Intervention de Laetitia Saint-Paul

Réunion du mercredi 7 mars 2018 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaetitia Saint-Paul, rapporteure pour avis :

Je n'aime pas trop raconter ma vie mais, en l'occurrence, cela pourrait vous éclairer. Lorsque je me suis installée dans mon petit village de Turquant en 2014, j'ai souhaité m'impliquer dans la vie de la commune qui m'avait très bien accueillie – nous, militaires, sommes souvent très mobiles et j'arrivais d'Allemagne. Souhaitant devenir membre du conseil municipal, j'ai épluché le statut général des militaires et j'y ai vraiment constaté une certaine schizophrénie. Ainsi, il est interdit aux militaires d'adhérer à un parti, sauf en période de campagne électorale… De même, les militaires, n'étant pas des prisonniers de droit commun, ont le droit de se présenter à toute élection mais leur élection entraîne un détachement sans solde pour exercice de mandat électif. Réaliste lorsqu'il s'agit d'un mandat de député, de conseiller régional ou de conseiller départemental, cette disposition cesse de l'être dans le cas d'un conseiller municipal, au mandat bénévole. J'ai compensé cette déception en m'impliquant dans le milieu associatif local, et j'ai contacté un officier de la marine qui, lui, avait franchi le pas. L'élection de ce capitaine de vaisseau avait créé un précédent, et le Conseil constitutionnel – qu'il avait saisi par voie de question prioritaire de constitutionnalité en se fondant sur l'article de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui dispose que la loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société – lui a donné gain de cause en 2014, déclarant inconstitutionnelles les dispositions en questions. Le Conseil a en outre demandé au législateur de régler la question avant les prochaines élections municipales, qui doivent se tenir en 2020.

En soulevant le problème, je voulais plutôt, chers collègues, vous éclairer en vue des débats qui auront lieu dans l'hémicycle et sensibiliser la commission de la défense nationale et des forces armées, car la question est de sa responsabilité, non du ressort de notre commission. Évidemment, l'indemnité est méritée, et, souvent, elle ne fait que couvrir les frais des élus locaux.

Oui, je suis précurseure, et mon élection a pu susciter certaines incompréhensions : « Ah bon ? Nous avons le droit ? » La culture d'un corps n'évolue pas toujours au rythme des événements, et la question est d'une grande complexité : il y a les attentes des militaires, le fait que l'armée est dans la nation – pourquoi parle-t-on de lien entre l'armée et la nation ? L'armée est dans la nation ! –, des considérations philosophiques, l'obligation de neutralité, l'obligation de disponibilité absolue, un engagement « en tous temps et en tous lieux », et la participation à la vie de la cité.

La portée symbolique me paraît forte, mais je ne suis pas entrée dans les plus fines subtilités du droit électoral, l'organisation des municipalités et les différents seuils. Je me suis contentée de regarder les droits dont jouissent les citoyens européens sur notre sol, et j'ai proposé un doublement du seuil concerné pour faire un appel du pied à la commission de la défense, dans l'espoir qu'elle aille plus loin. Je voulais avant tout vous sensibiliser.

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