Effectivement, nous avons longtemps adapté la menace à la dépense, plutôt que la dépense à la menace. Ces 2 %, qui représentent déjà un effort important, garantissent notre autonomie stratégique et nous permettent de tenir nos engagements internationaux, tout en nous situant dans la moyenne mondiale des dépenses militaires. Je vous l'accorde, cependant, nous ne devons pas rester butés sur le chiffre des 2 %.
Je reviendrai lors de l'examen des articles sur les frustrations que peut provoquer la LPM, en m'efforçant d'éviter tout discours aseptisé : je vous le dois et nous le devons à nos soldats.
S'agissant de la réintégration du coût des opérations extérieures dans le budget de la défense, il faut être lucide : un attentat en France fait plus pour ce budget, dans l'opinion publique, que 150 rapports rédigés par de grands spécialistes, comme me l'ont montré mes auditions ; mais, le jour où l'adhésion populaire en faveur des opérations extérieures n'est pas là, la réintégration de ces coûts permet précisément d'éviter tout effort interministériel pour trouver des financements, effort alors difficile à obtenir. Néanmoins, l'effort budgétaire global se trouve amoindri du fait de cette réintégration.
Mieux aurait valu que l'augmentation soit lissée sur toute la durée de la LPM, plutôt de prévoir un bond des dépenses lors de la prochaine législature. Le Président de la République a cependant fait preuve de courage politique en demandant que la loi de programmation soit revue en 2021, année qui précédera la prochaine élection présidentielle. Il marque ainsi sa volonté qu'on puisse s'interroger sur la trajectoire financière de la loi de programmation militaire : nous serons saisis de la question. Il fait ainsi preuve d'audace.
L'augmentation du budget à partir de 2023 nous conduit à nous interroger sur les efforts à fournir pour le renouvellement de nos forces conventionnelles et nucléaires. Pour les premières, il doit être constant ; pour les secondes, un effort supplémentaire doit avoir lieu tous les trente ans. Or, il ne fait qu'être repoussé année après année. Créées dans les années 1960, nos composantes nucléaires furent renouvelées dans les années 1990 et nous arrivons maintenant à l'échéance 2020. Reporter constamment l'effort nuit à la crédibilité de nos équipements. Un incident nucléaire avec l'un de nos sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) serait impossible à assumer. La rénovation de notre force nucléaire nous place donc devant un véritable enjeu.
Les chiffres du nucléaire sont entourés d'une immense confidentialité. M'étant battue pour avoir des données, y compris auprès du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), je me demande, en tant qu'élue de la nation, si les gens avertis ne pourraient pas être plus nombreux. En effet, il faut bien contrôler la trajectoire budgétaire. Ainsi, à partir de 2023, l'effort à consentir en faveur du nucléaire induira sans doute des débats sur le renouvellement de nos composantes à l'horizon 2035-2040, lequel se prépare longtemps en amont.