celle que l'ADEME avait menée il y a un an et demi, pour prévenir un pic de consommation électrique en suggérant aux Français de ne pas utiliser leur lave-linge et leur lave-vaisselle entre dix-huit et vingt heures, avait donné des résultats, mais c'est surtout parce qu'elle passait entre la météo et le journal télévisé ; mais si la campagne sur le gaspillage alimentaire a eu un impact aussi fort, c'est aussi grâce aux partenariats que l'ADEME a su nouer avec le monde associatif et la grande distribution.
Pour ce qui est de la valorisation des déchets, je peux citer un très bon exemple en région parisienne : des restaurants se sont regroupés, dont Le petit Choiseul, pour créer une société de collecte de déchets organiques. Ils servent à fabriquer du compost car il est pour l'instant difficile de produire du gaz à réintroduire dans le réseau. Cette initiative locale, accompagnée à l'origine par l'ADEME, montre que ce modèle peut fonctionner à l'échelle nationale, en région parisienne, mais également dans une ville comme Laval si l'on se concentre sur le centre-ville, avec les restaurants classiques et les restaurants collectifs : cantines scolaires, hôpitaux… Les germes d'une nouvelle économie se trouvent aussi là. Nous serons évidemment à la manoeuvre pour aider au partage des bonnes pratiques. C'est l'une des missions de l'ADEME, et cela participe de la « massification » que j'ai déjà évoquée.
La trajectoire budgétaire, je l'ai dit, a été fixée pour cinq ans par le Président de la République. Je ne me cache pas la réalité, mais je suis optimiste. Il faudra que l'ADEME démontre pourquoi elle a besoin d'un doublement du Fonds « chaleur ». Durant quelques mois, elle doit entrer dans une phase d'évaluation, ce qui peut être l'occasion de se rattraper sur certains modes d'intervention. Je ne prétends pas détenir une solution ; je ne fais que poser une question. Jusqu'à quelle hauteur devons-nous intervenir sur les projets ?
Cela dit, il nous faudra nous battre : quels que soient mes engagements par ailleurs, vous m'entendrez si on vient grappiller sur le Fonds « chaleur » ou le Fonds « déchets » ! Si l'on prend l'exemple de ce dernier, consacré à l'économie circulaire, l'ADEME a évalué en interne, sur la base des projets de la feuille de route pour l'économie circulaire, un besoin d'approximativement 150 millions d'euros par an tout au long du quinquennat.
J'estime que nous devons regarder comment l'ADEME peut générer des flux financiers. Les filières de responsabilité élargie du producteur (REP) sont des spécificités françaises. Il est sans doute possible d'organiser quelque chose. Des discussions sont en cours. L'ADEME peut, peut-être, se faire une place de manière intelligente pour contribuer et se faire rémunérer afin d'abonder une partie du Fonds « déchets ». Il faudra exploiter ces pistes et obtenir les bons arbitrages. L'ADEME fera le nécessaire pour remettre aux ministères de tutelle des copies bien écrites comportant des trajectoires qui font sens, afin d'être au rendez-vous de ces engagements.
J'ai déjà évoqué les collectivités locales. Le contrat de plan État-région constitue un instrument classique. Depuis la loi 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « NOTRE », les EPCI sont devenus un acteur important qu'il faut faire monter en gamme en termes de compétences. Il faut aussi nouer des relations ; nous y travaillons. Aujourd'hui, environ 50 % du territoire est concerné par des contrats de partenariat et par la montée en gamme de l'accompagnement de certains projets. Là aussi, je me permettrai de regarder la réalité de ces partenariats de plus près. Lors du dernier conseil d'administration de l'ADEME, nous avons abordé ce sujet avec le représentant de l'Association des maires de France (AMF) et celui de Régions de France, afin d'organiser un rendez-vous annuel ou semestriel – en particulier avec Régions de France – pour coordonner nos interventions. L'ensemble de l'écosystème de l'ADEME doit participer au respect des engagements nationaux et à leur traduction dans tous les territoires. Tout cela existe peut-être déjà, mais il faut sans doute procéder à des évaluations pour faire évoluer les choses.
Nous serons à ce rendez-vous. Par chance, cette démarche n'est pas particulièrement coûteuse car l'ADEME dispose de nombreuses ressources internes et d'une présence territoriale importante qui permet de travailler de façon fine. Sur le plan du financement, il doit aussi être possible de mieux articuler ses interventions au niveau régional, en matière de transition écologique et énergétique, avec celles de la Banque publique d'investissement (Bpifrance). Je rappelle qu'il s'agit de l'une des missions de la BPI, et que je m'étais assuré, lors de sa création, que cette articulation était possible.
Elle implique que l'ADEME noue un partenariat très étroit avec la BPI qui dispose de beaucoup plus de moyens qu'elle, et qui est davantage en mesure de travailler avec les banques de détail, acteurs majeurs de l'écosystème en matière de rénovation énergétique. Nous avons un problème de distribution des prêts éco-PTZ et des prêts bonifiés, créés à l'époque de M. Jean-Louis Borloo. Nous devons parler avec tout le monde. Il n'est pas facile de trouver des partenariats financiers quand vous avez des projets d'investissement qui ne sont pas nécessairement rentables à court terme dans la logique bancaire, et qui, de facto, vous incitent à un investissement sur quinze, vingt ou trente-cinq ans. Il existe des fonds spécialisés, mais nous devons aller au-delà.
Je ne vous interromps surtout pas, mais je vous signale qu'une vingtaine d'orateurs souhaitent encore vous interroger.
Pour conclure sur la question territoriale, j'évoquerai la « finance carbone » ou « finance verte ». Avec les obligations vertes, de nouveaux instruments financiers sont apparus, auxquels l'État et certaines régions françaises ont eu recours pour se financer. L'ADEME va entamer des discussions avec l'Agence France Trésor pour accompagner les territoires, car il s'agit d'un outil intéressant qui permet d'aller chercher de l'argent pour financer directement des programmes territoriaux d'équipement en matière de transition énergétique. Et de l'argent, il y en a : lorsque la France cherche 10 milliards par ce biais, elle se voit proposer 24 milliards ! L'Île-de-France a fait la même démarche et cela s'est très bien passé. Il est bon que l'ADEME soit présente afin d'éviter des « sorties de route » qui seraient dramatiques – on se souvient des emprunts toxiques des collectivités locales. Elle doit se positionner, d'autant qu'elle a déjà développé une expertise en la matière.
Le sommet international sur le climat du 12 décembre dernier a traité les questions de la finance carbone et du reporting climatique à plus grande échelle. L'ADEME a développé une expertise sur ces sujets et sur le coût carbone de chaque secteur grâce au travail sur le bilan carbone, et, aujourd'hui grâce au programme européen ACT.
Les transports durables, nous y viendront. Un début de programme est en cours avec le Fonds « air-mobilité », et un appel à manifestation d'intérêt vient d'être lancé. Les transports durables relèvent du même écosystème que la ville durable. Il y a un changement de société à la clef, et l'ADEME remplit sa mission de prospective en organisant cette évolution et en allant au contact des opérateurs urbains sur la question des démonstrateurs. Nous avons une expertise à faire valoir.
En matière de transition énergétique, nous n'avons pas abordé un sujet auquel je tiens : l'autoconsommation, qui reste un des grands combats menés lors de l'adoption de la loi relative à la transition énergétique, et une des grandes victoires que nous avons remportées. Nous allons regarder sérieusement comment les choses se passent dans le privé et dans le public, en particulier pour le logement public. Je sais que d'autres opérateurs de l'État ont pris publiquement position. Je pense qu'il ne faut pas lâcher sur ce point qui est extrêmement important pour une décentralisation énergétique à laquelle je suis très attaché.
J'en viens à la voiture électrique, sujet qui me permet de faire le lien avec l'autoconsommation. Je ne pense pas qu'elle équipera tous les Français, et je crois qu'elle est mise en avant pour répondre aux problèmes de pollution de l'air dans les grands centres urbains – et pas nécessairement pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
De nombreux acteurs, par exemple chez Renault ou BMW, s'interrogent sur la seconde vie des batteries qui permettent d'assurer la fonction de stockage. Certains considèrent même qu'une voiture connectée pourrait permettre le stockage… C'est toute la question des réseaux électriques intelligents (smart grids). Je ne vous dis pas que c'est prêt ou que nous allons y arriver, mais cela vaut le coup de tenter l'expérience et de garder l'oeil sur tout cela.
Je partage une partie de la thèse, en vogue actuellement, sur l'obligation que nous avons de nous poser des questions sur l'utilisation des métaux rares. Nous devons nous imposer un recyclage beaucoup plus performant et, par conséquent, des modèles de construction et d'écoconception beaucoup plus solides.
Je n'ai pas eu le temps de traiter du problème du bruit. Le sujet n'est pas simple, en particulier près des aéroports. Il est globalement lié à des problématiques d'urbanisation.
Je vais passer la parole à nos collègues pour des questions d'une durée maximale d'une minute.
On compte aujourd'hui en France 48 000 décès prématurés dus aux particules fines présentes dans l'air ambiant. Ces pollutions sont particulièrement importantes dans certaines régions, notamment en montagne en raison du relief et de certaines pratiques de chauffage au bois.
L'ADEME a déjà mis en place plusieurs dispositifs visant à favoriser des changements de comportement qui apporteraient une amélioration de la qualité de l'air. Je pense par exemple au Fonds « air » qui vise à réduire les émissions de chauffage au bois du parc domestique. Il a d'abord été expérimenté dans la vallée de l'Arve avant d'être étendu à d'autres territoires. Que pensez-vous de la performance de ces actions, et des investissements consentis en la matière ? Quelles améliorations souhaitez-vous apporter à ce qui existe déjà ?
Cher Arnaud Leroy, vous étiez un parlementaire apprécié, mais vous avez un parcours particulier, et je voudrais vous poser une question politique.
L'ADEME a été présidée à plusieurs reprises par d'anciens et futurs responsables politiques ou par des personnalités qui se trouvaient « entre deux mandats ». L'agence intervient dans le débat public : vous expliquiez que le nucléaire ne relevait pas de ses attributions, pourtant, lorsqu'elle publie un scénario basé sur 100 % d'énergies renouvelables, cette expertise indépendante vient à l'évidence marquer les débats politiques.
Quelle est votre conception de la neutralité de votre fonction ? On vous dit du nouveau monde, mais vous êtes plutôt Christophe Colomb : vous venez de l'ancien monde et vous êtes allé vers le nouveau monde. Vous étiez hier au Parti socialiste, vous êtes aujourd'hui à La République en marche, et vous êtes proche du Président de la République. Quelle est votre conception de la neutralité et comment pouvez-vous garantir que l'ADEME ne deviendra pas une agence politique, mais bel et bien une agence d'expertise ?
Monsieur Leroy, lors de la précédente législature, vous avez été rapporteur de la loi pour l'économie bleue qui porte actuellement ses premiers fruits : des ferries et des porte-conteneurs naviguant au gaz naturel liquéfié (GNL) sont actuellement en construction.
Nous avons voté hier, à l'unanimité, une résolution européenne sur l'interdiction de la pêche électrique. Je me pose toutefois des questions sur les effets du Brexit, et sur la ressource. Il est interdit de pêcher le bar au-dessus d'Audierne, et certains armements ne pêchent plus dans les grands fonds.
La loi prévoyait notamment la création d'une filière REP pour la déconstruction des navires de plaisance. Cette création a été repoussée à trois reprises pour laisser le temps aux professionnels de s'organiser, mais je crains qu'un quatrième retard ne signifie la mort prématurée d'une filière indispensable à la préservation de l'environnement et de nos paysages côtiers. Je suis persuadé que Mme Annette Roux, présidente historique du groupe Bénéteau, et sa fondation peuvent nous aider. Dans vos prochaines fonctions à la tête de l'ADEME, entendez-vous vous investir pour que cette filière de déconstruction des navires de plaisance soit effectivement créée ? Comment y parvenir ?
Le 6 juillet 2017, le Gouvernement a présenté son Plan climat qui prévoit d'en finir avec les énergies fossiles et d'engager le pays vers la neutralité carbone. Cette année, il devra acter la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) pour les dix ans à venir.
Nous avons la volonté de développer toutes les énergies renouvelables dans notre mix énergétique : éolien, solaire, biomasse, géothermie et hydrolien. Vous venez d'évoquer une stratégie nationale du stockage, par conséquent nous devons également développer l'hydrogène décarboné, c'est-à-dire l'hydrogène produit à partir d'une électrolyse de l'eau et non à partir d'hydrocarbures. Trouveriez-vous pertinent que l'ADEME développe un fonds « hydrogène vert », sur le même principe que celui du Fonds « chaleur » afin d'encourager les projets de production d'hydrogène vert, par exemple pour l'aide à l'investissement des électrolyseurs, que ce soit pour désulfurer les carburants ou injecter dans les réseaux de gaz ? Cela permettrait d'aider la création d'une filière industrielle française.
Monsieur Leroy, la question de votre neutralité politique se pose, mais, à titre personnel, je me réjouis qu'un ancien parlementaire puisse être candidat à la présidence d'une grande agence nationale comme l'ADEME.
Pour les véhicules électriques, de nombreuses questions demeurent sans réponses. Quid du recyclage des batteries, de l'utilisation des matières rares de la planète, ou des émissions électromagnétiques des batteries en situation de recharge ? En 2013, une étude de l'ADEME avait conclu que la voiture électrique n'était pas si vertueuse en termes d'effets sur le climat : la fabrication des batteries, notamment, provoque une forte émission de CO2. En qualité de président de l'ADEME, comment pourriez-vous éclairer la représentation nationale, d'un point de vue méthodologique et scientifique, sur cette direction stratégique majeure ?
Une évaluation de l'expérimentation menée en vallée d'Arve est en cours. J'espère me rendre prochainement sur le site. L'ADEME a accompagné des changements de comportement, et financé ou cofinancé des changements d'équipement ; je m'exprime évidemment sous le contrôle de M. Martial Saddier, président du Conseil national de l'air, avec lequel nous avons abordé ces sujets récemment.
Nous prendrons le temps nécessaire pour voir si ce qui a été fait a porté ses fruits. Avant de faire plus, il faut commencer par regarder comment les gens se sont saisis de cette thématique. Je suis attaché à l'évaluation – c'est ma formation professionnelle –, mais nous sommes à un moment important : parce que nous ne pouvons plus nous permettre de dépenser les deniers publics à fonds perdus, nous devons évaluer et trouver les acteurs qui peuvent prendre le relais dans des partenariats.
J'ai l'ambition d'avoir des relations étroites avec votre commission car vous êtes très présents sur vos territoires, encore plus qu'auparavant depuis la fin du cumul des mandats…
C'est votre avis, monsieur Sermier ! Vous avez en tout cas plus de temps à consacrer à des rencontres sur le terrain.
En tout cas, en tant qu'EPIC, l'ADEME doit nouer une relation un peu différente. Si nous voulons travailler sur la massification, prendre en compte les territoires, écouter, « renifler » et accompagner les bonnes initiatives, il nous faudra travailler en partenariat avec les élus locaux, les députés et vos collègues sénateurs.
J'entends ce qui m'est dit sur la neutralité, mais ceux qui me connaissent savent que lorsque j'étais député d'une certaine majorité, je n'hésitais pas à monter au créneau. Par exemple, quand il a fallu trancher, dans la loi pour l'économie bleue, sur la REP, je n'étais pas du tout sur la ligne de la ministre, Mme Ségolène Royal. Je suis un garçon indépendant, j'ai un engagement que je ne renie pas, que je ne vais pas renier, mais je sais faire la part des choses. Je rappelle que sur certains sujets importants, il existe des possibilités procédurales de déport. En tout cas, pour être clair, je ne ferai pas de l'ADEME une agence de la Macronie…
Nous devons être intelligents en termes démocratiques ; faisons-nous confiance ! J'ai toujours été un garçon indépendant, je l'ai dit, et je suis neutre : mon engagement n'empiétera pas sur mon action en tant que président de l'ADEME.
Ceux qui me connaissent savent très bien que je peux dire ce que je pense, et je continuerai à le faire. J'ai fait le choix de ne pas me présenter aux élections législatives : je voulais faire autre chose, d'un peu plus opérationnel. Il reste que je suis engagé depuis l'âge de quinze ans et que j'ai toujours mené les combats qui sont aujourd'hui ceux de l'ADEME. Et puis, même si je prétendais que je n'étais plus du tout « marcheur », pas un de vous n'y croirait. Alors, ne tournons pas autour du pot ! En revanche, faisons-nous confiance, nous sommes adultes : je peux vous affirmer qu'il n'y aura pas de mise à disposition de l'agence ou de ses moyens pour tel ou tel camp politique. Jugez-moi à cette aune, sollicitez-moi ! Vous verrez ce qu'est la neutralité de l'agence et de son expertise : je m'en porte garant.
Monsieur Pahun, je pense comme vous s'agissant de la REP que vous évoquez. J'ai conservé, des discussions que j'ai pu avoir avec la filière au moment de la création de cette REP, le souvenir que le secteur avait la volonté d'avancer. Sachant que tous les plaisanciers sont très attachés à la conservation du milieu naturel des mers et des océans, je crois que nous arriverons à un résultat. Cela dit, il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs : l'ADEME a fait un travail d'évaluation du stock par rapport aux navires neufs, elle le poursuivra. Je m'engagerai sur ce dossier, comme sur la question de la filière industrielle des déchets liés au dragage et aux résidus portuaires – sujet également traité dans la loi dite « Leroy ».
Ces sujets sont importants. L'ADEME a le savoir-faire, les industriels sont prêts : il faut qu'elle puisse animer ces filières. La vingtaine de filières REP, et celle qui vient d'être créée, relèvent vraiment de sa compétence : l'agence doit apporter son expertise pour la mise en place des structures administratives et l'accompagnement. L'ADEME sera aux côtés du ministère et du secteur pour trouver un point d'atterrissage afin que tout cela devienne une réalité avant que nous n'ayons atteint l'âge de Mathusalem.
Sur le principe du fonds « hydrogène vert », je suis extrêmement positif, à cette limite près que ce n'est pas moi le décideur en matière de budget. Historiquement, l'ADEME a toujours regardé l'hydrogène d'un oeil favorable. Nous en parlerons certainement dans l'appel à manifestation d'intérêt en matière de mobilité car des trains à l'hydrogène commencent à circuler – j'ai été sollicité par vos collègues du Médoc et de Dordogne à ce sujet. Les voitures sont aussi concernées : quelques taxis parisiens roulent déjà à l'hydrogène. Nous devons traiter ce sujet car il est clair que l'utilisation d'un hydrogène décarboné serait extrêmement intéressante. Dans sa mission prospective, l'ADEME sera attentive à cette question ; en revanche, pour ce qui est du fonds « hydrogène vert », c'est vous qui votez les budgets, mesdames et messieurs les députés !
Je reviens au véhicule électrique : je crois qu'il y a un problème d'éclairage méthodologique et scientifique de la représentation nationale. Vous avez évoqué l'étude de 2013, mais comment envisagez-vous de nous informer sur ce sujet lorsque vous serez président de l'ADEME ?
L'avis de 2013 de l'ADEME fait ressortir un élément important : les véhicules électriques doivent faire l'objet d'une utilisation intensive en raison du coût environnemental de « rentabilité » de la batterie. L'ADEME est active pour accompagner les changements comportementaux et sociaux nécessaires pour aller vers ces modes de transport. Pour l'instant, nous utilisons le véhicule électrique comme nous avons utilisé le véhicule thermique depuis quarante ans. Nous ne pouvons plus continuer ainsi, et l'ADEME contribue à faire évoluer les choses.
Pour le reste, je suis comme vous : je suis attentif, je vois les limites du système, je constate que l'hybride rechargeable monte en puissance… Peugeot s'était engagé à développer un moteur deux litres. Où en sommes-nous ? Personnellement, je crois que nous pouvons encore conserver des voitures thermiques pendant un temps. L'engagement pris par le Gouvernement d'une fin de la vente des voitures à moteur à essence et diesel d'ici à 2040 est peut-être plus conservateur que ce qu'avancent certaines marques automobiles – je pense à Volvo et certains autres groupes qui ont annoncé une sortie du thermique d'ici à 2025 ou 2030.
L'ADEME doit accompagner ce mouvement – il faut que nous nous assurions par exemple de notre capacité à nous équiper en bornes de recharge… Je pourrai revenir devant vous pour vous présenter tous les travaux de l'ADEME sur le sujet. Nous devons tous prendre en considération des changements d'usage liés au covoiturage, ou à la mise à disposition de voitures en partage.
Nous parlons du tri des déchets depuis très longtemps – cela remonte presque à Christophe Colomb. (Sourires.) Aujourd'hui, nous disposons d'une feuille de route pour l'économie circulaire. En la matière, tout commence avec le tri des déchets à la source opéré par les EPCI, mais il existe en France une multitude de façons de trier et de valoriser les déchets.
Les disparités dans les modes de collecte expliquent aussi, me semble-t-il, la faible montée en puissance des résultats enregistrés tant de la part de nos concitoyens que des soixante millions de touristes que nous accueillons tous les ans sur notre territoire.
Que pensez-vous d'une harmonisation des pratiques sur le territoire français à l'horizon 2025 ? Vers quelle solution technique votre préférence irait-elle ?
Je m'interroge sur l'implication de l'ADEME dans l'accompagnement des projets innovants, notamment en matière de mobilité. Vous avez évoqué le véhicule électrique, la méthanisation, la question de l'hydrogène ; mais quelle place entendez-vous donner à l'ADEME dans l'accompagnement des projets de production d'hydrogène et de développement de véhicules à hydrogène, qu'il s'agisse de projets d'entreprises privées, parce qu'ils existent, ou peut-être, et surtout, de projets de territoires, qui s'articulent autour de la méthanisation, de la production et de la création de réseaux de distributeurs ? Ce sujet pose sans doute la question de la nécessité d'un fonds dédié.
Monsieur Leroy, pour avoir rédigé avec ma collègue Mme Sophie Panonacle le rapport d'information sur l'application de la loi du 20 juin 2016 pour l'économie bleue, dite « loi Leroy », j'ai pu mesurer votre niveau d'implication dans des dossiers aussi complexes que celui de l'économie bleue et de la mer. Comme l'a dit mon collègue du groupe UDI, Agir et indépendants, je soutiens votre candidature à la présidence de l'ADEME.
L'énergie et, plus généralement, l'ensemble des domaines couverts par l'ADEME sont souvent soumis à des normes, des contraintes et des réglementations édictées par l'Union européenne. Il faut que nous mesurions combien la surtransposition européenne est un vrai sujet pour nous : les Français se tirent une balle dans le pied à chaque fois qu'ils se livrent à cette pratique. Je compte sur vous pour être extrêmement vigilant et devenir garant de cette « désurtransposition », si c'est possible.
Les problèmes de procédure expliquent la complexité de la mise en oeuvre des différentes politiques liées à l'énergie, notamment à la transition énergétique ou au mix énergétique. Simplification, simplification, simplification, tel devra être votre credo.
Je suis heureux de vous saluer, vous qui avez été un acteur important des avancées de la précédente législature sur l'économie bleue, évidemment, mais aussi sur la transition énergétique, de façon plus générale.
Il y a quelques années a été inventé le dispositif « Territoires zéro déchet, zéro gaspillage » afin de mobiliser les territoires pour la prévention en matière de déchets, pour améliorer le tri et la collecte, pour soutenir des actions innovantes de réemploi, de recyclage, et de lutte contre le gaspillage alimentaire. Comment entendez-vous aujourd'hui accompagner ces territoires, à la fois sur le plan humain, en termes de suivi, d'assistance et d'animation, mais aussi sur le plan financier ? En 2016, ils avaient bénéficié d'un crédit de 50 millions d'euros ; comment le suivi financier évoluera-t-il dans les années à venir ?
Monsieur Leroy, vous avez mentionné le plan de rénovation énergétique des bâtiments, que j'ai l'honneur de coanimer avec M. Alain Maugart.
Vous considérez que les rénovations sont trop peu efficaces. Le secteur vous donne raison puisque le bâtiment représente 45 % de la consommation d'énergie finale, et 25 % des émissions de gaz à effet de serre. Nous avons donc encore du travail à faire. Mais comment être plus efficace, et comment massifier cette rénovation, puisque tel est l'objectif ? Vous avez mentionné la certification RGE : je pense que cet outil mérite d'être contrôlé et largement amélioré sous peine d'être prochainement discrédité, à la fois par les artisans et par nos concitoyens.
Deux missions vous seront confiées par le plan, l'une en matière de communication – j'espère que vous connaîtrez le même succès qu'avec le gaspillage alimentaire –, pour laquelle il faudra mettre les choses assez rapidement en place, l'autre concernera l'observatoire qui doit être un vrai « poil à gratter ».
La reconversion des friches urbaines fait partie des actions de l'ADEME et représente une part significative de son budget. Cet effort de réhabilitation permet une triple action : la dépollution des sols, l'assainissement de l'activité économique et la limitation de l'étalement urbain. Cependant ces travaux coûtent cher et, pour le moment, construire sur les espaces naturels ou agricoles reste plus simple et plus économique pour tout le monde. Les collectivités locales n'ont plus les moyens de financer ces investissements et, même s'ils sont nécessaires, ils ne sont pas éligibles aux subventions publiques comme la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), le fonds de soutien à l'investissement local (FSIL), ou le fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT). Dans ce contexte, que penseriez-vous de la mise en place de mesures chocs telles que des exonérations fiscales, voire de dispositifs de type zone franche ?
En tant qu'utilisateur, je partage le diagnostic de Mme Nathalie Sarles sur le tri des déchets. Pour certains EPCI, seuls quelques types de déchets vont dans la poubelle jaune, tandis que pour d'autres, tout peut y aller car ils sont éligibles à un programme d'expérimentation. Il faut uniformiser les pratiques. Des expériences ont été menées en partenariat avec Eco-emballages – devenu Citeo – et l'ADEME.
Il y a un problème s'agissant du plastique ; nous devons discuter des produits qui entrent dans sa composition avec les producteurs. J'avais lutté pour faire interdire les emballages oxo-fragmentables. Ce type de plastique permet soi-disant la biodégradation, mais c'est faux : il ne fait que se fragmenter en microparticules qui persistent dans l'environnement, et c'est dramatique pour tout l'appareillage de recyclage. Un travail est en cours sur ce sujet.
L'ADEME étant issue de la fusion de trois structures, dont l'agence des déchets, elle a une vraie histoire et une compétence avérée sur ce sujet. Citeo est un acteur et un partenaire important, issu des filières à responsabilité élargie des producteurs. Nous sommes aussi en relation avec les EPCI et les communautés de communes, devenus quasiment partout responsables de la question des déchets, pour identifier les bonnes pratiques et accompagner leur amélioration. Un nivellement par le haut pourrait être décidé par le législateur ; je n'ai pas encore vu la version finale de la feuille de route pour l'économie circulaire, mais nous sommes très favorables à une généralisation de la simplification du tri. Il y a d'autres débats, notamment sur la tarification incitative.
La question se pose aussi, pour les spécialistes du déchet, de mettre en place une taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) en amont applicable à tout déchet non recyclable ou n'entrant pas dans une filière de responsabilité élargie des producteurs. Comment faire ? Faut-il pénaliser ? Le débat est ouvert, et j'espère que nous pourrons en parler au cours des prochaines années. Il est important d'en discuter avant d'espérer créer une taxe affectée, ce dont rêve tout dirigeant d'EPIC, ou au moins obtenir des fonds supplémentaires pour le Fonds « déchets ».
Madame Auconie, je partage totalement vos vues à propos de la surtransposition. Nous pourrons peut-être faire le nécessaire sur certains sujets : en travaillant depuis Bruxelles, nous connaîtrons en amont le contenu des directives, et nous identifierons mieux les différences dans les projets de transposition. C'est un combat quotidien, et je vous souhaite bon courage car j'ai le souvenir d'une lutte acharnée.
Il en va de même pour les procédures, nous devons apprendre à simplifier. Je n'ose plus parler de simplification depuis que j'ai écouté un entretien de M. Thierry Mandon, et on m'a montré dans certains cas ce qui avait été complexifié au nom de la simplification. Il faut donc faire attention, la simplification peut être un faux ami, mais vous aurez tout le soutien de l'ADEME. Il faut faire la part du nécessaire, par exemple dans le logement : c'est très bien d'isoler, mais attention aux implications sur la qualité de l'air intérieur.
Monsieur Garot, les territoires « zéro déchet » fonctionnent bien, la ligne budgétaire est donc sacralisée. Il faut que l'ADEME monte en puissance, nous avons quelques années de recul qui nous permettent d'animer, d'identifier les bonnes pratiques et d'aller de l'avant. Cela permettra aussi, au-delà de la subvention, de savoir comment les collectivités locales se sont emparées de cette affaire. Parfois, certaines collectivités locales réclament de l'argent, l'obtiennent, mais les projets ne vont pas toujours au bout de ce qui avait été annoncé : nous devons être vigilants, d'autant que nous avons de moins en moins d'argent.
La rénovation thermique est un axe important, et je me « mets dans les pantoufles » de M. Bruno Léchevin sur ce sujet. Nous avons une relation forte avec l'Agence nationale de l'habitat, pour qui ce sujet constitue également un enjeu majeur. Comptez sur moi pour faire de l'Observatoire permanent de l'amélioration énergétique du logement un vrai « poil à gratter ». La campagne devrait être lancée en 2019 sur ce sujet ; il faudra bien la calibrer pour que cela ne soit pas trop technique. Enfin, nous devons échanger avec les points info énergie, qui sont les hussards de la rénovation énergétique et écologique sur le terrain. Est-ce encore un modèle performant aujourd'hui ? Que devons-nous faire différemment ? Prenons garde aux effets d'aubaine et aux démarchages abusifs, surtout pour les bouquets énergétiques et les bouquets de rénovation. Il faut que tout le monde joue le jeu : si quelque chose coûte 7 000 euros aujourd'hui, il ne doit pas coûter 12 000 euros demain au motif qu'il est financé différemment, avec des aides directes. Nous serons vigilants ; le confort thermique est un élément important pour préserver le pouvoir d'achat des populations concernées, mais également satisfaire nos obligations légales. Et surtout, la précarité énergétique touche encore beaucoup trop de monde dans notre pays.
S'agissant des friches industrielles, l'ADEME s'occupe de celles qui n'ont plus de propriétaire et de celles dont l'opérateur est insolvable ou a disparu, cas assez fréquent dans notre pays. La problématique doit être discutée avec le ministère de la cohésion des territoires. Nous savons où sont les terrains concernés, et quel est leur état de dépollution. Mais ce sont des dossiers qui prennent beaucoup de temps ; je connais le désir de construire des élus locaux, et je pense aussi qu'il est préférable de construire sur les friches plutôt que d'artificialiser les sols.
Cela étant, dans certains cas, il ne sera pas possible de construire. Il faut alors savoir comment nous allons dépolluer. Je milite pour une dépollution beaucoup plus naturelle. Il faut tenter des expériences, c'est aussi la raison pour laquelle je suis attaché aux relations avec l'Agence française pour la biodiversité. On peut également transformer les friches en espaces pour compléter des trames vertes ; c'est une solution à étudier. Parfois, il faut aussi leur rendre une vocation industrielle ou commerciale. Nous allons connaître une révolution du transport et de la logistique pour la desserte des grands centres urbains, et nous aurons besoin, pour assurer le fameux « dernier kilomètre », de villages logistiques beaucoup plus proches, parfois même à l'intérieur des zones urbanisées, pour empêcher les camions de 38 ou 44 tonnes de pénétrer en ville. L'ADEME a une mission historique sur ce sujet. Faudra-t-il entrer dans une logique différente pour l'avenir de ces friches ? C'est à discuter. En revanche, la création de zones franches ou d'incitations fiscales n'est pas du tout du ressort de l'ADEME.
Une des conclusions de la feuille de route pour l'économie circulaire est la volonté des Français d'évoluer en matière de recyclage, en particulier concernant les systèmes de consigne.
Certaines entreprises, comme Coveris, à Soustons, que j'ai eu l'occasion de visiter dernièrement, arrivent à fonctionner avec quasiment 70 % de matériaux recyclés locaux. Ce type de solution exige parfois de dépasser le seul aspect économique et concurrentiel, ou nécessite des investissements importants. Pour l'heure, l'ADEME participe au soutien de l'intégration de matières recyclées pour les plasturgistes et transformateurs avec le dispositif ORPLAST, et permet à ces filières d'être concurrentielles. Ce dispositif sera-t-il pérennisé ?
Un autre problème pour ces filières tient à la difficulté de se fournir en matériaux recyclés. En France, nous sommes en moyenne à 55 % de bouteilles recyclées, alors que ce taux peut atteindre 85 % en Allemagne, dans les pays scandinaves ou en Suisse, grâce aux systèmes de consigne. Pensez-vous que la mise en place d'un système de consigne généralisée permettrait d'améliorer ces performances ? Comment l'ADEME pourrait-elle y contribuer ?
M. Nicolas Hulot a indiqué le mois dernier avoir envisagé de mettre en place un système de consigne sur certains emballages, afin d'améliorer la collecte des déchets en France. Il a indiqué que le principe serait d'avoir le plus grand nombre de points de collecte possible, et que des acteurs privés et publics pourraient en assurer la gestion. En confiant à des acteurs privés une part de la collecte des déchets, ne risque-t-on pas de priver nos collectivités d'une source de revenus, au risque de les fragiliser un peu plus ?
Une hausse de la taxe sur les déchets, par le biais de la TGAP, a également été évoquée. Une fois de plus, le pouvoir d'achat de nos concitoyens en serait affecté. Quel est votre point de vue sur ce sujet ?
L'ADEME a récemment publié une étude vantant les mérites de la production d'énergies renouvelables par le monde agricole. Celles-ci auraient représenté, pour la seule année 2015, un chiffre d'affaires de 1,4 milliard d'euros. Il s'agit essentiellement de la méthanisation, du photovoltaïque, de la biomasse chaleur ou de la mise à disposition d'espaces pour l'installation d'éoliennes.
J'appelle votre attention sur la méthanisation. Avec 600 unités à ce jour en métropole, la France est loin de son voisin allemand qui en compte près de 9 000. Au-delà des avantages évidents de cette technique, certains agriculteurs sont confrontés à des difficultés qui tiennent à sa faible rentabilité ou au coût exorbitant des installations : plus de 1 million d'euros pour un méthaniseur.
Afin de permettre à nos agriculteurs de gérer au quotidien et de façon optimale leurs exploitations, pourriez-vous nous faire part de votre position sur le sujet ? Quelles réponses concrètes l'ADEME pourrait-elle apporter ?
Le 20 décembre dernier, dans cette salle, Mme Sophie Auconie et moi-même avons présenté notre rapport d'information sur l'application de la loi pour l'économie bleue. Lors de la législature précédente, vous avez été l'initiateur et le rapporteur de cette loi qui a été unanimement saluée par les acteurs privés et publics. Votre travail a tracé la route et fixé le cap pour accompagner une politique maritime ambitieuse, dont notre pays a grandement besoin.
Je connais, puisque nous avons tous les deux la chance de vivre sur le bassin d'Arcachon, votre attachement à la protection de l'environnement et votre volonté de porter ce formidable chantier qu'est la transition énergétique. Pouvez-vous nous préciser les actions que vous impulserez à la tête de l'ADEME afin de permettre le développement des énergies marines renouvelables ?
Monsieur Leroy, vous avez tenu des propos engagés sur les sujets qui vont concerner le futur président de l'ADEME. Je voudrais témoigner que ce ne sont pas des propos de circonstance : lors de la législature précédente, vous avez été parmi les députés les plus présents au sein de cette commission, pertinent sur ces sujets, et engagé sur la COP20 et la COP21. J'ai eu l'occasion de le vérifier, puisque j'étais le whip de l'ancien groupe d'opposition au sein de cette commission.
Merci d'avoir précisé votre intérêt pour la coordination au niveau local. Vous avez parlé des régions et des EPCI ; permettez-moi d'ajouter à cette liste les plans de protection de l'atmosphère (PPA). Beaucoup d'outils ayant permis d'améliorer la qualité de l'air dans notre pays sont nés de ces PPA. Merci d'avoir cité la vallée de l'Arve, comme ma collègue Mme Véronique Riotton de Haute-Savoie, en mentionnant le Fonds « air bois » ; rappelons également l'existence du Fonds « air industrie ». Nous vous attendons avec impatience dans ce qui est devenu le laboratoire de la qualité de l'air en France, même si nous sommes loin d'être la zone la plus polluée de France. Le Mont-Blanc fait la beauté et l'attractivité de notre territoire.
Enfin, je me permets de vous inviter, le 20 mars, à mon dernier Conseil national de l'air. Après dix ans, j'en laisse la présidence. Nous y parlerons de qualité de l'air intérieur, et vous y serez le bienvenu.
La nomination d'un nouveau président de l'ADEME a lieu à un moment charnière de refondation des mobilités du quotidien. L'ADEME est en effet appelée à jouer un rôle déterminant dans cette transition.
L'Agence a su faire preuve d'innovation et proposer de nouveaux modèles économiques pour développer les nouvelles mobilités durables dans les zones urbaines et périurbaines, où la densité de population est relativement importante. Cependant, le problème se pose en termes spécifiques dans les territoires ruraux et de montagne, qui demeurent fortement dépendants du modèle de la voiture individuelle. La thématique des changements de comportement en relation avec les nouvelles formes de mobilité fait partie des axes prioritaires et l'ADEME s'y est d'ailleurs positionnée.
À la veille de l'examen du projet de loi d'orientation sur les mobilités, quelles sont les pistes du futur président de l'ADEME pour le développement des mobilités durables dans les territoires enclavés ?
La territorialisation des financements de l'ADEME n'est-elle pas aujourd'hui une nécessité, afin que les acteurs des territoires puissent concevoir des plans de développement adaptés ?
Monsieur Leroy, une fois n'est pas coutume, permettez de vous dire à quel point j'ai apprécié que vous ayez mentionné les outre-mer dans votre propos liminaire.
Je souhaite vous interroger sur le traitement des véhicules hors d'usage (VHU) dans les régions d'outre-mer. Depuis 2014 et le rapport de M. Serge Letchimy, commandité par Mme Ségolène Royal, nous avons enregistré de gros progrès sur le terrain, notamment en matière de contrôles et de sanctions. Néanmoins, beaucoup de chemin reste à parcourir pour résorber ce fléau. Le résultat attendu n'est toujours pas atteint et le nombre réel de VHU sur le terrain est largement supérieur à celui qui a été comptabilisé. Au vu des gênes occasionnées par la pollution et des conséquences sur la santé publique, quel est votre regard sur ce problème ?
Le problème des véhicules hors d'usage existe aussi pour les bateaux de plaisance, dans la même proportion, mais de manière localisée à Saint-Martin et Saint-Barthélemy depuis le passage de l'ouragan Irma. Sur ce sujet, certains pensent que l'on peut dépolluer sur place et désosser ; des normes européennes imposent 85 à 90 % d'éléments recyclables sur les véhicules, mais cela ne concerne pas nécessairement cette partie du parc automobile. Je milite, si c'est un vrai problème de santé publique du fait des écoulements d'hydrocarbures latents, pour organiser un transport vers la métropole ou des sites proches des territoires ultramarins concernés capables de dépolluer et traiter correctement ces déchets. Mais le déplacement et les exportations de déchets sont fortement limités par les conventions internationales.
Je suis ouvert à cette solution. S'il faut mettre en place une opération d'envergure et rapporter une grande partie des véhicules industriels pour libérer du territoire, notamment de vieilles casses ou des décharges sauvages, il faut aborder la question. Je mets dans le même lot la question des navires de plaisance, qui posent un réel problème depuis le passage de l'ouragan Irma dans les territoires d'outre-mer. Je suis à l'écoute des solutions pragmatiques ; l'heure de l'expérimentation est passée, il faut une solution réelle et rapide.
Monsieur Saddier, je suis désolé, mais le 20 mars, je ne pourrais venir qu'à l'heure de la clôture… J'espère qu'il y aura à boire ! (Sourires.)
Vous allez bien récupérer quelques bouteilles dans les montagnes pour fêter votre départ, au bout de ces dix années de présidence ! Quoi qu'il en soit, je salue le travail que vous avez réalisé. Malheureusement, je ne pourrai pas être des vôtres car si je suis désigné, je serai dans les Hauts-de-France pour inaugurer un démonstrateur dans le cadre d'un projet que je vous invite à regarder de près : la « troisième révolution industrielle en Hauts-de-France ». Je serai néanmoins attentif aux conclusions de vos travaux, car j'ai été alerté par plusieurs députés sur la problématique de la qualité de l'air intérieur. C'est un débat que nous devons mener avant la discussion du projet de loi sur le logement, pour éviter de retrouver des problèmes que nous connaissons déjà. Votre collègue des Bouches-du-Rhône, Mme Pitollat, est assez active sur la question et nous avons prévu d'en parler.
Madame Panonacle, j'ai essayé de sortir de l'ornière le secteur des énergies marines renouvelables pour avancer sur cette question de manière dépassionnée. Un avis important du Conseil d'État est attendu dans les prochaines semaines. Je pense qu'il existe une réelle attente de tout le secteur, qui a eu le temps de mûrir et développer la réflexion. J'ai toujours milité pour une vraie filière française, notamment dans la maintenance. Un vrai système s'est développé dans les Pays-de-la-Loire ; des projets d'installations industrielles sur ces sujets existent aussi bien au Havre qu'à Cherbourg ; un nouveau projet vient d'être lancé par un consortium au large de Dunkerque, et nous en avons besoin.
Je fais partie de ceux qui ont toujours dit qu'il y avait une réelle compétitivité sur ces sujets, mais tout le monde doit garder à l'esprit ce qui a été signé en 2011, notamment concernant les tarifs de rachat. Il faut que nous avancions. La France a pris une avance technologique confortable en matière d'éolien flottant, nous devons être capables de suivre la ligne tracée. C'est ce que je disais à propos des stop-and-go réglementaires : si nous changeons à nouveau demain, nous ne nous en sortirons jamais. Je crois sincèrement que c'est un enjeu pour notre indépendance énergétique et pour notre capacité d'export. Nous avions développé deux fleurons industriels, qui sont toujours en France, mais plus sous pavillon français. Il faut continuer sur cette question, et si je suis désigné président de l'ADEME, j'y serai toujours favorable. J'entends également les pêcheurs. Il faut prendre en compte la question de la biodiversité marine. Quelques questions se posent aussi pour les oiseaux, mais je pense que chacun y est allé de son idée pour ralentir ou empêcher le développement de ces projets. Néanmoins, nous devons éviter les incidences qu'ils pourraient avoir sur certaines zones de frai.
S'agissant de la consigne, nous suivons la question de près. Des expérimentations sont en cours et le sujet est bien suivi par Mme Brune Poirson, secrétaire d'État chargée de la transition écologique et solidaire. La logique de l'ADEME est le partenariat, et nous pouvons envisager un partenariat sur ce sujet avec la grande distribution ou ces petits points de vente qui reviennent dans les villes, comme nous avons pu le faire contre le gaspillage alimentaire. Notre génération a connu les brasseurs qui venaient récupérer les bouteilles consignées, je pense que ce n'est plus du tout la culture d'aujourd'hui.
En Allemagne et au Danemark, les logiques sont différentes. Comment travailler avec la multiplication des types de flacons, qui ne sont pas toujours recyclables, ou alors recyclables au prix fort, en énergie ou en eau ? Tout cela se négocie avec les industriels ; c'est ainsi en tout cas que je vois les choses. Plus nous travaillerons en partenariat, plus nous serons capables d'entraîner les gens. Si nous édictons des interdictions et des obligations de manière frontale, nous allons nous retrouver avec bien des difficultés. Et vu le prix du mètre carré – car il faut bien stocker les bouteilles consignées – il y aura des problèmes de concurrence entre l'espace dédié à la consigne et celui consacré à la réserve de la supérette.
En ce qui concerne la TGAP, nous nous battons tous pour pousser au recyclage, à la réutilisation et à la mise en place de procédés qui permettent d'intégrer des matériaux recyclés et de travailler sur l'écoconception. Mais tout cela a un coût, notamment en recherche et développement et en temps. Il est donc important de mener une réflexion sur le destin ultime de certains emballages. Qu'en faisons-nous ? Et revient-il à la communauté de supporter ad vitam aeternam certains types d'emballages, dont nous savons qu'ils peuvent être remplacés par d'autres ?
Ce débat doit se tenir et l'ADEME fournira des données en matière de volume et de rentabilité éventuelle. Ce sera un élément important dont il faudra parler avec les filières à responsabilité élargie des producteurs. Il faudra aussi porter ce débat au niveau européen, car avec le marché commun et la libre circulation des biens, certains individus viendront certainement vous voir dans vos bureaux en vous menaçant de ci ou ça, prétendant que l'Europe impose une solution, comme j'en ai fait l'expérience. À ceci près qu'en Europe, c'est la Cour de Justice de l'Union européenne qui dit le droit – ne tombez pas dans le panneau si l'on vous dit que c'est interdit par Bruxelles ! C'est pourquoi il est important que l'ADEME soit présente à Bruxelles : pour partager ses expertises, faire valoir le point de vue français, et bénéficier de retours d'expertises : la DENA (Deutsche Energie-Agentur), en particulier, a peut-être suivi de près la réintroduction de la consigne. Je suis de l'avis de discuter avec nos partenaires européens pour avancer, car la transition énergétique et écologique doit être française, mais aussi et surtout européenne, pour que nous puissions entraîner, par notre exemplarité, l'ensemble du monde. Nous sommes attendus.
Merci, monsieur Leroy, pour ces échanges. Nous allons vous demander de bien vouloir nous laisser afin de procéder aux opérations de vote.
Après le départ de M. Arnaud Leroy, il est procédé au vote sur la nomination par appel nominal à la tribune et à bulletins secrets, les scrutateurs d'âge étant M. Jean-Marc Zulesi et Mme Laurianne Rossi.
Les résultats du scrutin, dépouillé à l'issue de l'audition de M. Arnaud Leroy par la Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, sont les suivants :
Nombre de votants | 40 |
Bulletins blancs ou nuls | 0 |
Abstention | 5 |
Suffrages exprimés | 35 |
Pour | 35 |
Contre | 0 |
——²——²——
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 7 mars 2018 à 9 h 30
Présents. - Mme Bérangère Abba, M. Christophe Arend, Mme Sophie Auconie, Mme Valérie Beauvais, M. Jean-Yves Bony, M. Christophe Bouillon, Mme Pascale Boyer, M. Guy Bricout, Mme Danielle Brulebois, M. Fabrice Brun, M. Stéphane Buchou, M. Lionel Causse, M. Jean-François Cesarini, M. Jean-Charles Colas-Roy, M. Paul-André Colombani, Mme Yolaine de Courson, M. Vincent Descoeur, Mme Jennifer De Temmerman, M. Jean-Baptiste Djebbari, M. Loïc Dombreval, M. Bruno Duvergé, M. Olivier Falorni, M. Jean-Luc Fugit, M. Guillaume Garot, Mme Sandrine Josso, Mme Stéphanie Kerbarh, M. Jacques Krabal, M. François-Michel Lambert, Mme Florence Lasserre-David, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Sandrine Le Feur, M. Stéphane Le Foll, Mme Aude Luquet, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Emmanuel Maquet, Mme Sandra Marsaud, M. Gérard Menuel, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Bruno Millienne, M. Adrien Morenas, M. Matthieu Orphelin, M. Jimmy Pahun, M. Ludovic Pajot, Mme Sophie Panonacle, Mme Mathilde Panot, Mme Zivka Park, M. Alain Perea, M. Patrice Perrot, Mme Barbara Pompili, M. Loïc Prud'homme, Mme Véronique Riotton, Mme Laurianne Rossi, M. Martial Saddier, Mme Nathalie Sarles, M. Jean-Marie Sermier, M. Gabriel Serville, M. Vincent Thiébaut, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, M. Pierre Vatin, M. Michel Vialay, M. Hubert Wulfranc, M. Jean-Marc Zulesi
Excusés. - Mme Nathalie Bassire, Mme Bérangère Couillard, M. Yannick Haury, M. David Lorion, M. Bertrand Pancher, M. Thierry Robert
Assistaient également à la réunion. - M. Éric Alauzet, M. Julien Aubert, Mme Delphine Batho, M. Jean-Pierre Vigier